Je souhaiterais à mon tour remercier les administrateurs du secrétariat du CEC pour leur professionnalisme. J'ai également trouvé beaucoup de plaisir et d'intérêt à travailler avec la Cour des comptes : le rapport qu'elle a produit sous la direction de Didier Migaud et de Jean-Pierre Bayle a rendu notre travail passionnant.
S'agissant des préconisations que nous formulons et des réformes à mener, il nous faut garder à l'esprit notre objectif, qui est de développer l'influence de la France. Cette « diplomatie d'influence » s'appuie sur deux piliers : d'une part sur la culture et l'éducation, et, d'autre part, sur nos entreprises et sur l'économie. Comme notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, nous sommes persuadés que l'un ne va pas sans l'autre. La diffusion de la culture, l'éducation dans nos lycées à l'étranger et l'implantation et le développement des entreprises françaises sont parfaitement complémentaires.
Il ne nous est cependant pas facile de maintenir cette influence. Ainsi que Claudine Schmid et moi-même l'avons fortement souligné chacun à notre manière lors du débat budgétaire, le secteur des affaires étrangères en général et celui de l'action culturelle extérieure de la France en particulier souffrent d'une restriction des crédits qui, depuis 1994, s'est poursuivie année après année – à l'exception de deux années où la situation s'est améliorée, sous le gouvernement Jospin. Ce n'est qu'au cours des toutes dernières années que l'ensemble des responsables politiques, tous gouvernements confondus, ont commencé à raisonner en termes d'économies et à se fixer des objectifs de réduction de la dette, mais le Quai d'Orsay avait largement anticipé cette baisse, qui, d'ailleurs, se perpétue puisque les crédits du programme 185, Diplomatie culturelle et d'influence, diminueront encore en 2014 – j'indique au passage que le financement de l'enseignement français en capte 57 %.
Avec le recul, cette réduction des crédits apparaît comme une erreur. La contrainte budgétaire risquant néanmoins de se maintenir dans les années à venir, il nous faut à tout prix épargner la vitrine extraordinaire que constituent les centres culturels, les lycées et les entreprises françaises à l'étranger.
Une réforme de notre réseau a été engagée en 2009, qui a abouti à la création d'un « Institut français » – dénomination adoptée après de longues hésitations et finalement préférée à une référence à Victor Hugo, selon un modèle calqué sur les Instituts Goethe, Cervantès ou Confucius de nos concurrents. Il y a donc désormais un Institut français à Paris et des « instituts français » dans chaque pays étranger. Quant à la fusion des SCAC et des centres et instituts culturels, elle est maintenant achevée.
Mais, alors que la réforme issue de la loi du 27 juillet 2010 avait pour objectif d'améliorer la visibilité des opérateurs en en limitant le nombre et d'en faciliter le pilotage en leur attribuant des compétences transversales, elle n'a produit que de modestes résultats. En effet, les agences conservent des compétences sectorielles. En outre, le nombre d'opérateurs a à peine diminué puisque seule l'association Egide a été intégrée à Campus France. La création de France coopération internationale et de l'Institut français a en revanche été opérée à nombre d'agences constant. L'effort de simplification devrait donc être repris.
Le législateur de 2010 avait également pour ambition de faire de l'Institut français un grand opérateur de l'action culturelle extérieure, capable de piloter le réseau et d'en améliorer la gestion. La loi a donc posé le principe d'une expérimentation portant sur le rattachement de 12 postes du réseau à l'Institut français. Il s'agissait de déterminer s'il convenait de rattacher les instituts locaux à l'Institut français national ou s'ils devaient au contraire rester sous la tutelle des ambassades et du ministère des affaires étrangères. Cette expérimentation ne s'est pas révélée satisfaisante au regard des objectifs poursuivis, si bien que le ministre a décidé de l'abandonner : le rattachement a en effet été jugé trop coûteux et l'éloignement organique entre les ambassades et le réseau présentait des inconvénients évidents. Nous avons néanmoins tenu compte de ses apports et pris note du rôle majeur que joue l'Institut français à Paris, actuellement placé sous la présidence de M. Xavier Darcos.
J'en viens donc à nos propositions. Il nous paraît nécessaire de définir des priorités et de moderniser nos outils, de renforcer le pilotage du réseau culturel, d'adapter ses moyens et de développer les synergies.
Il convient notamment de différencier notre action géographique en fonction des publics visés et des outils mobilisés. Notre première proposition vise donc à établir une typologie des pays, des publics et des actions à mener. Pour ce faire, nous préconisons l'élaboration d'une géographie prioritaire de l'action culturelle, afin d'opérer des redéploiements, et celle d'une matrice de nos interventions, afin d'identifier les instruments les plus pertinents selon les domaines concernés ; nous prônons enfin la détermination de publics cibles. En effet, si à chacun de nos déplacements, nous sentons un désir de France, encore faut-il affiner l'analyse des attentes de nos amis étrangers pour définir les points sur lesquels faire porter prioritairement nos efforts.
Nous proposons en deuxième lieu de déterminer une stratégie qui soit déclinée dans chaque poste et coordonnée avec nos actions de promotion économique. En effet, si l'autonomie des postes est un élément positif à préserver, l'ambassadeur doit prioritairement se mobiliser afin de remplir sa mission fondamentale de coordination de l'action des différents services ; il lui faut aussi décliner en fonction du contexte local la stratégie qui aura été établie au niveau national et assurer sa cohérence avec les actions menées dans le domaine économique. Des plans locaux en faveur de l'attractivité de la France, au sens large, pourraient aussi être élaborés.
Les synergies entre diplomatie d'influence et diplomatie économique étant indispensables, nous préconisons la conclusion d'une convention entre Ubifrance et l'Institut français afin de développer des actions communes ou coordonnées. Les sites LatitudeFrance et Programme France Export devraient quant à eux être connectés l'un à l'autre.