Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 19 novembre 2013 à 21h30
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous prétendons discuter d’un projet de loi sur les retraites, mais, avec son intitulé, nous nous égarons, car c’est plutôt de la faillite d’un système que nous débattons en réalité. Si quelques rares Français croyaient en votre capacité à réformer notre assurance vieillesse, l’illusion finit de se dissiper avec votre anti-projet, qui va grever leur budget de dix milliards d’euros d’augmentation de charges et d’impôts.

Dans une apothéose ironique, vous reportez sur les pensions de retraite la correction des temps partiels subis que vous devriez plutôt combattre au moment de la vie active. Votre projet de loi et les annonces emphatiques qui le précédèrent oscillent entre l’inexactitude et le mensonge.

Mensonge, déjà, dans les travaux préparatoires de Yannick Moreau, qui envisageaient des scenarii fondés sur des perspectives nettement en dessous des estimations les plus optimistes du taux de chômage. Mensonge, également, dans le discours du Bourget du Président de la République, puisque vous avez ajouté une demi-année de cotisation aux Français ayant commencé à travailler dans leur prime jeunesse, alors que vous leur promettiez un départ au bout de quarante et un ans de cotisation. Mensonge, enfin, quand vous osez parler de l’avenir d’un système de retraite en ne comblant que le déficit du régime général, alors que treize autres milliards d’euros attendent impatiemment un financement.

Peut-être, après tout, n’est-ce pas de votre faute. Comment était-il possible que vous preniez la mesure des enjeux afférents à ce débat, en interrogeant presque uniquement ceux qui, eux-mêmes, sont bénéficiaires de régimes spéciaux ? Comment était-il possible que vous évitiez une nouvelle agression contre le pouvoir d’achat quand vous fourbissiez des dispositions maladroites, à l’image d’un compte pénibilité dont vous êtes incapables de nous préciser et la définition et le financement ? Vous demandez en somme à 80 % des Français de supporter des privilèges exorbitants, féodalités d’un autre âge, embastillant la caisse nationale d’assurance vieillesse dans le passéisme et la gabegie au lieu, d’abord, de faire des économies et, ensuite, d’avoir le courage politique de trouver des sources de financement en taxant certains produits financiers complexes et, surtout, en mettant à plat des situations d’exception intolérables en ces temps de crise.

In fine, ce sont les familles qui auront encore à payer le prix d’une caste impotente qui pousse l’arrogance jusqu’à remettre aux calendes grecques l’examen d’un texte sur les droits familiaux, pourtant nécessaire à toute réforme des retraites. En reportant l’indexation des pensions sur une inflation hypothétique, vous heurtez les ménages les plus pauvres. En imposant les gratifications supplémentaires des foyers ayant plus de trois enfants, vous annulez le soutien que vous prétendez accorder aux familles en validant les trimestres de congé maternité.

Enfin, au lieu de dynamiser le marché du travail, vous reportez sur les pensions de retraites votre incapacité à assister la maternité. En effet, vous lui préférez un égalitarisme fanatique. Aussi ma question est-elle simple : comment comptez-vous corriger le nouveau fardeau que vous imposez aux foyers français ? Le ferez-vous par des dispositions en faveur des familles, et tout particulièrement des mères – qui semblent être les grandes oubliées de votre texte ?

Vous réduisez le débat sur les retraites à des postures partisanes. Cette question devrait pourtant être l’occasion d’un retour du politique vers le service de l’intérêt général. De fait, vous vous interdisez de servir l’intérêt général en adoptant des dispositifs cosmétiques, non financés, et en omettant de traiter près des deux tiers des déficits pourtant mis en lumière par le rapport Moreau.

Vous nous présentez donc un texte marqué du sceau de la démission. Démission devant les puissances d’argent, déjà choyées par le ministre de l’économie. Démission devant la conjoncture, puisque vous ne misez que sur un renversement démographique strictement tributaire des flux migratoires, et d’une politique nataliste que vous ne maîtrisez plus. Démission, enfin, devant les instances européennes et mondiales qui asphyxient notre marché du travail, seul véritable garant de la pérennité du système de retraites.

La démission, c’est maintenant : tel est le sens de votre action. La démission, chers collègues, ne pourra recevoir mon approbation.

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