Intervention de Rudy Salles

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

La proposition de loi de Xavier Bertrand appelle à résoudre l'imbroglio des rythmes scolaires par l'action fédératrice et pacificatrice des maires. Historiquement, les deux sont d'ailleurs intimement liés, puisque l'école de la République s'est édifiée au moment même où le suffrage universel a consacré le rôle des maires ; les deux piliers fondamentaux de la République sont alors posés, peu avant le troisième – la laïcité. L'école et la mairie représentent le couple indémodable de la République, toujours visible dans tant de communes de notre pays, l'un supportant souvent l'autre et réciproquement, chacun appuyé sur le mur central – illustration parabolique de la République. L'idée qui anime cette proposition de loi est donc loin d'être hors sujet.

Que se passe-t-il aujourd'hui dans nos communes ? On nous dit que 83 % des 10 % d'entre elles qui se sont lancées dans l'aventure en sont satisfaites. Certes, quand on est bon élève, on l'est jusqu'au bout mais les bonnes volontés sont finalement peu nombreuses ! En réalité, ce sont les familles les plus modestes qui pâtissent de cette initiative lancée comme une dragonnade idéologique, alors qu'elle méritait une expérimentation ciblée et évaluée, dans la perspective d'une généralisation. En effet, la fatigue des enfants augmente, et comme dans ces familles on ne les couche pas plus tôt pour autant, les siestes de l'après-midi s'allongent et la durée du travail éducatif se réduit. Malgré le recrutement de dizaines de milliers de fonctionnaires à l'éducation nationale, on laisse les communes se débrouiller seules pour gérer les temps périscolaires supplémentaires. Faute de bonne coordination avec les centres sociaux, des personnels polyvalents viennent, le mercredi matin, prendre le relais des assistants pédagogiques. Les familles les plus modestes doivent désormais se débrouiller pour récupérer les enfants le mercredi ou le samedi matin et les faire manger, parce que la cantine est fermée.

Le dispositif a créé de nouvelles fractures territoriales dans notre pays, celles-là mêmes que le Premier ministre se proposait vaillamment de combler, il y a quelques jours encore, lors du dernier salon des maires. Elles sont appelées à s'élargir et à s'approfondir parce que la plupart des communes n'ont pas les moyens de recruter suffisamment d'éducateurs diplômés pour prendre en charge la masse d'enfants susceptibles, aux termes de la réforme, de fréquenter les structures périscolaires. Les communes recruteront donc des personnels moins qualifiés, sur la base de contrats plus précaires, qui se formeront sur le tas et auxquels seront confiées des missions équivalentes à celles des personnels qualifiés.

Le maire est au coeur de ce dispositif fondamental : acteur de toutes les proximités, mécano de la démocratie locale, c'est lui qui apporte des réponses concrètes ; fédérateur et pacificateur, il dessine une trame là où tout est intriqué et complexe. Et si le maire auquel on pense n'est pas celui-là, il s'agit d'une erreur de casting. Nous comprenons donc parfaitement la logique positive de cette proposition de loi.

Mais faut-il pour autant demander au maire d'assumer les turpitudes d'un État irresponsable ? Faut-il qu'il en devienne par là – car c'est inéluctable – le bouc émissaire ? Faut-il ajouter aux difficultés locales et aux inégalités au sein même de chaque commune des inégalités de traitement entre les communes, les départements et les régions ? En effet, les moyens ne seront évidemment nulle part les mêmes ; on met en concurrence des territoires, parfois des quartiers entre eux, là où il faut chercher l'égalité républicaine.

L'école, après l'école, c'est encore l'école ; et cette école, c'est la République. L'un et l'autre ont aujourd'hui plus que jamais besoin de sérénité, qui appelle à la fois souplesse et égalité. Pour atteindre cet objectif, il nous manque cette alliance initiale entre l'école et la mairie, entre les enseignants qui manifestent et les Français qui ne comprennent pas. Il manque une idée généreuse pour la jeunesse, remplacée par l'énième expression du dogme, alors même qu'il s'agissait au départ de respecter les rythmes biologiques de nos enfants. Cumulard invétéré, je siège en tant qu'adjoint au maire dans les conseils d'école et je constate que tous, les uns après les autres, votent à l'unanimité contre la réforme des rythmes scolaires. Il manque simplement l'État, qui – là aussi – navigue à vue. Alors qu'il faut répondre à des mutations profondes de notre société, nous attendons encore les véritables choix – non un choix par défaut, ni le choix de se défausser.

Le groupe UDI estime qu'il faut aller beaucoup plus loin que ce que suggère la présente proposition de loi. Il faut revenir complètement sur le dispositif actuel et l'abroger.

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