Le groupe UMP ne compte que d'ardents défenseurs de la lutte contre toute forme de discrimination. Il n'est pas question d'opposer ceux qui défendent les victimes de ces atteintes à ceux qui, pour des raisons idéologiques, se permettraient de les trier par catégories. Quelle que soit la nature de la discrimination, la représentation nationale tout entière s'attachera toujours à la combattre.
Il est ici proposé d'harmoniser les délais de prescription de l'action publique concernant les propos discriminatoires. Ces délais varient aujourd'hui avec le motif de la discrimination. Si le critère constitutif de l'infraction est l'homophobie, la handiphobie ou le sexisme, l'État et la victime disposent du délai de droit commun pour agir, soit trois mois. En revanche, l'injure, la diffamation, la provocation à la violence raciale ou religieuse bénéficient d'une prescription spéciale d'un an en raison de leur gravité.
Nous avions décidé en première lecture de soutenir ce qui était alors l'article 2 de la proposition de loi et qui visait à harmoniser le délai de prescription de l'action publique à un an. Soucieux de la liberté de la presse, qui ne peut s'accommoder de délais de prescription trop longs, trois mois étant la règle et un an l'exception, nous avions toutefois entendu les arguments de nos collègues socialistes. Si l'extension des délais de prescription à un an permettait de garantir les principes d'égalité devant la loi et d'intelligibilité de celle-ci sans mettre en cause la liberté de la presse, notre réserve pouvait être levée.
De fait, il paraît difficile de cautionner une hiérarchie implicite entre les discriminations en faisant varier les délais de prescription selon la gravité supposée du motif. Une discrimination reste une discrimination, qu'elle se fonde sur l'ethnie ou sur l'orientation sexuelle, sur la religion ou sur le handicap.
Par ailleurs, le droit doit être connu de tous ; à défaut, car cet objectif est aujourd'hui presque impossible à atteindre, il se doit d'être lisible et compréhensible par tous. Or les différents délais de prescription favorisent la confusion et multiplient les risques d'erreur des justiciables, donc d'extinction de l'action publique.
Le dernier argument qui emporte notre adhésion est le développement des nouvelles technologies et la banalisation d'internet. C'est d'ailleurs lui qui avait légitimé en 2004 l'extension à un an du délai de prescription de l'action publique pour les infractions liées à la violence raciale ou religieuse. Alors que, dans les médias classiques, chaque nouvelle publication chasse la précédente, il n'existe pas de droit à l'oubli sur internet : la Toile est une sorte d'immense réserve de stockage de données qui ne se désintègrent pas facilement. Cet espace de liberté que chacun peut investir sur n'importe quel sujet implique de donner en contrepartie à toutes les victimes potentielles les moyens de faire valoir leurs droits. La règle de l'actualité, qui prévaut pour les médias classiques, perd de sa pertinence s'agissant des contenus publiés sur internet. Les messages racistes et xénophobes n'ont pas le monopole du web ; nous l'avons constaté récemment, hélas. Il convient donc de prolonger le délai de prescription pour permettre aux victimes de messages sexistes, handiphobes ou homophobes de se faire également entendre.
Comme en première lecture, le groupe UMP votera donc cette proposition de loi.