Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les mots « Sécurité sociale » doivent encore faire honneur à la République. Dans cette période où les difficultés des Français se multiplient et où l’argent public se raréfie, ce budget – près de 450 milliards d’euros – impose au législateur une attention scrupuleuse, une rigueur bienveillante et une exigence sans faille.
Si les mots doivent avoir un sens dans l’action publique et si le législateur doit peser de tout son poids dans la vie institutionnelle, c’est bien sur ce vaste sujet, qui s’immisce dans toutes les cellules vivantes du corps social français.
La précision est le minimum que l’on doive aux Français : alors que vous vous congratulez de la baisse du déficit de la Sécurité sociale, je vous suggère de souligner modestement son léger infléchissement. La modestie est d’autant plus de rigueur qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! Réduire les déficits n’est pas votre signature spécifique, et il y a fort à parier que vous ne serez pas ceux qui inverseront la courbe de la dette sociale !
Pourtant, cette dette est un cancer qui, sans bruit ni relâche, mine l’avenir des jeunes Français et anémie le destin de notre communauté nationale. Votre projet, madame la ministre, ne pèsera pas sur cet enjeu fondamental : nous en sommes profondément déçus, mais pas étonnés. Car ce texte, malheureusement, illustre une nouvelle fois l’amateurisme de ce gouvernement. À ce niveau de la responsabilité publique, il n’y a rien qui prête à sourire : les choix que vous a dictés cet amateurisme contredisent l’esprit même de nos institutions.
Vous jouez avec le feu, madame la ministre, alors que partout, les douleurs des brûlures sociales parcourent l’épiderme de notre pays. Tels des amateurs devant un jeu complexe, vous ne mesurez pas toutes les conséquences de vos actes. D’ailleurs, les sénateurs ne s’y sont pas trompés en rejetant ce texte sans l’ombre d’une hésitation. Quelle image nos compatriotes peuvent-ils donc retenir d’une majorité qui se délite autour du texte le plus fondamental qui soit pour le quotidien de chacun ?
Admettez que cet amateurisme porte des conséquences particulières, quand vous décidez de faire de ce PLFSS une voiture-balai des décisions sanctionnées par le Conseil constitutionnel ! Je pense bien évidemment à la réintroduction dans la loi du concept liberticide de clauses de désignation, d’autant plus scandaleuse que vous tentez de la masquer par un voile sémantique, montrant non seulement votre indifférence aux décisions du Conseil constitutionnel, mais votre mépris à l’égard de la représentation nationale.
Votre choix de taxer certains produits d’épargne est autre exemple de cet amateurisme. Madame la ministre, vous avez obligé votre majorité parlementaire à voter un texte comportant des mesures flagrantes de spoliation des Français ! Cela nous a donné à nouveau l’occasion d’assister à un cafouillage monumental, à un couac ridicule, illustration d’une façon indigne de gérer l’État, qui nous inquiète de plus en plus. Pourtant, le rapporteur vous avait alertée sur le risque d’une telle taxation. Vous devriez écouter les rapporteurs, y compris ceux issus de votre majorité ! Mais le mal était fait, et il a fallu corriger le tir. Vous auriez gagné du temps et évité le ridicule si, d’emblée, vous nous aviez écoutés !
J’ajoute, sans vouloir vous accabler davantage, madame la ministre, que, non contente de jouer avec notre ordonnancement institutionnel, vous jouez aussi avec la santé des Français !