COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 19 novembre 2013
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Arnaud Richard, la proposition de loi visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires (n° 1469).
Nous allons examiner deux propositions de loi qui seront discutées en séance le jeudi 28 novembre, dans le cadre de la niche du groupe UDI.
Je remercie les rapporteurs de ces deux textes d'avoir accepté d'avancer cette séance d'une journée : cela nous a permis d'allonger le délai de dépôt des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dont nous entamerons l'examen, en nouvelle lecture, demain à neuf heures.
Nous commençons par la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo et plusieurs de ses collègues, visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires.
Cette proposition de loi, déposée par le groupe UDI, vise à rétablir les avantages sociaux et fiscaux liés aux heures supplémentaires. Comme vous le savez, la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA », permettait une exonération d'impôt sur le revenu et une réduction des cotisations sociales au titre des heures supplémentaires.
Le candidat Hollande, dans son engagement n° 34 – qui faisait écho aux nombreuses critiques de l'opposition d'alors sur le dispositif –, promettait de revenir « sur la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises ». Dès juillet 2012, le gouvernement socialiste, dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative qu'il soumettait au Parlement, a décidé d'abroger le dispositif dans son intégralité alors même que le candidat Hollande avait promis de le maintenir pour les TPE. Seuls les allégements de cotisations patronales ont été maintenus, la défiscalisation comme les allégements de cotisations salariales étant purement et simplement supprimés.
Cette suppression fut à notre sens une double erreur. En premier lieu parce que le dispositif, en permettant aux entreprises de mieux répondre aux variations d'activité imposées par la crise, a constitué un facteur de compétitivité et de souplesse. La mesure a notamment été utilisée de façon massive par les PME : selon les données de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), 35,6 % des entreprises ayant déclaré une telle exonération au deuxième trimestre de 2012 comprenaient moins de dix salariés. Les heures supplémentaires sont particulièrement fréquentes dans les secteurs de la métallurgie, de la construction, de l'hébergement, de la restauration et des transports, tous secteurs particulièrement touchés par la crise.
Par ailleurs, la réforme menée par l'actuelle majorité relève à nos yeux d'une logique malthusienne dépassée. L'économie française est, parmi les pays avancés, l'une de celles où la durée moyenne annuelle de travail des actifs occupés est la plus faible : en 2012, celle-ci ne dépassait pas 1 479 heures. Au sein de l'OCDE, seuls trois pays – l'Allemagne, les Pays-Bas et la Norvège – ont une durée de travail inférieure. Dans ces conditions, la suppression des avantages sociaux et fiscaux liés aux heures supplémentaires a indéniablement pesé sur la compétitivité des entreprises françaises.
En second lieu, le dispositif a permis d'augmenter le pouvoir d'achat de nombreux salariés, puisque près de 40 % d'entre eux en ont bénéficié en 2009. La rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérées d'impôt s'élevait en 2008 et 2009 à près de 12 milliards d'euros. Les fonctionnaires étaient aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire. Au cours de l'année scolaire 2010-2011, dans l'enseignement public, ce sont plus de 511 000 heures supplémentaires qui ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, c'est-à-dire, dans ce secteur, par plus d'un enseignant sur deux.
De surcroît, contrairement à ce qui a souvent été avancé, la mesure a surtout bénéficié aux ménages modestes. Ainsi, 35 % des ménages imposables ayant déclaré des heures supplémentaires en 2009 avaient un revenu fiscal de référence inférieur à 19 700 euros. Selon le rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) publié en 2011, les avantages sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires représentaient un gain annuel moyen par salarié ou agent public d'environ 500 euros, soit 42 euros par mois. Le rapporteur général du budget de l'époque, M. Gilles Carrez, estimait pour sa part que, sur la base de quatre heures supplémentaires par semaine, le gain mensuel pour un salarié variait de 46 à 113 euros. La suppression de ces avantages sociaux et fiscaux a donc représenté, pour près de 40 % des salariés, une diminution du pouvoir d'achat de 500 euros en moyenne annuelle.
Prenons l'exemple – réel – d'une salariée garde d'enfants à domicile, et supposons, selon une hypothèse tout à fait vraisemblable, qu'elle travaille 48 heures par semaine, soit 173 heures normales et 35 heures supplémentaires par mois, rémunérées au SMIC horaire net de 7,22 euros en 2012 et de 7,24 euros en 2013. La suppression des aides fiscales et sociales, à compter du 1er septembre 2012, a représenté une baisse de son pouvoir d'achat de 465 euros en 2012, soit 2,5 % de ses revenus nets ; en 2013, malgré la revalorisation du SMIC, le relèvement de la décote et des seuils des tranches du barème, prévus par l'article 2 du projet de loi de finances pour 2014, son pouvoir d'achat devrait diminuer de 725 euros supplémentaires par rapport à celui constaté en 2012, soit 4 % des revenus nets perçus en 2013. La réforme conduite par l'actuelle majorité aura donc amputé le pouvoir d'achat de cette salariée de 1 190 euros en seize mois, du 1er septembre 2012 au 31 décembre 2013.
La suppression des avantages sociaux et fiscaux sur les heures supplémentaires représente donc un véritable coup dur pour le pouvoir d'achat des Français, déjà fragilisé par la crise économique et diminué par la politique fiscale du Gouvernement actuel.
En mai dernier, l'INSEE avait évalué la baisse du pouvoir d'achat des ménages français à 0,9 % en 2012. Compte tenu de la croissance de la population, le pouvoir d'achat individuel – c'est-à-dire par unité de consommation – s'est replié de 1,5 % alors qu'il était stable en 2011. C'est la plus forte baisse enregistrée depuis 1984. Dans sa dernière note de conjoncture, l'INSEE souligne que, si le pouvoir d'achat des ménages devrait augmenter de 0,5 % en 2013, il connaît néanmoins une baisse au second trimestre, baisse due « en grande partie », selon l'Institut, « au regain d'inflation et à la vigueur des impôts sur le revenu et le patrimoine ».
Les Français ressentent durement cette situation. Ainsi, d'après un sondage réalisé par le CSA en juillet dernier, 65 % d'entre eux considèrent que leur pouvoir d'achat a « plutôt diminué » au cours des douze derniers mois. Ils sont également 60 % à anticiper une baisse de leur pouvoir d'achat dans l'année à venir. De même, les Français interrogés par OpinionWay en octobre dernier déclarent qu'il leur manque en moyenne 540 euros par mois pour vivre correctement, somme en augmentation de 3 % par rapport à 2012, et qui correspond au manque à gagner induit par la suppression du dispositif TEPA.
Deux critiques ont été adressées à ce dernier. La première est que l'absence de plafonnement du gain fiscal pouvait conduire à des inégalités entre les contribuables. La direction de la législation fiscale avait ainsi estimé que, parmi les 1 097 foyers fiscaux ayant le plus bénéficié de l'avantage fiscal, l'avantage moyen s'élevait à 8 011 euros en 2009. Au sein de cette population, l'avantage fiscal représentait en moyenne 8 % du revenu fiscal de référence. La seconde critique tient au coût – 4,5 milliards d'euros – pour les finances publiques.
Pour répondre à ces critiques, le groupe UDI propose de limiter le rétablissement des avantages sociaux et fiscaux aux rémunérations n'excédant pas deux fois le SMIC, ce qui permettrait d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs modestes tout en préservant les finances publiques.
À en croire le rapporteur, le texte ne s'appliquerait qu'aux rémunérations inférieures à deux SMIC, ce que confirme le IV de l'article 81 quater du code général des impôts tel que l'article 1er entend le rédiger. Cependant, l'article 2 vise « toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts » ; et il en va de même pour l'article 3. Sur ce point, je ne suis donc pas sûr que la rédaction du texte corresponde à la présentation que vous en avez faite.
Sur le fond, le bilan de la loi TEPA est connu : une dépense budgétaire de 4,8 milliards d'euros en 2011 et, pour les 1 000 foyers fiscaux auxquels elle a le plus profité, 8 000 euros d'économies d'impôt. Par construction, la loi bénéficiait en effet à toutes les rémunérations, quel que soit leur niveau. L'idée, parfois avancée, selon laquelle les heures supplémentaires des cadres ne seraient pas rémunérées est fausse : sauf exception, elles le sont ; si bien que la loi TEPA a entraîné une redistribution régressive au profit des plus aisés.
Cette loi se fondait sur l'argument selon lequel travailler plus permettrait, non seulement de gagner plus, mais aussi d'augmenter le travail lui-même ; or le bilan de M. Sarkozy prouve le contraire puisque, au cours de son quinquennat, le nombre de chômeurs a augmenté d'1 million.
Ce volet de la loi TEPA a fait l'objet d'au moins trois rapports. Le premier, réalisé par le Gouvernement d'alors, est intervenu dès 2009, soit très peu de temps après la mise en oeuvre du dispositif. Selon ce rapport, pour une dépense de l'ordre de 0,23 % du PIB, le gain de croissance n'a été que de 0,16 %. Bien qu'elle eût connaissance de cette dépense à fonds perdus, consentie de surcroît pour une mesure socialement régressive, la majorité d'alors n'a pas touché au dispositif.
Le rapport de MM. Gorges et Mallot en a également démontré l'absence d'effets économiques. Pour l'essentiel, les employeurs ont en effet continué d'utiliser les heures supplémentaires comme ils le faisaient auparavant, c'est-à-dire lors d'un surcroît d'activité. Quant au rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, il est plus sévère encore, puisqu'il accuse le mécanisme de cannibaliser l'emploi.
Le groupe SRC ne peut donc que s'opposer à cette proposition de loi. L'argent économisé par la suppression du dispositif sert d'ailleurs la politique de l'emploi, à travers les emplois d'avenir et les contrats de génération.
Cette proposition de loi reprend les grandes lignes du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires adopté en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Ce dispositif comprenait un volet fiscal, avec l'exonération d'impôt sur le revenu, et un volet social, grâce auquel les salariés bénéficiaient d'une réduction des cotisations sociales et les employeurs d'une déduction forfaitaire de cotisations patronales. Le présent texte reprend également l'essentiel de celui qui fut déposé le 18 septembre dernier à l'initiative de Xavier Bertrand et Bruno Le Maire, et cosigné par les députés du groupe UMP.
Dès son arrivée au pouvoir, le Président de la République n'a eu de cesse de détricoter ce qu'avaient instauré ses prédécesseurs. Dès l'été 2012, le Gouvernement s'est ainsi empressé de supprimer ce dispositif de défiscalisation emblématique du quinquennat précédent, dispositif qu'il avait combattu par pure idéologie, tout convaincu qu'il était – et que, semble-t-il, il demeure – par les thèses du partage du travail.
Cependant, n'en déplaise à la majorité actuelle, la défiscalisation des heures supplémentaires a généré un triple effet positif, en premier lieu sur le pouvoir d'achat de 9 millions de salariés du privé comme du public, qui ont vu leurs revenus annuels augmenter de façon très significative – je pense en particulier, dans une région comme la Bretagne, aux ouvriers et aux employés de l'industrie, notamment des transports.
Le dispositif a également été bénéfique à la compétitivité, puisque la réduction des charges était cumulable avec la réduction Fillon, laquelle a permis aux entreprises de s'affranchir du carcan des 35 heures, au bénéfice d'une « flexisécurité » à laquelle la présente majorité semble s'être ralliée. Ce dispositif a fonctionné comme un mini plan de relance, contribuant ainsi à atténuer les effets de la crise sur l'économie française.
Le troisième effet vertueux du dispositif a été le recul du travail dissimulé, aujourd'hui en pleine expansion compte tenu du matraquage fiscal dont font l'objet les ménages et les entreprises.
Le groupe UMP s'était donc fermement opposé à la suppression des heures supplémentaires défiscalisées dans le projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 ; il avait proposé sa réintroduction via des amendements, hélas rejetés, aux projets de loi de finances pour 2013 et pour 2014.
Les faits nous ont néanmoins donné raison. Les salariés ont pu constater la baisse très nette de leur pouvoir d'achat, ce dont la consommation s'est ressentie. Les chefs d'entreprise, en première ligne pour annoncer la suppression des avantages liés aux heures supplémentaires aux salariés, ont fait les frais de leur mécontentement : les salariés ont réclamé des augmentations de salaire, ou tout simplement refusé d'effectuer des heures supplémentaires.
C'est donc logiquement que le groupe UMP soutient cette proposition de loi, qui vise à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires tout en limitant leur portée aux rémunérations n'excédant pas deux fois le SMIC.
Nous espérions que, forts d'un recul de plus d'un an sur les conséquences de la suppression du dispositif, et au bénéfice du constat que la diminution de pouvoir d'achat pèse sur la consommation et la croissance, nos collègues de la majorité se rallieraient à cette mesure concrète, qui serait particulièrement bienvenue à un moment où nos concitoyens sont assommés par la pression fiscale, et qui récompense l'effort en réhabilitant la valeur travail dont notre pays a tant besoin.
Dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement socialiste a commis, en concrétisant l'engagement n° 34 du candidat Hollande, l'erreur majeure de supprimer les avantages liés aux heures supplémentaires que la précédente majorité avait instaurés en 2007. Cette décision a touché 9,5 millions de salariés, dont 95 % appartenaient à des ménages modestes. Plus d'un actif sur trois, soit près de 40 % des salariés, perdent maintenant 500 euros par an en moyenne. Cette perte de pouvoir d'achat, la plus forte depuis trente ans, a été ressentie massivement par les Français : près d'un quart de nos concitoyens déclarent désormais avoir des problèmes pour boucler leur fin de mois.
En outre, les secteurs de l'industrie, de la métallurgie, de la construction, de l'hébergement, de la restauration, des transports et des services à la personne ont subi cette décision de plein fouet, alors qu'ils devraient tout au contraire être soutenus. Les fonctionnaires sont eux aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire, d'autant que le Gouvernement a maintenu le gel de leur salaire : c'est donc une véritable saignée qui leur est imposée.
Près de huit Français sur dix se disent favorables à l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires pour les salariés les plus modestes. C'est pourquoi le groupe UDI propose de rétablir les mesures de défiscalisation pour ceux d'entre eux dont le salaire est inférieur à deux SMIC. Nous ne doutons pas que cette proposition, déjà formulée par Jean-Louis Borloo dans son programme de redressement national, sera soutenue par l'ensemble des parlementaires. Le porte-parole du groupe SRC, Thierry Mandon, n'avait-il pas reconnu, le 20 août dernier, l'erreur de la majorité actuelle en déclarant : « Nous sommes allés un peu vite » ? Il ajoutait que la suppression du dispositif avait eu « un réel impact pour des salariés qui réalisaient un faible niveau annuel d'heures sup' », souvent avec des rémunérations modestes, et « que l'on ne pouvait pas accuser de détruire l'emploi ». Plusieurs parlementaires lui avaient apporté leur soutien, notamment Gérard Bapt.
Le partage du travail, auquel les socialistes croient toujours, n'est qu'un leurre : le travail est d'abord affaire de compétence, de qualification et de motivation des salariés. Si le travail se partageait, d'ailleurs, la suppression des mesures de défiscalisation aurait permis d'inverser la courbe du chômage, ce qui, en dépit des promesses du Gouvernement et de l'infléchissement provoqué par le bug des SMS, est loin d'être le cas. En réalité, seul le travail génère la croissance, elle-même créatrice d'emplois. C'est la logique qui préside à cette proposition de loi qui permettra de redonner confiance aux Français : aux salariés, qui retrouveront du pouvoir d'achat, et aux entreprises, qui gagneront en compétitivité et en flexibilité.
Je ne vous surprendrai probablement pas en vous annonçant que le groupe écologiste est totalement opposé à cette proposition de loi.
Lors de la mise en place des mesures de défiscalisation des heures supplémentaires dans le fameux « paquet fiscal », François de Rugy avait dénoncé un système inefficace et à contretemps. Sur chacun des textes budgétaires, les députés écologistes avaient d'ailleurs déposé, au même titre que les députés SRC, des amendements de suppression de ce dispositif que Pierre-Alain Muet n'hésitait pas à qualifier d'« arme de destruction massive pour l'emploi ».
Six ans plus tard, le constat reste le même. Dans une période où le chômage peine à diminuer, réinstaurer la défiscalisation des heures supplémentaires aurait un effet pervers. L'exonération des cotisations patronales serait aussi un nouveau cadeau consenti aux employeurs, qui les conduirait à privilégier le recours aux heures supplémentaires par rapport au recrutement, comme ce fut le cas lorsque le dispositif était en vigueur. Ces mêmes employeurs pourraient alors profiter des exonérations pour financer des emplois précaires et des temps partiels.
Ce sont donc non pas les salariés que vous protégeriez avec ce texte, mais bien les employeurs, en leur offrant une marge de manoeuvre fiscale et sociale qui aurait des conséquences plus que néfastes. Pour ne favoriser qu'une partie des salariés, et de façon marginale, on prendrait ainsi le risque d'ajouter un nouveau frein à la politique en faveur de l'emploi.
Si j'entends la déception des salariés ayant bénéficié des mesures dont nous parlons, les enjeux me semblent trop importants et la réponse mal appropriée. La période est compliquée, et la politique économique menée a pour objectif de réduire les déficits : cela implique un effort collectif. En ce sens, la création – ou le rétablissement – d'une niche fiscale inspirerait un nouveau sentiment d'injustice à ceux qui n'en bénéficient pas.
Cette mesure, lorsqu'elle était appliquée, représentait en outre un manque à gagner de 4,5 milliards d'euros pour l'État ; et si l'on tient compte du coût de la dégradation du marché du travail – 30 000 emplois en moins –, elle a creusé le déficit public de 6,8 milliards d'euros en 2011.
Dans ces conditions, le rétablissement du dispositif n'est pas une bonne solution. Comme le Premier ministre l'a fort justement observé dans Les Échos, la France a besoin non pas de nouvelles niches fiscales, mais d'une refonte de notre système d'impôts avec, notamment, la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG), qui permettra une meilleure progressivité et une justice fiscale assumée.
Nous soutiendrons donc les amendements de suppression déposés par nos collègues socialistes, et voterons contre le présent texte.
Contrairement à ce qui a été dit, les heures supplémentaires ne sont pas interdites. En revanche, elles ne sont pas toujours librement consenties. En tout état de cause, elles doivent faire l'objet d'un dialogue entre entrepreneur et salarié.
L'Allemagne, en faisant le choix inverse, a parfaitement démontré qu'il valait mieux, notamment en période de crise et d'insuffisance d'emploi, recourir au chômage partiel et profiter de la période creuse pour dispenser des formations. Outre sa pertinence au regard des politiques de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) et de formation professionnelle continue, ce choix permet aux employés formés d'être opérationnels dès la reprise du marché. En France, nous avons cumulé deux handicaps en payant à la fois pour le chômage partiel et pour la défiscalisation des heures supplémentaires. C'est dire si, d'une manière indirecte, le pouvoir d'achat que l'on donne à des salariés est repris à l'ensemble des contribuables, donc aux salariés.
Enfin, les heures supplémentaires à outrance n'incitent pas les entreprises à créer des emplois nouveaux que les intérimaires ou les personnes effectuant des remplacements pourraient occuper en CDI.
Le dispositif de défiscalisation et d'exonération de charges des heures supplémentaires a eu un double effet positif : sur le pouvoir d'achat de 9 millions de salariés parmi les plus modestes, d'une part ; sur la compétitivité des entreprises, d'autre part. Cumulé avec les réductions Fillon, il a permis aux entreprises de s'affranchir du carcan des 35 heures, de gagner en souplesse et de mieux répondre aux contraintes du marché. On peut dire qu'il a agi comme un mini plan de relance et contribué à ralentir les effets de la crise sur l'économie française.
Le dispositif que propose de rétablir Arnaud Richard aujourd'hui poursuit un triple objectif : réhabiliter la valeur « travail », améliorer le niveau de vie des salariés, lutter contre le chômage. La proposition de loi a également le mérite, en affinant sa cible pour éviter les effets d'aubaines, d'avoir un coût moins important puisque les exonérations au titre de l'impôt sur le revenu ne pourront s'appliquer au-delà de deux SMIC.
À contresens de la démarche du Gouvernement, qui n'a de cesse de mettre à mal le pouvoir d'achat des Français, de mettre en oeuvre une politique anti-compétitivité et de privilégier les contrats aidés au détriment de l'apprentissage, la mesure prévoit d'exonérer d'impôt sur le revenu les salaires versés au titre des heures supplémentaires. Particuliers employeurs, assistants maternels, agents publics, autres salariés pourront en bénéficier. Tout en veillant à limiter les abus et en encadrant les exonérations, cette proposition de loi se révélera utile pour l'emploi et pour les salariés.
Les heures supplémentaires n'ont pas été supprimées. S'il y en a moins, peut-être est-ce lié aux difficultés économiques ou à leur caractère dorénavant moins avantageux.
Vous omettez de dire, dans votre raisonnement économique, que le dispositif a coûté 4,8 milliards d'euros en 2011. Qu'était-ce d'autre que du subventionnement, lequel se caractérise par de l'argent public qui soit sort, soit ne rentre pas ? Le pouvoir d'achat auquel vous en appelez sera apporté non par les entreprises, mais par la puissance publique. Comment le financez-vous ?
Le rapport Gorges-Mallot n'a pas pu montrer que le dispositif avait eu un effet économique. Nous sommes le seul pays au monde à avoir inventé ce système qui, du reste, aboutit à subventionner l'heure la plus rentable. Le moment où les heures supplémentaires sont déclenchées est en effet celui où l'outil productif tourne à plein et où tous les coûts de productions sont amortis. La puissance publique finance donc les heures où la marge est la plus importante pour l'entreprise ! En poussant le raisonnement, en cas de reprise importante de la croissance, elle subventionnerait finalement cette reprise.
Nous avons décidé de revenir au droit commun et de consacrer l'argent qui subventionnait ces heures de travail aux emplois d'avenir et aux contrats de génération, qui commencent à porter leurs fruits et à créer des emplois pour les jeunes. C'est aussi une question d'organisation du marché du travail dans notre pays.
Je salue cette proposition de loi qui rétablit un dispositif dont les effets positifs ont été multiples. D'abord, celui-ci a amélioré le pouvoir d'achat d'un grand nombre de salariés, notamment des plus modestes. Ensuite, il a favorisé la compétitivité de nos entreprises qu'il faut soutenir pour maintenir l'emploi. Il leur a également apporté de la souplesse. Beaucoup de nos PME et TPE ont décroché des marchés et des contrats grâce à leur réactivité. Or le dispositif des heures supplémentaires participe de cette réactivité.
Rappelons encore que la diminution à 35 heures du temps de travail, opérée par la gauche, a engendré des dysfonctionnements et mis à mal la compétitivité de nos entreprises dans l'économie de marché européenne et mondiale. Le dispositif des heures supplémentaires avait permis aux entreprises d'améliorer leur organisation.
Il a enfin contribué à réhabiliter la valeur « travail » et nous a permis de surmonter, mieux que d'autres pays européens, la crise qui est survenue en 2008.
Je termine en rappelant que, le 19 août dernier, le porte-parole du groupe socialiste, Thierry Mandon, a indiqué lui-même que cette suppression était une erreur. Cette proposition de loi vous offre, mes chers collègues, l'occasion de rattraper cette erreur.
L'objet de cette proposition de loi ne trompe personne : sous prétexte d'augmenter le pouvoir d'achat, vous tentez de remettre en oeuvre des mesures économiques d'essence libérale qui mettent les salariés sous pression et créent de nouvelles exonérations pour les employeurs aux frais des finances publiques. La loi TEPA ne s'est-elle pas traduite par un coût de 4,8 milliards d'euros sans aucune amélioration sur le front du chômage ?
Nous ne nions pas les préoccupations en matière de pouvoir d'achat – c'est d'ailleurs le sens des déclarations du Premier ministre de ce matin sur une remise à plat de notre système fiscal en faveur de davantage de justice –, mais nous pensons qu'il faut apporter les bonnes solutions aux problèmes. En l'occurrence, aujourd'hui comme hier, nous refusons la logique de défiscalisation des heures supplémentaires quand beaucoup trop de nos concitoyens sont au chômage. C'est précisément l'inverse qu'il faut faire : dégager des marges de manoeuvre pour financer des mesures directes de création d'emplois telles que les emplois d'avenir et les contrats de génération. Qui plus est, la défiscalisation des heures supplémentaires est le genre de mesure qui reproduit et augmente les inégalités en favorisant les hauts salaires plutôt que les bas.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous nous opposons résolument aux solutions que vous proposez, qui ont démontré leur inefficacité et leur injustice. Nous rejetterons donc cette proposition de loi.
Cette proposition de loi tente de revenir sur une décision qui a pénalisé lourdement le pouvoir d'achat des salariés dans notre pays. Cette décision, avec un certain nombre d'autres, fait état d'une méconnaissance complète de notre système économique. Il en est ainsi des 35 heures qui avaient été mises en place dans une optique de partage du temps de travail. Résultat, au lieu de créer de l'emploi, on a mis une pression supplémentaire sur les salariés et on a plombé la compétitivité de nos entreprises.
Au nom du même dogme, vous avez récemment voulu fiscaliser les contrats à durée déterminée pensant ainsi inciter les entreprises à embaucher en CDI. Mais l'entreprise n'embauche que si elle en a la nécessité.
Enfin, la fiscalisation des heures supplémentaires n'a créé aucun emploi. Ces heures ne sont pas utilisées quand l'économie tourne à plein régime ; elles le sont quand l'économie est incertaine, quand les chefs d'entreprises ont des besoins d'embauches temporaires. Si l'économie tournait à plein régime, ils créeraient des CDI.
C'est en refusant de revenir sur votre décision que vous contribuerez à pérenniser les inégalités entre salariés, puisque vous empêcherez ceux qui veulent travailler davantage d'améliorer leur pouvoir d'achat.
Que M. Robiliard se rassure, le IV de l'article 1er est clair ; toutes les heures supplémentaires ne sont pas concernées. Quant à moi, je suis rassuré d'apprendre par M. Liebgott que les socialistes ne prévoient pas d'interdire les heures supplémentaires.
La mesure est effectivement contracyclique, madame Massonneau. En mettant à mal ce qui était bel et bien un mini plan de relance, vous avez affaibli le pouvoir d'achat et fait baisser la consommation. Néanmoins, j'entends la nécessité d'être vigilant s'agissant du travail subi pour certains salariés de notre pays.
Comme indiqué dans les différents rapports cités, l'impact sur l'économie n'a pas toujours été facile à déterminer. Je peux comprendre que, face à un coût de 4,8 milliards d'euros, on souhaite rapporter les faits à la cause pour faire une économie budgétaire. Mais mettre en face d'une dépense de 0,23 % un gain de croissance de 0,16 % du PIB, comme vous le faites, monsieur Robiliard, c'est comparer des choux et des carottes. Les Français apprécieront !
Mme Massonneau a encore parlé de cadeau pour les entreprises. Sur les 4,5 milliards, 667 millions sont allés aux entreprises et le reste aux salariés. Pour qui était le cadeau ?
Ce n'est pas aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre ce type de dispositif, a dit M. Gille. Selon cette logique, il faudrait revenir sur la réduction des cotisations patronales qui est conservée pour les entreprises de moins de vingt salariés. De la même façon, il faudrait mettre à mal le CICE, les exonérations Fillon, les contrats aidés. Vous êtes plus libéral que je ne le pensais !
Reste que l'identification des heures vraiment supplémentaires est un vrai sujet. À cet égard, l'analyse du rapport Gorges a été plutôt tempérée quant à l'efficacité économique du dispositif.
En limitant le dispositif à deux fois le SMIC, nous avons à la fois tenu compte des critiques de l'opposition d'avant les élections et fait montre de respect pour les finances publiques. Je veux surtout rappeler l'exemple, que j'ai cité dans mon propos liminaire, de cette salariée effectuant des heures supplémentaires dont le revenu net a baissé de 4 % par an, à cause de la majorité actuelle.
M. Liebgott a eu raison de rappeler que les heures supplémentaires n'ont pas été supprimées.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (Article 81 quater du code général des impôts) : Exonération d'impôt sur le revenu des rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires et complémentaires
La Commission est saisie de l'amendement de suppression AS1 de M. Denys Robiliard.
En cohérence avec l'exposé dans lequel j'expliquais mon opposition à ce texte, j'ai déposé un amendement de suppression sur chacun des articles. Je les défends en reprenant à mon compte toutes les observations de mes collègues socialistes.
Je reviendrai sur une remarque technique concernant l'article 2. La référence au I de l'article 81 quater du code général des impôts aura pour conséquence de faire bénéficier de la mesure l'ensemble des heures supplémentaires, pas seulement celles effectuées par des personnes percevant jusqu'à deux SMIC.
Quoi qu'il en soit, ce dispositif est mauvais. Si vous considérez que l'impôt collecté doit être redistribué sous forme de pouvoir d'achat de façon indifférenciée et quasiment indépendamment du montant de la rémunération – quand bien même celui-ci est limité d'un point de vue fiscal à deux SMIC –, il vous faut revoir votre conception de la politique de l'État en matière d'emploi.
Nous vérifierons le point technique que vous avez soulevé d'ici à l'examen en séance publique. Peut-être, en effet, vaudrait-il mieux faire référence, dans l'article 2, au IV de l'article 81 quater, et non pas à son I.
Votre amendement vise à supprimer à nouveau la défiscalisation des heures supplémentaires. Au moins, faites-vous preuve de constance dans l'erreur, alors qu'une telle défiscalisation a contribué à augmenter le pouvoir d'achat de 40 % des salariés qui en ont bénéficié. Croyez bien qu'ils s'en souviendront. Avis défavorable.
En prétendant, dans l'exposé sommaire, que les effets sociaux de la défiscalisation sont nuls, vous insultez les salariés qui en ont bénéficié. Quant aux effets économiques qui n'auraient pas été établis, l'INSEE a constaté une baisse de la consommation qui peut directement être reliée à la suppression de la mesure. Par ailleurs, que répondez-vous sur l'explosion du travail dissimulé ?
Vous mentez sur la réalité des faits et de ce que l'on vit sur le terrain.
Depuis un an que vous avez refiscalisé les heures supplémentaires, combien d'emplois ont été créés ?
Je comprendrais que le groupe SRC souhaite supprimer les avantages fiscaux aux entreprises, mais cet amendement s'en prend à l'article même qui profite aux salariés, dont je rappelle qu'ils sont parmi les plus modestes et que leur pouvoir d'achat a été fortement amputé. Et les fonctionnaires, dont les salaires sont gelés depuis plusieurs années, sont concernés.
Dans sa folie taxatrice, le parti socialiste continue le matraquage fiscal des classes modestes et moyennes.
Les rapports n'ont pas été en mesure de démontrer que le dispositif avait créé des emplois, ce qui est gênant quand la mise a été de 4,8 milliards. Nous avons donc choisi de supprimer ce dispositif et de consacrer une partie de l'argent aux emplois d'avenir, au nombre de 80 000 aujourd'hui. Qui plus est, il y avait une injustice à aider des gens ayant déjà un emploi, avec la crainte qu'une telle mesure ne décourage les nouvelles embauches. S'il n'est pas facile d'en faire la démonstration, on peut s'en convaincre intuitivement.
S'agissant de la fiscalité, j'ai cru comprendre que nous allions engager un grand chantier.
Lorsqu'il a été créé, le dispositif n'avait pas pour objectif de créer de l'emploi. Il visait à redonner du pouvoir d'achat aux salariés dans un contexte de crise de la demande, et à doper la consommation. Sans cela, on peut imaginer que la crise aurait été plus importante. La façon dont M. Gille fait de la macroéconomie intuitive m'inquiète pour l'avenir du pays.
La Commission adopte l'amendement AS1.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 (Article L. 241-7 du code de la sécurité sociale) : Réduction des cotisations salariales de sécurité sociale
La Commission examine l'amendement de suppression AS2 de M. Denys Robiliard.
Puisque tous mes amendements reposent sur la même base, je ne développerai pas leur défense à chaque fois.
Permettez-moi de citer l'exposé des motifs du projet de loi TEPA signé par Mme Lagarde : « L'augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l'augmentation de notre rythme de croissance. » Voilà les objectifs qui étaient assignés à ces dispositions. Force est de constater leur échec tant du point de vue de la croissance que de celui de l'emploi.
Les rapports ne disent pas exactement la même chose. Selon le comité d'évaluation des niches fiscales, c'est une mesure qui cannibalise, alors que M. Gorges et M. Mallot disent simplement qu'elle n'a pas d'effet. Ce qui me paraît établi, c'est que les employeurs n'ont pas modifié leurs pratiques du fait de la loi TEPA. Puisqu'ils ont utilisé les heures supplémentaires comme ils le faisaient antérieurement, il n'y a pas eu d'effet sur l'emploi, d'où une absence d'effets sociaux.
Bien sûr, il y a eu un effet sur le pouvoir d'achat. Pour une fois, reconnaissez-nous le courage d'assumer nos décisions et assumez vos propres discours. Alors que vous ne cessez d'en appeler aux économies, vous vous êtes élevés contre celle de plus de 2 milliards que nous avons faite, dès le mois de juillet 2012, en maintenant l'abattement pour les entreprises de moins de vingt salariés. Abandonnez donc votre double discours !
En traduisant l'Accord national interprofessionnel dans la loi, vous avez convenu que les entreprises avaient besoin de flexibilité et les salariés de sécurité. Vous ne méconnaissez donc pas les mécanismes économiques. Il n'est dans l'intérêt de personne de faire croire que pratiquer les heures supplémentaires, qu'elles soient défiscalisées ou non, c'est prendre du travail à d'autres. Les entreprises qui y recourent n'embaucheraient pas forcément des personnes à temps plein. Elles nous disent même avoir peur de le faire. C'est grave ! Alors qu'elles pourraient se développer et embaucher, elles craignent les effets de seuil, les taxes, l'impossibilité de se séparer des salariés en cas de difficulté. En faisant ainsi peur aux chefs d'entreprises, on est en train de geler complètement les embauches dans ce pays. Or, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les entreprises qui créent les emplois.
Il revient le discours que nous avons entendu pendant de nombreuses années, qui consiste à tout faire pour ne pas engager des négociations globales sur les salaires dans ce pays, et à privilégier la négociation par entreprises sur les heures supplémentaires. Cet appel à la souplesse, à la flexibilité, c'est aussi un moyen d'éviter de multiplier les CDI et d'avoir à la botte de l'entreprise, au moment où elle en a besoin, des employés dont les droits ne seraient pas protégés. Derrière tout cela, c'est le retour aux 39 heures qui est visé. Comme vous n'osiez pas revenir sur les 35 heures, alors que vous ne cessiez de les critiquer, vous avez inventé ce dispositif. Votre objectif est-il de défiscaliser les heures supplémentaires ad aeternam ou pendant une durée limitée ? La réponse est d'importance, car les règles du droit du travail et du contrat de travail pourraient s'en trouver complètement changées.
Sur quel terrain vous battez-vous ? Nous comprenons qu'il s'agit non plus d'une mesure d'embauche, mais d'une mesure de pouvoir d'achat. En somme, vous proposez d'abonder le pouvoir d'achat par de l'argent public. Nous ne sommes pas contre les heures supplémentaires, qui sont payées plus cher ; mais vous aviez réussi à inventer les heures supplémentaires qui coûtent moins cher que l'heure normale ! C'est ce dispositif dissuasif pour l'embauche que nous combattons, d'autant que comme l'a rappelé M. Liebgott, il se substituait à une politique salariale des entreprises. Nos collègues Gorges et Mallot avaient démontré que c'était un moteur économique à rendement négatif, qui coûtait plus cher à la collectivité qu'il ne rapportait en termes de croissance. De notre côté, nous avons mis en place le CICE, et nous poursuivons notre réflexion sur d'autres dispositifs propres à assurer une certaine souplesse dans l'entreprise. Mais faut-il rappeler que certaines entreprises avaient recours alternativement au chômage partiel et aux heures supplémentaires subventionnées ? Dans ces conditions, le dispositif ne pouvait être viable.
Le groupe écologiste soutiendra tous les amendements de suppression. Cette proposition de loi vise à « remettre sur le tapis » la fameuse formule « travailler plus pour gagner plus », qui a fait la preuve de son inefficacité. La suppression du dispositif a fait des mécontents, car vous aviez créé une minorité de satisfaits au détriment de l'immense majorité. La gauche a eu le courage de revenir sur ce qui était un faux privilège.
La vision du « travailler plus pour gagner plus » ne tient d'ailleurs pas davantage sur le plan macroéconomique : la productivité augmente, mais cela se fait le plus souvent au détriment de l'emploi. Sur le long terme, la question posée est bien celle du partage du temps de travail sur la durée de la vie comme durant les années travaillées. Même si vous dénigrez cette analyse, toute l'évolution de notre société va dans ce sens. Le rétablissement d'un partage des richesses plus juste entre le capital et le travail ne peut donc passer par de telles mesures.
J'entends votre argument sur les abus qui ont pu exister dans certaines entreprises ou certains secteurs, monsieur Gille.
S'agissant du chômage partiel, monsieur Liebgott, il serait temps que la majorité s'attache à refonder ce dispositif. Il me semble que vous y travaillez avec les partenaires sociaux ; il serait bon qu'il y ait des avancées sur le sujet, afin de promouvoir un dispositif qui soit davantage en adéquation avec notre situation économique.
Je ne reviendrai pas sur la litanie du partage du travail, dont vous avez fait un dogme depuis quinze ans. Il me semble pour ma part qu'à l'heure de la reprise, le moyen de flexibilité que nous proposons ne pourra qu'être un atout pour les entreprises comme pour les salariés.
La Commission adopte l'amendement AS2.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3 (Art. L. 241-18 du code de la sécurité sociale) : Déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale
La Commission examine l'amendement de suppression AS3 de M. Denys Robiliard.
Nous sommes revenus sur le chômage partiel, à la suite de l'accord national interprofessionnel (ANI), dans le cadre de la loi sur la sécurisation de l'emploi, monsieur le rapporteur.
Pour le reste, l'amendement AS3 est défendu.
Cet amendement vise à revenir à la réduction des cotisations sociales patronales pour les heures supplémentaires pour les seules entreprises de moins de 20 salariés. Je considère pour ma part que l'ensemble des entreprises doit pouvoir bénéficier de cette réduction, afin de développer les heures supplémentaires et d'accroître le temps de travail dans notre pays. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 4 (Art. L. 241-18 du code de la sécurité sociale) : Entrée en application de la déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale
La Commission est saisie de l'amendement de suppression AS4 de M. Denys Robiliard.
Cet amendement vise à supprimer l'article 4. J'observe d'ailleurs que ce dernier constitue une disposition rétroactive, qui ne se soucie guère des budgets en cours d'exécution.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5 : Gage
La Commission examine l'amendement de suppression AS5 de M. Denys Robiliard.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
La totalité des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, il n'y a pas lieu de mettre celle-ci aux voix.
La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Yannick Favennec, la proposition de loi adoptée par le Sénat autorisant l'expérimentation des maisons de naissance (n° 1157).
Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission pour défendre la proposition de loi relative à l'expérimentation des maisons de naissance, qui a été adoptée en première lecture au Sénat le 13 juin dernier.
Cette question n'est pas nouvelle. Elle a été évoquée pour la première fois par Bernard Kouchner en 1998, puis reprise dans le plan Périnatalité 2005-2007. Elle a même fait l'objet de dispositions spécifiques dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011, qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel au titre de cavalier social.
Une maison de naissance est une structure gérée par des sages-femmes qui prennent en charge le suivi de la grossesse, l'accouchement et les suites de couches des femmes ayant une grossesse et un accouchement physiologiques, c'est-à-dire ne présentant a priori aucun risque.
Les modalités de prise en charge reposent sur le principe « une femme une sage-femme », même si, pour des raisons d'astreinte, il peut parfois s'agir de deux sages-femmes.
L'objectif est de mettre en oeuvre un suivi individuel, personnalisé et global qui permette d'instaurer une relation de confiance entre la sage-femme et les futurs parents, afin de réaliser un « projet de naissance » qui s'articule en général autour d'une demande de moindre médicalisation de l'accouchement, mais d'un meilleur accompagnement humain.
L'accouchement se passe donc dans un cadre non médicalisé, « comme à la maison », pour reprendre le nom de l'association qui gère la préfiguration de maison de naissance située dans les locaux de la maternité des Bluets à Paris, que nous visiterons jeudi. J'invite d'ailleurs tous ceux qui le souhaitent à se joindre à nous.
Le transfert vers une prise en charge hospitalière et un plateau technique reste évidemment possible à tout moment, que ce soit pendant la grossesse ou pendant l'accouchement, en fonction des souhaits des futurs parents et de l'état de santé de la mère et du bébé.
Il ressort clairement de cette définition que la maison de naissance ne s'adresse pas à toutes les femmes enceintes et à toutes les naissances. La prise en charge en maison de naissance doit reposer avant tout sur un choix éclairé et volontaire de la parturiente et sur une sélection rigoureuse des futures mamans par les sages-femmes, afin d'exclure d'emblée un certain nombre de situations à risque – diabète, hypertension, grossesse gémellaire, risque de prématurité…
Pour des questions de responsabilité des sages-femmes, l'accouchement ne peut aujourd'hui se dérouler entièrement en maison de naissance : la sage-femme et la future maman doivent se déplacer avant l'arrivée du bébé sur un plateau technique. L'objet de cette proposition de loi est donc de permettre une prise en charge complète de la grossesse, de l'accouchement et des suites de couches en maison de naissance, au travers d'une expérimentation qui soumet à des conditions strictes l'autorisation de ces structures et la réalisation des accouchements.
Je comprends les interrogations que cette proposition peut soulever de prime abord, tant du point de vue de la sécurité des soins que de celui de la remise en cause du rôle des établissements de santé ou du respect du choix des femmes d'accoucher dans les conditions les moins douloureuses possible.
Je tiens donc à affirmer qu'il ne s'agit nullement de promouvoir un type particulier d'accouchements, mais bien de répondre à la demande de nombreuses femmes d'accoucher dans des conditions moins médicalisées et moins stéréotypées qu'à l'hôpital.
Le développement de l'obstétrique a grandement contribué à réduire la mortalité en couches et la mortalité infantile. Dans le cas d'accouchements physiologiques, une médicalisation excessive peut néanmoins se révéler néfaste à la santé de la mère ou à celle du bébé. L'enquête périnatale 2010 a d'ailleurs mis en évidence l'existence de risques iatrogènes, liés par exemple à l'utilisation de substances destinées à déclencher artificiellement le travail. La France présente également des taux de péridurale, d'épisiotomie ou de césarienne plus élevés que les pays voisins, sans que le recours à ces techniques améliore le taux de satisfaction des femmes concernées.
L'enquête Périnatalité a ainsi révélé que si les femmes étaient globalement satisfaites du suivi médical pendant la grossesse, elles portaient un jugement plus sévère sur le déroulement de leur accouchement, la mise en place de l'allaitement ou encore leurs conditions de séjour en maternité, déplorant notamment l'absence de suivi personnalisé.
La fermeture des « petites maternités » de proximité conduit en effet les futures mamans à être prises en charge dans de grosses structures, pratiquant parfois plus d'un millier d'accouchements par an, si bien que certaines peuvent avoir l'impression d'accoucher dans des « usines à bébés ».
Il y a donc une demande, émanant notamment des femmes ayant déjà eu au moins un enfant, de vivre une expérience différente pour leur deuxième ou leur troisième bébé. On estime à 10 % des parturientes le nombre de celles qui pourraient être intéressées par un suivi et un accouchement en maison de naissance plutôt qu'à l'hôpital.
Deuxième interrogation possible : ce dispositif consiste-t-il à recréer des petites maternités là où on les a fermées pour des raisons de sécurité, ou pourrait-il concurrencer des structures qui se situent juste à la limite des 300 accouchements par an ? Absolument pas. Il faut être très clair sur ce point, car c'est une inquiétude légitime pour tous ceux d'entre nous qui ont vu fermer des établissements de santé sur leur territoire – j'en parle en connaissance de cause. S'il n'y a pas de maternité, il n'y a pas de maison de naissance possible. Le dispositif proposé prévoit en effet que la maison de naissance soit contiguë à un établissement de santé autorisé en obstétrique, que les accouchements réalisés en maison de naissance soient comptabilisés au titre de la maternité partenaire, et enfin qu'une convention soit établie entre la maison de naissance et la maternité.
La troisième et dernière interrogation concerne la sécurité des soins. Tous les exemples étrangers – Pays-Bas, Québec, Royaume-Uni ou Allemagne – démontrent que les maisons de naissance ne présentent pas un taux de morbidité de la mère ou de l'enfant supérieur aux structures hospitalières, et ce alors même que dans tous ces pays, les maisons de naissance sont indépendantes des établissements de santé et peuvent en être distantes de plusieurs kilomètres.
Dans le cadre de l'expérimentation proposée, des règles très strictes de sécurité sont prévues. Tout d'abord, la contiguïté entre la maison de naissance et la maternité partenaire doit permettre un transfert rapide de la parturiente vers un plateau technique : il ne doit y avoir qu'un couloir à traverser ou un ascenseur à prendre. Ensuite, le conventionnement entre les deux structures se traduira par l'application de protocoles clairs, notamment en cas de transfert, prévoyant par exemple un numéro d'urgence dédié, le partage des données médicales et les procédures à suivre. Enfin, la mise en oeuvre de l'expérimentation reposera sur un cahier des charges adopté par la Haute Autorité de santé, visant à garantir que, sans être en milieu hospitalier et se voir appliquer stricto sensu les mêmes normes, les maisons de naissance répondent à des critères rigoureux de sécurité et d'hygiène.
Cette expérimentation ne saurait donc être suspectée de brader la sécurité de la mère ou de l'enfant. En revanche, elle constituera une reconnaissance de la compétence des sages-femmes, qui sont des professionnelles de santé très bien formées, qui exercent une profession médicale au terme de cinq années d'études. Les sages-femmes sont ainsi habilitées à assurer, en toute autonomie, la surveillance de la grossesse normale, du travail et de l'accouchement, ainsi que les soins à la mère et à l'enfant après l'accouchement.
Pour des raisons de démographie de la profession de gynécologue-obstétricien, les sages-femmes seront vraisemblablement appelées à jouer un rôle prépondérant dans le suivi des grossesses et des accouchements à l'avenir. La France compte aujourd'hui plus de 20 000 sages-femmes en activité, dont la moyenne d'âge est de quarante et un ans, et seulement 4 200 gynécologues-obstétriciens, dont 30 % ont plus de cinquante ans.
L'article 1er du texte prévoit que le Gouvernement peut autoriser, pendant deux ans, des maisons de naissance à fonctionner à titre expérimental, et ce pour une durée maximale de cinq ans. Chaque projet devra être évalué à l'issue de l'expérimentation, conformément à l'article 4, qui prévoit également la transmission de cette évaluation au Parlement.
La maison de naissance est définie comme une structure où des sages-femmes réalisent l'accouchement des femmes enceintes dont elles ont assuré le suivi de grossesse. Juridiquement, ces structures pourront être constituées, par exemple, sous forme d'associations, de sociétés d'exercice libéral, ou encore de sociétés civiles de moyens. Les sages-femmes qui y exercent ont un statut libéral, mais on peut également imaginer des formes de partenariat permettant la mise à disposition de sages-femmes hospitalières, même si cela semble de prime abord plus compliqué.
L'article 1er pose également le principe de contiguïté et d'accès direct de la maison de naissance à la maternité avec laquelle elle passe une convention. Enfin, il prévoit une comptabilisation commune des naissances.
L'article 2 dresse la liste des dérogations nécessaires afin de rendre l'expérimentation possible. Il précise que les maisons de naissance ne sont pas des établissements de santé, tout en prévoyant la possibilité de leur accorder un financement au titre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC). Selon les informations qui nous ont été transmises par le ministère, une aide de 150 000 euros par maison de naissance pourrait être accordée, permettant de couvrir les frais de structure ainsi que tout ou partie des primes d'assurance demandées aux sages-femmes, étant entendu qu'une dizaine de sites expérimentaux pourraient être retenus dans le cadre de ce dispositif.
L'article 3 prévoit un cahier des charges national pour l'expérimentation, adopté par la Haute Autorité de santé qui sera également chargée d'approuver la liste des maisons de naissance autorisées. Il ouvre la possibilité de retirer ou de suspendre l'autorisation en cas de manquement des maisons de naissance à leurs obligations.
L'article 5 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des conditions concrètes de l'expérimentation.
J'ai beaucoup appris en travaillant sur ce sujet passionnant, qui a intéressé nombre de nos collègues, que je remercie d'avoir participé aux auditions – en particulier Mme Biémouret, Mme Poletti et M. Dord.
Ces auditions ont fait émerger un consensus, à la fois sur la nécessité de répondre à la demande qui s'exprime, tant de la part des parturientes que des sages-femmes, en faveur de l'expérimentation des maisons de naissance, avec l'aval, désormais, du Collège national des gynécologues-obstétriciens, et sur celle d'un encadrement légal des initiatives qui ont déjà vu le jour, au travers d'un cahier des charges précis et rigoureux et d'une évaluation réalisée par l'Etat.
Il me paraît donc nécessaire d'adopter ce texte afin de sortir les maisons de naissance du flou juridique dans lequel elles se trouvent aujourd'hui.
La proposition de loi sénatoriale reprenant les dispositions adoptées en 2011, qui constituaient un équilibre, je n'ai pas souhaité amender le texte qui nous a été transmis. J'appelle donc la Commission à le voter en l'état, ce qui permettra à l'expérimentation de démarrer dans les meilleurs délais et constituera un signal très positif pour les sages-femmes, ainsi que pour les couples et les mamans qui y aspirent.
Je me félicite de cette proposition de loi, qui nous est transmise au moment même où les sages-femmes demandent une reconnaissance de leurs compétences.
Ce texte a le mérite de rappeler que la grossesse est un état physiologique, qui ne devient pathologique que dans une minorité de cas. Il est important de rappeler que la sage-femme joue un rôle non seulement auprès de la mère et de l'enfant, mais aussi en matière de parentalité, où elle peut détecter des problèmes après la naissance. En effet, les gynécologues-obstétriciens n'en ont pas toujours le temps, et leur nombre est appelé à se raréfier.
Ce texte nous propose une expérimentation qui nous parle du droit à la liberté de choix des femmes dans l'accouchement. Si l'accouchement sans douleur, grâce à la péridurale, a été un vrai progrès pour nombre de femmes et reste un choix qu'il faut respecter, redonner une vision naturelle à cet événement en évitant une surmédicalisation excessive répond à une vraie demande sociétale.
Cette demande émane d'abord de femmes qui souhaitent vivre des accouchements moins médicalisés et plus naturels, dans un univers intimiste, avec une prise en charge globale et personnalisée, lorsque la grossesse s'est déroulée normalement – c'est-à-dire sans complication. Ce désir des futures mères rejoint la forte demande de reconnaissance professionnelle des sages-femmes, puisque les maisons de naissance relèveront de leur responsabilité et de leur compétence.
Ce texte a fait l'objet de longs débats au Sénat, qui ont éclairé notre réflexion sur le sujet.
La priorité du groupe SRC est une exigence absolue de sécurité dans cette expérimentation, qui sera assurée par un certain nombre de garanties.
Tout d'abord, la maison de naissance sera contiguë à une maternité, avec – grâce à un amendement que le groupe SRC a fait voter au Sénat – un accès direct à celle-ci, afin de garantir de meilleures conditions de sécurité aux parturientes et aux enfants à naître.
S'il peut y avoir une maternité sans maison de naissance, il ne peut donc y avoir de maison de naissance sans maternité. C'est un point extrêmement important, car il ne s'agit en aucun cas de remplacer les structures existantes, notamment les petites maternités.
Le Gouvernement est sensible aux inquiétudes manifestées par les élus locaux. Mme Touraine a d'ailleurs assuré au Sénat qu'elle porterait une attention toute particulière à la répartition de l'offre de soins et des maternités sur le territoire.
De même, les naissances qui auront lieu en maison de naissance seront comptabilisées avec celles de la maternité. Il n'y aura donc pas de concurrence possible entre maisons de naissance et maternités ; ce sera une forme de complémentarité.
Une convention sera signée entre les deux établissements pour organiser leur travail en commun, notamment le transfert des patientes en cas de nécessité. L'accréditation d'un projet de maison de naissance se fera en fonction d'un cahier des charges rédigé par la Haute Autorité de santé, qui formalisera les normes sanitaires applicables ainsi que les protocoles de fonctionnement de ces maisons.
Au regard des expériences menées jusqu'à présent, des améliorations sont nécessaires, en particulier en ce qui concerne la prise en charge et la consultation pédiatrique des enfants nés.
Au terme des cinq ans d'expérimentation, le Gouvernement procédera à une évaluation et présentera le cas échéant un projet de loi au Parlement.
Ce texte a eu le mérite de soumettre au débat la volonté de nombre de femmes d'opter pour des accouchements moins médicalisés. Les maisons de naissance peuvent être une réponse pour certaines d'entre elles, mais toutes ne s'y retrouveront pas. D'autres offres doivent donc être développées en complément des maisons de naissance, comme les filières physiologiques raisonnablement médicalisées au sein des maternités.
Inversement, le désir d'un accompagnement personnalisé n'est pas l'apanage des tenantes de l'accouchement physiologique. Une grossesse pathologique, qui n'est pas un choix mais une situation subie et angoissante pour la femme qui la vit, nécessiterait encore davantage une prise en charge plus humaine.
J'ajoute que si plusieurs études ont mis en exergue la surmédicalisation comme une des raisons expliquant le taux de mortalité maternelle, il ne faut pas pour autant négliger, comme l'a rappelé la ministre au Sénat, la nécessité de revoir l'ensemble du parcours périnatal afin de détecter au plus tôt les grossesses à risque et d'étendre les actions de prévention auprès des futures mères.
Néanmoins, le groupe SRC ne s'opposera pas à l'adoption de cette proposition de loi.
Cette proposition de loi a déjà été votée par l'Assemblée nationale sous la forme d'un article du PLFSS pour 2011, avec le soutien de l'actuelle ministre de la santé, mais le Conseil constitutionnel a censuré cet article au motif qu'il constituait un cavalier social. Les discussions très riches qui avaient eu lieu à l'époque avaient abouti au dépôt d'amendements, adoptés en séance, qui ont été intégrés au présent texte.
Je tiens à féliciter le rapporteur pour son exposé très clair, tant sur la définition des maisons de naissance que sur l'environnement juridique et de sécurité qu'il est proposé de mettre en place.
Des maisons de naissance existent déjà dans de nombreux pays – Belgique, Canada, Allemagne, Pays-Bas. Je me suis rendue cette semaine aux Pays-Bas avec le groupe d'amitié France-Pays-Bas. J'ai eu l'occasion de rencontrer des Français installés dans ce pays, notamment trois femmes qui ont évoqué cette expérience auprès de moi. Certes, les Pays-Bas ne sont pas la France, et la densité de population dans les deux pays n'est pas comparable. Néanmoins, il faut savoir qu'aux Pays-Bas, 30 % des femmes accouchent à domicile, 30 % dans des structures qui ressemblent à des maisons de naissance, et les autres – en majorité des primipares – à l'hôpital. Il me semble intéressant, lorsqu'on a une expérience de l'accouchement, de pouvoir recourir à des dispositifs moins médicalisés.
Grâce aux maisons de naissance, les femmes qui le souhaitent pourront trouver des conditions psychologiques et physiologiques plus épanouissantes pour elles, en particulier un accompagnement global et personnalisé. Dans les faits, la parturiente et, plus largement, le couple sera suivi par une même sage-femme du début de la grossesse jusqu'à la fin de la période de post-partum. Tous les couples, notamment ceux qui redoutent l'hypermédicalisation lors de l'accouchement, bénéficieront ainsi d'un accompagnement adapté. Si la médicalisation n'est pas en soi une mauvaise chose, elle est parfois un facteur non pas de mortalité, mais de morbidité : son caractère systématique peut constituer une agression psychologique pour les femmes, ce qui entraîne, dans certains cas, des dystocies.
Selon l'enquête nationale périnatale conduite en 2010, le nombre d'accouchements pratiqués par des sages-femmes a nettement augmenté : entre 2003 et 2010, il est passé de 47,5 à 55,8 % pour l'ensemble des accouchements et de 69,1 à 79,7 % pour les accouchements par voie basse non opératoire. Ce dernier chiffre était même de 91,8 % en 2010 dans le secteur public. Les sages-femmes savent pratiquer des accouchements et apporter la sécurité nécessaire aux femmes. Leur compétence se limite, bien sûr, aux grossesses et aux accouchements normaux.
L'expérimentation des maisons de naissance n'a nullement pour objectif de créer des maternités de moindre qualité ou de réaliser des économies. Elle ne remet pas en cause la sécurité qu'il est indispensable d'apporter aux parturientes. La Cour des comptes a souligné l'intérêt d'une plus large prise en charge des grossesses à bas risque par les sages-femmes. Selon les résultats d'une étude citée par la Cour, les modèles de soins obstétricaux pratiqués par les sages-femmes présentent, en comparaison avec d'autres modèles de soins, certains avantages importants : réduction du nombre de péridurales, d'extractions instrumentales et de cas d'hospitalisation des nouveau-nés ; mise en place facilitée de l'allaitement.
Le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi, alors qu'il s'était montré divisé sur ce même sujet en 2010. En effet, beaucoup de discussions ont eu lieu depuis cette date. En particulier, deux éléments me semblent de nature à rassurer nos collègues : le soutien du Collège national des gynécologues et obstétriciens français à cette expérimentation ; la disposition selon laquelle chaque maison de naissance devra être contiguë à une structure autorisée pour l'activité de gynécologie-obstétrique.
Je vous félicite à mon tour, monsieur le rapporteur. Cette proposition de loi est le fruit d'une étroite collaboration entre les groupes UDI du Sénat et de l'Assemblée nationale.
L'expérimentation des maisons de naissance, prévue pour durer cinq ans, constitue une réelle avancée en matière de prise en charge des parturientes. Ces nouvelles structures permettront un accompagnement global et personnalisé de la femme et du couple par une même sage-femme ou un même binôme de sages-femmes, de la première visite prénatale jusqu'aux soins consécutifs à l'accouchement. Il est prévu qu'elles accueillent un nombre raisonnable de naissances par année, afin de conserver un caractère intime, familial et convivial. Les maisons de naissance seront sûres : elles seront attenantes à des maternités et seront gérées par un personnel qualifié. De plus, les femmes dont la grossesse présente un risque pathologique ne pourront pas y être admises. Des structures équivalentes existent déjà dans de nombreux pays, où elles rencontrent un succès notable.
Non seulement les maisons de naissance offriront un nouveau mode de prise en charge de la grossesse, mais elles seront source d'importantes économies, ce qui n'est pas à négliger vu l'importance du déficit de la sécurité sociale. Le coût d'un accouchement est évalué à 600 euros en maison de naissance, contre 1 200 dans le cadre d'une hospitalisation de courte durée et 3 000 dans le cadre d'une hospitalisation de 4,4 jours, ce qui correspond à la durée moyenne observée. Au total, nous réaliserions une économie de près de 30 millions d'euros par an.
Cette proposition de loi, telle qu'elle a été amendée en 2011, fait presque l'unanimité. Des personnalités de tout bord se sont prononcées en sa faveur. Le groupe UDI la soutiendra et souhaite que les autres groupes politiques fassent de même.
Le groupe écologiste est très favorable à ce texte, preuve qu'il ne s'oppose pas à tout systématiquement ! L'expérimentation des maisons de naissance avait d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de loi d'Anny Pourcinoff, députée écologiste, en 2011.
Les maisons de naissance existent déjà dans de nombreux pays étrangers : depuis les années 1970 aux États-Unis, depuis 1987 à Berlin et, désormais, en Belgique, en Australie, au Canada, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Suède. La fréquentation de ces structures reste minoritaire, sauf au Québec, où 76 % des accouchements y sont pratiqués. Il existe une demande en France : selon vos estimations, monsieur le rapporteur, un peu moins de 10 % des parturientes seraient intéressées par un accouchement dans de telles maisons.
En outre, les professionnels de santé concernés – sages-femmes, gynécologues, obstétriciens – soutiennent publiquement ce dispositif, en raison notamment de son intérêt sanitaire. Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), la France se place au dix-septième rang européen en matière de mortalité infantile, avec un taux de 2,3 pour 1 000. Cela tient pour partie à une surmédicalisation de la grossesse et de l'accouchement, qui peut avoir des effets négatifs sur la santé : troubles psychologiques ou difficultés de certains parents à accueillir leur enfant. Les maisons de naissance peuvent apporter une réponse à ces difficultés, à condition, bien sûr, d'être situées à proximité d'un service médicalisé, comme le prévoit l'article 1er.
Le groupe écologiste est favorable à une grossesse et à un accouchement plus naturels pour les couples qui le souhaitent. Au slogan « un bébé quand je veux » scandé il y a quarante ans, nous ajoutons aujourd'hui « et de la manière qui me convient ».
Vous avez raison de rappeler ce chiffre catastrophique : la France ne se classe qu'au dix-septième rang européen en matière de mortalité périnatale, c'est-à-dire de décès des bébés de moins de vingt-sept jours. Le rapport de l'INSERM relève cependant d'autres facteurs que la surmédicalisation, en particulier le tabagisme des femmes – plus répandu en France qu'ailleurs – et l'obésité.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur : vous avez su montrer tout l'intérêt que présente l'expérimentation des maisons de naissance. À en juger par les interventions de nos collègues, vous les avez convaincus.
Comme vous l'avez relevé, madame la présidente, cette proposition de loi arrive à point nommé, au moment où les sages-femmes demandent, d'une part, à être reconnues comme professionnels de premier recours pour les femmes en bonne santé et, d'autre part, à bénéficier d'un statut de praticien hospitalier. Les maisons de naissance permettront de mieux faire connaître leurs compétences et leurs actions auprès des Françaises et des Français.
Il est prévu que de telles maisons soient créées sur une dizaine de sites expérimentaux. Pourquoi ce nombre, a priori limité, a-t-il été retenu ? Comment les sites seront-ils choisis ? Selon quels critères ? Quelques sites ont-ils déjà été pré-identifiés ? Si oui, lesquels ?
Enfin, dans combien d'années le Gouvernement remettra-t-il au Parlement l'évaluation de l'expérimentation prévue à l'article 4 ?
Cette proposition de loi a d'abord suscité chez moi certaines interrogations. En effet, la majorité précédente avait tenté de nous démontrer que les maternités devaient être situées dans des centres très spécialisés, médicalisés et sécurisés, au nom du principe « on ne fait bien que ce que l'on fait souvent ». Il n'était pas possible selon elle de pratiquer des accouchements dans des maternités de proximité, car toutes les garanties de sécurité n'y étaient pas réunies. Son objectif était plutôt de fermer les maternités de petite taille, qui pratiquaient moins de 1 000 accouchements par an. Cependant, plusieurs collectivités – notamment Carhaix, ville voisine de ma circonscription – ont résisté et exigé le maintien de leur maternité de proximité. Ces établissements mettent les parents en confiance : ils ne sont pas des « usines à bébé » et offrent eux aussi des conditions d'accueil sécurisées.
Je comprends tout à fait les parents qui souhaitent être pris en charge dans les maisons de naissance. En effet, les sages-femmes prendront le temps d'accompagner les parents. Actuellement, elles consacrent en général trente minutes à une heure à chacune de leur consultation, alors que les gynécologues, souvent débordés, examinent leur patiente sans prendre en compte l'environnement familial ni les éventuelles angoisses des parents.
L'expérimentation des maisons de naissance pour une durée de cinq ans me semble une bonne mesure. J'ai bien noté, d'une part, la définition qu'a donnée le rapporteur de ces maisons et, d'autre part, le principe selon lequel « s'il n'y a pas de maternité, il n'y aura pas de maison de naissance possible ». Non seulement chaque maison de naissance devra être contiguë à une maternité partenaire, mais les accouchements qui y seront pratiqués seront comptabilisés au titre de cette maternité. Enfin, la création des maisons de naissance sera aussi une manière de reconnaître les compétences des sages-femmes et leur positionnement dans l'offre graduée de soins.
Les maisons de naissance ont vocation à accompagner des femmes dont la grossesse est strictement physiologique. Personne ne conteste, bien sûr, l'expertise et la compétence des sages-femmes. Mais les femmes cumulant plusieurs facteurs de risque – primiparité après quarante ans, tabagisme, obésité – pourront-elles être prises en charge dans des maisons de naissance ou seront-elles directement orientées vers une structure classique, hôpital ou clinique, où elles seront suivies par une équipe dirigée par un obstétricien ?
Je vous remercie à mon tour, monsieur le rapporteur, pour votre exposé très clair et convaincant, et vous, madame la présidente, pour le soutien que vous apportez à cette proposition de loi. Les représentants des sages-femmes ont été reçus aujourd'hui même au ministère des affaires sociales et de la santé, afin d'obtenir une meilleure reconnaissance de leur profession – les sages-femmes libérales devant être identifiées comme praticiens de premier recours – et un nouveau statut hospitalier. De plus, ce texte semble faire l'objet d'un consensus, ce dont je me réjouis. Les maisons de naissance permettront une prise en charge reposant sur le principe « une femme, une sage-femme », un accompagnement individualisé et humain dans le cadre d'une relation de confiance. Elles répondront à une demande de moindre médicalisation et de liberté de choix.
L'idée d'une expérimentation n'est pas nouvelle : elle avait été annoncée par le Gouvernement en 1998 puis reprise dans le plan Périnatalité ; le Parlement en avait adopté le principe en 2010, mais le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions correspondantes ; la Cour des comptes l'avait préconisée ; enfin, des députés de l'UMP, de l'UDI et du groupe écologiste avaient déposé des propositions de loi en ce sens.
Ce texte fournit le cadre juridique nécessaire. Surtout, il prévoit des dispositions qui sécuriseront la prise en charge dans les maisons de naissance : celles-ci devront être contiguës à une maternité partenaire où les parturientes pourront être transférées à tout moment en cas de complication. Enfin, les expériences étrangères que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur, sont très concluantes.
Lorsque je les ai reçus vendredi dernier, les représentants des sages-femmes de l'Ille-et-Vilaine se sont dits prêts à expérimenter les maisons de naissance.
Comme vous l'avez dit, madame la présidente, la création des maisons de naissance constituera un progrès pour les sages-femmes libérales, qui pourront pratiquer des accouchements dans des conditions satisfaisantes. Mais elle ne suffira pas à faire baisser à elle seule le taux de mortalité périnatale. Pour ce faire, il convient surtout d'améliorer le suivi des grossesses – beaucoup plus développé dans les pays nordiques qu'en France – et la prévention des grossesses pathologiques.
Après un accouchement en maison de naissance, le suivi postnatal de la mère et de l'enfant sera-t-il lui aussi assuré en maison de naissance ou bien sera-t-il transféré à un établissement hospitalier ?
Je vous félicite à mon tour, monsieur le rapporteur.
Trois raisons plaident en faveur de l'expérimentation des maisons de naissance. D'abord, non seulement ces maisons offriront un accès à des soins adaptés et sécurisés par la proximité d'un plateau technique, mais elles répondront aussi à une évolution sociétale et culturelle : un certain nombre de familles souhaitent désormais un accouchement dans un environnement moins médicalisé.
Ensuite, les 20 000 sages-femmes seront mieux reconnues et responsabilisées sur l'ensemble du parcours de soins, du début de la grossesse au suivi postnatal. La création de maisons de naissance contribuera à une meilleure répartition des missions et des actes pour l'ensemble des professionnels de santé et renforcera le rôle pivot des sages-femmes.
Enfin, nous ne saurions rester insensibles à l'impact de cette expérimentation sur nos dépenses de santé. À combien le chiffrez-vous, monsieur le rapporteur ?
Ce texte nous donne l'occasion de rendre hommage aux sages-femmes et à tous les professionnels de santé qui donnent la vie. Son objectif est clair : organiser le suivi de la parturiente et du couple par une même sage-femme du début de la grossesse jusqu'à la naissance de l'enfant. Cette relation de confiance et cette écoute particulière, conjuguées à une approche moins médicalisée, auront probablement des effets très positifs. Néanmoins, je m'interroge sur la manière dont fonctionnera la relation entre la maison de naissance et l'hôpital ou la clinique à proximité de laquelle elle sera implantée. Certes, les conditions de prise en charge en maison de naissance seront parfaitement adaptées. Mais que se passera-t-il en cas de complications ? Celles-ci ne peuvent jamais toutes être prévues à l'avance et certaines situations requièrent une grande réactivité. En particulier, comment une mère ou son enfant seront-ils transportés d'urgence sur le plateau technique ? Il convient que la prise en charge soit rapide lorsque le diagnostic vital est en jeu. Avez-vous déjà pu, monsieur le rapporteur, étudier avec des hôpitaux ou des cliniques concernées la manière dont s'organiseront les liens avec les futures maisons de naissance ? Qu'en sera-t-il, en particulier, des conventions ?
Je vous remercie, chers collègues, pour vos différentes interventions. La valorisation du travail des sages-femmes constitue un aspect essentiel de cette proposition de loi. Nous devons tous être conscients que la grossesse n'est pas une maladie.
Vous avez rappelé, madame Biémouret, les grands principes du texte et insisté sur la nécessité de développer les autres modes de prise en charge des parturientes. En effet, les maisons de naissance ne sont pas la seule réponse que l'on peut apporter aux femmes qui ne sont pas satisfaites de la prise en charge médicalisée qui leur est proposée. Nous pourrions envisager de développer et de labelliser les pôles physiologiques qui existent déjà au sein des établissements de santé ou d'améliorer la prise en charge du post-partum.
Madame Poletti, les expériences étrangères sont en effet nombreuses. Les premières maisons de naissance sont apparues dans les années 1970 aux États-Unis, puis en Europe : au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique – où l'on en compte aujourd'hui douze –, en Suisse – où l'on en dénombre vingt-deux – et en Allemagne – où elles sont au nombre de cent cinquante. Les modèles varient considérablement d'un pays à l'autre : au Québec, 76 % des accouchements ont lieu en maison de naissance, contre 2 % en moyenne ailleurs ; aux Pays-Bas, l'accouchement à domicile est très développé.
Vous avez insisté à juste titre, madame Le Houérou, sur l'exigence de contiguïté entre la maison de naissance et l'établissement hospitalier partenaire.
Vous avez évoqué, messieurs Vercamer et Delatte, les éventuelles économies. Mais l'important est surtout que l'on revalorise le travail des sages-femmes. Le tarif de remboursement par la sécurité sociale d'un accouchement simple pratiqué par une sage-femme est de 313,60 euros.
Madame Louwagie, les sites expérimentaux seront choisis en fonction de leur capacité à respecter un cahier des charges exigeant. À ce stade, un peu moins de dix sites sont envisagés dont Paris, Pontoise, Rennes, Nancy, Remiremont, Thonon-les-Bains, Toulouse, Marseille et Beauvais. Quant à l'évaluation de l'expérimentation, elle sera remise au Parlement un an avant le terme de la dernière autorisation accordée à une maison de santé, c'est-à-dire dans six ans.
Madame Massonneau, la réforme permettra non seulement de mettre au monde « un bébé quand je veux et de la manière qui me convient », mais aussi « où je veux ». S'agissant du taux de mortalité infantile, il a considérablement baissé : on comptait 151 décès pour 1 000 naissances il y a un siècle, puis 52 en 1950, 18 en 1970, 7,3 en 1990 et 3,5 en 2010. Il va de soi que personne ne souhaite remettre en cause une telle évolution avec une réforme hasardeuse.
Monsieur Sebaoun, la Haute autorité de santé a établi en 2007 un document intitulé « Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées ». Ces recommandations proscrivent la prise en charge par une maison de naissance d'une femme qui présenterait les facteurs de risque que vous décrivez.
Monsieur Perrut, des transferts en urgence sont déjà effectués aujourd'hui entre les maternités de niveau 1 et celles de niveau 2 ou 3, selon des protocoles et des conventions bien établis. Il en sera de même entre chaque maison de naissance et sa maternité partenaire.
Madame Iborra, la sortie de maison de naissance sera précoce : elle se fera environ une douzaine d'heures après l'accouchement, mais un suivi sera, bien évidemment, assuré à domicile.
Pour vous répondre, monsieur Sebaoun, la compétence des sages-femmes se limite aux grossesses et aux accouchements normaux. Elles suivent une formation de cinq ans : la première année commune aux études de santé, puis quatre années de formation spécifique à leur métier, pendant lesquelles elles apprennent notamment à connaître et à dépister toutes les pathologies qui peuvent se manifester pendant la grossesse. Une sage-femme refusera de prendre en charge une femme présentant des facteurs de risque tels que le tabagisme, l'obésité ou la primiparité après quarante ans. Ce ne serait d'ailleurs pas dans son intérêt. Les sages-femmes sont compétentes et souhaitent que les parturientes accouchent dans les meilleures conditions physiologiques et humaines.
Par ailleurs, en France, les femmes sont habituées à accoucher à l'hôpital. Par conséquent, les accouchements en maison de naissance seront probablement limités dans un premier temps. Néanmoins, quelques femmes, notamment celles qui ont déjà accouché une première fois à l'hôpital dans des conditions qui ne leur ont pas nécessairement convenu, sont très demandeuses de connaître une expérience différente, plus naturelle, pour la naissance de leur enfant suivant. De tels accouchements sont déjà pratiqués dans quelques hôpitaux de la région parisienne, mais en l'absence d'encadrement juridique approprié. Ce texte va permettre aux professionnels de santé de travailler dans de meilleures conditions.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Définition de l'expérimentation des maisons de naissance
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Dérogations nécessaires à la mise en oeuvre de l'expérimentation
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Liste et fonctionnement des maisons de naissance
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Évaluation
La Commission adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Décret en Conseil d'État
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
Je vous remercie, chers collègues, pour ce moment rare d'unanimité. Nous allons pouvoir expérimenter très rapidement les maisons de naissance et répondre ainsi à une demande des futurs parents, tout en revalorisant le rôle et le travail des sages-femmes.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.