Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt, rapporteur :

Trente ans après que les premières lois de décentralisation ont donné un nouveau souffle à la démocratie locale, la modernisation de l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales est désormais engagée.

La démarche suivie ici par le Gouvernement diffère de celles qu'avaient adoptées ses prédécesseurs : le présent projet n'est ni principalement un texte de transfert de compétences de l'État aux collectivités, comme l'était la loi du 13 août 2004, ni une tentative de spécialisation, en même temps que d'uniformisation, des compétences de ces mêmes collectivités, comme l'était la loi du 16 décembre 2010. Il vise à renforcer l'efficacité de la puissance publique, qu'elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s'appuyant sur les collectivités et en clarifiant l'exercice de leurs compétences.

Ce texte ne constitue toutefois que le premier volet d'une réforme qui ne trouvera sa pleine cohérence qu'une fois complété par deux autres projets, déjà déposés par le Gouvernement et relatifs, l'un à la mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et à la promotion de l'égalité des territoires, l'autre au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 23 juillet dernier, le projet s'est enrichi au fil de la navette parlementaire de nombreuses dispositions nouvelles. Le texte initial déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat comportait 55 articles. À l'issue de la première lecture, l'Assemblée nationale en avait adopté 29 conformes et supprimé de manière conforme sept autres. En deuxième lecture, le 7 octobre dernier, le Sénat a procédé à l'adoption conforme de 23 articles et à la suppression conforme de six autres. Restent ainsi soumis à notre assemblée 38 articles adoptés par le Sénat, ainsi que 13 articles que nous avions adoptés en première lecture et qu'il a supprimés. Au total, ce ne sont donc pas moins de 116 articles qui auront été soumis à la discussion des deux assemblées.

Le Sénat est d'abord revenu sur l'institution du Haut Conseil des territoires, qu'il a perçu comme susceptible d'empiéter sur son propre rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales.

S'agissant de la clarification de l'exercice des compétences locales, il a rétabli les choix qu'il avait faits en première lecture tant en ce qui concerne les compétences dont le chef de filât est confié à chaque niveau de collectivités qu'en ce qui concerne la composition de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) ; il a également supprimé les conventions d'exercice concerté de ces compétences, ôtant tout rôle autre que consultatif à la CTAP – ce que je déplore.

Pour ce qui est de l'organisation de l'Île-de-France, il a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement prévoyant des regroupements intercommunaux pour les seules communes de la grande couronne situées dans l'aire urbaine de Paris comptant au moins 10 000 habitants et les seuls établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre comptant au moins 30 000 habitants. Il a supprimé l'article 11, qui fixe les modalités d'élaboration et le calendrier de mise en oeuvre du schéma régional de coopération intercommunale en grande couronne francilienne.

À l'article 12, portant création de la métropole du Grand Paris, il a profondément modifié le périmètre, l'organisation et les compétences de cette métropole en maintenant toutefois le principe essentiel, fondement même du texte adopté par notre assemblée, selon lequel elle sera constituée d'un unique établissement public de coopération intercommunale.

Pour ce qui est de la métropole de Lyon, l'Assemblée nationale et le Sénat ont, dès leur examen en première lecture, approuvé sa création ainsi que son statut de collectivité territoriale sui generis, qui disposera sur son territoire de la plénitude des attributions d'un département, de certaines compétences communales, de compétences que pourrait lui déléguer la région Rhône-Alpes, de façon volontaire, et de certaines compétences actuellement exercées par l'État en matière de logement.

Les principales divergences qui demeurent avec la seconde assemblée portent sur le périmètre des compétences communales transférées – en particulier s'agissant de l'énergie, de la prévention de la délinquance et de la gestion des milieux aquatiques – ainsi que sur les modalités et sur le périmètre des délégations de compétences exercées par l'État en matière de logement – le Sénat a choisi de revenir à un bloc de compétences entièrement sécable là où l'Assemblée nationale préconise le maintien d'un bloc minimal insécable. Elles concernent également le critère de mutualisation des centres communaux d'action sociale (CCAS) et l'application de la parité pour les fonctions de vice-président pendant la période transitoire, voulue par l'Assemblée nationale, mais non par le Sénat.

Pour ce qui est de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et de la détermination des règles de fonctionnement qui lui seront applicables, les deux assemblées sont parvenues à un accord puisque l'article 30 du projet de loi, prévoyant la création de cette métropole, a été adopté conforme par notre assemblée en première lecture.

En revanche, pareille convergence de vues n'a pu se dégager s'agissant des métropoles de droit commun. En deuxième lecture, le Sénat a ainsi supprimé le principe d'une transformation automatique en métropoles des EPCI éligibles à ce statut.

Il a modifié la date d'appréciation de l'exercice des compétences des EPCI qui auront la faculté de demander à être transformés par décret en métropoles, la fixant, non pas à l'entrée en vigueur du présent projet de loi, mais au moment où les EPCI concernés auront fait acte de candidature.

Il a supprimé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale pour faciliter la création et le fonctionnement des métropoles.

Il a également enrichi la liste des compétences susceptibles d'être transférées aux métropoles, en les étendant notamment aux infrastructures et réseaux de télécommunications et au service public de défense extérieure contre l'incendie. En revanche, il a exclu la garantie du droit à un logement décent et indépendant du bloc insécable de compétences étatiques en matière de logement et d'habitat qui seront susceptibles de leur être déléguées.

Il a supprimé l'exigence de parité qui, à l'initiative de Mme Nathalie Appéré et des membres du groupe SRC, avait été posée pour l'élection des vice-présidents du conseil de la métropole et il a ouvert aux métropoles la possibilité de mettre en place, à l'issue de la troisième année suivant leur création, une commission permanente à laquelle le conseil de la métropole pourrait déléguer une partie de ses attributions.

Par ailleurs, il a supprimé l'engagement prospectif pris par le Gouvernement d'instaurer, lors des élections municipales et communautaires qui suivront celles de mars prochain, une gouvernance des métropoles reposant sur deux collèges de conseillers élus dans le cadre des communes et dans le cadre de la métropole.

Comme pour les métropoles, le Sénat a supprimé l'adjonction de certaines compétences aux communautés urbaines et en a ajouté de nouvelles, notamment en matière de transition énergétique et de gestion des réseaux de distribution d'électricité et de gaz ; il a également donné aux petites communautés urbaines la faculté d'exercer la totalité des compétences prévues pour les communautés de droit commun.

S'agissant de la compétence de gestion des milieux aquatiques, le Sénat a modifié les articles 35 B à 35 E, substituant notamment une seule taxe aux deux taxes que notre assemblée avait votées à l'initiative du Gouvernement. Cette taxe, il faut le préciser d'emblée, pourra être décidée de manière totalement facultative par les collectivités ; elle sera plafonnée et son montant obligatoirement affecté.

En matière de police de la voirie, le Sénat a rétabli, dans le dispositif de transfert au président de l'intercommunalité des pouvoirs de police en matière de circulation et notamment de délivrance des licences de taxi, la distinction entre les voies principales communautaires et les autres, introduisant une complexité au rebours de l'effort de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Il a complété et approfondi le dispositif permettant, dans un délai de deux ans, de remplacer la pénalisation du stationnement impayé par le paiement d'un forfait de post-stationnement.

Il a également adopté plusieurs aménagements des capacités de certaines collectivités à gérer les fonds européens, notamment outre-mer.

Enfin, il a modifié le statut des « pôles ruraux d'équilibre et de solidarité territoriale », permettant à des intercommunalités de se fédérer pour mettre en oeuvre un projet de territoire en commun, afin de prévoir la participation des conseils généraux, mais en limitant leurs compétences, notamment en termes d'actions déléguées, et en supprimant la faculté de fusion à terme.

Il me semble que, sur tous ces sujets, il est possible d'atteindre un consensus qui prenne en compte les préoccupations légitimes de nos collègues sénateurs, moyennant le rétablissement des éléments essentiels à la cohérence de ce texte. C'est le sens des amendements que je vous proposerai.

À ce stade, j'insisterai seulement sur trois d'entre eux.

Le premier concerne le Haut Conseil des territoires, que je vous proposerai de réintroduire tout en modifiant les conditions dans lesquels seront nommés ses membres, afin de rétablir une forme d'égalité entre les associations d'élus pouvant prétendre à cette fonction.

Le second point concerne les articles 3, 4 et 5 du texte, et donc la question de la gouvernance et de la rationalisation de l'action publique. Certains se sont émus que le refus de signer une convention d'exercice partagé d'une compétence soit assorti d'une restriction de l'accès à certains financements. Il ne s'agissait évidemment pas d'une « sanction » automatique mais, pour la bonne intelligibilité du dispositif, je vous proposerai une autre méthode de rationalisation, appuyée sur l'incitation au travail en commun.

Enfin, le Gouvernement, encouragé par de nombreux parlementaires, présente plusieurs amendements relatifs à la métropole du Grand Paris. Je m'en réjouis et je les soutiendrai. Cependant, à l'article 12, je présenterai un sous-amendement visant à préciser les conditions d'exercice des compétences non métropolitaines, en particulier celles des EPCI existants, pendant la phase de construction de la métropole et au-delà.

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