Intervention de Maud Olivier

Réunion du 19 novembre 2013 à 9h30
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier, rapporteure :

Puisque vous avez posé la question des moyens, M. Coronado, je rappellerai ce qu'a annoncé Mme la ministre des Droits des femmes : un fonds de 10 à 20 millions d'euros par an sera pris sur le budget de l'État pour accompagner les personnes prostituées.

D'autre part, s'agissant d'apprécier les effets de la loi suédoise, vous n'avez cité qu'une partie des propos de Mme Touraine : elle a reconnu la difficulté de se faire une opinion en raison de rapports contradictoires et elle a fait état de certains qui n'allaient pas dans votre sens. Reste que la Chancelière pour la justice suédoise, la procureure adjointe du Tribunal international de Stockholm et un des commissaires de police de Stockholm, que nous avons auditionnés, ont été unanimes à constater qu'il n'y avait pas eu dans leur pays davantage de violences ni de prostitution cachée, et à confirmer que la prostitution de rue avait diminué.

Ce qui intéresse les réseaux, c'est de gagner beaucoup d'argent. On estime aujourd'hui que les quelque 140 000 personnes prostituées en Europe leur rapportent 3 milliards d'euros par an. Si nous nous contentons d'abroger le délit de racolage, sans assortir cette abrogation d'aucun moyen de répression, les réseaux s'engouffreront sans retenue sur le territoire français, comme ce fut le cas en Allemagne où l'on dénombre 400 000 personnes prostituées, contre 20 000 à 40 000 chez nous. Voulons-nous les attirer ? Les Suédois, qui ont réalisé des écoutes téléphoniques, ont appris que les proxénètes et les réseaux avaient l'intention de se détourner de leur pays pour aller là où les législations leur sont beaucoup plus favorables.

Ensuite, M. Coronado, je comprends les inquiétudes des personnes qui sont actuellement en situation de prostitution. C'est bien pour cela que Mme Touraine a annoncé l'élaboration d'un référentiel, de façon que les associations puissent agir en allant à la rencontre des personnes prostituées, plutôt que d'attendre que celles-ci s'adressent à elles.

Mme Taubira a eu les mêmes interrogations que Mme Touraine, mais elle s'est prononcée clairement pour la pénalisation, tout comme Mme Vallaud-Belkacem et M. Valls.

Arrêtons d'agiter le chiffon rouge ! Nous sommes conscients des risques et nous allons mettre en place des dispositifs pour éviter qu'ils ne se concrétisent. De toute façon, le client ne peut pas continuer à considérer qu'il fait ce qu'il veut du corps des femmes ou des hommes. Il n'a pas à profiter de la précarité économique de ces gens pour se satisfaire. Si nous voulons une société progressiste et humaniste, nous devons le réaffirmer.

Je répondrai enfin à Mme Fort que les Suédois ont su comment procéder. Comme je l'ai dit à M. Valls, il faut absolument faire suivre des formations à nos policiers. Plutôt que de faire des « planques » pour appréhender les prostituées qui se livrent au racolage, ils en feront pour savoir où se passe la prostitution. Et si des clients se tournent vers des sites d'offre de prostitution, la police sera dotée de moyens pour y avoir accès.

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