Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée et nos débats en première lecture ont permis de faire progresser le projet de loi sur l’avenir et la justice de notre système de retraites.
J’aborderai trois sujets, et d’abord celui de la pénibilité. Si, au Sénat comme à l’Assemblée, sa prise en compte n’a guère été contestée, les circonvolutions des uns ou l’insatisfaction relative des autres ne cessent de m’interroger. Chez nos collègues sénateurs UMP, la dissonance était remarquable, certains s’interrogeant sur la définition même de la pénibilité et réclamant plus de dialogue avec les partenaires sociaux. Or, si le souci du dialogue est toujours louable, rappelons que les négociations ont duré plus de trois ans, entre 2005 et 2008, pour aboutir à une définition de la pénibilité et aux dix facteurs de risque pris en compte aujourd’hui.
D’autres ont parlé du compte personnel de pénibilité comme d’une usine à gaz. Disons-le, c’est un marronnier qui traduit en réalité la difficulté de critiquer une mesure parfaitement lisible et surtout très novatrice. Avec le compte personnel de pénibilité, nous posons un principe universel et nous tirons toutes les conséquences des négociations sociales en restituant à la notion de pénibilité à la fois son volet préventif et son volet compensation, ce que ne faisait pas la loi de 2010, très restrictive, centrée sur l’incapacité pour raisons médicales.
Je sais, bien sûr, que l’application ne se fera pas sans quelques difficultés et qu’elle demandera des ajustements, notamment pour les petites et moyennes entreprises, souvent citées dans les débats. On doit cependant rappeler que ce sont les CARSAT, les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, qui géreront les comptes ouverts, et que les entreprises auront, elles, à déclarer les expositions via la déclaration annuelle de données sociales. Nous serons appelés à examiner, plus tard dans la soirée, des amendements gouvernementaux qui visent à apporter des réponses à leurs interrogations, s’il en était besoin.
À tous les sceptiques, s’il en reste, je rappellerai les nombreuses études scientifiques sur l’espérance de vie sans incapacité qui sous-tendent la nécessité d’agir enfin au bénéfice des salariés exposés voire pluriexposés.
Toujours attentif aux débats du Sénat, qui ont été denses, j’ai noté que des collègues s’inquiétaient, à l’inverse, d’un dispositif certes novateur mais trop frileux, au prétexte qu’il ne traitait pas des salariés exposés avant le 1erjanvier 2015. C’est factuellement inexact, car le texte comporte des dispositions de lissage, qui permettent de prendre en compte les salariés dès l’âge de cinquante-deux ans, avec un système de bonification. Il serait en tout état de cause difficile de retracer toutes les carrières professionnelles impactantes, sauf peut-être celles liées au travail de nuit.
Autre reproche fait au texte, celui d’une utilisation du compte par trop soumise à la décision de l’employeur. Là encore, nos travaux ont utilement encadré sa réponse pour la demande de temps partiel, possible à tout moment de la vie professionnelle du salarié exposé. Quant au salarié qui fait l’effort de se former pour s’extraire d’un milieu pénible, il doit pouvoir bénéficier à son retour, chaque fois que c’est possible, d’un poste non exposé, mais la loi ne peut en l’état affirmer l’automaticité de ce principe, notamment dans les TPE.
Une dernière question a fait débat, celle du rôle des branches professionnelles. Il faut rappeler que le compte est universel, que les facteurs de risque pris en compte sont connus, que les seuils restent à déterminer et que les partenaires sociaux vont s’y atteler. Les branches, elles, continueront évidemment à signer des accords de prévention des risques au plus près de la réalité de leurs métiers, mais elles ne doivent pas déterminer seules les seuils d’exposition, au risque de créer des inégalités manifestes entre salariés déjà exposés. Je veux saluer ce gouvernement, qui a su faire un choix clair, offrant de nouveaux droits pour les salariés, et je ne doute pas de son impact positif, à terme, sur la qualité de vie au travail des salariés exposés.
Pour terminer, abordons brièvement les articles 23 et 32.
L’article 23 traite des travailleurs handicapés. Il est prévu d’abaisser de 80 % à 50 % le taux d’incapacité permanente requis pour bénéficier de la retraite anticipée pour handicap à cinquante-cinq ans avec majoration de pension. C’est une avancée dont nous devons nous féliciter, qui est assortie d’une mesure transitoire adoptée en première lecture qui permettra aux salariés justifiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés d’y prétendre pendant encore deux ans, ainsi que de la remise d’un rapport parlementaire sur la mise en place d’un compte handicaptravail. Cette question sensible a été relayée auprès de chacun d’entre nous par les associations, qui craignent la disparition du critère RQTH. Une réponse avait été apportée en première lecture, mais je souhaite que Mme la ministre puisse les apaiser.
Je lui demande également de couper court à la désinformation qui court sur l’article 32, à propos de la prétendue mainmise du Gouvernement sur les réserves des caisses des professions libérales. Cela court dans tous les journaux, et j’ai moi-même constatée à quel point elle était répandue lors d’une réunion dans mon département. Cette fausse information court parmi tous les médecins. Je vous demande donc, madame la ministre, d’apporter un éclaircissement à ce sujet.
Mes chers collègues, si aucun texte n’est parfait, celui-ci est équilibré. Il comporte de nombreuses avancées et, comme en première lecture, le groupe SRC le soutiendra.