Ces 2 500 salariés se répartissent entre les différentes structures du groupe : les deux filiales nationales – la Société financière pour l'accession à la propriété – SOFIAP –, également liée à la SNCF, et la Banque patrimoine et immobilier – BPI –, les structures de refinancement, qui bénéficient de la garantie de l'État au travers de la Caisse centrale, et les dix filiales régionales. À ce propos, je note que le groupe et ses métiers semblent mieux connus dans les régions – notamment des parlementaires et des élus locaux, que les salariés ont rencontrés – qu'à Paris.
Nous vous remercions de nous écouter. Nous avons lu avec attention l'article 66 du projet de loi de finances que vous examinerez. L'octroi de la garantie par l'État y apparaît subordonné à la mise en extinction progressive de l'établissement : autrement dit, le CIF cesserait d'accorder des prêts pour se contenter de gérer l'encours, avec un nombre de salariés qui reste à déterminer. Ces dispositions doivent selon nous être revues.
Que la mise en extinction progressive soit présentée comme la seule issue possible laisse supposer que toutes les autres solutions, dont l'adossement, ont été écartées, sans aucun doute après avoir été examinées. Dès lors, comment ne pas s'étonner que ces études n'aient jamais été portées à la connaissance des comités d'entreprise des différentes structures du groupe, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des délégués du personnel ? Il y a donc, pour commencer, un défaut d'information et de consultation des instances représentatives des salariés !
Nous sommes prêts à travailler sur ces études. Dans un certain nombre de sociétés, nous avons exercé notre droit d'alerte et demandé l'intervention d'experts. Nous souhaitons en effet avoir une idée complète de la situation, savoir pourquoi nous en sommes arrivés là et connaître la position du Trésor. Nous voulons surtout, dans les quelques mois qui nous resteront si vous ratifiez l'article 66, multiplier les échanges pour examiner des solutions alternatives, à moins que les études dont je parlais et les éléments communiqués à la Commission européenne ne nous prouvent qu'il n'en existe pas – mais nous observons que, jusqu'ici, cette même Commission a « retoqué », pour des raisons qui restent d'ailleurs à préciser, le dossier de l'État !
Lorsque nous nous sommes rendus à Matignon, on nous a dit que la structure du CIF devait être réformée parce que son modèle économique n'était plus viable. Pour nous, le principal problème à cet égard tient à ce que notre accès au marché financier dépend des agences de notation. Or, si nous avons eu accès au marché en mars-avril de l'année dernière, après nous avoir donné une première indication sur ses intentions en février, Moody's a dégradé la note du CIF à la fin d'août. Cela tombait mal dans la mesure où la Banque postale devait, à ce que nous avions compris, prendre position sur l'adossement en septembre. L'État ayant entre-temps octroyé sa garantie, ce qui aura pour conséquence l'extinction de l'activité du CIF, nous avons tout lieu de penser – et cela ressort également des articles de presse – qu'il a fait un autre choix que l'adossement sur la Banque postale.
Nous souhaiterions savoir si cet adossement est encore possible ou non. La Banque postale s'est-elle franchement prononcée sur la question, au travers de son conseil d'administration ou par la voix de son actionnaire ? Pour notre part, nous l'ignorons.
Et, s'il y a lieu de revoir la structure, je rappelle que le CIF a déjà été réformé en 1991 et en 2006. Si vous êtes convaincus de l'intérêt de son action en faveur de l'accession sociale à la propriété, pourquoi ne pas procéder à une nouvelle réforme en modifiant le code de la construction et de l'habitation, qui définit les statuts des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété – SACICAP –, nos actionnaires majoritaires ?
L'emploi est une priorité du Gouvernement et, lorsqu'on nous a reçus à Matignon, on nous a en effet promis de faire jouer en notre faveur la solidarité de la place. Nous étions alors sceptiques, mais nous le sommes encore plus aujourd'hui, le communiqué de la Fédération bancaire française ayant confirmé que le sujet n'était pas pour elle d'actualité. Il est de fait que ces établissements sont plutôt portés en ce moment à adopter des plans de compression de personnel. Nos chances de reclassement sont donc faibles. Nous ne doutons pas de la mobilisation des pouvoirs publics, mais nous ne pouvons attendre un grand enthousiasme du secteur financier.
Pourquoi défendons-nous le dossier du CIF auprès de tous les acteurs que nous pouvons rencontrer dans les différentes régions ? D'abord parce que nous exerçons une activité de proximité. Notre implantation locale est très solide, avec 300 agences commerciales et 19 centres de production, ce qui nous permet de consacrer beaucoup de temps à nos clients. Ceux-ci ne bénéficient pas tous du prêt à l'accession sociale et du prêt à taux zéro mais, comme l'a relevé M. Manuel Flam lors de la table ronde au Sénat, la part de marché du CIF parmi les ménages du premier décile est, en ce qui concerne la distribution du PTZ, de 20 %. Nous nous adressons en majorité à une population rémunérée à 2 ou 3 SMIC, rarement davantage. Notre spécialité est d'« imbriquer » différents types de prêts, y compris des prêts de collectivités locales, notre clientèle ne disposant pas toujours de l'apport personnel exigé. Ainsi, sur les prêts réglementés, il nous arrive de financer jusqu'à 100 % de l'opération hors frais. Mais certains n'ont même pas l'apport qui leur permettrait de couvrir ces frais d'emprunt. Nous considérons que ce n'est pas une raison pour les priver d'accéder à la propriété et notre démarche va alors consister à regarder comment ils se comportent en tant que locataires, et à vérifier leur capacité et leur détermination à faire face à une charge d'emprunt en s'engageant sur une longue durée. Cela nous oblige à analyser finement leurs comptes avec eux, en y consacrant tout le temps nécessaire.
La durée de nos prêts est parfois considérée comme rédhibitoire par les potentiels repreneurs. Pour nous, l'objection ne tient pas : la durée initialement fixée pour le remboursement d'un emprunt se réduit souvent au fil du temps ; lorsqu'un ménage n'a plus d'enfants à charge ou qu'il voit ses revenus s'améliorer, il peut en effet procéder à des remboursements anticipés.
Quant à la complexité de notre gamme de prêts, c'est tout simplement la contrepartie du service rendu à nos clients.
Nous sommes peut-être moins rentables que la moyenne des établissements similaires, mais il y a à cela deux raisons. Premièrement, nos actionnaires n'ont pas les mêmes exigences que les banquiers en la matière. Deuxièmement, nous rendons comme je l'ai dit de nombreux services à nos clients – service de proximité, mécanismes de sécurisation, etc.
Ceux d'entre nous qui gèrent par exemple le recouvrement contentieux sont parfois surpris de lire dans la presse que nous prendrions davantage de risques que la moyenne des établissements similaires. Il faut rappeler que nos prêts sont assortis d'hypothèques – c'est même la principale caractéristique du Crédit immobilier – alors que 60 % des prêts à l'habitat consentis par les banques classiques sont assortis d'une caution institutionnelle qu'elles peuvent faire jouer à la moindre difficulté. Mais nous préférons, pour notre part, nous en tenir à notre système, et analyser les comptes de nos clients pour leur proposer un montage financier aussi adapté que possible à leur situation, quitte à assumer le risque en cas de problème.
Nos dix sociétés possèdent chacune un service de contentieux qui s'efforce de venir en aide aux emprunteurs. Aujourd'hui, nous avons à peu près 7 000 dossiers en commission de surendettement, et à peu près autant que nous gérons nous-mêmes, avec le souci de maintenir les intéressés le plus longtemps possible dans leur logement en cherchant avec eux comment éviter la saisie immobilière – ou l'exécution forcée immobilière, dans les départements de l'Est de la France.
Je terminerai en soulignant que le vote de l'article 66, dans ses termes actuels, signerait l'arrêt de mort du Crédit immobilier, la fin de l'emploi de ses 2 500 salariés et la perte des deux tiers des dividendes des SACICAP, qui vivent grâce à ces salariés qui officient sur tout le territoire national.