Je reprendrai l’image très forte mobilisée par Ségolène Neuville tout à l’heure et à laquelle j’étais moi-même en train de penser. Imaginons qu’on dise d’une femme victime de violences conjugales que la meilleure façon de la protéger, c’est de la criminaliser afin de l’emmener au poste de police et lui faire rencontrer un médecin. Non, je suis désolée ! Il faut juste changer sa façon de penser ! Faire rencontrer à ces victimes, quelles qu’elles soient, des personnels de santé et leur trouver un hébergement, d’accord, mais sans les inscrire dans un dispositif de criminalisation et en les considérant pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des victimes.
Tel est l’objet de l’abrogation du délit de racolage passif et de la création du parcours de sortie de la prostitution. En effet, quels sont les objectifs du parcours de sortie de la prostitution ? Connaître les personnes prostituées et les personnes victimes de la traite, leur offrir un accompagnement et un premier contact avec des professionnels de santé dans un cadre protecteur et non un cadre insécurisant. J’y insiste, quelles que soient les motivations initiales de l’instauration du délit de racolage, celui-ci a eu pour effet d’éloigner les personnes prostituées de l’institution, dont elles se sont méfiées.
Elles voyaient les policiers comme des ennemis qui venaient les arrêter. Les associations d’accompagnement des personnes prostituées nous disent qu’elles avaient du mal à nouer un lien de confiance avec ces personnes, qui craignaient d’être dénoncées ou identifiées par la police. Aujourd’hui, par cette proposition de loi, nous introduisons une modification fondamentale : les personnes prostituées n’auront plus de raisons d’avoir peur des institutions ni de la police, qui est là pour les protéger. Aussi je maintiens qu’il est absolument nécessaire d’abroger ce délit de racolage passif. Je répète ce que l’un d’entre vous vient de dire : a contrario, cela va permettre à la police de se concentrer sur le reste, sur la lutte contre le proxénétisme. D’ailleurs, le ministre de l’intérieur le précisait au cours de son audition : l’OCRTEH, l’office central pour la répression de la traite des êtres humains, qui est en charge de cette question et qui compte seize enquêteurs, aura besoin d’accueillir au moins dix policiers supplémentaires. La police judiciaire de Marseille, qui abrite également une brigade de répression du proxénétisme réunissant douze policiers, devra en comprendre dix-huit en 2014. L’idée est donc de développer les moyens pour s’attaquer aux vrais responsables, ce à quoi nous ajoutons la responsabilisation du client. Nous sommes sur la bonne voie en abrogeant ce délit de racolage passif.