La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons ce soir autour du projet de loi garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites. Puisque la commission mixte paritaire a échoué, le texte que nous allons examiner ensemble est donc celui que vous avez adopté en première lecture.
Je ne ferai pas de présentation exhaustive de ce projet de loi, que vous connaissez bien désormais, pour en avoir débattu pendant une semaine. Je voudrais simplement en rappeler les grandes lignes et donner quelques clés de lecture de notre démarche.
En présentant ce projet, nous avons la volonté ferme de préserver notre système de retraites par répartition et de conforter notre pacte social. Notre pays, ce n’est pas un mystère, connaît une crise économique importante depuis 2008. Avec elle sont apparus des discours qui remettent progressivement en cause l’utilité, ou du moins le caractère extensif, de notre système social. Il faudrait, nous dit-on, responsabiliser nos concitoyens face au système social pour dégager des économies, compte tenu de cette crise à laquelle nous sommes confrontés.
De ce point de vue, nos débats sont éclairants : au Sénat comme ici, à l’occasion de certains amendements, on s’aperçoit que certains défendent l’idée d’un système de retraites par capitalisation, au moins partiel, comme manière de répondre aux difficultés financières auxquelles se heurte notre système de retraites par répartition.
Ce choix de la capitalisation et de la responsabilisation individuelle face à l’avenir et à la retraite, nous le refusons, car il est clair que d’autres options existent, qui permettront de préserver notre pacte social.
La droite, je dois le dire, est fidèle à elle-même.
La réforme qu’elle a présentée en 2010, qui devait être la dernière et sauver notre système de retraites, a fait reposer l’essentiel de l’effort sur le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Aujourd’hui, de manière cohérente, la droite a exactement le même projet : repousser l’âge légal à 65 ans serait, à l’entendre, la seule et unique solution pour faire face aux défis de l’avenir. De nombreuses interventions ont été faites dans ce sens en première lecture.
Nous réaffirmons l’opposition du Gouvernement à cette démarche, comme nous avions affirmé, à l’époque, notre opposition à la réforme portée par le gouvernement précédent. Pour nous, la réforme des retraites ne peut être synonyme de régression sociale. C’est la raison pour laquelle nous faisons le choix de proposer un texte qui assume clairement la nécessité de rétablir les équilibres de justice dans notre système de retraites par répartition, à travers de très nombreuses mesures.
Je pense d’abord aux mesures concernant la pénibilité : 4 millions de nos concitoyens sont confrontés à des situations de pénibilité au travail et nous devons à l’évidence en tenir compte.
Je pense aussi à la situation des femmes, trop souvent ignorée lors des réformes précédentes. Si à l’évidence le système de retraites ne peut réparer l’ensemble des injustices accumulées par les femmes tout au long de leur carrière, il importe au moins qu’il ne vienne pas aggraver ou accentuer les inégalités qu’elles subissent.
Je pense, enfin, à la situation des jeunes, qui doit être le fil conducteur de nos ambitions puisque ce sont ceux qui expriment le plus fortement leur défiance ou leur incertitude à l’égard de notre système social et de retraites. Si nous voulons que les idées de cohésion et de solidarité qui fondent notre pacte social ne s’éteignent pas, nous devons apporter des réponses responsables quant à notre capacité de faire vivre ce système dans la durée.
C’est la raison pour laquelle nous devons assumer clairement d’apporter des solutions au déficit financier que connaissent nos régimes de retraites : 20 milliards d’euros en 2020 et un peu plus de 26 milliards en 2040. Il ne serait ni responsable, ni juste envers les jeunes générations de laisser se maintenir et se creuser ce déficit. C’est pourquoi nous mettons en avant à la fois des mesures de court terme, qui doivent permettre de financer nos régimes jusqu’en 2020, et des mesures structurelles de long terme, qui reconnaissent l’allongement de l’espérance de vie et doivent permettre de faire travailler un peu plus longtemps celles et ceux qui vont avoir la chance de vivre plus longtemps.
Encore une fois, et ce sera ma conclusion, la réforme du Gouvernement veut articuler de manière étroite les enjeux de financement et les enjeux de justice. Nous assumons, je le répète, de promouvoir l’allongement de la durée de cotisation dans un pays qui peut s’enorgueillir de connaître un allongement important de son espérance de vie. Mais nous ne pouvons, dans le même temps, ignorer les inégalités qui existent face à cette espérance de vie, et il est donc juste et légitime de faire en sorte que la durée de cotisation ne soit pas la même pour l’ensemble des salariés, et que celles et ceux qui ont connu, pour des raisons personnelles ou professionnelles, des carrières plus difficiles, puissent partir en retraite plus tôt et bénéficier d’un soutien tout au long de leur carrière professionnelle, à travers par exemple des projets de formation et de reconversion professionnelle. C’est l’idée d’une meilleure prise en compte des parcours individuels qui anime fondamentalement cette réforme.
Exigence de responsabilité financière, exigence de responsabilité sociale : voilà ce que le Gouvernement propose. Je ne doute pas que nos débats seront approfondis et enrichissants. En tout cas, en proposant cette réforme, le Gouvernement a marqué un cap et proposé un équilibre et il reste attaché, à l’occasion de cette nouvelle lecture, à ce cap et à cet équilibre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, nous voici réunis pour une nouvelle lecture de ce projet de loi de réforme des retraites.
Je regrette que le Sénat n’ait pas joué pleinement son rôle dans cette réforme. L’examen du texte y a donné le résultat que l’on sait : quatre articles seulement sur les cinquante-deux que comprenait le texte après la première lecture à l’Assemblée ont été votés conformes. Tous les autres ont été rejetés, et je le déplore. Certaines collusions curieuses ont fait disparaître l’allongement de la durée de cotisation et même la pénibilité : voilà un spectacle auquel nous aurions préféré ne pas assister…
Peu importe, c’est la règle démocratique. Le Sénat a fait comme il l’entendait et il nous revient maintenant, après l’échec de la CMP, qui allait de soi, d’examiner ce projet de loi en nouvelle lecture. Elle sera peu différente de la première, puisque nous repartons du texte adopté ici même il y a quelques semaines, qui nous est donc familier.
Cette nouvelle lecture me donne l’occasion de refaire la pédagogie de la réforme. Je voudrais d’abord saluer la méthode exemplaire qui a été adoptée : cette réforme, qui avait été présentée dans les médias comme difficile et qui semblait devoir être un mauvais moment pour le Gouvernement cet automne, s’est finalement passée normalement, en partie, sans doute, grâce à la maturité des Français. Je veux saluer la méthode du Gouvernement, qui a travaillé à cette réforme pendant un an, de manière satisfaisante.
La conférence sociale du mois de juillet 2012 a marqué le début de la discussion avec les organisations syndicales, les deux rapports du Conseil d’orientation des retraites de décembre 2012 et janvier 2013 ont fait un état des lieux précis de notre système de retraites, et le rapport Moreau, qui a beaucoup fait parler, parfois à tort, a eu le mérite d’impliquer la France entière dans le débat sur les retraites. L’été dernier, à nouveau, les organisations syndicales ont pris part non pas à une négociation, car ce n’était pas l’objectif, mais à une concertation qui a parfaitement produit ses effets.
Mais cette réforme est surtout, et je veux le rappeler à ceux qui en doutent encore, nécessaire. Nous n’avions pas d’autre choix que de faire cette réforme. Nous étions dans une situation difficile, liée certes à la crise, mais surtout à ce déficit structurel que l’on connaît bien.
Notre rythme annuel de déficit est de 5 à 7 milliards d’euros depuis 2005 et nous savions où cela allait nous mener, le rapport Moreau l’ayant très bien chiffré : 20 milliards d’euros de déficit en 2020. Il fallait donc absolument faire cette réforme afin de sauver notre retraite par répartition, puisque tout le monde s’accorde à dire qu’elle a encore du sens dans notre système de retraite.
Cette réforme était rendue plus urgente encore par le fait que celle de 2010 avait imaginé un financement tellement provisoire qu’il était nécessaire d’y revenir. En tout cas, elle n’aurait pas rempli ses objectifs, qui se limitaient déjà à rétablir l’équilibre en 2018. Il fallait donc la reprendre.
À ces éléments s’ajoutent des arguments de fond. Le premier est l’augmentation de l’espérance de vie, ce qui est heureux pour nos concitoyens. Aujourd’hui, l’espérance de vie à 60 ans est de vingt-deux ans pour les hommes. Elle passera à vingt-cinq ans d’ici 2040, et à trente ans pour les femmes. Cela fait que la retraite dure plus longtemps, et que nous comptons de plus en plus de retraités : ils sont 16 millions aujourd’hui et seront plus de 20 millions à l’horizon 2040.
Rappelons aussi la bosse démographique du papy-boom, cette génération nombreuse qui comptera près de 900 000 départs à la retraite. Ces gens nés entre 1945 et 1975 commencent à arriver à la retraite maintenant, et encore pour les trente prochaines années. Cette longue bosse aurait été difficile à absorber.
C’est pour cela qu’il fallait faire des choix, après avoir écouté les partenaires sociaux. Le Gouvernement les a faits dans le souci de l’équilibre et de la justice qui caractérise ce texte.
Cet équilibre se traduit par les efforts qui ont été demandés à chacun des acteurs de la retraite : les employeurs, les salariés et les retraités. Même si ces derniers sont en situation de retraite, ils ne peuvent pas se désintéresser du sort des générations qui sont aujourd’hui en train de payer leurs pensions. Des mesures devaient être prises. Elles se sont traduites par des efforts partagés, par le biais de cotisations modérées : 0,15 % puis trois fois 0,05 %, pour en arriver donc en 2017 à une cotisation de 0,3 % pour les salariés et pour les employeurs. Pour les retraités, qui ne sont plus soumis à cotisation, il a été décidé de décaler la revalorisation des pensions de six mois, sauf pour les bénéficiaires du minimum vieillesse, et de fiscaliser la majoration de 10 % attribuée à ceux qui ont eu trois enfants.
À moyen terme, le relais est pris par l’allongement progressif et modéré de la durée de cotisation, à hauteur d’un trimestre tous les trois ans à partir de la génération de 1958, pour arriver à 43 annuités de cotisation pour la génération 1973, qui atteindra cet âge en 2035. Nous le voyons : cette réforme est progressive, modérée et pas très différente des quarante et une annuités et demie qui prévalent aujourd’hui.
Une autre innovation de ce projet, qui pourra peut-être nous éviter de futures réformes douloureuses, telles que celles que nous avons connues ces dix ou quinze dernières années, est la création d’un comité de suivi des retraites. Nous l’avons amélioré ici même, et je félicite à cette occasion les parlementaires pour leur travail en commission. Nous avons réalisé ce travail avec le Gouvernement et avons pu améliorer le dispositif, en particulier à l’article 3. La commission a en effet rajouté des missions au comité de suivi des retraites, qui devra porter un regard particulier sur les petites pensions, sur l’espérance de vie en bonne santé, sur le taux de chômage des jeunes et des seniors, sur le besoin de financement et sur les choix possibles en cas de retour à une meilleure fortune de nos systèmes de retraite. Ce comité de suivi pourra rendre des recommandations au Gouvernement, qui sera bien inspiré de les suivre annuellement et de prendre les mesures qui s’imposent si nécessaire.
Rappelons également que la gouvernance du système devient plus lisible pour nos concitoyens. Un groupement d’intérêt public inter-régime va être créé, notamment pour les polypensionnés, qui ont des retraites multiples parfois difficiles à agglomérer et à calculer. Ces modes de calcul seront harmonisés entre le régime général, le RSI et la MSA. Un guichet unique sera à la disposition de ceux qui voudront se renseigner ainsi qu’un compte unique pour chacun des futurs retraités et un simulateur en ligne pour suivre les retraites. Ces améliorations sensibles permettront de sortir de l’opacité qui est parfois dénoncée.
Au-delà de ces éléments, je veux citer les mesures de justice de cette réforme. Elles ont largement été abordées, je serai donc bref. La mesure phare de cette réforme concerne la pénibilité. Il s’agit finalement d’un concept assez simple : des points sont accumulés lors des périodes d’exposition. Il sera obligatoire de les convertir d’abord en périodes de formation, afin d’essayer de sortir de la pénibilité. Et il sera possible de partir en retraite deux ans plus tôt pour ceux qui auront exercé un travail pénible pendant au moins vingt-cinq ans. Nous le devons à tous ceux qui ont un travail particulièrement pénible.
Sur cette question aussi, le texte a évolué profondément en commission, et j’en remercie les parlementaires. Les changements portent sur la possibilité de prendre un temps partiel à tout moment, sur la dispense de formation à l’âge de 52 ans ou sur le rôle du CHSCT, du CE et des délégués du personnel. La prescription a aussi été portée de deux ans à trois ans.
S’agissant des femmes, le travail de Mme Coutelle, que je salue, a permis de faire avancer des choses. Des avancées majeures ont eu lieu, comme sur les 150 heures de SMIC. Les promesses d’autres avancées majeures figurent dans les rapports essentiels sur les droits familiaux et conjugaux, qui continueront à améliorer la situation des femmes.
Cette réforme n’est pas une réforme anti-jeunes, comme on l’entend parfois. L’apprentissage est pris en compte, ce qui permettra à beaucoup de ceux qui démarrent tôt leur carrière de valider des trimestres d’apprentissage, et même de rattraper des trimestres depuis 1972. Des rachats de stages seront possibles, et la possibilité de rachat sera prolongée jusqu’à dix ans.
S’agissant des carrières heurtées, la formation professionnelle et les périodes de chômage seront mieux prises en compte, et le minimum contributif sera porté à 1 120 euros. Pour les handicapés également, des mesures majeures sont prévues, notamment ramener de 80 % à 50 % le taux d’invalidité. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sera conservée jusqu’au 31 décembre 2015. Pour les agriculteurs aussi, des mesures importantes ont été décidées.
En conclusion, nous avons fait une belle réforme des retraites, structurante. Nous avons eu la volonté d’aboutir à un équilibre, et de le pérenniser. Nous avons également voulu une réforme équilibrée, qui exige de chacun des efforts modérés. C’est enfin une réforme juste qui comprend des avancées sociales comme nous n’en n’avons jamais vues jusqu’alors dans une réforme des retraites. Dans ces conditions, le groupe SRC s’honorera de voter très majoritairement, je l’espère à l’unanimité, cette belle réforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Denis Jacquat.
Depuis exactement vingt ans, toutes les réformes qui ont été conduites pour pérenniser les régimes de retraites l’ont été par des gouvernements de droite. Des mesures ayant un impact fort, que ce soit en termes financiers, de justice sociale ou d’équité, ont ainsi été prises régulièrement en 1993, 2003, 2008 et 2010.
La réforme de 2010, dont la mesure majeure reposait sur le report de l’âge légal de départ en retraite, a puissamment contribué à réduire les déficits attendus puisque, d’après les calculs de la CNAV, dès 2018 ce sont 75 % des assurés qui auraient décalé leur départ en retraite. Au total, l’ensemble de ces réformes a eu un impact positif pour les régimes de retraite, estimé par le Conseil d’orientation des retraites à 3,5 points de PIB en 2020 et près de 6 points de PIB en 2030.
Outre l’impact financier, les réformes menées depuis 1993 ont conduit à un renforcement de l’équité avec notamment des mesures de convergence entre le secteur public et le secteur privé, des mesures liées aux carrières longues et la création d’un dispositif pour la pénibilité.
Face aux effets de la crise, il faut poursuivre l’adaptation de notre système de retraites. Dès que la conjoncture l’a exigé, nous avons agi. Ainsi, en 2011, le rythme de montée en charge de la réforme de 2010 a été accéléré. Par comparaison, en 2012, alors que la crise économique continuait de sévir, François Hollande a rétabli partiellement le départ à la retraite dès 60 ans, pour un coût de l’ordre de 1,1 milliard d’euros en 2013, en renchérissant le coût du travail et en attaquant le pouvoir d’achat.
Cette dernière décision a été prise à rebours des réformes menées précédemment pour encourager nos concitoyens à travailler plus longtemps, dans un contexte démographique marqué par un vieillissement de la population, principalement en bonne santé.
Compte tenu de la persistance de la crise, le rendez-vous de 2013, prévu dès la loi de 2010, devait plus que jamais être honoré. Les Français y étaient d’ailleurs prêts : ainsi, le sondage IFOP-Les Échos-Accenture d’avril 2013 a montré que 66 % d’entre eux estimaient qu’il était nécessaire de continuer à réformer les retraites, et que 80 % considéraient qu’il fallait une vaste réforme pour repenser le système en fusionnant les régimes. Or, le rendez-vous d’aujourd’hui est un faux rendez-vous. Ce projet de loi n’est pas une réforme, mais une non-réforme. C’est un texte Hollande-Ayrault, simple habillage d’une hausse des impôts et des charges.
Il y a une amnésie totale. N’oublions pas que le Conseil d’orientation des retraites chiffre à environ 21 milliards d’euros les besoins de financement de l’ensemble des régimes d’ici 2020. Dans ce déficit, les deux plus gros déséquilibres sont constitués par le financement des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO et par le financement des retraites des fonctionnaires.
Les partenaires sociaux ont trouvé un accord pour réduire de moitié le déficit de l’AGIRC-ARRCO prévu à l’horizon 2020, alors que le Gouvernement, responsable des autres composantes, n’a été capable, depuis son arrivée au pouvoir, que de procéder à des hausses d’impôts et de charges pesant toujours plus sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Ainsi, les déséquilibres concernent moins le régime général que les régimes du public. Il est dommageable que les ménages et les entreprises soient amenés à faire des efforts supplémentaires au motif que l’État est défaillant pour assurer la retraite de ses agents.
Si les grands principes des réformes de 2003 et 2010 sur les mesures d’âge sont maintenus, alors que les socialistes avaient bruyamment manifesté leur opposition à l’époque, c’est, dans ce cas précis, au prix d’une hypocrisie flagrante. En effet, si le principe d’une répartition des gains d’espérance de vie entre durée du travail, et donc de cotisation, et retraite, principe posé dès 2003, est poursuivi jusqu’en 2035, il ne s’accompagne pas, en revanche, d’un décalage de l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, si la durée de cotisation passe à quarante-trois ans, celui qui a commencé à travailler à 23 ans devra partir à 66 ans pour avoir sa retraite complète alors que l’âge légal sera resté à 62 ans. C’est prendre le risque que des Français partent à cet âge-là, avec une décote et donc une baisse significative du niveau de leur pension. Procéder comme le fait le Gouvernement revient donc à choisir la mesure d’allongement du travail la plus néfaste pour le pouvoir d’achat des retraités, et surtout la moins efficace financièrement.
Le rejet de ce texte « Canada-dry » est nécessaire pour de multiples raisons. Tout d’abord, cette réforme est sous-calibrée : elle cible l’effort sur les 7 milliards d’euros de déficit du régime général, alors qu’il faut trouver presque 21 milliards pour combler les déficits de tous les régimes.
On constate aussi une régression sur la convergence : les cotisations des fonctionnaires n’augmenteraient pas au même rythme que celles des autres actifs, au motif que le taux de cotisation des fonctionnaires croît déjà progressivement pour s’aligner d’ici 2020 sur le taux de 10,55 % applicable aux actifs.
Par ailleurs, le financement du paquet social reste flou, voire insuffisant. Le Gouvernement estime à 2,5 milliards d’euros le coût de la pénibilité en 2040 alors que le financement escompté s’élève à seulement 800 millions d’euros à la même date, par le biais de deux nouvelles cotisations employeurs.
De multiples autres raisons justifient le rejet de ce texte. Ce projet de loi contient des mesures anti-pouvoir d’achat plutôt que des mesures courageuses sur le travail. Les cotisations des actifs croissent, alors qu’elles ont déjà été augmentées pour financer le retour de la retraite à 60 ans. De même, l’impôt des retraités augmente, alors que ces derniers financent déjà la taxe de contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite et d’invalidité, qui avait été votée dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013. Pire, avec la fiscalisation des bonus pour trois enfants, il existe un risque important de faire basculer de nombreux retraités dans l’impôt sur le revenu.
Ce projet de loi comprend également des mesures anti-compétitivité, au mépris de nos engagements européens. Alors que le Gouvernement a augmenté de près de 17 milliards d’euros les impôts des entreprises en dix-huit mois, il prévoit de leur demander 2,2 milliards d’euros d’efforts supplémentaires au titre des cotisations et 500 millions au titre de la pénibilité d’ici 2020. Alors que la France vient de perdre deux places au classement de l’indice global de compétitivité établi par le forum mondial de Davos, elle ne tient absolument pas compte des conditions qui lui ont été imposées par Bruxelles en juillet pour réduire son déficit, parmi lesquelles figuraient notamment la non-augmentation des cotisations et la nécessité de bornes d’âge.
Une fois ce texte rejeté, madame la ministre, il sera nécessaire d’étudier trois axes.
Le premier concerne l’évolution de l’âge légal de départ à la retraite. Il faut poursuivre l’effort initié en 2003 et 2010 en prolongeant le report de l’âge légal de départ à la retraite, pour atteindre progressivement 65 ans.
Le deuxième axe est le renforcement de l’équité entre le secteur public et le secteur privé. Nous devons harmoniser les règles de constitution et de liquidation des pensions du privé et du public et poursuivre le processus de convergence des régimes spéciaux, tant en matière d’âge que de taux de cotisation.
Le troisième axe est la réalisation de l’acte II de l’épargne retraite, afin d’améliorer la lisibilité des différents produits d’épargne retraite individuels et d’harmoniser les produits existants.
La question de la pénibilité au travail doit être traitée sous l’angle de la santé au travail. Quel que soit le type de travail, chaque salarié doit, dès sa première seconde d’activité, être pris en charge dans le sens d’une prévention de l’exposition à des facteurs de pénibilité. La création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, dont les objectifs concilient prévention et réparation, doit être revue, car son application dans nombre de PMI-PME, et surtout dans les TPE, est quasiment impossible pour de multiples raisons, notamment organisationnelles.
La lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes a également été l’un de nos combats, plus particulièrement dans la loi de 2010. Les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes résultent des inégalités pendant leur vie professionnelle. Aussi, dans le cadre des retraites, et plus particulièrement des retraites par répartition, il convient de continuer à lutter en ce sens.
En conclusion, madame la ministre, ce texte n’est qu’un emplâtre destiné à tenir le temps des élections municipales, cantonales et régionales.
Je l’avais déjà dit en première lecture, et vous n’aviez pas réagi… C’est étonnant !
L’UMP, qui a toujours eu le courage de faire avancer les réformes sans tabous,…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…sait très bien que ce texte n’est que de très court terme. Le sujet des retraites nécessite du sérieux et des mesures de long terme. Le texte que propose le Gouvernement est à la fois inopérant, irresponsable et dangereux. Aussi, mes chers collègues, je compte sur votre sagesse : il faut le rejeter !
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues : notre appréciation n’a évidemment pas changé depuis la première lecture. Nous continuons de penser qu’il s’agit d’un texte de régression sociale, mais pas pour les raisons que Denis Jacquat vient d’exposer à cette tribune. Par conséquent, nous nous abstiendrons lors du vote sur cette motion de rejet préalable.
Ainsi, notre appréciation n’a pas changé. Oui, il s’agit d’un texte de régression sociale, qui repoussera de fait l’âge réel de départ à la retraite à 66 ou 67 ans, voire plus, comme le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu en première lecture. Il imposera à de nombreux salariés, déjà usés par des conditions de travail extrêmement difficiles, un allongement de leur durée de cotisation. Il se traduira, pour nombre de salariés qui ne pourront pas réunir les conditions fixées, par une baisse importante du montant des pensions.
Enfin, comme nous aurons l’occasion de l’expliquer tout au long du débat, l’effort demandé par la réforme qui nous est proposée porte exclusivement sur les salariés et sur les retraités. C’est en particulier le cas pour l’article 4 du projet de loi, nous y reviendrons dans le détail.
Si notre groupe dénoncera tout au long de ce débat ce qui lui paraît particulièrement injuste, nous aurons aussi à coeur de proposer une alternative et de montrer qu’un autre financement de notre système de retraites par répartition et à prestations définies est possible, grâce à un autre partage des richesses.
La parole est à Mme Linda Gourjade, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites revient dans notre hémicycle pour une nouvelle lecture. Les arguments énoncés par l’opposition pour nous convaincre de le rejeter ont été entendus au cours des débats précédents dans cet hémicycle, et largement repris au Sénat.
Au Sénat, le texte a été massivement amputé de ses mesures de financement et de justice, comme celles relatives au compte personnel de prévention de la pénibilité. Entièrement dénaturé, ce projet de loi avait perdu sa cohérence d’ensemble.
Après l’échec de la CMP, c’est le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture qui revient en discussion dans notre assemblée. Là où la droite souhaite mettre en place un système de retraites par capitalisation,…
…avec une augmentation de la durée de cotisation jusqu’à quarante-quatre ans pour tous, avec un départ différé à la retraite à 65 ans, voire 67 ans ou plus,…
Sourires.
…nous proposons a contrario de sauver notre système de retraites par répartition et de l’inscrire au coeur de notre pacte républicain. Nous proposons aussi de le rendre plus juste, en particulier pour les salariés qui travaillent dans des conditions pénibles qui diminuent leur espérance de vie. De même, nous proposons des avancées sociales pour les salariés aux carrières heurtées, qui sont trop souvent des femmes.
Au contraire du précédent gouvernement qui avait choisi une méthode de force et de brutalité,…
Sourires.
…cette réforme a été préparée par le Gouvernement et par notre assemblée avec une large concertation. L’objectif du Gouvernement est d’en finir avec le pilotage à vue du système de retraites, qui a conduit à de trop nombreuses réformes ces dernières années.
Le groupe socialiste, républicain et citoyen ne votera donc pas cette motion de rejet préalable déposée par l’UMP.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Depuis vingt ans, toutes les réformes menées pour pérenniser notre régime de retraites l’ont été par des gouvernements de la droite et du centre. Face aux effets de la crise, les Français sont parfaitement conscients qu’il faut faire des efforts, mais ils n’y sont pas prêts à n’importe quel prix. Ce texte est un rendez-vous manqué, et le Sénat ne s’y est pas trompé puisqu’il l’a tout simplement retoqué.
Tout d’abord, ce projet de loi, qualifié de « réforme », est tout à fait sous-calibré : le Gouvernement récupère 7 milliards d’euros alors qu’il en faudrait 21 milliards. Par ailleurs, il induit une régression en matière de convergence, alors que nous avions commencé à rapprocher les régimes : où est la justice ? En outre, il augmente les cotisations des actifs, il faut quand même le rappeler, de même que l’impôt payé par les retraités ! Le report d’avril à octobre de la revalorisation des retraites est tout simplement une atteinte au pouvoir d’achat des retraités.
Comme nous nous voulons une opposition constructive,…
…nous proposons de rejeter de ce texte pour travailler sur de nouvelles bases, qui ont été rappelées : l’évolution de l’âge légal du départ à la retraite, le renforcement de l’équité entre le secteur public et le secteur privé, la réalisation de l’acte II de l’épargne retraite, qui est attendue, et la question de la pénibilité au travail, dans le cadre de laquelle il faudra également travailler sur la santé au travail.
La création d’un compte personnel de prévention et de pénibilité, soit ! Mais quel corps allons-nous lui donner ? Les entreprises sont très inquiètes depuis qu’elles ont appris l’instauration de cette mesure. Et nous sommes tous favorables à la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes : la question est de savoir comment, puisque vous ne le dites pas dans ce texte.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous vous demandions de rejeter ce texte, sachant que le groupe UMP a évidemment des propositions à faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Lors de l’examen en première lecture de ce projet loi, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, un message clair vous a été adressé. Vous avez tenté de nous persuader de voter en faveur de ce texte au motif qu’il contient des mesures de justice. Nous ne pouvons malheureusement pas, sur la base de ces points positifs, donner notre consentement à une réforme qui, dans le même temps, détériore radicalement le niveau de vie des cotisants et des retraités.
Madame la ministre, vous n’avez pas entendu le premier signal émis par l’Assemblée, alors que l’article 4 de votre projet de loi avait été rejeté par une nette majorité de députés, incluant plusieurs membres courageux de la majorité. Nous ne vous félicitons pas du peu de considération que vous avez accordé à la voix de la représentation nationale en soumettant de nouveau ces mesures au vote des députés après une mise au clair au sein de votre propre camp.
Vous n’avez pas davantage pris en considération le deuxième signal, lorsque vos alliés au sein du Gouvernement ont clairement affirmé qu’ils ne pouvaient voter en faveur de ce projet de loi. Il s’agissait là d’une abstention raisonnée sur un texte qui, malgré quelques avancées, comprend encore des lacunes et des imperfections graves.
Vous avez également été insensible au troisième signal, alors que le texte n’a été adopté qu’avec une majorité incroyablement ténue. Combien de députés ont ratifié ce projet de loi sous la contrainte ou la pression, convaincus qu’il ne convenait pas ?
Le Sénat vient de faire écho à nos préoccupations en rejetant à l’unanimité un texte dont il avait d’ores et déjà supprimé bien des dispositions délétères. Le désaveu est total.
Face à votre entêtement à faire voter un projet auquel la représentation nationale est manifestement défavorable, nous soutiendrons cette motion de rejet préalable déposée par Christian Jacob.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jacques Lamblin.
Notre assemblée est réunie aujourd’hui pour procéder à une nouvelle lecture du projet de loi fort improprement appelé « avenir et justice du système de retraites ». Ce texte, adopté le 15 octobre uniquement par les socialistes, mais pas tous, et deux téméraires, a cependant fait l’unanimité au Sénat : 346 voix contre, 0 voix pour ! La contestation générale qu’il suscite devrait vous inquiéter et vous amener à vous remettre en cause, madame la ministre. De toute évidence, personne hormis vos amis politiques, et encore, ne pense qu’il est juste ni qu’il prépare l’avenir.
Sur la forme, je souligne l’impréparation du texte, dont l’étude d’impact est incomplète. De ce fait, il contrevient aux règles édictées par la loi organique du 15 avril 2009. En effet, méthodes de calcul, diagnostics chiffrés et surtout évaluation du financement de la réforme font cruellement défaut, en particulier pour ce qui est de la fiscalisation du bonus pour trois enfants et de la hausse des cotisations des entreprises et des actifs, mesures pourtant lourdes de conséquences en matière de pouvoir d’achat des ménages et de perte de compétitivité des entreprises et qui créent de nombreux nouveaux contribuables aux revenus modestes.
Je souligne également le rejet systématique des avis de la représentation nationale, le plus emblématique portant sur l’article 4, qui concerne le report à octobre de la revalorisation des pensions. Rappelons que cet article, supprimé en première lecture conformément à la volonté exprimée sur tous les bancs de cette assemblée et tout particulièrement à gauche de cet hémicycle, a été rétabli sur ordre du Gouvernement quelques jours plus tard.
Au passage, permettez-moi de souligner, madame la ministre, l’admirable talent qui est le vôtre : vous avez réussi à mystifier la France entière…
…en affirmant, sans rire, que les socialistes ayant voté pour la suppression de ce fameux article 4 s’étaient trompés de bouton.
Cela faisait tout de même 17 % des présents ! 17 % de maladroits, cela fait beaucoup. Moins qu’au Sénat, me direz-vous, où ils furent 100 %…
Faut-il vous rappeler, madame la ministre, que la représentation nationale ne fait que relayer les aspirations pleines de bon sens de nos compatriotes qui, en ce domaine, apparaissent sages et clairvoyants ? Alors que le Gouvernement et le Président se complaisent dans la demi-mesure, nos concitoyens, eux, prennent la pleine mesure de l’urgence et de la gravité de la situation. Ils préféreraient voir se poursuivre la réforme, équitable en termes financiers et sociaux, entreprise dès 1993 et régulièrement ajustée depuis, en 2003, 2008 et 2010.
J’en viens au fond. Ce projet de loi, qui n’a de réforme que le nom, relève de la cosmétique là où la chirurgie serait nécessaire. Un tel comportement n’est pas responsable. Plus grave, ce texte s’appuie sur le mensonge : mensonge par omission essentiellement, mensonge tout court parfois. Un tel comportement est coupable.
Mensonge d’abord sur le financement de votre prétendue réforme, puisque vous promettez la « der des ders ». Comment vous croire puisque, en toute lucidité, vous ne réglez qu’un tiers du problème du déficit ? Une fois de plus, vous mettez les ménages les plus modestes à contribution par le report au 1er octobre de la revalorisation des pensions, par la fiscalisation des majorations de pension pour trois enfants et par les hausses de cotisations salariales et patronales.
En d’autres termes, vous comblez, très partiellement, le déficit en faisant payer d’abord les retraités, qui sont ainsi appelés à financer leur propre retraite, ensuite les salariés, qui voient une fois de plus leur pouvoir d’achat amputé, et enfin les entreprises, qui n’avaient pas besoin de cela en cette période. Tout cela, c’est votre choix. Pour vous, cela vaut mieux que d’augmenter l’âge de départ en retraite.
Nous y reviendrons.
Mensonge ensuite sur la durée d’assurance. Vous faites croire aux Français que vos mesures sont pérennes et que vous n’y reviendrez pas, que les 62 ans sont gravés dans le marbre. Mais, en juillet 2012, M. Hollande a décidé, à prix d’or, de rétablir le départ en retraite à 60 ans en faveur des salariés ayant commencé à travailler avant 20 ans, mais après 18 ans. Au passage, je voudrais tordre le cou à une contre-vérité : non, M. Hollande n’a pas rétabli la retraite à 60 ans pour les carrières longues. Les dispositifs carrières longues, c’est nous, madame la ministre, et vous le savez.
En 2010, nous avons même amélioré ce dispositif en faveur des travailleurs ayant commencé leur carrière entre 17 et 18 ans. M. Hollande a simplement permis de partir à 60 ans à ceux qui ont commencé entre 18 et 20 ans, il y a une nuance. Bref, je suis au regret de vous dire que cette mesure imprudente est en totale contradiction avec le texte que vous proposez aujourd’hui.
En effet, en 2012, on a proposé à celui qui commencerait de travailler un peu avant 20 ans de s’arrêter à 60 ans, donc de travailler durant quarante et un ans, mais quelques mois plus tard, en 2013, on propose à celui qui commencerait un peu après 20 ans de travailler durant quarante-trois ans ! Ne cherchez pas une explication sensée, il n’y en a pas. Ce n’est pas cohérent, ce n’est pas juste, c’est juste du Hollande. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous le constatez vous-même au travers de cet exemple très précis parmi cent autres possibles : il faut revoir ce texte. Vous faites fausse route, vous ne parlez pas vrai en laissant croire qu’on ne touchera pas aux 62 ans.
Plus dangereux encore, vous édifiez une construction fragile. Je m’explique : en moyenne, aujourd’hui, nos compatriotes ont à 30 ans trente trimestres de cotisations à leur actif. Pensez-vous sincèrement qu’un travailleur de 30 ans va accepter ce qu’implique ce texte ?
« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.
Vous lui dites qu’il devra travailler quarante-trois ans. Faites le calcul : cela veut dire qu’il aura, au mieux, une pleine retraite à 65 ans et demi. Vous lui dites ensuite qu’il devra cotiser plus pour permettre à tous ceux qui sont un peu plus âgés que lui de partir, eux, à 60, 61 ou 62 ans. Et vous lui dites enfin, en commençant à vous attaquer sournoisement au montant des pensions, que son tour venu, la retraite qu’on lui servira sera probablement réduite par rapport à celles qui ont été servies à ses prédécesseurs !
Croyez-vous sincèrement qu’un tel édifice va tenir dans la durée ?
Croyez-vous sincèrement que ce jeune va accepter docilement une telle vision de la solidarité entre générations ? La réponse est dans la question.
Mais ce n’est pas tout. Lorsqu’on analyse le dispositif concernant la pénibilité, on pense irrésistiblement à une désormais célèbre boîte à outils
Sourires sur les bancs du groupe UMP
, boîte à outils bien mal utilisée une fois de plus. N’est pas manuel qui veut !
Utilisée pour construire quoi ? Une autre boîte. Une boîte de Pandore !
J’ai en souvenir le débat sur la pénibilité, en pleine nuit, en 2010. Je prends deux paris, madame la ministre. Premièrement, qu’à peine instauré, ce dispositif se verra en permanence remis en question. Deuxièmement, que s’il est aujourd’hui destiné aux salariés du secteur privé, il sera à l’arrivée accordé à ceux des secteurs publics et parapublics. Souvenez-vous des 35 heures !
Enfin, pour compléter le tableau, le dispositif sur la pénibilité n’est pas financé sérieusement, et vous le savez : 800 millions d’euros de recettes face à 2,5 milliards d’euros de dépenses, ce n’est pas sérieux ! Permettez-moi de vous le dire, madame la ministre : créer une prestation à crédit, ce n’est pas un progrès social. C’est escroquer les générations futures, celles qui paieront ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je pourrais continuer encore et encore. Trouvez-vous juste de placer, c’est l’article 32, les caisses de retraite des professions libérales et indépendantes sous tutelle, alors que leur situation n’est pas inquiétante ?
Habiller de philanthropie cette démarche, expliquer d’un air que vous espérez convaincant qu’en aucun cas les abondantes réserves financières de ces caisses n’intéressent le Gouvernement, c’est un peu court. Là, on n’escroque plus les générations futures, on cambriole celles d’aujourd’hui !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Plutôt que de recourir à des expédients indignes de vous, madame la ministre, remettez l’ouvrage sur le métier.
Je ne vais pas plus loin dans la lecture de mon catalogue. Je n’ai pas dit tout cela pour vous faire plaisir, mes chers collègues.
Mon objectif est de vous convaincre qu’un projet soutenu, sans enthousiasme je le rappelle, par votre groupe et rejeté par tous les autres députés, tous les sénateurs sans exception et enfin tous les Français ou presque doit être revu, car il ne règle pas le problème le plus important. Dans le contexte actuel, encore davantage qu’auparavant, nos concitoyens sont extrêmement sensibles à l’injustice. En donnant un coup d’arrêt à la convergence que les réformes de 2003, 2008 et 2010 faisaient progresser, vous bloquez la marche vers la justice et l’égalité en matière de retraites.
Vous décevez les Français qui souhaitaient, espéraient voir se mettre en place progressivement des règles du jeu identiques pour tous. Il est difficile de faire accepter une vraie réforme, mais c’est possible. Madame la ministre, vous le savez. Aujourd’hui, nous découvrons qu’il est possible de faire rejeter une non-réforme. Madame la ministre, vous le prouvez. Il faut renvoyer ce texte en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Notre groupe s’abstiendra également sur cette motion parce que nous ne partageons pas les considérants qui ont été avancés par M. Lamblin. Cela étant, si renvoi en commission il devait y avoir, nous tenons à la disposition de nos collègues un certain nombre de propositions qui méritent d’être étudiées dans le détail car, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, elles permettraient dans le cadre d’un nouveau partage des richesses de financer notre système de retraites dans de bonnes conditions et de garantir le droit à la retraite à 60 ans et à taux plein, persuadés que nous sommes que le problème n’est pas le montant ni la durée des cotisations, mais l’élargissement de leur assiette.
Pour ce qui nous concerne, nous proposons de l’élargir aux revenus financiers des entreprises, qui sont issus de la création de richesses produites par le travail. Cela ne serait que justice dans la mesure où, chacun le sait, la productivité réelle du travail n’a cessé de croître tout au long de ces années. Nous proposons en particulier de taxer les revenus financiers des entreprises au taux de 10 %, ce qui ferait rentrer dans les caisses 25 à 30 milliards d’euros.
Notre groupe est donc prêt à ce travail précis et constructif pour essayer d’ériger sur d’autres bases la réforme des retraites qui nous est présentée aujourd’hui.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, c’est le texte que nous avons adopté en première lecture qui revient ce soir en discussion. Nous l’avons donc déjà examiné en commission et dans l’hémicycle, puis revu en commission. Le renvoyer encore en commission ne s’impose donc pas, d’autant que notre collègue a eu bien du mal à trouver des arguments, du moins nouveaux.
Une réforme du financement des retraites est inéluctable et ne doit pas tarder, le Conseil d’orientation des retraites et le rapport Moreau l’ont démontré. La progression du nombre de retraités par rapport au nombre d’actifs et, chose heureuse, l’allongement de la durée des retraites bouleversent les systèmes de solidarité intra et inter générationnelles. Nous devons donc faire face à des déséquilibres financiers.
Contrairement à ce qu’a pu laisser croire l’actuelle opposition, l’efficacité économique et les principes de justice ne sont pas antinomiques. Ce texte le démontre en proposant une réforme responsable, juste et équilibrée. Elle est responsable, car elle tient compte de la réalité de l’allongement de l’espérance de vie. Elle est équilibrée car ce sont les cotisations sociales qui permettront de garantir l’équilibre financier. Elle est juste car elle met fin à des inégalités et accorde des droits nouveaux à certaines catégories de travailleurs.
L’élément le plus emblématique de la réforme, c’est le compte personnel de prévention de la pénibilité, réelle évolution, voire petite révolution. Il prend en compte la pénibilité de certaines activités. C’est un dispositif simple, accessible, pratique, qui s’appliquera à un salarié sur cinq et répond à un triple objectif : approfondir les actions préventives, favoriser l’accès à la formation pour les éventuelles reconversions et compenser les inégalités d’espérance de vie par la possibilité d’un départ anticipé.
Autres instruments de justice sociale : la meilleure prise en compte des trimestres de congés de maternité et, parce que là aussi les femmes sont les premières concernées, la meilleure prise en compte du temps partiel. La réforme s’attaque donc à des injustices.
Enfin, il y a les mesures en faveur des jeunes, comme la validation des périodes de stages en entreprise, la meilleure prise en compte des périodes d’apprentissage ou la validation d’un trimestre ne serait-ce que pour un mois de jobs d’été. Ces droits nouveaux importants constituent une nouvelle approche de la manière de penser la retraite.
Cette réforme suit le fil rouge du quinquennat : le redressement durable des comptes, dans la justice. L’effort demandé pour restaurer l’équilibre financier est au diapason de ce souci de répartir équitablement la contribution entre tous.
Osons le dire : notre réforme est une sorte de nouvelle alliance entre les générations. Il y a urgence à la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Nous soutiendrons bien entendu la motion de renvoi soutenue par notre collègue, pour des raisons de forme comme pour des raisons de fond.
D’une part, nous considérons qu’un texte qui a connu autant de soubresauts parlementaires ne peut être bon. Souvenez-vous du vote de l’article 4 en première lecture, rejeté d’abord par une majorité des députés, puis adopté à l’issue d’un nouveau vote à une heure du matin. Au Sénat, il a fait l’objet d’un rejet à l’unanimité. Puis il y a eu l’échec de la commission mixte paritaire. Tout cela devrait vous alerter, madame la ministre, sur les problèmes posés par le texte et sur la nécessité de reprendre le travail.
D’autre part, nous estimons que ce projet ne permet pas d’assurer la pérennité de notre système de retraites. Je suis convaincu que nous aurons à revenir dessus rapidement.
En effet, ce texte refuse, et vous l’avez confirmé tout au long de la première lecture, toute convergence entre les régimes de retraite des salariés du privé et ceux des fonctionnaires de l’État. Ce n’est pas être contre les fonctionnaires que de le dire, comme vous nous en avez accusés en première lecture. C’est une nécessité, comme cela a été démontré. Le COR a d’ailleurs repris à plusieurs reprises des arguments que vous refusez d’admettre.
En outre, l’article 2, qui fait passer la durée de cotisation à quarante et un ans, aura des conséquences sur la jeunesse, sur ceux, qui sont de plus en plus nombreux, qui commenceront à travailler tardivement et devront continuer bien au-delà de 62 ans.
L’article 4, lui, qui prévoit le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation annuelle des pensions, revient vraiment à faire les poches des retraités. Je peux vous assurer que cela posera beaucoup de difficultés pour les foyers de retraités aux revenus très bas.
Pour toutes ces raisons, il importe de retravailler ce projet de loi. Nous voterons cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le vote unanime et retentissant du Sénat le 5 novembre dernier témoigne de l’impérieuse nécessité de revoir le projet que votre gouvernement nous a soumis. Le rejet préalable du texte n’a pas été voté par la majorité des députés. Accordez-nous donc un examen plus attentif en commission !
Alors que le Gouvernement a fait preuve d’une hésitation flagrante lors de l’examen du texte en première lecture, le groupe UDI aurait souhaité qu’un travail plus minutieux et plus consciencieux puisse être fait en commission en nouvelle lecture.
Comment penser que cette réforme a été mûrement réfléchie alors qu’il y a quelques semaines, après avoir refusé nos propositions de bon sens relatives aux stagiaires, la majorité présidentielle en proposait une copie fidèle quatre jours après la clôture de nos travaux en commission ?
Comme en première lecture, les membres de la commission des affaires sociales ont été soumis à un rythme de travail anormal et inapproprié alors que nos discussions auraient pu donner lieu à bien des débats de qualité, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat des retraités, des prétendues mesures de justice ou du rééquilibrage financier de nos régimes de retraites que votre gouvernement se targue de vouloir opérer.
Je dois malheureusement regretter une nouvelle fois l’opposition systématique du rapporteur et de la ministre à des propositions qui auraient pourtant pu susciter un relatif consensus parmi les commissaires. Bien entendu, dès la première lecture, les seules de nos propositions qui suscitaient sur le fond un avis favorable du rapporteur ont été reprises sous une autre signature lors des débats en séance.
Nous avons constaté la fulgurance avec laquelle nos amendements ont été examinés et soumis au vote en commission. De là à penser que le Gouvernement veut couper court au débat, il n’y a qu’un pas.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons pour la motion de renvoi en commission déposée par Christian Jacob.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
Les différentes réformes du système de retraites menées ces vingt dernières années par la droite, par M. Balladur en 1993, par M. Fillon en 2003 et par M. Woerth en 2010, n’ont été que des réformes paramétriques, de court terme, visant uniquement l’équilibre comptable du système.
Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la réforme des retraites doit être incluse dans une politique de protection et de cohésion sociales tout au long de la vie. Elle n’est pas dissociable d’une réflexion sur l’entrée des jeunes dans la vie active et doit aussi prendre en compte le fait que leur vie est devenue plus longue que celle de leurs aînés. Elle n’est pas non plus dissociable d’une approche en termes de risques encourus, lesquels peuvent conduire à des états de santé très différenciés et des carrières heurtées, notamment en ce qui concerne les femmes.
Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites proposé aujourd’hui par le Gouvernement en seconde lecture engage une réforme qui permettra un financement de la Sécurité sociale qui pèsera moins sur le coût du travail et donc de l’emploi. En outre, il prévoit des économies sur les coûts de gestion des régimes dès 2016, à hauteur de 200 millions d’euros.
L’espérance de vie a été également prise en compte. En effet, pour ce projet de loi, le Gouvernement s’est fondé sur le fait que l’espérance de vie à 60 ans continuera à augmenter pour atteindre un peu plus de vingt-cinq ans pour les hommes et trente ans pour les femmes en 2040. Par conséquent, la durée d’assurance pour une retraite à taux plein à partir de 2020 augmentera d’un trimestre par an et passera dès lors à quarante-trois ans en 2035.
S’agissant de la pérennité de financement des retraites, je voudrais toutefois rappeler que l’inversion de la pyramide des âges risque de faire contribuer les jeunes générations actuelles plus fortement dans le futur. Les jeunes actifs d’aujourd’hui connaissent des problèmes liés au chômage et devront davantage participer au financement du système pour assurer le principe de solidarité intergénérationnelle. Aujourd’hui, les jeunes générations sont davantage soumises qu’auparavant à plusieurs changements de carrière au long de leur vie d’actifs. Il nous faudra donc trouver une solution pour éviter un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte.
On parle sans cesse de l’allongement de l’espérance de vie, mais en oubliant que les définitions de la jeunesse aussi ont évolué : cette période de la vie a elle aussi connu un allongement. En effet, si l’on admet communément que la catégorie des jeunes s’arrête à 25 ans, force est de constater qu’aujourd’hui, la précarité de la génération oubliée des 25-35 ans continue de créer des fragilités importantes dans les parcours professionnels. Le rachat du temps de la formation ou de périodes de stages ne peut qu’aller dans le bon sens. Je note toutefois que les étudiants ayant mené de longues études seront désavantagés : un étudiant de niveau bac +2 pourra racheter la moitié de ses études alors qu’un étudiant de niveau bac +8 ne pourra en racheter qu’un huitième.
Concernant nos seniors, une véritable politique d’accompagnement des personnes âgées devra compléter cette réforme des retraites. Elle passera par la couverture du cinquième risque mais aussi par des mesures d’accompagnement en nature : aides à l’aménagement du domicile pour une meilleure adaptation aux besoins, aides renforcées à la mobilité, aides à l’accès aux activités de communication, culturelles, de loisir. Cette politique d’accompagnement devrait être élaborée et mise en place par l’État, les collectivités territoriales étant déjà actives dans ces domaines. C’est avec grand intérêt que le groupe RRDP attend le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement qui nous sera soumis ultérieurement, espérant que ce dernier sera à la hauteur des enjeux.
N’oublions pas les femmes. À cet égard, je suis satisfaite que ce projet de loi prenne mieux en compte les trimestres d’interruption au titre du congé de maternité, qui seront réputés cotisés.
Venons-en maintenant à l’article 4. En première lecture, nous avions proposé de le supprimer. Nous avons redéposé un amendement en ce sens en deuxième lecture.
Cet article, qui vise à décaler du 1er avril au 1er octobre la revalorisation annuelle des pensions de retraite de tous les régimes de base, aura pour effet d’amputer le pouvoir d’achat des retraités. L’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, et les allocations d’invalidité ne seront toutefois pas concernées par ce changement de date puisqu’elles continueront d’être revalorisées au 1er avril.
À l’Assemblée, cet article a été supprimé à l’initiative de cinq groupes parlementaires sur six, mais il a été rétabli à la faveur d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement. Au Sénat, il a été supprimé purement et simplement. C’est bien le reflet d’une incompréhension à l’égard de cette mesure qui précarise les petites retraites, madame la ministre. Si nous sommes conscients du fait que le projet de loi vise un certain équilibre et poursuit un objectif de justice en demandant à chacun, salariés, entreprises et retraités, de contribuer à l’effort de redressement du système de retraites, nous sommes satisfaits que le Sénat ait rejeté cet article.
Pour ces raisons, j’aimerais rappeler que la revalorisation a fait l’objet d’un décalage de neuf mois en l’espace de cinq ans : déjà décalée de trois mois dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, passant du 1er janvier au 1er avril, elle fait l’objet d’un nouveau report, de six mois cette fois-ci, du 1er avril au 1er octobre, dans le présent projet de loi. Nous nous étions opposés lorsque nous étions dans l’opposition au premier report de trois mois. Il serait incompréhensible que nous votions aujourd’hui un report encore plus important.
Si ce décalage peut sembler anodin, il ne l’est pas pour nos concitoyens, puisqu’il correspond dans les faits à une désindexation temporaire des pensions par rapport à l’inflation.
Or nous croyons en la relance de la croissance par la consommation et donc par le maintien du pouvoir d’achat.
Nous avons proposé des amendements lors de notre discussion en commission et sommes satisfaits que l’un d’eux, relatif à l’article 3 ait été repris. Nous espérons une issue aussi favorable pour celui visant à ce que le comité de suivi, dans le cadre des recommandations publiques qu’il émettra, s’attache à l’attention prioritaire que l’État doit accorder à certains retraités dont le caractère très modeste des ressources fragilise et affecte les conditions de vie.
S’agissant de l’article 4, le projet de loi prévoit une exemption pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soit environ 575 000 personnes, mais ne prend pas en compte les personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Or, le rapport remis en juin dernier par la Commission pour l’avenir des retraites indique qu’environ 10 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté : additionnés aux 575 000 bénéficiaires de l’ASPA, cela fait environ 1,6 million de personnes concernées. Nous pouvons en conclure que près d’un million de retraités vivant sous le seuil de pauvreté verront la revalorisation de leur pension reportée de six mois. Nos amendements visent à exempter les retraités vivant sous le seuil de pauvreté du report de la revalorisation des pensions, en plus des seuls bénéficiaires de l’ASPA.
Le groupe RRDP attache une grande importance à ces amendements. Nous avons l’espoir qu’ils connaîtront le même sort que celui de M. Christophe Caresche relatif à la revalorisation de l’aide personnalisée au logement, adopté vendredi 8 novembre en séance publique lors de l’examen des crédits du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Épargnons nos concitoyens les plus démunis, déjà assez pénalisés !
Venant d’un département rural, permettez-moi, madame la ministre, d’insister sur un sujet qui me tient à coeur : les retraites agricoles. Rappelons que les agriculteurs sont les parents pauvres du système des retraites actuel : ils pâtissent de très faibles pensions, même lorsqu’ils ont cotisé tout au long de leur carrière. La moyenne nationale s’établissait fin 2011 à près de 800 euros pour les hommes et à seulement 550 euros pour les femmes. Beaucoup se trouvent, de fait, placés sous le seuil de pauvreté.
Comme l’a indiqué le Premier ministre fin août, les conjoints collaborateurs n’ont bénéficié, à la différence des chefs d’exploitation, d’aucun point gratuit, ni de la possibilité de racheter des années antérieures. Le Premier ministre a donc annoncé que 66 points gratuits seront attribués, au titre des années antérieures à leur affiliation, dans la limite de dix-sept années, aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux justifiant de trente-deux années et demie dans le régime des non-salariés agricoles, y compris pour les retraités actuels.
Enfin, nous sommes très satisfaits de la création du compte pénibilité, que le parti radical de gauche appelait de ses voeux. Cependant, nous pouvons regretter que les praticiens hospitaliers et les artisans n’aient pas été pris en compte.
Nous reviendrons aussi sur l’article 32 qui laisse à penser une certaine reprise en main par l’État des caisses de retraites des professions libérales. En effet, le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, nommé par décret, superviserait la gestion des régimes de base et mettrait fin à l’autonomie des sections professionnelles. Notre proposition d’amendement ne vise aucunement à garder telles quelles les dispositions concernant les régimes de retraite des professionnels libéraux. Cet article ayant été introduit sans la moindre concertation, il nous apparaît d’autant plus surprenant que les précédents échanges avec le Gouvernement n’avaient pas laissé supposer de telles mesures, rédigées en urgence. Il est indispensable qu’une concertation ait lieu.
Bref, en tout état de cause, les pistes qui nous sont proposées dans ce projet de loi permettront d’assurer la pérennité financière du système de retraite, par une réforme empreinte de justice. Madame la ministre, c’est dans un esprit constructif mais aussi ambitieux que le groupe RRDP souhaite travailler au cours de nos débats pour améliorer et renforcer la réforme nécessaire, juste et équilibrée que vous nous avez proposée afin de garantir la pérennité de notre système de retraites par répartition.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Après un vote peu glorieux en première lecture qui a vu une majorité toute relative adopter votre texte, après le rejet de la réforme par la Haute chambre et l’échec annoncé de la CMP, nous voilà à rediscuter du même texte que celui voté par le socle dur de la majorité gouvernementale.
Ce texte est régressif. Vous vous acharnez pourtant à le faire passer, terrible posture idéologique qui conduit à un terrible aveuglement. Ne voyez-vous donc pas la colère qui enfle dans le pays contre votre politique antisociale et contre l’attitude servile de la France face aux exigences de la Commission européenne et de l’Allemagne ? La réduction à tout prix de la dépense publique et sociale, que vous assumez et dont cette réforme participe, ne fait qu’aggraver la crise et précipite notre économie, notre modèle social et notre démocratie dans un cercle vicieux et vicié, bien loin des aspirations des Français qui ont porté François Hollande au pouvoir.
En répétant à l’envi que votre réforme permet de sauver notre système de retraites par répartition tout en refusant obstinément de préciser qu’il doit continuer de verser des prestations définies, vous bafouez l’un des principes qui fait sa soutenabilité sociale. Le texte confie du reste à un comité de suivi le soin de formuler des recommandations, notamment sur la réduction du taux de remplacement assuré par les pensions. On ne saurait être plus clair : pour préserver la répartition, vous sacrifiez le niveau des pensions.
Le compte n’y est pas, notamment pour les jeunes, dont François Hollande affirmait vouloir faire sa priorité, demandant à être jugé sur les mesures qu’il prendrait à leur égard. Faut-il donc le juger sur les seules mesures de rachat des années d’études et de trimestres de stages ? C’est plutôt mince !
L’adoption de ce projet de loi aura pour eux une double amertume. L’effet quasi immédiat, par l’allongement de la période d’activité des seniors, sera de retarder leur entrée dans la vie active, de repousser l’âge auquel ils signeront leur premier contrat à durée indéterminée, de prolonger une précarité qu’ils subissent déjà trop injustement. L’effet secondaire, pour le moment indolore, n’en est pas moins injuste : il les pénalisera à double titre au moment de la retraite, d’abord en les contraignant à travailler au moins jusqu’à 66 ans en moyenne, ainsi que vous l’avez admis, madame la ministre, dans un récent rapport à la Commission européenne, puis en leur réservant une retraite de misère. À moins de n’avoir de la solidarité qu’une conception sacrificielle, il faut un certain cynisme pour oser affirmer que cette réforme que vous proposez préserve et renforce le lien de solidarité qui unit les générations !
Le compte n’y est pas non plus pour les femmes, loin s’en faut. Celles qui travaillent à temps partiel bénéficieront certes de la baisse du nombre d’heures nécessaires à la validation d’un trimestre de cotisations, mais cette mesure ne résoudra en rien les inégalités de pensions sur lesquelles le Gouvernement refuse d’agir avant 2020. Et rien n’a été fait pour agir vigoureusement contre les inégalités professionnelles et salariales dont elles sont victimes, alors même que leur résorption rapide serait une simple mesure de justice et rapporterait plus de 10 milliards d’euros à la seule branche vieillesse !
Le compte n’y est pas non plus pour les actifs, notamment salariés, qui supportent intégralement avec les retraités les mesures de financement immédiates. Ils bénéficient cependant d’un lot de consolation : la reconnaissance de la pénibilité à laquelle ils sont exposés. Mais celle-ci est aussitôt encadrée pour ne pas peser plus que de raison patronale sur le financement de la prévention et des droits ouverts à ce titre. Ainsi, vous présentez comme un progrès considérable le fait que les travailleurs exposés pendant vingt-cinq ans à des risques de pénibilité puissent partir à la retraite à 60 ans – progrès considérable, alors même que c’était l’âge légal de départ pour tous les travailleurs il y a encore quatre ans !
Le compte n’y est pas non plus pour les retraités eux-mêmes. Certainement pour faire vivre le lien qui unit les générations entre elles, vous réduisez leur pouvoir d’achat en reportant de six mois la revalorisation de leurs pensions, et vous fiscalisez la majoration de pension pour charge de famille. Ce sont ainsi plus de 2,4 milliards d’euros que vous espérez récupérer en 2015. Ce dépeçage pèsera surtout sur les retraités les plus modestes.
En vérité, et vous le savez bien, madame la ministre, les leviers sur lesquels vous agissez ne suffiront pas à équilibrer nos comptes sociaux. Personne n’est dupe de la manoeuvre. Les travailleurs ont malheureusement la mémoire des mauvais coups qu’on leur porte. Cette réforme est donc douloureuse pour tout le monde, sauf bien entendu pour le patronat, pour les détenteurs de capitaux, pour les rentiers de la finance.
Non seulement vous entérinez tous les reculs imposés par des gouvernements de droite depuis vingt ans, mais vous y ajoutez sans aucune gêne la reprise des antiennes usées jusqu’à la corde par vos prédécesseurs : ainsi, l’allongement de l’espérance de vie justifierait un allongement de la durée de cotisation, et les déficits des branches nécessiteraient des efforts partagés entre les assurés… Mais ces raisons ne sont que des leurres ! Ce n’est pas parce que les Français vivent plus longtemps, se soignent mieux, font des enfants ou sont massivement au chômage que les comptes sociaux sont dans le rouge ! C’est parce que les politiques économiques libérales menées depuis plusieurs décennies en faveur du capital contre l’emploi et les salaires ont privé la Sécurité sociale des financements dont elle a structurellement besoin. Le déficit de la Sécurité sociale est, d’abord, un déficit artificiel, un déficit fabriqué.
Faut-il rappeler que notre pays n’a jamais été aussi riche ? Depuis trente ans, le PIB a été multiplié par deux. Grâce à quoi ? Aux gains de productivité, aux sacrifices et à la précarisation du travail imposés aux travailleurs ! En revanche, la répartition des richesses entre capital et travail n’a cessé d’évoluer, toujours au détriment de la rémunération des salariés et donc, mécaniquement, du financement de notre système de protection sociale. Depuis 1982, la part des richesses qui a bénéficié au capital sous la seule forme de dividendes a été multipliée par trois, pour atteindre près de 10 % du PIB, soit près de 200 milliards d’euros. D’où viennent ces milliards, sinon du labeur des travailleurs ? Et où vont-ils ? Certainement pas dans la poche de ces derniers, pas beaucoup plus dans le développement de notre économie, pas non plus dans les caisses de l’État ni de la protection sociale, ainsi qu’ils le devraient !
Il est là, le frein à la compétitivité des entreprises de notre pays : il est dans cet ennemi « invisible et sans visage » que dénonçait le candidat à la présidence de la République, cet ennemi qui cannibalise les travailleurs et notre économie à seule fin de maximiser le profit, au mépris des vies humaines, des systèmes politiques et des modèles sociaux. Mais il est surtout dans vos politiques néolibérales qui sanctuarisent le pouvoir de cet ennemi du peuple.
J’utilise le terme à dessein car pas une seule fois, pas une seule seconde, vous n’avez songé à mettre à contribution les revenus financiers. Mme Moreau l’a même concédé : en réponse à cette béance évidente dans son rapport, elle a répondu que « ce n’était pas la commande », levant ainsi le voile sur les limites étriquées de vos présupposés idéologiques.
Vous avez délibérément choisi de n’agir que sur les leviers les plus injustes pour les salariés, alors même que l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales aux revenus financiers serait presque indolore pour la compétitivité des entreprises, dans la mesure où il s’agit de revenus déjà distribués, dont une large part n’est jamais réinvestie dans l’économie, du moins pas dans l’économie génératrice d’emploi. L’assujettissement de ces revenus financiers au même niveau que les salaires rapporterait immédiatement 30 milliards d’euros au bas mot, soit au moins quatre fois plus que ce que vous escomptez récolter avec cette réforme injuste.
Nous soutenons par ailleurs de longue date sur ces bancs une mesure de long terme permettant d’augmenter significativement la part des salaires dans la valeur ajoutée. Celle-ci consiste à moduler les cotisations sociales des entreprises avec notamment un critère incitant celles-ci à mieux rémunérer le travail. Bien entendu, une telle mesure ne s’entend que si les exonérations de cotisations sociales sont définitivement supprimées, et à condition que soit conduite une politique économique de lutte contre le chômage et non d’accompagnement de celui-ci. Vous n’avez pas fait ce choix : non contents de valider les exonérations générales de cotisations sociales, vous les avez renforcées en faisant adopter le CICE, scellant le carcan des grilles salariales comprises entre 1 et 2,5 MIC.
Plus généralement une véritable réforme des retraites et de notre protection sociale ne peut aboutir à des progrès sociaux qu’au prix d’une politique de l’emploi qui ne se contente pas d’accompagner, mais lutte efficacement contre le chômage. Cela suppose une politique économique qui protège l’emploi. Or l’application de l’Accord national interprofessionnel, l’ANI, prouve chaque jour le contraire.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, au-delà de la seule question des retraites, ce texte cristallise nombre de nos divergences sur le plan économique, social, humain et idéologique. Vous aviez une occasion formidable de revenir sur vingt ans de régressions sociales et de réhabiliter le progrès de civilisation que constituait la retraite à 60 ans. Avec cette réforme, vous vous rangez malheureusement dans la liste des fossoyeurs de ce si bel héritage social qu’est notre système de retraites. C’est une tout autre ambition, autour de laquelle la gauche a besoin de se rassembler : celle de faire avancer le progrès social.
Merci, monsieur Chassaigne. Mes chers collègues, je pense que nous allons tous nous réjouir du fait que notre pays vienne de se qualifier pour la coupe du monde de football !
Applaudissements sur tous les bancs.
Merci de saluer mon intervention par tant d’applaudissements ! (Sourires.)
Monsieur Chassaigne, il restera dans l’Histoire que c’est pendant votre intervention que la France s’est qualifiée par trois buts à zéro !
Monsieur Paul, vous avez la parole.
Madame la présidente, je voudrais faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58 de notre règlement. En effet, cet événement est l’une des choses que l’Histoire retiendra, entre autres ! de l’intervention d’André Chassaigne.
Sourires.
En raison de cette excellente nouvelle qui vient de parvenir jusqu’à notre hémicycle en plein travail, je vous demande, madame la présidente, une courte suspension de séance afin de réunir l’ensemble des groupes de l’Assemblée pour un moment d’unité nationale.
Rires et applaudissements.
Ces moments sont suffisamment rares, j’accepte, bien évidemment ! La séance est suspendue pour cinq minutes.
Discussion générale
La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures dix.
Nous voici devant une réforme a minima, que j’ai d’ailleurs du mal à qualifier de réforme puisqu’elle passe à côté des trois objectifs que devrait avoir une réelle réforme du système de retraite français.
Premièrement, elle n’atteint pas l’équilibre financier. Au vu du déficit actuel, cela devrait pourtant être la priorité absolue. Or, il faut bien le dire, le compte n’y est pas. L’État doit trouver 15 milliards d’euros environ, 7 milliards pour le privé et 8,6 pour les fonctionnaires, ce qui finira par retomber sur les salariés, il n’y a guère d’illusion sur ce point.
Au lieu de cela, le Gouvernement préfère s’étendre sur la pénibilité. Si traiter de cette question est normal et nécessaire, autant le dire clairement : le problème n’est utilisé ici que comme un artifice de communication pour éviter de traiter du vrai sujet qu’est l’équilibre financier des retraites. En ce sens, la création d’un compte pénibilité, outre qu’il instaure une certaine complexité, est un cache-misère. La pénibilité n’était qu’une partie du rapport Moreau. Le rééquilibrage, lui, en était le centre, ce qui n’est plus du tout le cas ici.
Deuxième objectif non atteint : celui de la simplification. Le fameux choc de simplification, si cher au Gouvernement, devrait s’appliquer à tous les textes étudiés. Or, sur ce projet de loi comme sur les autres, je constate que ce n’est pas le cas. Il y avait pourtant urgence à faire converger les trente-cinq régimes de retraite différents. Car autant le dire tout de suite, contrairement à ce qu’indique la dénomination du titre III, rien ne vient clairement, dans ces articles, simplifier le système. Le constat du Gouvernement, celui d’un système de retraite complexe et peu accessible, est le bon. Mais le présent projet de loi, lorsqu’il entend simplifier, traite uniquement de l’information des usagers. Vous vous attaquez donc au symptôme et non à sa cause. C’est dommage, car tout le monde s’entend pour dire que la situation actuelle n’est pas tenable.
Le rapport Moreau suggérait d’ouvrir un débat sur l’harmonisation et le rapprochement entre régimes. Dans le cas présent, il n’y a ni débat, ni mesures qui vont dans ce sens. Les solutions sont encore une fois d’ordre cosmétique et l’on ne peut que le regretter.
Troisièmement, de nombreux sujets dont il aurait fallu traiter sont purement et simplement éludés ou renvoyés à des comités et autres réflexions ultérieures. Ce genre de fuite en avant est adapté à la situation, compte tenu des questions financières que j’ai déjà évoquées. Le comité de suivi des retraites, créé à l’article 3, fait particulièrement figure d’exemple à mes yeux. Mon engagement à combattre ces comités, commissions et autres hauts conseils est constant. J’aimerais simplement dire ce que cela révèle sur l’esprit de ce texte.
Que l’opposition demande des rapports, souhaite des réflexions sur le sujet est normal. C’est un moyen pour nous de mettre des sujets sur la table. En revanche, lorsqu’une réflexionnite aiguë gagne le Gouvernement, ce n’est pas forcément bon signe. En l’occurrence, cela veut dire en filigrane qu’un certain nombre de sujets ont été peu anticipés, sous-évalués ou bien carrément ignorés dans la préparation de cette réforme.
Ce n’est pas la première réforme des retraites. Le rapport Moreau n’est pas le premier rapport non plus. Il y a déjà un Conseil d’orientation des retraites et d’autres organismes chargés de fournir des informations. Je ne vois donc pas l’intérêt de ce comité, qui plus est composé de quatre personnes.
Et je dois dire que j’ai été très amusé par l’article 30 qui prévoit que soit organisé tous les ans un débat sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique. Amusé jusqu’à un certain point, car cela est également révélateur d’une fuite en avant. Le rapprochement entre public et privé doit se faire pas à pas, mais il doit se faire. Cette question n’est pas traitée ici. Elle est pourtant essentielle et ne pourra être remise à plus tard éternellement. Cela ravive le tabou que le précédent gouvernement s’était efforcé de lever. Éluder ce sujet dans ce qui se prétend être une réforme des retraites relève de l’exploit. Le renvoyer à un débat annuel ou à une quelconque réflexion est sidérant. Ce n’est pas la définition que je me fais de la responsabilité, mot pourtant si cher à Mme la ministre.
Enfin, concernant l’objectif de justice brandi par le Gouvernement et la majorité, tout pousse à croire qu’il n’est pas atteint puisque même vos collègues socialistes du Sénat ont fini par rejeter cette réforme en bloc.
En résumé, quand une vraie réforme aura pour but de rechercher l’équilibre financier général, d’aligner les régimes et de simplifier le système, alors seulement elle pourra être qualifiée de réforme d’avenir. Ce projet de loi n’est pas à la hauteur. Je voterai donc contre.
Le but de cette deuxième lecture n’est pas de refaire le match. (Sourires.)
C’est le défi que l’équipe de France a magnifiquement relevé ce soir. Le but n’est pas non plus de revisiter un texte voté ici même par la majorité.
Eh oui, monsieur Tardy : ce texte, comme d’autres, fait la démonstration que la crise ne signifie pas la fin du progrès ou l’abandon des réformes. Notre rapporteur Michel Issindou a parfaitement rappelé l’ensemble des apports de ce texte.
Mes chers collègues de l’opposition, nous avons repris le système des retraites là où vous l’aviez abandonné. Sans sécurité financière. Marqué par les injustices. Illisible pour la plupart des Français.
Ce qui vaut pour les régimes de retraites des salariés vaut aussi pour notre système fiscal, et je salue la marche en avant de la réforme fiscale. Nous étions, au sein de la majorité, très nombreux à la souhaiter. Nous la voulons globale, et surtout inspirée par la justice.
Comme pour la fiscalité donc, nous faisons avec notre texte la démonstration de notre volonté de refuser l’immobilisme. Mais c’est surtout l’occasion de mettre à plat le financement de la protection sociale. Depuis 2012, nous avions abordé le financement des prestations familiales. À l’occasion de la réforme des retraites, nous amorçons cette refondation du financement de la protection sociale
Nous n’étions pas les derniers, au groupe SRC, à considérer que le modèle social français ne devrait pas son avenir à des solutions partielles, ou à des compensations d’un jour. Je me réjouis qu’intervienne enfin, à l’initiative du Gouvernement, un dialogue avec les organisations syndicales et patronales pour réussir cette réforme de la fiscalité et des prélèvements. Il faudra du courage, de la détermination, sans doute du temps, mais ce sera une des grandes réformes de cette législature. Et ce sera également, pour cette assemblée, un grand chantier.
À l’opposition, je voudrais dire ce soir qu’au lieu de mener une énième bataille d’arrière-garde sans lendemain…
… vous devriez dès maintenant passer avec nous à une autre étape, celle de la mise en oeuvre. Car il va falloir du dialogue social pour bien accueillir les fortes avancées de ce texte, en particulier pour la mise en place du compte pénibilité.
Nous souhaitons, madame la ministre, que la discussion puisse s’engager sans retard sur ce volet de la loi. L’Assemblée nationale et notre groupe souhaitent y participer pleinement. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que cette avancée historique se traduise par une réponse personnalisée pour ceux des Français qui arrivent à la retraite en ayant connu une vie au travail particulièrement pénible.
Nous avons en effet pour idéal une société que le système de retraites doit incarner. C’est une société capable de prendre en charge solidairement les plus anciens. Une société du bien-être qui prévient ou, à défaut, répare les dégâts de la vie au travail. Une société qui privilégie un système par répartition sur les aventures et les hasards des systèmes de capitalisation.
Le vote de cette loi permettra d’améliorer les droits et la situation de millions de retraités, probablement ceux dont la vie au travail a été la plus discontinue, notamment les femmes.
Enfin, nous souhaitons, madame la ministre, qu’à cette loi succède sans retard devant notre Assemblée la loi pour l’adaptation de la société française au vieillissement. Si nous savons ensemble franchir ces obstacles successifs, alors nous aurons réhabilité le beau mot de réforme. Il était grand temps.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Après avoir été contraints d’adopter le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites sans le soutien de vos alliés en première lecture à l’Assemblée nationale, vous avez finalement été amenés à le rejeter vous-même au Sénat.
Vous êtes donc en train de réussir un exploit formidable : celui de fédérer vos alliés comme votre opposition contre ce projet de loi injuste et qui ne garantira en rien l’avenir et encore moins la justice de notre système de retraites par répartition.
Le véritable chemin de croix que constitue pour vous l’examen de ce projet de loi illustre tristement l’absence de cap qui fragilise tant le Président de la République et le Gouvernement, et suscite des questionnements grandissants sur leur légitimité.
Vous devez entendre, madame la ministre, que ce projet de loi n’est pas le nouveau pacte de confiance partagée entre les générations qui seul pourra emporter l’adhésion des Françaises et des Français à l’effort nécessaire pour sauver notre système de répartition.
Vous devez comprendre également que vous n’apportez pas à ceux qui consentent aujourd’hui les sacrifices indispensables à la préservation de ce modèle la certitude qu’ils ne seront pas demain les oubliés de la solidarité nationale.
Je pense à la jeunesse que vous avez fait le choix d’abandonner et aux générations futures que vous sacrifiez. Vous demandez aux jeunes de travailler plus longtemps et de cotiser plus, sans pour autant avoir le courage de prendre des mesures fortes qui permettraient de les assurer de la viabilité future de notre système de retraites.
Les 7,3 milliards d’euros d’économies annoncées par le Gouvernement ne suffisent même pas à réduire de moitié le déficit de 20 milliards attendu en 2020 et vous le savez bien. Il manquera donc un peu plus de 13 milliards d’euros en 2020 : le Gouvernement fait le choix de payer les retraites avec un chèque en bois et d’envoyer la facture aux générations futures.
Je pense aux retraités, y compris les plus modestes, qui voient les droits qu’ils ont acquis au prix d’une vie de travail servir de variable d’ajustement budgétaire. Je dis bien : de variable d’ajustement budgétaire.
Je pense aux salariés, qui vont subir une hausse progressive des cotisations pendant tout le quinquennat et pour qui la promesse de pause fiscale, plusieurs fois ajournée alors même qu’on nous annonce la grande réforme, est définitivement enterrée.
Je pense enfin à toutes ces Françaises et à tous ces Français qui ont toujours assumé les efforts demandés avec pudeur et dignité. Ils se désespèrent de voir que vous ne faites rien pour en finir avec les inégalités qui persistent entre les régimes, public, privé et régimes spéciaux, et que vous vous permettez même d’ériger ces injustices en acquis sociaux. Comment pouvez-vous en effet prétendre garantir la justice du système de retraites, alors même que vous faites le choix d’une équité et d’une justice à la carte ?
La création d’un compte pénibilité et les dispositions destinées à corriger les inégalités subies par les femmes, les jeunes, les apprentis, les polypensionnés ou les agriculteurs constituent des avancées indiscutables.
Vous voyez, monsieur le rapporteur, nous savons dire qu’il y a de bonnes choses ! Notre groupe les a d’ailleurs soutenues à plusieurs reprises en commission et vous le savez. Mais ces mesures sont insuffisantes pour faire oublier que des inégalités entre les régimes du public, du privé et spéciaux que vous sanctuarisez continuent d’être passées sous silence.
Je veux citer les travaux du Conseil d’orientation des retraites pour vous en convaincre, ou du moins essayer.
On ne sait jamais. Je vous sens attentif et réceptif. La France a gagné, ça change tout !
Sourires.
Selon le COR, l’âge effectif de départ à la retraite est en moyenne de 62 ans pour les salariés du secteur privé et de 62,2 ans pour les artisans et commerçants. Il est plus élevé pour les professions libérales et vous le savez bien, à 63,7 ans… mais il est de 54,4 ans à la RATP ! Devant cette réalité, vous ne dites rien, vous restez muet, monsieur le rapporteur.
Les fonctionnaires, hors militaires, les catégories actives et les parents de trois enfants sont quant à eux à la retraite à un peu plus de 61 ans. Le montant moyen de la pension de droit propre s’élève à 1 757 euros par mois pour les fonctionnaires et assurés des régimes spéciaux, à 1 166 euros pour les salariés du secteur privé et à 793 euros pour les non salariés. Ce n’est donc pas le problème du taux de remplacement qui se pose : c’est le résultat qui compte, ce qui est inscrit en bas à droite !
En renonçant à apporter une réponse ambitieuse aux défis auxquels est confronté notre système de retraites, le Gouvernement prend aujourd’hui le risque de provoquer une crise de confiance des Français dans le principe de retraites par répartition auquel, sur tous ces bancs, nous sommes attachés.
Lors de la première lecture de ce projet de loi, vous n’avez pas su abandonner vos réflexes partisans et n’avez cessé de dénoncer « l’injustice » et « l’inefficacité » de la réforme menée par la précédente majorité, que vous validez aujourd’hui intégralement.
Je veux souligner ici combien votre croisade politicienne contre cette réforme aura été mensongère. Nous avions choisi une réforme qui puisse être acceptée par les Françaises et les Français, conscients que les efforts demandés étaient importants.
Nous avons fait le choix du courage, en repoussant l’âge légal de départ à la retraite et en augmentant la durée de cotisation pour s’aligner progressivement sur la moyenne européenne. Nous avons refusé d’augmenter les cotisations sociales, contrairement à vous, parce qu’elles sont pour nous déjà trop importantes, et nous n’avons pas voulu baisser le niveau des pensions, déjà trop faibles.
Quel choix faites-vous aujourd’hui ? Aucun malheureusement, vous faites des non-choix ! En refusant de faire un choix clair et courageux pour l’avenir de notre système de retraites, vous imposez une triple peine aux Françaises et aux Français : ils travailleront plus longtemps et les salaires et les pensions de retraites vont diminuer jusqu’en 2017.
Nous avions, nous, taxé les hauts revenus, avec un prélèvement sur la dernière tranche de l’impôt sur le revenu, des hausses du prélèvement forfaitaire libératoire et la taxation des plus-values mobilières et immobilières qui n’ont d’ailleurs pas donné droit à restitution au titre du bouclier fiscal, faut-il le rappeler.
Et d’ailleurs, je suis un peu surpris de voir que les amendements qu’à trois reprises j’ai défendus en commission pour taxer davantage les retraites-chapeaux ne puissent plus, tout à coup, être examinés. Vous m’expliquerez la cohérence.
Qui choisissez-vous de taxer aujourd’hui ? Vous taxez les retraités les plus modestes, dont les pensions sont à peine plus élevées que le minimum vieillesse. Vous taxez les salariés, quel que soit le niveau de leurs revenus, alors même qu’ils ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Vous taxez les entreprises, quelle que soient leur taille, alors même qu’elles sont asphyxiées et que le Premier ministre disait encore aujourd’hui qu’il fallait baisser les charges sociales.
Nous avions pris en compte les carrières longues, avec le maintien et l’extension du dispositif carrières longues. Nous avions également prévu une prise en compte individuelle de la pénibilité. Ces deux dispositifs ont une portée significative, puisqu’ils ont joué pour 96 056 salariés en 2012, soit 17,8 % des départs à la retraite, et démontrent que la prise en compte des parcours professionnels difficiles est une préoccupation partagée. Vous pourrez vous évertuer à faire croire que la pénibilité a été découverte le 6 mai 2012.
Il n’en est rien, et vous le savez.
J’ajoute enfin que la réforme que nous avons menée a permis d’économiser 20 milliards d’euros, soit trois fois plus que les économies que vous entendez réaliser.
Votre projet de loi est tout sauf une réforme et devant la défiance de l’opposition, la défiance de votre majorité, au Sénat, et la défiance des Françaises et des Français qui commencent à mesurer les conséquences désastreuses de ce texte, le groupe UDI souhaite que vous écoutiez ses propositions pour faire de la confiance la clé de voûte de notre système de retraites par répartition.
Nous proposons l’instauration immédiate d’un revenu minimal universel à la retraite équivalent à 75 % du SMIC pour les retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté : ils sont plus d’un million, ils vous regardent et verront bien si vous augmentez les retraites au mois d’octobre plutôt qu’au mois d’avril… Nous finançons cette proposition par une taxation des retraites-chapeaux.
Nous proposons également de poser en préalable les bases d’une règle de confiance qui seule peut rendre acceptable les nouveaux efforts à envisager. Cette règle de confiance permettra de définir un taux de cotisation maximal qui protégera le pouvoir d’achat des salariés et la compétitivité de nos entreprises, mais aussi un taux de remplacement minimal – vous parlez souvent du taux de remplacement – afin que le travail de toute une vie soit reconnu, et un montant de pension de retraite minimal garantissant une retraite digne pour chacune et chacun des Français.
Enfin, nous proposons d’accélérer le mouvement de convergence entre les régimes existants, afin de parvenir à terme à un système unique de retraites. Le maintien d’une multiplicité de régimes spéciaux financés par la solidarité nationale n’est pas compris par nos compatriotes et tend à nourrir un sentiment d’injustice. La réforme de ces régimes spéciaux, à nos yeux, est devenue une condition de l’acceptabilité des nouveaux efforts à envisager.
Nous voulons enfin croire que vous saurez faire les gestes nécessaires pour que ce projet de loi qui doit préserver notre système de retraites, qui est au coeur du pacte entre les générations, n’engendre pas plus de défiance à l’égard de la politique du Gouvernement et à l’égard de notre modèle républicain. Dans le cas contraire, notre opposition à ce texte injuste sera plus que jamais déterminée.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous débutons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi relatif aux retraites. Qu’attendons-nous de cette deuxième lecture ? De redonner au Parlement son caractère législatif et ne pas en faire une simple chambre d’enregistrement. Aussi n’entamons-nous pas ces débats résignés, car nous avons encore des amendements à défendre.
De vraies avancées ont été obtenues au Sénat, au milieu du grand détricotage réalisé par les différents groupes parlementaires : ainsi, la consultation du médecin du travail lors de la définition des postes à caractère pénible, l’encadrement du refus par les employeurs du passage à temps partiel pour les salariés ayant cumulé suffisamment de points sur leur compte pénibilité, ou encore un rapport sur le cumul emploi-retraite pour les artistes-interprètes en CDI. Surtout, les articles 2 et 4 ont été supprimés.
Que dire qui n’a déjà été dit au sujet de ces deux articles ? L’article 2 prévoit l’allongement de la durée de cotisation, qui serait progressivement portée de quarante et un à quarante-trois ans, soit deux ans de cotisations supplémentaires pour nos concitoyens et, particulièrement, pour nos concitoyennes. Je le précise délibérément car cela n’a rien d’anodin. En effet, soyons lucides : qui va pâtir le plus de cet allongement ? Le cadre supérieur, passionné par son travail, propriétaire de sa résidence principale ? Évidemment non. Ce seront les salariés, quand ils le sont encore, les plus précaires, les moins formés, ayant eu une carrière heurtée, pour ne pas dire chaotique. Parmi ces personnes, les femmes sont particulièrement touchées. Grossesses, congés maternels, temps partiels, salaires moindres : autant de raisons qui favorisent ces carrières heurtées.
On invoque un indice d’espérance de vie qui serait en augmentation, mais cet indicateur n’est clairement pas suffisant. Il est indispensable de le mettre en corrélation avec l’espérance de vie en bonne santé. Selon l’INSEE, en France, pour les hommes, celle-ci était de 61,8 ans en 2010 ! Ce dispositif assure un départ en retraite entre 62 et 67 ans. Or, même si l’espérance de vie en bonne santé continue d’augmenter, vous conviendrez, madame la ministre, que la retraite a peu de chances de se transformer en période de repos bien mérité. Non, ce sera d’abord une fin de carrière marquée par une santé plus délicate et, ensuite, une retraite marquée par des problèmes de santé ou par la dépendance. Alors, certes, le cadre supérieur que j’évoquais tout à l’heure devrait connaître une retraite paisible, plus favorable, avec une espérance de vie en bonne santé supérieure à la moyenne, mais ceux qui subissent le chômage, qui ont eu des carrières heurtées, de la pénibilité mais pas suffisamment pour s’assurer un départ en retraite anticipé, quel est leur avenir en retraite, à eux ? Ce sont eux, une nouvelle fois, qui subiront de plein fouet ce dispositif.
Vient alors l’article 4. Déjà pénalisés par une carrière compliquée, que récompense une pension d’un montant assez faible, ces retraités vont voir leur pouvoir d’achat diminuer à cause du report de six mois de l’indexation de leur pension. Fort heureusement, les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ont été exclus de cette mesure, mais ceux qui ne bénéficient pas de cette allocation sans pour autant atteindre le seuil de pauvreté, eux, n’ont droit à aucun égard. La mesure qui est l’objet de l’article 4 est un levier financier tout simplement inique et nous nous y opposerons. Je défendrai donc des amendements à ce sujet.
Pour contrebalancer ces mesures de financement, des mesures plus sociales sont proposées. Le problème, c’est que, si les intentions sont là, les annonces ne sont pas toujours suivies d’effets. Certes, des dispositifs à destination des femmes sont proposés, mais pour combien de femmes bénéficiaires ? En ne ciblant que les carrières longues, on écarte une grande partie de la population féminine. Pourquoi ne pas s’attaquer plus profondément à la base du problème ?
Je suis bien consciente qu’un projet de loi sur l’égalité entre femmes et hommes est en pleine navette, mais, sincèrement, ne pouvait-on pas insérer un article qui aurait eu pour objectif l’instauration d’un dispositif d’égalité salariale entre les hommes et les femmes, à défaut duquel l’employeur aurait vu ses cotisations patronales retraites augmenter ? Ne pouvait-on accepter un rapport démontrant l’impact des cent meilleurs trimestres plutôt que des vingt-cinq meilleures années dans le calcul du montant de la pension ? N’aurait-ce pas été là une vraie avancée pour toutes les femmes, pour tous ceux qui ont subi une carrière heurtée ?
Si je me félicite de la mesure phare qu’est la prise en compte de la pénibilité, qui traduit une véritable rupture de philosophie par rapport à la précédente réforme, je pense qu’il aurait été intéressant de prendre en compte les travailleurs du nucléaire. L’intégration de l’exposition à la radioactivité dans la liste des facteurs de risques professionnels aurait remédié à une discrimination dont sont victimes les travailleurs du nucléaire, qui ne bénéficiaient pas d’une disposition en vigueur pour toutes les expositions professionnelles à des cancérogènes. Pourtant, toutes les données épidémiologiques montrent que l’exposition aux rayonnements ionisants, tout en respectant les limites des normes professionnelles, présente des risques de cancer et de leucémie supérieurs à ceux que présente l’exposition aux autres substances cancérogènes. C’était l’objet d’un amendement écologiste défendu par notre collègue Denis Baupin, qui a été rejeté en première lecture.
En ce qui concerne les jeunes, une excellente mesure est proposée : la prise en compte réelle de l’apprentissage. À côté de cela, il y a aussi un dispositif facilitant le rachat de trimestres d’études. Je ne suis pas contre la prise en compte des trimestres d’études, a fortiori si cela est encadré et limité, mais le système de rachat est un système inopérant, injuste et favorisant une redistribution à l’envers. Et, au lieu de le remplacer par un dispositif plus juste, on crée une incitation à utiliser une mesure qui ne fonctionne pas. Et, alors qu’enfin les revendications des stagiaires et leur demande de prise en compte des stages sont entendues, on fait appel au même dispositif de rachat ! Une nouvelle fois, ce dispositif favorisera les étudiants les plus aisés, qui auront les moyens de payer ces trimestres.
Malgré ces critiques, nous ne pouvons, en raison des avancées qu’il comporte, récuser la totalité de ce texte. En effet, outre l’apprentissage, les mesures en faveur des femmes ou les stages de formation professionnelle, le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue une avancée majeure. Il est perfectible, c’est indéniable, mais ce dispositif apportera une véritable réponse à de nombreux salariés en situation de pénibilité. Et c’est pour ces salariés-là que nous ne pouvons nous opposer à cette mesure de justice sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée et nos débats en première lecture ont permis de faire progresser le projet de loi sur l’avenir et la justice de notre système de retraites.
J’aborderai trois sujets, et d’abord celui de la pénibilité. Si, au Sénat comme à l’Assemblée, sa prise en compte n’a guère été contestée, les circonvolutions des uns ou l’insatisfaction relative des autres ne cessent de m’interroger. Chez nos collègues sénateurs UMP, la dissonance était remarquable, certains s’interrogeant sur la définition même de la pénibilité et réclamant plus de dialogue avec les partenaires sociaux. Or, si le souci du dialogue est toujours louable, rappelons que les négociations ont duré plus de trois ans, entre 2005 et 2008, pour aboutir à une définition de la pénibilité et aux dix facteurs de risque pris en compte aujourd’hui.
D’autres ont parlé du compte personnel de pénibilité comme d’une usine à gaz. Disons-le, c’est un marronnier qui traduit en réalité la difficulté de critiquer une mesure parfaitement lisible et surtout très novatrice. Avec le compte personnel de pénibilité, nous posons un principe universel et nous tirons toutes les conséquences des négociations sociales en restituant à la notion de pénibilité à la fois son volet préventif et son volet compensation, ce que ne faisait pas la loi de 2010, très restrictive, centrée sur l’incapacité pour raisons médicales.
Je sais, bien sûr, que l’application ne se fera pas sans quelques difficultés et qu’elle demandera des ajustements, notamment pour les petites et moyennes entreprises, souvent citées dans les débats. On doit cependant rappeler que ce sont les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, qui géreront les comptes ouverts, et que les entreprises auront, elles, à déclarer les expositions via la déclaration annuelle de données sociales. Nous serons appelés à examiner, plus tard dans la soirée, des amendements gouvernementaux qui visent à apporter des réponses à leurs interrogations, s’il en était besoin.
À tous les sceptiques, s’il en reste, je rappellerai les nombreuses études scientifiques sur l’espérance de vie sans incapacité qui sous-tendent la nécessité d’agir enfin au bénéfice des salariés exposés voire pluriexposés.
Toujours attentif aux débats du Sénat, qui ont été denses, j’ai noté que des collègues s’inquiétaient, à l’inverse, d’un dispositif certes novateur mais trop frileux, au prétexte qu’il ne traitait pas des salariés exposés avant le 1erjanvier 2015. C’est factuellement inexact, car le texte comporte des dispositions de lissage, qui permettent de prendre en compte les salariés dès l’âge de cinquante-deux ans, avec un système de bonification. Il serait en tout état de cause difficile de retracer toutes les carrières professionnelles impactantes, sauf peut-être celles liées au travail de nuit.
Autre reproche fait au texte, celui d’une utilisation du compte par trop soumise à la décision de l’employeur. Là encore, nos travaux ont utilement encadré sa réponse pour la demande de temps partiel, possible à tout moment de la vie professionnelle du salarié exposé. Quant au salarié qui fait l’effort de se former pour s’extraire d’un milieu pénible, il doit pouvoir bénéficier à son retour, chaque fois que c’est possible, d’un poste non exposé, mais la loi ne peut en l’état affirmer l’automaticité de ce principe, notamment dans les TPE.
Une dernière question a fait débat, celle du rôle des branches professionnelles. Il faut rappeler que le compte est universel, que les facteurs de risque pris en compte sont connus, que les seuils restent à déterminer et que les partenaires sociaux vont s’y atteler. Les branches, elles, continueront évidemment à signer des accords de prévention des risques au plus près de la réalité de leurs métiers, mais elles ne doivent pas déterminer seules les seuils d’exposition, au risque de créer des inégalités manifestes entre salariés déjà exposés. Je veux saluer ce gouvernement, qui a su faire un choix clair, offrant de nouveaux droits pour les salariés, et je ne doute pas de son impact positif, à terme, sur la qualité de vie au travail des salariés exposés.
Pour terminer, abordons brièvement les articles 23 et 32.
L’article 23 traite des travailleurs handicapés. Il est prévu d’abaisser de 80 % à 50 % le taux d’incapacité permanente requis pour bénéficier de la retraite anticipée pour handicap à cinquante-cinq ans avec majoration de pension. C’est une avancée dont nous devons nous féliciter, qui est assortie d’une mesure transitoire adoptée en première lecture qui permettra aux salariés justifiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés d’y prétendre pendant encore deux ans, ainsi que de la remise d’un rapport parlementaire sur la mise en place d’un compte handicaptravail. Cette question sensible a été relayée auprès de chacun d’entre nous par les associations, qui craignent la disparition du critère RQTH. Une réponse avait été apportée en première lecture, mais je souhaite que Mme la ministre puisse les apaiser.
Je lui demande également de couper court à la désinformation qui court sur l’article 32, à propos de la prétendue mainmise du Gouvernement sur les réserves des caisses des professions libérales. Cela court dans tous les journaux, et j’ai moi-même constatée à quel point elle était répandue lors d’une réunion dans mon département. Cette fausse information court parmi tous les médecins. Je vous demande donc, madame la ministre, d’apporter un éclaircissement à ce sujet.
Mes chers collègues, si aucun texte n’est parfait, celui-ci est équilibré. Il comporte de nombreuses avancées et, comme en première lecture, le groupe SRC le soutiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous prétendons discuter d’un projet de loi sur les retraites, mais, avec son intitulé, nous nous égarons, car c’est plutôt de la faillite d’un système que nous débattons en réalité. Si quelques rares Français croyaient en votre capacité à réformer notre assurance vieillesse, l’illusion finit de se dissiper avec votre anti-projet, qui va grever leur budget de dix milliards d’euros d’augmentation de charges et d’impôts.
Dans une apothéose ironique, vous reportez sur les pensions de retraite la correction des temps partiels subis que vous devriez plutôt combattre au moment de la vie active. Votre projet de loi et les annonces emphatiques qui le précédèrent oscillent entre l’inexactitude et le mensonge.
Mensonge, déjà, dans les travaux préparatoires de Yannick Moreau, qui envisageaient des scenarii fondés sur des perspectives nettement en dessous des estimations les plus optimistes du taux de chômage. Mensonge, également, dans le discours du Bourget du Président de la République, puisque vous avez ajouté une demi-année de cotisation aux Français ayant commencé à travailler dans leur prime jeunesse, alors que vous leur promettiez un départ au bout de quarante et un ans de cotisation. Mensonge, enfin, quand vous osez parler de l’avenir d’un système de retraite en ne comblant que le déficit du régime général, alors que treize autres milliards d’euros attendent impatiemment un financement.
Peut-être, après tout, n’est-ce pas de votre faute. Comment était-il possible que vous preniez la mesure des enjeux afférents à ce débat, en interrogeant presque uniquement ceux qui, eux-mêmes, sont bénéficiaires de régimes spéciaux ? Comment était-il possible que vous évitiez une nouvelle agression contre le pouvoir d’achat quand vous fourbissiez des dispositions maladroites, à l’image d’un compte pénibilité dont vous êtes incapables de nous préciser et la définition et le financement ? Vous demandez en somme à 80 % des Français de supporter des privilèges exorbitants, féodalités d’un autre âge, embastillant la caisse nationale d’assurance vieillesse dans le passéisme et la gabegie au lieu, d’abord, de faire des économies et, ensuite, d’avoir le courage politique de trouver des sources de financement en taxant certains produits financiers complexes et, surtout, en mettant à plat des situations d’exception intolérables en ces temps de crise.
In fine, ce sont les familles qui auront encore à payer le prix d’une caste impotente qui pousse l’arrogance jusqu’à remettre aux calendes grecques l’examen d’un texte sur les droits familiaux, pourtant nécessaire à toute réforme des retraites. En reportant l’indexation des pensions sur une inflation hypothétique, vous heurtez les ménages les plus pauvres. En imposant les gratifications supplémentaires des foyers ayant plus de trois enfants, vous annulez le soutien que vous prétendez accorder aux familles en validant les trimestres de congé maternité.
Enfin, au lieu de dynamiser le marché du travail, vous reportez sur les pensions de retraites votre incapacité à assister la maternité. En effet, vous lui préférez un égalitarisme fanatique. Aussi ma question est-elle simple : comment comptez-vous corriger le nouveau fardeau que vous imposez aux foyers français ? Le ferez-vous par des dispositions en faveur des familles, et tout particulièrement des mères – qui semblent être les grandes oubliées de votre texte ?
Vous réduisez le débat sur les retraites à des postures partisanes. Cette question devrait pourtant être l’occasion d’un retour du politique vers le service de l’intérêt général. De fait, vous vous interdisez de servir l’intérêt général en adoptant des dispositifs cosmétiques, non financés, et en omettant de traiter près des deux tiers des déficits pourtant mis en lumière par le rapport Moreau.
Vous nous présentez donc un texte marqué du sceau de la démission. Démission devant les puissances d’argent, déjà choyées par le ministre de l’économie. Démission devant la conjoncture, puisque vous ne misez que sur un renversement démographique strictement tributaire des flux migratoires, et d’une politique nataliste que vous ne maîtrisez plus. Démission, enfin, devant les instances européennes et mondiales qui asphyxient notre marché du travail, seul véritable garant de la pérennité du système de retraites.
La démission, c’est maintenant : tel est le sens de votre action. La démission, chers collègues, ne pourra recevoir mon approbation.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, cette réforme des retraites a l’ambition de rétablir la confiance en consolidant la situation financière de notre système de retraite par répartition.
Elle crée de nouveaux droits pour les jeunes, les apprentis, les stagiaires et les étudiants. Elle crée aussi de nouveaux droits pour les femmes, par exemple en validant tous les trimestres de congés maternité. Elle crée enfin de nouveaux droits touchant à la prise en compte de la pénibilité. Cela permettra aux salariés de réorienter leur carrière professionnelle, d’alléger cette pénibilité en travaillant à temps partiel ou en partant plus tôt à la retraite. Il s’agit aussi d’inciter les entreprises à atténuer les situations de pénibilité en améliorant les conditions de travail.
Mais l’enjeu est également de garantir le financement de notre système de retraite. L’effort demandé à nos concitoyens doit être équitablement partagé. Chacun doit donc participer à l’effort : les entreprises, les salariés, les retraités. La proposition du Gouvernement est équilibrée et progressive. L’Assemblée nationale l’a clarifiée. Elle l’a également améliorée sur plusieurs points, par exemple en prenant mieux en compte les situations de précarité, les temps partiels – qui sont le plus souvent subis –ou les périodes de chômage, alors que la situation de l’emploi subit le contrecoup de l’absence de politique industrielle depuis dix ans.
Les mesures de redressement financier s’appliquent de la même façon à tous, au public et au privé. Le dispositif de pénibilité s’applique aux salariés des employeurs privés et publics de droit privé, excluant de fait les fonctionnaires. Ceux-ci bénéficient effectivement du dispositif dit des catégories actives. La prévention de la pénibilité, concernant les fonctionnaires, ne figure pas dans ce texte. Ce sujet est inscrit à l’ordre du jour de l’agenda social proposé par la ministre de la fonction publique.
La situation des fonctionnaires, en matière de retraite, n’est pas plus favorable que celle des employés du secteur privé. 1 650 000 agents, soit un agent public sur cinq ont une rémunération proche du SMIC. La moyenne des pensions à la CNRACL est de 1 022 euros par mois, ce qui est très faible pour des agents qui ont assuré un service public pendant toute leur vie active, souvent dans des conditions de pénibilité non reconnues.
L’opposition a tenté, lors des débats, d’opposer les catégories professionnelles publiques et privées. C’est dommage, car le service public et l’engagement au service de l’intérêt général ont été mis à mal. Un débat annuel sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique sera organisé. Il concernera la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale. Il permettra de suivre le taux de remplacement, l’évolution moyenne des pensions, la situation financière des régimes, et de comparer l’évolution des pensions entre les hommes et les femmes.
Les organisations syndicales apprécient cette manière de conduire le dialogue social sur cette question. Ce rendez-vous annuel permettra de faire de la pédagogie pour expliquer la situation des trois fonctions publiques au regard des retraites et de lever, en toute transparence et objectivité, les fausses idées que certains alimentent concernant les retraites des fonctionnaires.
Concernant les retraites agricoles, ce texte permet d’améliorer les petites pensions des non-salariés agricoles. Trois mesures de ce projet de loi concrétisent les engagements pris par le Président de la République pour améliorer le niveau des petites pensions des non-salariés agricoles. Elles font l’objet d’un financement spécifique dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. Il s’agit d’abord de la suppression de la condition de dix-sept années et demie de cotisations pour bénéficier de la pension majorée de référence du régime des non-salariés agricoles.
Il s’agit ensuite des mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles.
L’assurance retraite complémentaire obligatoire des conjoints de chefs d’exploitation et des aides familiaux est améliorée. C’est une mesure de justice pour les nombreuses femmes agricultrices qui ont travaillé à la ferme alors que leur statut de collaboratrice n’était pas reconnu. Ces femmes se sont battues pour améliorer leur statut ; elles nous sont très reconnaissantes car nous rétablissons l’équité de traitement pour les femmes de chefs d’exploitation qui ont contribué à l’activité de l’exploitation agricole.
Selon l’étude d’impact, l’attribution de droits gratuits de retraite complémentaire aux conjoints collaborateurs et aides familiaux touche une population principalement féminine et âgée : 72 % des bénéficiaires de la mesure sont des femmes, 44 % des femmes concernées ont plus de 80 ans et 62 % ont plus de 75 ans. 330 000 personnes qui n’avaient pas accès à la RCO pourront désormais en bénéficier, parmi lesquelles 316 000 femmes.
Les retraites agricoles restent faibles : 90 % des femmes bénéficiaires avaient une retraite globale mensuelle inférieure à 658 euros en 2011 et 50 % ont moins de 524 euros de pension. Cette mesure va donc dans le bon sens, alors que le contexte financier est tendu.
La troisième mesure était également très attendue. Longtemps promise, elle sera votée par notre assemblée. Il s’agit de la garantie de retraite à 75 % du SMIC pour les exploitants agricoles. Cette mesure bénéficiera à 238 000 personnes dès 2015. De 5 000 à 7 000 personnes supplémentaires en bénéficieront ensuite chaque année.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce texte va dans le sens du progrès. Il donne des perspectives et affirme le bien-fondé de notre système de retraites par répartition.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
La parole est à M. Denis Jacquat.
Madame la présidente, cet article présente les principes de l’assurance vieillesse. En première lecture, notre assemblée a complété la rédaction de cet article, en indiquant que « le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité ». Il faut bien avoir à l’esprit que cela va entraîner une baisse du pouvoir d’achat.
Un deuxième complément a consisté à indiquer que « les assurés bénéficient d’un traitement équitable ». Or à cet égard nous sommes confrontés au problème de la convergence. Vous savez que la règle dite de l’entonnoir, applicable à la navette parlementaire, empêche de déposer des amendements tendant à la création d’articles additionnels en nouvelle lecture. Nous ne pourrons donc pas traiter cette question, sauf ponctuellement, à la rigueur, au moment de l’examen de l’article 30.
Enfin, concernant la pérennité financière du système de retraite, je rappelle que mes collègues et moi-même vous avons demandé à de multiples reprises comment vous comptez trouver les 13 milliards d’euros qui manqueront pour financer cette réforme, dont le déficit prévisionnel est de 20 milliards d’euros. Vous ne nous avez pas non plus répondu concernant la somme de 1,7 milliard d’euros qui manquera en 2040 pour financer les mesures relatives à la pénibilité.
Madame la présidente, madame la ministre, l’article 1er du projet de loi sur les retraites définit les objectifs assignés au système de retraite par le Gouvernement. Nous partageons le choix du système de retraite par répartition, tel que l’affirme l’alinéa 4 de cet article. C’est un système juste, qui assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité. Nous constatons cependant que l’article 4 du projet de loi va à l’encontre de ce principe de répartition, en supprimant la revalorisation des pensions de retraite au 1er avril 2014, pour la reporter au 1er octobre 2014. Désormais, avec votre projet de loi, ce sont les retraités qui paieront pour les retraités.
L’alinéa 5 de l’article 1er affirme également que « les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension ». Or l’étude du conseil d’orientation des retraites nous a démontré que dans les années à venir, le taux de remplacement sera différent entre le secteur public et le secteur privé. C’est la raison pour laquelle nous défendons la poursuite de l’effort de convergence entre les régimes de retraite des salariés du privé et ceux des fonctionnaires de l’État, mais vous ne voulez pas nous entendre.
L’article 1er reformule les objectifs du système de retraite. Malgré cela, il illustre l’absence totale de réforme systémique et le recours à la seule modification des paramètres. Nous sommes donc convaincus que votre texte n’apporte pas de solution de fond aux difficultés de notre système de retraite. Nous aurons assurément à y revenir.
Madame la présidente, au début de ce texte, il nous semble extrêmement important de préciser la nature de notre système de retraites. C’est l’objet de cet amendement, qui propose d’indiquer que ce système est solidaire.
Les réformes qui se succèdent depuis plus de vingt ans font apparaître les produits d’épargne retraite comme une alternative – pour ceux qui en ont les moyens, bien sûr – au report de l’âge de départ en retraite ou à l’augmentation de la durée de cotisation. Il convient donc, dès le début du texte, de réaffirmer que notre système de retraite par répartition est solidaire. C’est afficher clairement la volonté du législateur de défendre un système exigeant un effort proportionné de la part de toutes les parties à la solidarité nationale. Hélas, comme nous l’avons dit tout à l’heure, ce sont surtout les actifs et les retraités qui sont mis à contribution.
En première lecture, on avait opposé à cet amendement l’argument selon lequel un système de retraites par répartition est nécessairement solidaire. Ce n’est pas exact. Par conséquent nous tenons à cette précision.
Madame la présidente, la commission a émis un avis défavorable, confirmant la position qu’elle avait adoptée au cours de la première lecture. Je crois, monsieur Dolez, que l’alinéa 4 a pour objet d’affirmer le choix de la retraite par répartition par opposition à la retraite par capitalisation. À cet égard nous avons les mêmes objectifs : il n’y a aucun doute là-dessus. Le caractère solidaire de notre système de retraite est par ailleurs défini à l’alinéa 6 de cet article 1er, qui détaille bien ses objectifs de solidarité. Votre amendement n’apporte donc aucune clarté. C’est pour cette raison que la commission a émis un avis défavorable.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
L’amendement no 176 n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 177 .
Madame la présidente, il s’agit aussi d’un amendement de précision. Il est en effet indispensable de préciser à l’article 1er que le choix, par la Nation, de la retraite par répartition doit se faire « à prestations définies ».
Si le projet de loi était adopté dans les mêmes termes qu’en première lecture, le système de retraites serait de facto amené à fonctionner à cotisations définies. Autrement dit, on ajusterait en permanence le montant des pensions versées ou en cours de constitution au montant des ressources perçues ou projetées compte tenu du plafonnement des cotisations. Dans un contexte d’accroissement du nombre de retraités et d’augmentation de leur espérance de vie, il s’ensuivrait un décrochage continu et majeur du taux de remplacement du salaire par la pension de retraite, sauf à prétendre maintenir les actifs dans l’emploi à un âge absolument irréaliste.
Précisons, à cet égard, que maintenir les salariés dans l’emploi le plus tard possible – c’est à cela que revient l’augmentation de la durée de cotisation – suppose que l’on ne partage plus le temps de travail entre les générations. Le système à cotisations définies est préconisé par le Medef, et pour cause : dans ce système, le pourcentage de cotisation est fixé, et le système s’équilibre par le montant des pensions, qui sert de variable d’ajustement. C’est en effet un moyen pour les employeurs de se mettre à l’abri de toute augmentation des cotisations patronales.
Avis défavorable de la commission. Pour répondre à M. Chassaigne, j’indique que les paramètres de calcul de la retraite que sont les prestations définies ou les cotisations définies ne sont pas des objectifs du système de retraites, mais des moyens au service de ces objectifs.
Notre système est un système à cotisations définies, et le projet que nous défendons aujourd’hui ne change rien à cela. Le principe de tunnel dont nous discuterons à l’article 3 ne fait pas de notre système un système à cotisations définies, puisque les recommandations du comité de suivi ne s’imposent pas au Gouvernement et au Parlement.
Surtout, s’il y a un taux de cotisation plafond, il y a aussi un taux de remplacement plancher, donc une prestation définie.
Je rappelle aussi que rien n’empêche un régime à prestations définies, par exemple un régime par points, de comporter des éléments de solidarité. Rien n’oblige un système de retraites par points à réduire le taux de remplacement. Avis défavorable de la commission.
Notre système est un système à cotisations définies, et notre réforme n’entend pas revenir sur ce principe. Avis défavorable.
L’amendement no 177 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 368 .
Puisque nous discutons des principes fondateurs de cette réforme des retraites, nous souhaiterions que la convergence soit l’un d’entre eux. J’évoquerai rapidement trois arguments à l’appui de mon propos : premièrement, trouvez-vous normal que, dans certains régimes spéciaux, comme à la RATP, on parte en retraite en moyenne huit ans avant l’âge de départ effectif du secteur privé ou même des fonctionnaires ? D’un côté, l’âge de départ effectif est de 54 ans, de l’autre, de 62 ans.
Deuxièmement, le niveau des retraites diffère sensiblement selon les régimes. Le montant moyen des pensions propres s’élève à 1 757 euros par mois pour les fonctionnaires et les assurés des régimes spéciaux, et à seulement un peu plus de 1 100 euros pour les salariés du secteur privé.
Là encore, la convergence nous paraît indispensable.
Le troisième argument a trait au problème du financement des pensions de retraite des fonctionnaires. Il est assuré à 76 % par l’État, un État dont vous savez que l’endettement atteint près de 90 % de son PIB.
Nous parlons là de vrais principes fondateurs. Je suis d’ailleurs un peu surpris que vous n’ayez pas pris quelques instants pour nous répondre après la discussion générale. Je regrette, une fois de plus, que vous balayiez d’un revers de main un certain nombre de ces principes, dont celui de la convergence, qui est, à nos yeux, une exigence.
C’est un débat que nous avons déjà eu et que nous allons visiblement poursuivre, avec M. Vigier et d’autres collègues. La convergence entre les régimes n’est pas un objectif en soi.
Nous pouvons parfaitement établir un système juste et équitable sans cette convergence.
De toute façon, il n’y a plus d’espoir pour les prochaines élections, donc vous pouvez réformer franchement !
Je rappelle d’ailleurs que l’objectif de convergence existe et qu’il doit être atteint dans des délais déjà définis : les régimes spéciaux ont été réformés par vous-mêmes en 2008 – vous prenez plaisir à le rappeler.
Il n’est pas question aujourd’hui de remettre en cause l’échéancier que vous avez établi pour atteindre cet objectif de convergence. Si vous aviez voulu aller plus vite, vous auriez pu le faire. Vous avez donc estimé ces délais raisonnables.
Je souhaite dire aussi à M. Vigier qu’il faut qu’il soit honnête – et je sais qu’il l’est, par nature. Mais avant de comparer les moyennes des retraites du secteur privé et celles du secteur public, il faut d’abord comparer les carrières !
Il est évident qu’il y a plus de personnel de catégorie A dans la fonction publique d’État : le corps des fonctionnaires de l’éducation nationale représente presque 1 million d’agents de catégorie A, ce qui fait monter le montant moyen des retraites à 1 700 euros. Cela explique cette différence.
Dites-le très honnêtement, car c’est la vérité : aujourd’hui, le taux de remplacement – pardonnez-moi d’y revenir en permanence –, celui qui permet de comparer les revenus d’activité et le montant de la retraite, est assez comparable, à peu de chose près ; ce taux s’élève en effet à 74 % ou 75 % pour le privé et le public dans la catégorie C, et à presque 54 % ou 55 % pour la catégories A et ses équivalents dans le secteur privé.
Je ne me lasserai pas de vous le répéter, monsieur Vigier, car c’est toujours un plaisir. Ne vous risquez pas à ce genre de comparaisons hâtives, qui ne vous honorent pas. Avis défavorable de la commission.
Avis défavorable. L’objectif de notre système de retraites est que l’effort fourni pendant la période de travail aboutisse à un niveau de retraite et à un taux de remplacement équivalents. C’est l’objectif qui est recherché dans cette loi.
Je souhaite ajouter rapidement deux éléments. Premièrement, monsieur Issindou, vous avez prononcé le mot « honnête ».
C’est quand même un mot fort ! Je ne vais pas vous expliquer comment on calcule une moyenne, vous l’avez appris, comme moi, sur les bancs de l’école.
Que ce soit dans les fonctions publiques ou dans le privé, les salaires peuvent être élevés, moyens, ou bas. La moyenne, c’est la moyenne. Les chiffres que je vous ai donnés ne sont pas contestables : ce ne sont pas les miens, ce sont ceux du COR, auquel vous faites souvent référence.
Deuxièmement, madame la ministre, vous dites vouloir une réforme juste, dont le calcul du taux de remplacement est un élément important. On sait très bien que le taux de remplacement du secteur public est assez proche de celui du secteur privé – on a débattu de ce sujet à plusieurs reprises.
Mais il n’y a pas que le taux de remplacement ! Il y a également le montant réel de la retraite, que l’on reçoit quand on est à la retraite.
L’amendement no 368 n’est pas adopté.
L’amendement no 184 vise à préciser à l’alinéa 5 que tout doit être mis en oeuvre pour garantir l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé. Je me permets d’indiquer que cet amendement a été adopté au Sénat, et qu’il nous semble utile d’apporter cette précision, compte tenu des inégalités sociales qui persistent en matière d’espérance de vie entre les différentes catégories.
Je rappelle par exemple que la différence d’espérance de vie entre les cadres et les ouvriers est de six années. Nous pensons utile d’apporter cette précision dès le début du texte, en rappelant, si cela peut être un argument recevable, qu’elle avait, en 2010, rassemblé dans cet hémicycle la gauche dans sa diversité.
Bien entendu, nous voulons également que l’espérance de vie en bonne santé de nos concitoyens soit la plus longue possible. C’est d’ailleurs inscrit à l’article 1 dans le rapport de la commission.
Mais l’allongement de l’espérance de vie est essentiellement un objectif de santé publique. Cela ne peut pas être inscrit en tant que tel dans un texte sur les retraites, car le sujet n’a rien à voir, même si cet objectif de santé publique est tout à fait louable. La commission a émis un avis défavorable.
Défavorable.
Cet amendement pourrait figurer dans le texte, étant donné qu’il ajoute la précision « l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé ». C’est le voeu qu’on formule pour tous les retraités de notre pays. Pour une fois, cela ne coûte rien et cela démontre une volonté de notre assemblée. Le groupe UMP le votera.
L’amendement no 184 n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 178 .
L’amendement no 178 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement, portant sur l’alinéa 6, a pour objet de substituer aux termes « la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités » les termes « l’amélioration du niveau de vie de tous les retraités ».
La question qui est posée par ces deux formulations différentes est celle des objectifs assignés à notre système de retraites. Doit-on s’en tenir au simple maintien du niveau de vie des retraités, ou doit-on lui assigner l’objectif d’une amélioration de ce niveau de vie, lorsqu’on sait, par exemple, que l’allocation de solidarité aux personnes âgées s’élève à moins de 800 euros par mois ?
Compte tenu de la faiblesse de beaucoup de pensions, nous pensons que l’objectif d’une réforme progressiste de notre système de retraites doit être d’affirmer haut et clair l’amélioration du niveau de vie des retraités.
Avis défavorable de la commission. Je précise d’ailleurs que tous ces amendements n’ont pas été examinés en commission, parce qu’ils n’ont pas été déposés – ils l’ont été seulement au titre de l’article 88. J’exprime donc à moi tout seul l’avis de la commission.
Actuellement, le niveau de vie des retraités est comparable à celui des actifs, voire supérieur si l’on tient compte du patrimoine. Inscrire un objectif d’augmentation du niveau de vie des retraités n’est pas forcément légitime ; c’est le niveau de vie de l’ensemble de la population qu’il faut chercher à améliorer, pas forcément celui des retraités, qui n’est pas aussi mauvais qu’on veut bien le dire.
Pour autant, la réforme ne le dégrade pas non plus.
Avis défavorable. Le texte présente déjà un objectif ambitieux de maintien du niveau de vie des retraités.
Il est un peu dommage que nos lectures diffèrent. À partir du moment où l’on propose d’améliorer le niveau de vie des retraités, je tiens à préciser, au nom de l’UMP, que cet amendement est parfaitement justifié.
En effet ce texte, qui nous revient en nouvelle lecture, porte fortement atteinte au pouvoir d’achat des retraités. Il convient donc de se battre, non pas pour un niveau de vie satisfaisant, mais pour une réelle amélioration de ce niveau de vie.
Je n’ai pas oublié la nouvelle taxe de 0,3 % qui est apparue début 2013 sur la feuille de paie des retraités. Si des collègues défendent le principe du maintien du niveau de vie, c’est précisément pour éviter que les retraites soient ainsi considérées comme une variable d’ajustement permanente.
J’ajoute également – on en reparlera à l’article 4 –que le report de la réévaluation des retraites du 1er avril au 1er octobre est un deuxième coup porté au pouvoir d’achat des retraités. Il faut donc garantir ce niveau de vie. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
L’amendement no 179 n’est pas adopté.
Dans un système à cotisations définies comme le nôtre, la lisibilité et la transparence du système de retraite sont nécessaires à la confiance des assurés dans le système. C’est d’ailleurs une attente régulièrement évoquée par les citoyens.
Les objectifs de lisibilité et de transparence ne s’appliquent pas uniquement aux règles actuelles du système : ils supposent également que les assurés aient une bonne visibilité sur les règles futures du système, telles qu’elles s’appliqueront lors de leur propre départ à la retraite.
Ces règles sont sans cesse rappelées, à juste titre, par le COR. Il convient également de les rappeler dans la loi. La lisibilité est un droit des citoyens, leur permettant d’être parfaitement informé. La transparence est également un droit, qui permettrait de donner confiance à nos concitoyens.
Aussi me paraîtrait-il pertinent d’ajouter aux objectifs de solidarité et d’égalité, retenus au titre de l’alinéa 6 de l’article 1er, les principes de lisibilité et de transparence. Tel est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 364 .
J’approuve la mention à l’article 1er d’un certain nombre de principes fondateurs. Sur tous les bancs, nous avons demandé, aujourd’hui comme en 2010, de la lisibilité, de la transparence et de la justice. On propose donc de vous aider, et d’inclure dans le texte les notions de lisibilité et de transparence.
Nos concitoyens savent bien que nos régimes de retraites sont complexes. Je rappelle – et le COR le dit très bien – que nous disposons de 21 régimes de retraites, regroupés en trois ensembles. Le premier concerne les salariés du secteur privé, les non titulaires de la fonction publique, et le régime des salariés agricoles. Cela représente 70 % des actifs.
Le deuxième ensemble est celui des régimes des non salariés, lesquels représentent 10 % des actifs ; enfin, le troisième, celui des régimes spéciaux des fonctionnaires et de certains salariés, correspond à 20 % des actifs. Nous enregistrons donc, pour les retraites complémentaires, vingt et un régimes, trois piliers et trente-cinq organismes. Cette multiplicité nuit naturellement à la lisibilité et à la transparence. C’est la raison pour laquelle nous appelons de nos voeux, comme vous le savez, un grand système unique de répartition qui, seul, permettra à chacun d’avoir une vraie vision de la situation, grâce à la lisibilité et à une véritable transparence : chacun saura clairement combien il cotise, quel niveau de retraite il aura, et pour quel type de carrière.
La commission a émis un avis défavorable. Les principes fondateurs sont inscrits à l’article 1er. La lisibilité et la transparence ne sont pas forcément un principe fondateur.
Ce sont des éléments importants, que nous traiterons d’ailleurs lorsque nous examinerons les articles suivants. On ne peut pas tout écrire dans un article fondateur…
…sauf à ce que cela ne signifie plus rien. Cela reviendrait ainsi à mettre l’ensemble du projet de loi dans l’article 1er ; et on pourrait s’arrêter là… La commission confirme donc son avis défavorable.
Avis défavorable. Les objectifs de lisibilité et de transparence sont traités à l’article 26.
Je ne comprends pas ce que retirerait à la force, au contenu et à la portée du texte que vous défendez la mention de ces notions à l’article 1er qui est l’article où sont habituellement, dans le domaine du droit, posés les principes généraux. Si l’on ne précise pas ces principes dans cet article, ils n’auront pas d’incidence sur l’ensemble du texte. Mais peut-être êtes-vous dans la posture de principe du refus systématique de tous les amendements au seul motif qu’ils émanent de l’opposition. Avouez que cette posture est tout de même difficile à comprendre lorsque l’on traite de l’intérêt des retraités !
C’est vous qui nous proposez de reprendre la parole, madame la ministre, puisque vous nous dites que ce point sera débattu à l’article 26 ! Lorsque ce texte a été examiné en commission et que j’ai proposé de créer des taxes particulières pour les retraites chapeaux, le rapporteur m’a répondu que ce point serait examiné lors du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cela s’apparente à : « Je paierai lundi ! » J’arrive le lundi pour payer, mais la boutique est fermée. « Alors, je reviendrai mercredi ! »
Le problème est le même pour la pénibilité. Vous nous avez expliqué que ce grand texte permettait de poser des grands principes. Au lieu de traiter la lisibilité et la transparence à l’article 26, madame la ministre, pourquoi ne pas le faire dès l’article 1er ? Nous pourrions alors vous suivre ! Il est tout de même dommage de vous priver du soutien de l’opposition, en sachant que vous n’avez rien obtenu au Sénat !
L’amendement précédeMment défendu par notre collègue Marc Dolez proposait de poser comme objectif l’amélioration du niveau de vie des retraités. L’amendement no 182 a un autre objectif : celui de combler au plus vite les écarts de pensions entre hommes et femmes. Sur trois retraités pauvres, deux sont des femmes. Cette statistique, révélatrice de la condition d’une partie de la population féminine française, devrait à elle seule justifier l’adoption du présent amendement. En effet, comment prétendre assurer « l’égalité entre les femmes et les hommes », objectif assigné à la nation par la rédaction de l’alinéa 6 de ce projet de loi, sans que la nation se donne aussi, et surtout, pour objectif de combler les écarts de pension entre les femmes et les hommes ? C’est bien de cela qu’il s’agit.
Selon les dernières statistiques publiées concernant les personnes retraitées de plus de soixante-cinq ans, la pension moyenne de droit direct des femmes s’élève à 879 euros par mois contre 1 657 euros par mois pour les hommes. L’écart est considérable ! Depuis 1993, en dépit de la succession des réformes, l’écart des pensions entre les femmes et les hommes demeure. Les travaux récents du Comité d’orientation des retraites indiquent qu’il ne se résorbera pas spontanément. Ainsi, selon cet organisme, cet écart resterait de 20 % pour les personnes nées dans les années soixante-dix.
La situation appelle donc une action volontariste. Si le projet de loi vise à agir sur certains leviers pour réduire quelque peu les différences en matière de pensions, sans toutefois les résorber, il est prévu dans le même temps, à l’article 2, d’allonger la durée de cotisation ouvrant droit à une pension sans décote, cette prolongation pouvant aller jusqu’à deux années. Cette mesure, qui touchera notamment les assurés nés dans les années soixante-dix, va très durement pénaliser les femmes, du fait de carrières plus courtes ou hachées et de salaires de référence inférieurs à ceux des hommes.
Pour mémoire, 40 % des femmes, contre 23 % des hommes, ne peuvent prétendre à une pension à taux plein au moment de leur départ à la retraite. Nous restons ainsi dans la logique qui sous-tendait les précédentes réformes de 1993, de 2003 et de 2010, qui pénalisaient les femmes. C’est pourquoi nous demandons que le projet de loi assigne explicitement à la nation l’objectif précis de « combler les écarts de revenus, de pensions, d’âge moyen de fin d’activité et d’âge moyen de départ en retraite entre les hommes et les femmes ».
En effet, il s’agit bien de la bataille principale qu’il convient de mener si l’on veut se donner les moyens d’atteindre l’objectif d’égalité, et non en rester à une pétition de principe. L’importance de cette proposition est telle que nous avons sollicité un scrutin public sur cet amendement.
Il n’y a aucune ambiguïté, nous souscrivons bien entendu sur de nombreux bancs, pour ne pas dire sur tous, à tout ce que vient de dire M. Chassaigne.
Je ne comprends pas la raison pour laquelle vous avez déposé cet amendement, puisque cette précision figure déjà dans ce texte. Nous avons eu un véritable débat sur ce point en commission lorsque nous avons évoqué, après avoir constaté la même chose que vous, la convergence entre les pensions des femmes et des hommes. Nous avons alors précisé dans l’alinéa 6 que : « La Nation assigne également au système de retraites par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes… »
Cet objectif me semble tout aussi précis. Votre amendement est donc satisfait. Si vous ne le retirez pas, la commission y sera défavorable, monsieur Chassaigne.
Défavorable.
L’article 1er précise, justement qu’il convient de reformuler les objectifs du système de retraites. Dans ce cas particulier, il nous est indiqué par nos collègues que l’objectif est justement de combler au plus vite les écarts de pensions entre hommes et femmes. Lorsque j’ai défendu, au nom du groupe UMP, la motion de rejet préalable, j’ai précisé que : « La lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes a également été un de nos combats, plus particulièrement dans la loi de 2010. Les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes résultent des inégalités pendant leur vie professionnelle. Aussi, dans le cadre des retraites et plus particulièrement des retraites par répartition, il convient de continuer à lutter dans ce sens. »
Nous mettons à exécution ce que nous avons dit voici quelques instants. Dans le cadre d’une opposition constructive, nous voterons donc cet amendement.
Le rapporteur a justifié le rejet de cet amendement, en reprenant d’ailleurs une explication que j’avais donnée lorsque j’ai défendu mon amendement. Il a ainsi reconnu que parler de l’égalité entre les femmes et les hommes était différent. Je rappelle que l’amendement propose de combler les écarts de revenus, de pensions, d’âge moyen de fin d’activité et d’âge moyen de départ en retraite entre les hommes et les femmes. Cet objectif beaucoup plus précis n’est donc pas similaire à celui affirmé à l’alinéa 6 de cet article.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 68 Nombre de suffrages exprimés: 66 Majorité absolue: 34 Pour l’adoption: 18 contre: 48 (L’amendement no 182 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 366 .
Je suis quelque peu surpris, mes chers collègues, qu’ait été laissée de côté, dans cet article 1er, la volonté exprimée par André Chassaigne de rapprocher le niveau de retraite des femmes et des hommes. Nous vous tendons donc de nouveau la perche, monsieur le rapporteur. J’espère que vous serez sensible à notre argument. Vous nous avez dit que votre texte était formidable, que vous veniez d’ouvrir un chantier extraordinaire sur la pénibilité et que c’était, grâce à vous, un bond en avant !
Or pour faire un bond, il faut partir du bon endroit, ce qui n’est pas le cas. En effet, à l’article 1er, article fondateur, ne figure pas ce principe de pénibilité. J’anticipe votre réponse parce que je la connais. Vous allez nous répondre que la pénibilité sera traitée à l’article 6, car le changement, c’est tout à l’heure ! Or c’est à l’article 1er, article fondateur, qu’il faut l’inscrire ! Je rappelle que tout n’a pas démarré le 6 mai 2012 ! En 2003, nous avons amorcé l’idée du compte pénibilité. Vous avez même dit, à ce sujet, qu’il convenait de continuer !
Il y aura, ensuite, la mise en application pour laquelle nous avons formulé des critiques, des remarques et des propositions. Nous vous tendons, une fois de plus, la perche, madame la ministre. Vous avez balayé d’un revers de main la lisibilité et la transparence, ce que nous n’avons pas compris. Nous vous proposons d’établir une convergence entre les femmes et les hommes, cela ne vous intéresse pas non plus. Nous entendons pourtant souvent dire que les carrières des femmes sont hachées. Mais vous connaissez parfaitement l’argumentation !
Puisque ce compte pénibilité a été créé pour les salariés du secteur privé, il doit figurer dans les principes fondateurs. Si cette réforme n’apporte aucun financement vraiment sécurisé, on en retiendra au moins que ce principe était fondateur !
M. Vigier a posé les questions et donné les réponses à ma place, c’est parfait et c’est un gain de temps ! Je confirme donc l’avis défavorable de la commission pour les raisons qu’il vient d’évoquer !
Même avis pour les mêmes raisons.
Vous pourriez tout de même faire un petit effort, monsieur le rapporteur ! Faire les questions et les réponses n’était pas dans mes intentions, mais vous avez l’habitude de botter en touche. Ce soir, il était préférable de botter dans les buts, ce qui a été fait 3-0 ! Il est toutefois manifeste que ce débat vous ennuie, ce qui est quelque peu regrettable. Si vous voulez que l’on parte le plus vite possible, soyez convaincant. Peut-être retirerons-nous alors nos amendements, nous verrons… Lorsque l’on vous propose des amendements qui ne vous coûtent rien et qui sécurisent les principes fondateurs de cette réforme des retraites, acceptez-les de temps en temps !
L’amendement no 366 n’est pas adopté.
Cet amendement s’inscrit dans la suite de ceux que nous venons de discuter. Je relèverai ici une incohérence avec le titre du projet de loi, qui comporte les mots garantie et justice, et avec les objectifs vertueux de l’article 1er, qui réaffirme le choix de la retraite par répartition, objectifs qui sont ceux de l’équité, de la solidarité et de la réduction des écarts. Or votre projet de loi n’apporte aucune réponse en termes de convergence entre les différents régimes, qu’il s’agisse des cotisations ou des prestations.
Il est essentiel de rappeler certaines inégalités. Il y a une inégalité entre les femmes et les hommes, puisque les hommes ont, aujourd’hui, une pension mensuelle moyenne de 1 657 euros, valeur 2008, alors que les femmes touchent 879 euros. Il existe une autre inégalité relativement importante : ainsi, les fonctionnaires et les salariés des régimes spéciaux ont perçu 1 757 euros en 2008, alors que ceux du secteur privé ont reçu 1 166 euros. Il convient d’ajouter à ces personnes les non-salariés qui touchent 793 euros.
Ces inégalités conséquentes existeront encore entre les trentenaires d’hier, ceux d’aujourd’hui et, peut-être, ceux de demain. En effet, ceux de 1980 ont validé, en 2008, 42,6 trimestres et ceux de 2000 seulement 30,6 trimestres. C’est pourquoi il nous paraît devoir être ajouté à l’alinéa 6 l’objectif d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires. C’est, par ailleurs, une mesure attendue par l’ensemble de nos concitoyens, lesquels ne pourraient comprendre que cette question de convergence public-privé ne soit pas abordée.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 363 .
Mme Louwagie a donné une argumentation extrêmement précise. L’équité doit être au rendez-vous et, entre le mot d’équité et celui de justice, il n’y a qu’un pas que l’on peut franchir allègrement. Ce qui est important, c’est que cette équité soit perçue comme telle par nos concitoyens et surtout qu’elle soit intergénérationnelle. D’ailleurs, si nous contestons cette réforme, ou cette non réforme, c’est parce que vous démarrez avec un trou de 13 milliards d’euros et que nous n’avons pas le droit, avec les déficits publics que nous connaissons, et avec les financements des régimes spéciaux que chacun connaît ici, de continuer à creuser ce trou.
Nous voulons donc inscrire dans les principes fondateurs qu’il faut rapprocher public et privé, faire en sorte qu’il y ait de l’équité entre les générations pour garantir la retraite par répartition qui est un socle auquel nous tenons tous. Entendez ce message. Il s’agit des principes fondateurs, cela ne coûterait pas un seul euro mais ce serait le symbole et la marque d’une réforme allant dans le sens de plus de justice et là, le titre commencerait à avoir un peu plus de sens.
Vous essayez de faire entrer tout le texte dans l’article 1er, la pénibilité, l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous agissons plus concrètement à travers les articles et vous allez le voir. Nous nous concentrerons sur les inégalités les plus criantes, entre les hommes et les femmes, entre les travaux pénibles et ceux qui ne le sont pas, celles que nous constatons sur le marché du travail.
Vous, vous partez d’un principe, c’est que la situation actuelle n’est pas équitable. Mme Moreau, que vous citez souvent, n’a pas dit cela. Elle a montré que les différences de modes de calcul n’avaient pas d’incidence sur l’équité entre les systèmes, que le taux de remplacement était le même dans le public et dans le privé. Pardonnez-moi de me répéter mais c’est l’essentiel.
La convergence a eu lieu et, d’ailleurs, si vous aviez voulu l’accélérer, c’est vous qui étiez aux affaires en 2005 et en 2010 et il fallait aller jusqu’au bout de votre logique. Vous faites preuve aujourd’hui d’une grande impétuosité, mais vous étiez beaucoup moins allants sur ces réformes. Vous avez beaucoup plus de dynamisme que vous n’en aviez en 2010, monsieur Vigier. Vous donnez la plénitude de vos moyens en nous prouvant tout ce que vous pouvez sur les systèmes de retraite. Que n’avez-vous tenu ces propos à l’époque, quand l’UMP était aux manettes ?
Nous agissons à travers chaque article. Vous verrez que cette réforme est équitable, juste, et que les inégalités seront gommées davantage que par les réformes précédentes.
La commission est défavorable à ces amendements.
Défavorable.
Monsieur Issindou, vraiment ! Je ne travaillais pas sur le texte des retraites en 2010 mais, si vous voulez que je vous donne le verbatim de tout ce que vous avez déclaré les uns et les autres, vous serez servis, nous y serons encore demain matin. « Cette réforme est injuste, nous reviendrons dessus. » « Nous reviendrons sur la retraite à soixante ans. » Promesses oubliées ! Relisez ce que j’ai dit à l’époque sur les retraites – pas grand-chose, parce que je ne siégeais pas dans la commission concernée, et vous le savez très bien. En revanche, quand je vous interpelle en vous disant que vous êtes en train de créer un déficit de 13 milliards d’euros, que le déficit public est insoutenable, ce que M. Cazeneuve nous raconte tous les mardis et tous les mercredis, et qu’il faut arrêter de creuser ce trou sans arrêt, entendez ce message !
Dernier message qu’il faut entendre, c’est Mme Moreau qui souligne elle-même que les précédentes réformes ont permis de limiter de plus de six points la progression de la part des retraites dans la richesse nationale. Heureusement que nous avons fait cette réforme tant décriée de 2010. De toute façon, vous n’en avez fait aucune. Depuis le début, vous n’avez rien voté. La réforme de 1994 ? Vous ne l’avez pas votée. Celle de 2003 ? Vous ne l’avez pas votée. Celle de 2010 ? Pas votée. Surtout pas vu pas pris. La réforme, les mauvais boulots, les autres l’ont fait. Vous, vous encaissez les bénéfices et, maintenant, vous faites une réformette.
Vous citez Mme Moreau, monsieur le rapporteur. Voici ce qu’elle indique à la page 43 : « Néanmoins la diversité des règles des régimes et la complexité du système restent encore grandes, rendant difficile son pilotage et alimentant un soupçon d’inégalité de traitement entre assurés ». Je crois qu’elle est tout de même relativement claire. Elle ajoute : « Les réformes qui se sont succédé ont opéré une convergence extrêmement forte des conditions de durée d’assurance et d’âge conditionnant le droit au départ à la retraite dans les différents régimes ». Et il y a ensuite tout un paragraphe sur les disparités qui existent entre public et privé.
Vous ne pouvez donc pas dire que ces disparités n’existent pas et que Mme Moreau n’en fait pas état dans son rapport. Elle en fait état. Cependant, vous refusez de les prendre en considération et de les traiter dans le projet de loi que vous nous soumettez. Or c’est ce que les Français vous demandent. Ils veulent vraiment mettre fin à ces inégalités, à quelque chose qui est perçu comme véritablement injuste. Inscrire ce principe dans l’article 1er aurait été très fort.
Il s’agit d’assigner au système de retraite un objectif de pérennité financière et de niveau élevé d’emploi des salariés âgés. En fait, il convient de revenir à la rédaction du texte initial du Gouvernement et d’en rester à la stricte notion d’objectifs.
Les moyens permettant d’atteindre ces objectifs relèveront des futures recommandations du nouveau comité de suivi des retraites prévu à l’article 3.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 346 .
Des régimes spéciaux ont été mis en place, nous souhaitons simplement leur mise en extinction progressive.
La majorité précédente a eu le courage d’entamer ce chantier de la convergence. Comme l’explique la Cour des comptes, à court terme, sur les dix ans, cela coûte un peu d’argent car il y a eu des compensations mais, à l’horizon de vingt années, ce sera intéressant.
Je ne veux pas être désagréable, monsieur Issindou. Lorsque je dis qu’à la RATP, on part en moyenne à un peu plus de cinquante-quatre ans, ce n’est pas une fixation. Reconnaissez tout de même que c’est huit ans avant la plupart des autres salariés, qui partent à soixante-deux ans. Quant au taux de remplacement des retraites à la RATP, est-il plus ou moins élevé en moyenne que celui des salariés du privé ? Vous savez très bien qu’il est plus élevé. C’est tout simplement ce message que nous voulons faire passer. On sait très bien aussi que la retraite moyenne des industries électriques et gazières est d’un peu plus de 2 300 euros. Il ne s’agit pas de fustiger ces gens dont nous avons vraiment besoin et qui ont de nombreuses compétences, mais il y a un écart substantiel.
C’est d’autant plus inacceptable que ce sont 7 milliards d’euros que l’on va chercher dans le budget de l’État pour compenser les déficits de deux régimes spéciaux, RATP et SNCF. On ne peut laisser les choses en l’état. Il ne s’agit pas de le faire brutalement, il s’agit de les mettre en extinction progressive, de prendre le temps mais d’amorcer les choses et de le faire. C’est notre responsabilité, au nom de la solidarité entre générations.
Cet amendement vise à préciser clairement deux éléments. Premièrement, notre système de retraite par répartition doit s’exprimer à la fois dans la solidarité entre les générations et au sein de chaque génération. Deuxièmement, il n’est pas acceptable que les revenus tirés du capital soient moins mobilisés pour financer notre système de protection sociale que les revenus du travail.
Défavorable.
Madame Louwagie, les objectifs que vous décrivez figurent déjà dans les paragraphes 6 et 7. Votre amendement n’est donc pas forcément utile, il n’apporte rien au texte.
Monsieur Vigier, effectivement vous avez pris en 2008 deux mesures essentielles à vos yeux pour aller vers la même durée de cotisation dans les régimes spéciaux. Pour avoir une retraite à taux plein dans les régimes gaziers, RATP ou SNCF, il faut avoir aujourd’hui quarante et une annuités et demie. On peut certes encore partir plus tôt, mais avec une retraite dégradée, avec une décote. On va progressivement vers un plus grand alignement. Dont acte. S’il faut vous en rendre grâce, faisons-le mais n’essayez pas aujourd’hui d’en rajouter. C’est fait, il n’est peut-être pas utile de le faire une seconde fois. Vous avez prévu la progressivité, vous venez de dire qu’elle était intéressante.
Monsieur Dolez, votre proposition d’affirmer la solidarité au sein de chaque génération et entre les générations me semble déjà satisfaite par l’alinéa 6, qui distingue l’équité intergénérationnelle et l’équité intragénérationnelle. C’est une autre manière de le dire mais je pense que c’est la même chose et que c’est suffisant.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 181 .
Il s’agit de préciser à l’alinéa 7 que notre système de retraite par répartition fonctionnera à prestations définies. Nous avions présenté un amendement similaire sur l’alinéa 4 et vous nous avez répondu, monsieur le rapporteur, de façon fallacieuse.
Selon vous, il est inutile de préciser dans la loi que notre système de retraites fonctionnera à prestations définies, car vous affirmez qu’au regard des cotisations définies, il y aura des prestations définies. Votre réponse s’appuie sur ce postulat. Or elle n’est pas satisfaisante. Il faut être honnête et reconnaître, ce que vous ne voulez pas faire, que, mécaniquement, il ne pourra pas y avoir de prestations définies. Avec l’accroissement du nombre de retraités et l’allongement de l’espérance de vie, il est bien évident qu’à cotisations définies, il ne pourra pas y avoir de prestations définies. Dites-le donc clairement, simplement, et ne refusez pas un amendement en trouvant un prétexte.
Nous pensons que, tel qu’il est conçu, le texte fera automatiquement de la prestation la variable d’ajustement et que nous aurons des prestations à géométrie variable. Dites-le ! Mais vous ne voulez pas le dire.
Défavorable. Nous avons eu ce débat. Vous défendez votre proposition avec une grande conviction, monsieur Chassaigne, et vous y revenez une deuxième fois. Nous sommes dans un système à cotisations définies et pas à prestations définies. Je vous répète ce que vous a répondu Mme la ministre fort pertinemment.
L’amendement no 181 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il s’agit toujours de la convergence entre les différents régimes de retraite. S’il est certain qu’elle n’est pas à elle seule une garantie de pérennité financière, l’harmonisation des modes de calcul correspond à un impératif d’équité et de lisibilité.
L’amendement no 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement part du constat que la part patronale des cotisations sociales n’a cessé de régresser par rapport à la part salariale. C’est la raison pour laquelle nous proposons, pour que la nation puisse atteindre son objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, que les cotisations sociales patronales soient augmentées sur une durée de trois années dans les mêmes proportions qu’a crû la part salariale des cotisations.
Défavorable. Je rappelle que, dans le projet, comme cela apparaîtra très clairement à l’article suivant, les taux de cotisation des actifs et des employeurs seront augmentés de 0,3 point d’ici à 2017. C’est une hausse modérée sur quatre ans, monsieur Dolez, et elle est équitablement répartie entre les salariés et les employeurs.
L’amendement no 186 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 345 .
Toujours sur l’idée de convergence et d’extinction des régimes spéciaux, pourquoi, monsieur le rapporteur, se priver d’un rapport qui permettrait, dans un dialogue avec les partenaires sociaux, de voir dans quelles conditions cela pourrait être possible ? Ce rapport peut être déposé sur les bureaux de l’Assemblée et du Sénat. S’il s’y trouve des éléments qui ne satisfont pas la majorité, vous aurez toujours la possibilité de ne rien en faire, mais donnons-nous au moins les moyens de l’envisager.
Puisque vous avez rappelé – je vous en remercie – que la réforme de 2008 engageait un début de convergence, cela permettra de faire un point d’étape précis sur cette réforme, et sur ce qu’il conviendrait de faire pour qu’il y ait davantage de solidarité entre les générations, davantage de justice, et pour tenir compte des carrières des uns et des autres. Nous sommes sur les principes fondateurs, cet amendement ne coûte rien : pourquoi se priver d’éléments d’appréciation complémentaires ?
Cela ne coûte rien... si ce n’est un rapport de plus. Il y en a déjà beaucoup qui ont été demandés, et cela coûte à ceux qui les établissent. En outre, ce n’est pas du tout la philosophie ou l’économie générale de la réforme proposée par le Gouvernement. Nous estimons que l’on peut résoudre le problème des inégalités par le système de répartition lui-même, tel qu’il existe, et qui fonctionne plutôt bien : 270 milliards distribués tous les ans. Il en manquera certes vingt à l’horizon 2020, vous l’avez dit et c’est ce que dit Mme Moreau. Mais nous n’avons pas besoin d’un grand chamboulement pour rétablir de l’équité dans le système. C’est pourquoi nous n’estimons pas nécessaire un tel rapport. Avis défavorable.
L’amendement no 345 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 347 .
Vous savez que nous insistons sur la notion de confiance. Plusieurs sondages l’ont montré, les Français, en particulier les jeunes, n’ont plus confiance dans la capacité de notre société à leur assurer, après de longues années de travail, un niveau de retraite qui satisfasse à un niveau de vie convenable. Puisque nous sommes sur les principes, nous proposons une règle de confiance, qui devrait normalement réunir les uns et les autres.
Lorsque nous prévoyons, dans cette règle de confiance, un taux de cotisation maximal, c’est justement pour protéger le pouvoir d’achat des salariés, car on sait que, si l’on augmente trop la cotisation des entreprises ou des salariés, ce sont la compétitivité et le pouvoir d’achat qui baissent.
Le deuxième point, c’est un taux de remplacement minimal. Nous en parlons souvent ensemble, monsieur le rapporteur. Je pense que nous pouvons faire un pas les uns vers les autres, et il serait bon qu’un taux de remplacement minimal figure parmi les principes fondateurs.
Enfin, il faut inscrire un montant de retraite minimal. Qui, à un moment ou à un autre, n’a pas parlé des petites retraites ? Qui ne s’est pas indigné devant certains montants extrêmement faibles ? On se demande comment ces personnes arrivent à joindre les deux bouts dans la dignité. Pour que le dialogue social prenne toute sa part dans la mise en place de cette règle de confiance, ces critères seraient définis en liaison étroite avec les partenaires sociaux. Adoptez les trois piliers de cette règle de confiance et le mot « justice » sera plus légitime pour qualifier votre réforme.
Défavorable. Je vous renvoie à l’article 3, monsieur Vigier. Les principes fondateurs de cet article 1er, par définition, ne doivent pas être extrêmement nombreux ou détaillés. Je répète ce que je vous ai déjà dit : vous voulez tout caser dans cet article, mais celui-ci n’a pas vocation à contenir l’intégralité de la réforme. Vous verrez que ce que vous décrivez est précisé à l’article 3, dont vous pourrez, je pense, vous satisfaire, et que vous voterez sans aucun doute.
L’amendement no 347 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 360 .
Attachés au dialogue social, nous souhaitons ce qu’on appelle dans le jargon une clause de revoyure, à savoir un point d’étape tous les trois ans avec les partenaires sociaux. Vous me direz qu’il existe le COR et d’autres organismes. Mais ce qui serait intéressant, c’est que la représentation nationale soit saisie. Ainsi, elle n’interviendrait pas uniquement quand il y a une nouvelle loi portant modification des régimes de retraites, mais suivrait de façon continue ou régulière l’évolution du système.
Nous avons été extrêmement attachés, au sein de l’UDI, à conduire des auditions : nous avons reçu tous les partenaires sociaux, au-delà de tout ce qui a pu être fait par la commission, car nous tenions à avoir ces échanges avec eux. Ce qui a nous a paru essentiel, c’est que les conditions de lisibilité, de transparence, de pérennisation soit véritablement remplies. C’est pourquoi nous souhaitons, au nom du dialogue social, qui est prôné sur tous ces bancs, qu’il y ait cette clause de revoyure tous les trois ans avec les partenaires sociaux, et que le Parlement, dans son rôle, puisse se saisir de ce texte.
Défavorable. Non sur le principe du dialogue avec les partenaires sociaux, monsieur Vigier. Cette réforme est au contraire la parfaite illustration de notre attitude à cet égard ; je l’ai rappelée en introduction : concertation à l’été 2012, concertation à l’été 2013, partenaires associés en permanence, ce qui a sûrement conduit à ce qu’ils en acceptent des éléments, certains beaucoup plus que d’autres. Nous avons montré que nous étions dans le dialogue social ; c’est d’ailleurs une marque de fabrique de ce gouvernement.
Je vous renvoie à l’article 3…
…et au comité de suivi des retraites. Cet article dispose que nous examinerons tous les ans ce qui se passe dans le coeur du réacteur des retraites. Nous serons forcément amenés à consulter les partenaires sociaux. Faites confiance au Gouvernement pour les consulter s’il était nécessaire de repasser par une loi pour améliorer le dispositif. L’article 3 répond largement à vos préoccupations.
L’amendement no 360 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Nous en venons à l’amendement no 183 , sur lequel je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement.
Nous avons une proposition de fond qui est d’assurer que le montant des pensions de retraite soit au moins égal au SMIC. L’article 40 de la Constitution nous interdit de proposer une telle disposition législative, aussi l’avons-nous reprise dans une formulation consistant à demander un rapport sur l’impact financier de cette mesure.
Nous précisons que ce rapport devrait faire état « des mesures de financement envisageables pour parvenir à cet objectif minimal, en étudiant notamment le rendement de mesures telles que la modulation des cotisations sociales patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix de gestion des entreprises, la contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières à hauteur des cotisations patronales d’assurance vieillesse, la résorption des inégalités professionnelles et notamment salariales entre les femmes et les hommes dans la décennie suivant la remise du rapport, la réduction du recours au temps partiel », etc. Nous présentons donc en même temps des propositions, incluses dans l’objet de ce rapport, et nous souhaitons qu’elles soient étudiées, car il s’agit de mesures de financement pour atteindre un objectif de retraites au moins égales au SMIC.
Défavorable. La demande est très généreuse pour les retraités. Or nous sommes dans un système contributif et je ne suis pas sûr qu’il faille que les retraites soient au même niveau que la rémunération de ceux qui travaillent. C’est toute une philosophie qui est en jeu. La demande est extrêmement généreuse, mais aussi extrêmement onéreuse : la générosité a un coût. Or la commission a considéré que l’objectif n’était pas forcément très juste, dans un système contributif.
Défavorable.
M. le rapporteur balaie un peu trop rapidement notre proposition. Dans notre pays, qui n’a jamais été aussi riche, globalement – la France est la quatrième ou cinquième puissance économique mondiale –, l’idée qu’il n’y ait pas de retraites inférieures au SMIC n’est pas une idée complètement utopique. Comme nous prenons la précaution de mettre en discussion un certain nombre de mesures fortes pour le financement, dans le cadre d’une autre répartition des richesses, je pense que cela mériterait pour le moins un rapport.
Jusqu’à présent, aucun rapport officiel n’a démontré que la proposition de moduler les cotisations sociales patronales en fonction de la gestion de l’entreprise et de la priorité accordée aux salaires, à l’emploi ou à la formation, ou encore celle de taxer les revenus financiers des entreprises de la même manière que le travail, n’étaient pas fondées. Je rappelle à M. le rapporteur et au Gouvernement que ces propositions sont défendues plus largement dans le pays, au-delà de notre groupe, en particulier par de grandes centrales syndicales, qui les reprennent.
Nous demandons un rapport. Nous acceptons de mettre en débat ces propositions de manière contradictoire, ce qui permettrait d’envisager différemment la réforme des retraites. Je ne vois pas ce qui peut s’y opposer. Nous nous permettons d’insister.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 48 Nombre de suffrages exprimés: 48 Majorité absolue: 25 Pour l’adoption: 5 contre: 43 (L’amendement no 183 n’est pas adopté.)
Cet article est relatif à la détermination de la durée d’assurance tous régimes afin d’assurer, selon le titre Ier, la pérennité des régimes de retraite. Je veux rappeler, à l’image de ce que j’ai défendu précédemment lors de la première motion, que cet article repose sur le principe d’une répartition des gains d’espérance de vie entre durée du travail, et partant durée des cotisations, et retraite, posé dès 2003 et poursuivi jusqu’en 2035 ; en revanche, il ne s’accompagne pas d’un décalage de l’âge légal de départ en retraite. Cela signifie que si la durée de cotisation passe à quarante-trois ans, celui qui a commencé à travailler à vingt-trois ans devra partir à soixante-six ans pour bénéficier de sa retraite complète, alors que l’âge légal aura été maintenu à soixante-deux ans. C’est prendre le risque que des Français partent à cet âge et que leur retraite subisse une décote, autrement dit une baisse significative du niveau de leur pension. Procéder comme le fait le Gouvernement, c’est choisir la mesure d’allongement du travail la plus néfaste qui soit pour le pouvoir d’achat des retraités, et surtout la moins efficace financièrement. À voir tous les amendements de suppression sur cet article 2, on comprend qu’il doit disparaître.
Nous arrivons à ce que la majorité a qualifié de « mesure phare » de son projet de loi. Cet article a pour objet l’augmentation de la durée de cotisation, qui passera de 41,5 ans aujourd’hui à 43 ans en 2035. J’ai proposé un amendement de suppression de cet article, considérant qu’il va à l’encontre de la jeunesse. M. le rapporteur nous a dit dans son intervention liminaire que ce projet n’était pas un projet anti-jeunes, avançant que des mesures de compensation avaient été prévues pour les stagiaires, pour les contrats d’apprentissage ainsi que pour d’autres formations. Nous maintenons cependant qu’il s’agit bien d’un projet anti-jeunes qui obligera les jeunes générations – celles, nombreuses dans notre pays, qui ont fait le choix des études longues – à travailler au-delà de soixante-deux ans pour cotiser suffisamment. Je ne crois pas, madame la ministre, au système que vous nous proposez et qui vise à permettre à ces jeunes de racheter des points de retraite pendant leurs études ou leur formation. Les jeunes ont alors, en effet, peu de moyens financiers et la préparation de leur retraite est rarement leur préoccupation, même si nous ne pouvons que le regretter.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur les projets de loi organique et ordinaire interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député, de sénateur ou de représentant au Parlement européen ;
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 20 novembre, à une heure cinq.