Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, rapporteur :

Cette proposition de loi, déposée par le groupe UDI, vise à rétablir les avantages sociaux et fiscaux liés aux heures supplémentaires. Comme vous le savez, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA », permettait une exonération d'impôt sur le revenu et une réduction des cotisations sociales au titre des heures supplémentaires.

Le candidat Hollande, dans son engagement n° 34 – qui faisait écho aux nombreuses critiques de l'opposition d'alors sur le dispositif –, promettait de revenir « sur la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises ». Dès juillet 2012, le gouvernement socialiste, dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative qu'il soumettait au Parlement, a décidé d'abroger le dispositif dans son intégralité alors même que le candidat Hollande avait promis de le maintenir pour les TPE. Seuls les allégements de cotisations patronales ont été maintenus, la défiscalisation comme les allégements de cotisations salariales étant purement et simplement supprimés.

Cette suppression fut à notre sens une double erreur. En premier lieu parce que le dispositif, en permettant aux entreprises de mieux répondre aux variations d'activité imposées par la crise, a constitué un facteur de compétitivité et de souplesse. La mesure a notamment été utilisée de façon massive par les PME : selon les données de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), 35,6 % des entreprises ayant déclaré une telle exonération au deuxième trimestre de 2012 comprenaient moins de dix salariés. Les heures supplémentaires sont particulièrement fréquentes dans les secteurs de la métallurgie, de la construction, de l'hébergement, de la restauration et des transports, tous secteurs particulièrement touchés par la crise.

Par ailleurs, la réforme menée par l'actuelle majorité relève à nos yeux d'une logique malthusienne dépassée. L'économie française est, parmi les pays avancés, l'une de celles où la durée moyenne annuelle de travail des actifs occupés est la plus faible : en 2012, celle-ci ne dépassait pas 1 479 heures. Au sein de l'OCDE, seuls trois pays – l'Allemagne, les Pays-Bas et la Norvège – ont une durée de travail inférieure. Dans ces conditions, la suppression des avantages sociaux et fiscaux liés aux heures supplémentaires a indéniablement pesé sur la compétitivité des entreprises françaises.

En second lieu, le dispositif a permis d'augmenter le pouvoir d'achat de nombreux salariés, puisque près de 40 % d'entre eux en ont bénéficié en 2009. La rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérées d'impôt s'élevait en 2008 et 2009 à près de 12 milliards d'euros. Les fonctionnaires étaient aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire. Au cours de l'année scolaire 2010-2011, dans l'enseignement public, ce sont plus de 511 000 heures supplémentaires qui ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, c'est-à-dire, dans ce secteur, par plus d'un enseignant sur deux.

De surcroît, contrairement à ce qui a souvent été avancé, la mesure a surtout bénéficié aux ménages modestes. Ainsi, 35 % des ménages imposables ayant déclaré des heures supplémentaires en 2009 avaient un revenu fiscal de référence inférieur à 19 700 euros. Selon le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) publié en 2011, les avantages sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires représentaient un gain annuel moyen par salarié ou agent public d'environ 500 euros, soit 42 euros par mois. Le rapporteur général du budget de l'époque, M. Gilles Carrez, estimait pour sa part que, sur la base de quatre heures supplémentaires par semaine, le gain mensuel pour un salarié variait de 46 à 113 euros. La suppression de ces avantages sociaux et fiscaux a donc représenté, pour près de 40 % des salariés, une diminution du pouvoir d'achat de 500 euros en moyenne annuelle.

Prenons l'exemple – réel – d'une salariée garde d'enfants à domicile, et supposons, selon une hypothèse tout à fait vraisemblable, qu'elle travaille 48 heures par semaine, soit 173 heures normales et 35 heures supplémentaires par mois, rémunérées au SMIC horaire net de 7,22 euros en 2012 et de 7,24 euros en 2013. La suppression des aides fiscales et sociales, à compter du 1er septembre 2012, a représenté une baisse de son pouvoir d'achat de 465 euros en 2012, soit 2,5 % de ses revenus nets ; en 2013, malgré la revalorisation du SMIC, le relèvement de la décote et des seuils des tranches du barème, prévus par l'article 2 du projet de loi de finances pour 2014, son pouvoir d'achat devrait diminuer de 725 euros supplémentaires par rapport à celui constaté en 2012, soit 4 % des revenus nets perçus en 2013. La réforme conduite par l'actuelle majorité aura donc amputé le pouvoir d'achat de cette salariée de 1 190 euros en seize mois, du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2013.

La suppression des avantages sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires représente donc un véritable coup dur pour le pouvoir d'achat des Français, déjà fragilisé par la crise économique et diminué par la politique fiscale du Gouvernement actuel.

En mai dernier, l'INSEE avait évalué la baisse du pouvoir d'achat des ménages français à 0,9 % en 2012. Compte tenu de la croissance de la population, le pouvoir d'achat individuel – c'est-à-dire par unité de consommation – s'est replié de 1,5 % alors qu'il était stable en 2011. C'est la plus forte baisse enregistrée depuis 1984. Dans sa dernière note de conjoncture, l'INSEE souligne que, si le pouvoir d'achat des ménages devrait augmenter de 0,5 % en 2013, il connaît néanmoins une baisse au second trimestre, baisse due « en grande partie », selon l'Institut, « au regain d'inflation et à la vigueur des impôts sur le revenu et le patrimoine ».

Les Français ressentent durement cette situation. Ainsi, d'après un sondage réalisé par le CSA en juillet dernier, 65 % d'entre eux considèrent que leur pouvoir d'achat a « plutôt diminué » au cours des douze derniers mois. Ils sont également 60 % à anticiper une baisse de leur pouvoir d'achat dans l'année à venir. De même, les Français interrogés par OpinionWay en octobre dernier déclarent qu'il leur manque en moyenne 540 euros par mois pour vivre correctement, somme en augmentation de 3 % par rapport à 2012, et qui correspond au manque à gagner induit par la suppression du dispositif TEPA.

Deux critiques ont été adressées à ce dernier. La première est que l'absence de plafonnement du gain fiscal pouvait conduire à des inégalités entre les contribuables. La direction de la législation fiscale avait ainsi estimé que, parmi les 1 097 foyers fiscaux ayant le plus bénéficié de l'avantage fiscal, l'avantage moyen s'élevait à 8 011 euros en 2009. Au sein de cette population, l'avantage fiscal représentait en moyenne 8 % du revenu fiscal de référence. La seconde critique tient au coût – 4,5 milliards d'euros – pour les finances publiques.

Pour répondre à ces critiques, le groupe UDI propose de limiter le rétablissement des avantages sociaux et fiscaux aux rémunérations n'excédant pas deux fois le SMIC, ce qui permettrait d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs modestes tout en préservant les finances publiques.

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