Intervention de Rudy Salles

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Les plus grandes lois doivent savoir évoluer, parce que les usages et les mentalités changent, parce que le monde bouge, tout simplement. La grande loi républicaine et radicale de 1881, qui est parvenue à établir un délicat équilibre entre la liberté d'expression et la sauvegarde de l'ordre public, ne fait pas exception à cette règle immuable. On peut être attaché à la liberté et négliger les bons vecteurs d'expression. On peut vouloir poser les limites qui protègent et tendre finalement des bâillons qui musellent. On peut aussi identifier un danger et passer à côté d'un autre, que le temps a laissé croître.

Il faut donc viser le point d'équilibre. C'est là la vocation première du législateur. Cette question se pose tout particulièrement à l'heure de l'expression diffuse, profuse et intruse sur internet. Tel est l'enjeu de la présente proposition de loi. Métaphore de l'ouvrage républicain, qu'à la façon de Pénélope il faut être prêt à remettre sans cesse sur le métier, elle vise à traiter de façon identique tous les propos discriminatoires, quelles qu'en soient les victimes et la nature – sexisme, homophobie, handiphobie, transphobie, racisme ou antisémitisme, et toute haine visant un individu en raison de son identité.

Le texte complète la loi du 9 mars 2004, motivée par la multiplication des propos antisémites sur internet. Le législateur avait alors introduit une exception au régime de la loi sur la liberté de la presse de 1881, en portant à un an le délai de prescription de certaines infractions. Il s'agissait de ménager le temps de la détection et de la répression d'une nouvelle forme de criminalité cybernétique. Mais le filet protecteur du droit n'avait pas tout ramené vers lui : visant les discriminations liées à l'origine, à l'ethnie, à la race ou à la religion, il avait omis celles liées au sexe, à l'orientation sexuelle ou au handicap, pour lesquelles le délai de prescription demeurait de trois mois. Il s'agit pourtant bien de la même chose : du respect des personnes.

Dans le cyberespace, les infractions dites de presse n'ont pas disparu, mais elles se sont métamorphosées. Elles ne sont pas ici et maintenant. Elles sont dans l'air. Internet, c'est un groupe de presse mondial, sans patron, sans règle, constitué de millions de contributeurs, aux motivations insoupçonnables, inconnaissables, qui, à l'abri des regards, et parfois sous le couvert d'un pseudonyme, lancent leur message. Chacun, devant son écran, peut se transformer en grand témoin du monde, en Savonarole universel, en accusateur compulsif, en mercenaire de la parole publique, sans règle, sans limite, sans attention aux conséquences de ses actes. Pourtant, accuser, diffamer, tourner en ridicule jusqu'à l'insulte sont des actes qui, quels qu'en soient les supports, ont les mêmes conséquences sur leurs victimes. L'ordre public doit alors faire son oeuvre : assurer le respect des personnes et de leurs vies.

Au groupe UDI, nous tenons à l'extraordinaire liberté qui caractérise la Toile. Mais n'en faisons pas un espace de non-droit. Ne faisons pas d'internet une vache sacrée. Ne faisons pas de l'esprit du temps une menace pour la vie privée. Ne faisons pas d'un monde technomaîtrisé un univers d'impunité. Internet, c'est la liberté, à condition que celle-ci continue d'émanciper la pensée et la connaissance.

Voilà ce que dit ce texte ; voilà pourquoi le groupe UDI le votera.

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