La réunion débute à onze heures.
Le Comité examine le rapport de M. François Loncle et de Mme Claudine Schmid sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger.
Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser le président Claude Bartolone qui, empêché, m'a demandé de le suppléer.
Nous examinons ce matin le rapport d'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger, que le Comité d'évaluation et de contrôle (CEC) a inscrit à son programme de travail à la demande de la commission des affaires étrangères. Cette évaluation a fait l'objet d'une demande d'assistance à la Cour des comptes, dont l'étude nous a été présentée par le Premier président Didier Migaud le 17 octobre dernier. Je cède dès à présent la parole à nos deux rapporteurs, M. François Loncle pour la majorité et Mme Claudine Schmid pour l'opposition.
Au nom de François Loncle et en mon nom propre, je veux d'abord remercier l'équipe des administrateurs du Comité ainsi que les magistrats de la Cour des comptes, pour leur assistance.
Il nous fallait en effet commencer par définir le cadre de notre étude, le thème proposé étant d'autant plus vaste que nos réseaux culturels à l'étranger font intervenir de nombreux acteurs et que l'action que nous menons à travers eux peut varier considérablement d'un pays à l'autre, et c'est pourquoi nous avons sollicité la contribution de la Cour des comptes, qui a fait travailler à cette fin plusieurs magistrats de la quatrième chambre présidée par Jean-Pierre Bayle.
Menant nos propres travaux à partir de leur expertise, nous avons auditionné des directeurs d'administration centrale du Quai d'Orsay et des experts issus du monde de la culture – par exemple le directeur de France Culture –, ainsi que des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC). Deux tables rondes ont en outre été organisées à l'initiative de la Cour des comptes, en présence de personnalités telles que la directrice de la Comédie française.
Nous avons également effectué deux déplacements, l'un au Danemark, l'autre au Brésil. Notre poste au Danemark est un poste expérimentateur pour le rattachement du réseau à l'Institut français, d'où l'intérêt de s'y rendre, mais nos réseaux culturels en Europe n'ont pas tout à fait la même vocation que ceux de pays plus lointains. Nous souhaitions également comparer à ce poste expérimentateur un poste traditionnel : nous avons donc fait le choix du Brésil, où la culture française est très développée, grâce à l'action des alliances françaises. Lors de ces déplacements, nous avons rencontré des personnalités du monde économique et des personnes s'intéressant au réseau culturel français ou travaillant pour ce réseau, mais aussi des personnalités locales travaillant pour leur propre réseau culturel – je pense en particulier à un parlementaire danois ou au secrétaire d'État à la culture de l'État de São Paulo.
Notre dispositif est complexe dans la mesure où il fait intervenir de multiples acteurs et sert des objectifs variés. Ainsi ce ne sont pas moins de quatre ministères qui sont impliqués dans notre action culturelle à l'étranger. Il s'agit bien sûr, tout d'abord, du ministère des affaires étrangères : les ambassadeurs sont en effet les chefs d'orchestre de tous les services de l'État à l'étranger ; en sus des questions politiques liées au pays où ils sont en poste, ils s'occupent d'économie, en liaison avec Ubifrance, de tourisme, en liaison avec Atout-France, et de culture. Mais le Quai d'Orsay lui-même est engagé dans ce travail par l'intermédiaire de l'Institut français, chargé de la promotion de l'action culturelle extérieure, et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), qui regroupe toutes nos écoles, mais aussi à travers des manifestations bilatérales telles que les Années croisées. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche gère quant à lui la coopération scientifique, la coopération universitaire et les bourses. Sont également impliqués le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, qui s'occupe des bourses et des enseignants expatriés ou détachés.
À cela se superpose un découpage sectoriel, qui se traduit par l'existence de plusieurs agences nationales. L'Institut français, déjà mentionné, est chargé de la promotion et de l'accompagnement de la culture française et de l'enseignement du français. Campus France, placé sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, organise la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs. France Expertise Internationale assure la promotion de l'assistance technique et de l'expertise française à l'international. Enfin, comme je l'ai dit, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger « coiffe » nos 488 établissements scolaires dispersés dans le monde entier.
À l'étranger, nous disposons à la fois d'un réseau public, avec les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) installés au sein des ambassades et les instituts français de recherche à l'étranger (IFRE), et d'un réseau privé, avec les alliances françaises. Ces dernières sont inégalement implantées selon les pays ; nombre d'entre elles dispensent des cours de français, d'autres se consacrent davantage à l'action culturelle, d'autres encore sont actives dans les deux domaines.
Ces multiples acteurs interviennent dans des champs très divers, mais néanmoins en interaction : la coopération éducative, l'enseignement de la langue française, le soutien audiovisuel, l'action artistique, les industries culturelles, les savoirs et débats, la coopération scientifique et la coopération universitaire. Il y a donc beaucoup à faire dans notre réseau culturel à l'étranger.
Cependant, nous sommes soumis à une concurrence accrue des puissances étrangères : en effet, bien que nous ayons été pionniers en la matière, nous sommes menacés à plusieurs titres. Disposant encore d'un savoir-faire, nous devons donc le protéger et faire en sorte qu'il se développe face à cette concurrence. Nos concurrents traditionnels – les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni – travaillent tous fort différemment. Les Américains développent des programmes très généreux, dispensant invitations et bourses, et surtout, ils organisent des expositions. Peut-être en font-ils moins que nous, mais cela se voit et se sait ! Les Allemands s'appuient quant à eux sur le Goethe Institut, qui jouit d'une grande autonomie bien que l'État fédéral lui verse une subvention de l'ordre de 288 millions d'euros ; ils distribuent des bourses linguistiques, mais ont défini des publics cibles et privilégient ainsi des « vecteurs d'influence ». Enfin, les Britanniques subventionnent eux aussi, à hauteur de 214 millions d'euros environ, le British Council, également autonome par rapport au Gouvernement ; ils ont identifié des groupes prioritaires – décideurs, relais d'opinion et jeunes à la recherche d'informations – et bien défini leurs publics cibles. Mais nous sommes en outre soumis à la concurrence des grands pays émergents que sont la Chine – qui, en dix ans, a créé 435 Instituts Confucius implantés sur les cinq continents –, le Brésil et l'Inde, qui popularise sa culture à travers les films de Bollywood.
Je souhaiterais à mon tour remercier les administrateurs du secrétariat du CEC pour leur professionnalisme. J'ai également trouvé beaucoup de plaisir et d'intérêt à travailler avec la Cour des comptes : le rapport qu'elle a produit sous la direction de Didier Migaud et de Jean-Pierre Bayle a rendu notre travail passionnant.
S'agissant des préconisations que nous formulons et des réformes à mener, il nous faut garder à l'esprit notre objectif, qui est de développer l'influence de la France. Cette « diplomatie d'influence » s'appuie sur deux piliers : d'une part sur la culture et l'éducation, et, d'autre part, sur nos entreprises et sur l'économie. Comme notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, nous sommes persuadés que l'un ne va pas sans l'autre. La diffusion de la culture, l'éducation dans nos lycées à l'étranger et l'implantation et le développement des entreprises françaises sont parfaitement complémentaires.
Il ne nous est cependant pas facile de maintenir cette influence. Ainsi que Claudine Schmid et moi-même l'avons fortement souligné chacun à notre manière lors du débat budgétaire, le secteur des affaires étrangères en général et celui de l'action culturelle extérieure de la France en particulier souffrent d'une restriction des crédits qui, depuis 1994, s'est poursuivie année après année – à l'exception de deux années où la situation s'est améliorée, sous le gouvernement Jospin. Ce n'est qu'au cours des toutes dernières années que l'ensemble des responsables politiques, tous gouvernements confondus, ont commencé à raisonner en termes d'économies et à se fixer des objectifs de réduction de la dette, mais le Quai d'Orsay avait largement anticipé cette baisse, qui, d'ailleurs, se perpétue puisque les crédits du programme 185, Diplomatie culturelle et d'influence, diminueront encore en 2014 – j'indique au passage que le financement de l'enseignement français en capte 57 %.
Avec le recul, cette réduction des crédits apparaît comme une erreur. La contrainte budgétaire risquant néanmoins de se maintenir dans les années à venir, il nous faut à tout prix épargner la vitrine extraordinaire que constituent les centres culturels, les lycées et les entreprises françaises à l'étranger.
Une réforme de notre réseau a été engagée en 2009, qui a abouti à la création d'un « Institut français » – dénomination adoptée après de longues hésitations et finalement préférée à une référence à Victor Hugo, selon un modèle calqué sur les Instituts Goethe, Cervantès ou Confucius de nos concurrents. Il y a donc désormais un Institut français à Paris et des « instituts français » dans chaque pays étranger. Quant à la fusion des SCAC et des centres et instituts culturels, elle est maintenant achevée.
Mais, alors que la réforme issue de la loi du 27 juillet 2010 avait pour objectif d'améliorer la visibilité des opérateurs en en limitant le nombre et d'en faciliter le pilotage en leur attribuant des compétences transversales, elle n'a produit que de modestes résultats. En effet, les agences conservent des compétences sectorielles. En outre, le nombre d'opérateurs a à peine diminué puisque seule l'association Egide a été intégrée à Campus France. La création de France coopération internationale et de l'Institut français a en revanche été opérée à nombre d'agences constant. L'effort de simplification devrait donc être repris.
Le législateur de 2010 avait également pour ambition de faire de l'Institut français un grand opérateur de l'action culturelle extérieure, capable de piloter le réseau et d'en améliorer la gestion. La loi a donc posé le principe d'une expérimentation portant sur le rattachement de 12 postes du réseau à l'Institut français. Il s'agissait de déterminer s'il convenait de rattacher les instituts locaux à l'Institut français national ou s'ils devaient au contraire rester sous la tutelle des ambassades et du ministère des affaires étrangères. Cette expérimentation ne s'est pas révélée satisfaisante au regard des objectifs poursuivis, si bien que le ministre a décidé de l'abandonner : le rattachement a en effet été jugé trop coûteux et l'éloignement organique entre les ambassades et le réseau présentait des inconvénients évidents. Nous avons néanmoins tenu compte de ses apports et pris note du rôle majeur que joue l'Institut français à Paris, actuellement placé sous la présidence de M. Xavier Darcos.
J'en viens donc à nos propositions. Il nous paraît nécessaire de définir des priorités et de moderniser nos outils, de renforcer le pilotage du réseau culturel, d'adapter ses moyens et de développer les synergies.
Il convient notamment de différencier notre action géographique en fonction des publics visés et des outils mobilisés. Notre première proposition vise donc à établir une typologie des pays, des publics et des actions à mener. Pour ce faire, nous préconisons l'élaboration d'une géographie prioritaire de l'action culturelle, afin d'opérer des redéploiements, et celle d'une matrice de nos interventions, afin d'identifier les instruments les plus pertinents selon les domaines concernés ; nous prônons enfin la détermination de publics cibles. En effet, si à chacun de nos déplacements, nous sentons un désir de France, encore faut-il affiner l'analyse des attentes de nos amis étrangers pour définir les points sur lesquels faire porter prioritairement nos efforts.
Nous proposons en deuxième lieu de déterminer une stratégie qui soit déclinée dans chaque poste et coordonnée avec nos actions de promotion économique. En effet, si l'autonomie des postes est un élément positif à préserver, l'ambassadeur doit prioritairement se mobiliser afin de remplir sa mission fondamentale de coordination de l'action des différents services ; il lui faut aussi décliner en fonction du contexte local la stratégie qui aura été établie au niveau national et assurer sa cohérence avec les actions menées dans le domaine économique. Des plans locaux en faveur de l'attractivité de la France, au sens large, pourraient aussi être élaborés.
Les synergies entre diplomatie d'influence et diplomatie économique étant indispensables, nous préconisons la conclusion d'une convention entre Ubifrance et l'Institut français afin de développer des actions communes ou coordonnées. Les sites LatitudeFrance et Programme France Export devraient quant à eux être connectés l'un à l'autre.
L'enseignement français et de la langue française constitue l'un des socles de nos réseaux culturels à l'étranger, les cours de français et les certifications leur procurant 75 % de leurs ressources propres. Il importe donc de développer ces activités. D'autre part, dans certains pays, nos réseaux apportent également un soutien pédagogique aux professeurs étrangers qui enseignent le français dans les lycées locaux. La promotion de notre langue passe aussi par le cinéma et par les cours de français langue maternelle, dits « cours FLAM », qui s'adressent aux enfants dont au moins un parent a pour langue maternelle le français. En effet, pour des raisons diverses, beaucoup de ces enfants ne fréquentent pas nos écoles. Parlant la langue locale, ils perdent l'usage de la langue française et donc leur lien avec notre pays. Or ils pourraient facilement devenir bilingues et ainsi être en mesure plus tard de relayer notre influence.
S'agissant de l'enseignement français proprement dit, si nous disposons de 488 établissements à l'étranger, mon collègue et moi-même nous sommes aperçus lors de nos déplacements que beaucoup d'entre eux craquaient de toutes parts en raison du trop grand nombre de demandes auquel ils étaient confrontés. On cite souvent à cet égard les exemples de Londres ou de Bruxelles mais nous avons constaté à Rio que des cours étaient donnés dans les couloirs ! Il conviendrait donc d'améliorer cette situation, même si les moyens de l'État ne nous permettent pas d'agrandir ces établissements. Nous devons faire en sorte que l'Agence française pour l'enseignement français à l'étranger puisse concilier ses deux missions, celle d'éduquer les Français résidant à l'étranger et celle d'assurer notre rayonnement en offrant un enseignement français aux enfants locaux. En effet, si ces derniers font leurs études secondaires dans un lycée français, ils deviendront eux aussi des relais extraordinaires pour nous.
De nouveaux partenariats sont également nécessaires afin de développer une offre d'enseignement commune, à travers par exemple des lycées franco-allemands à l'étranger.
Nous préconisons en outre de renforcer la coopération universitaire et la mobilité étudiante. Campus France a d'ailleurs accompli un travail important en ce domaine Dans 31 centres pour les études en France (CEF), sont présentées aux étudiants les écoles et les universités françaises, de même que les études qu'ils peuvent y suivre. On y facilite leur accueil en France, sachant que beaucoup sont détournés de venir dans notre pays par les difficultés auxquelles ils se heurtent pour obtenir un visa.
Constatant que nous ignorons ce que deviennent les étudiants une fois qu'ils ont terminé leur cursus, nous estimons nécessaire d'améliorer le suivi à ce stade et, pour cela, nous préconisons d'accélérer la constitution d'un réseau des anciens étudiants sortis de nos grandes écoles et de nos universités.
Nous proposons d'autre part de développer la coopération scientifique et technique dans les pays à enjeux, étant entendu que cette coopération peut varier selon les zones géographiques et en fonction de l'histoire et de la culture des pays concernés. Si les attachés scientifiques que nous avons rencontrés faisaient à l'évidence de leur mieux, nous avons parfois eu l'impression qu'ils étaient laissés à eux-mêmes, ce qui nous a conduits à nous interroger sur ce que deviendrait leur travail une fois qu'ils ne seraient plus en poste. Nous souhaiterions donc que le ministère des affaires étrangères renforce son rôle d'ensemblier et assure un suivi du travail accompli dans le cadre des postes attribués, afin de mieux l'adapter aux pays concernés et aux coopérations souhaitées. Il conviendrait également d'élaborer une cartographie des interventions : ici il conviendrait de mettre l'accent sur la coopération maritime, en raison de la géographie ; ailleurs, comme en Inde, sur la coopération technologique et informatique...
Il nous paraît indispensable de rationaliser notre offre culturelle. Nous organisons actuellement, à l'étranger, quelque 50 000 manifestations par an, soit environ 150 par jour ! Outre que nombre d'entre elles bénéficient d'une publicité insuffisante, tout cela donne une impression de saupoudrage, comme si nous faisions tout dans tous les sens. Il nous faut donc mieux cadrer notre action afin qu'elle ait un réel effet de levier. Lorsqu'une troupe de danse ou de théâtre ou encore un conférencier se déplace, nous devrions faire en sorte que cela se sache et que cela ait des retombées.
Afin de mieux exploiter les outils numériques, nous suggérons de revoir la conception du site LatitudeFrance de sorte qu'il ne se borne pas à présenter les activités culturelles organisées dans chaque pays, comme c'est le cas actuellement, mais qu'il annonce aussi les activités à venir. Nous proposons également de développer une stratégie interministérielle d'influence numérique, chaque ministère n'apportant aujourd'hui à notre réseau culturel qu'une contribution trop marginale.
Nos dernières propositions visent à renforcer le pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure, à développer les synergies locales et à adapter les moyens du réseau culturel public à l'étranger.
Si nous préconisons un renforcement du pilotage stratégique, c'est que, comme vient de le dire Claudine Schmid, l'intervention de plusieurs ministères ne peut être profitable que si elle est coordonnée au niveau interministériel afin d'éviter toute concurrence inutile entre administrations. Il importe par conséquent de définir une stratégie nationale, sectorielle et géographique, en s'appuyant sur une démarche d'évaluation renforcée, puis de veiller au suivi et à la déclinaison de cette stratégie au niveau de chacun des postes concernés. Il convient également de mieux coordonner les actions du réseau, à l'aide de conseils de l'influence placés auprès des ambassadeurs et grâce à des plans d'actions communs, et de renforcer la complémentarité entre les instituts – anciennement appelés centres culturels – et les alliances françaises. Si d'aucuns ont préconisé un temps de ne maintenir que l'un de ces deux types de structures, leur coexistence nous paraît au contraire parfaitement viable tant leurs rôles sont complémentaires. Au Brésil, par exemple, ce sont les alliances françaises qui, pour des raisons historiques et culturelles, effectuent l'essentiel du travail. Mais, lorsque ces alliances sont seules dans un pays, il est capital qu'elles ne se limitent pas à l'enseignement du français et qu'elles n'aient pas comme unique objectif d'assurer la pérennité de leurs ressources par ce moyen. En tout état de cause, il faut viser à l'harmonie entre les deux structures.
Nous plaidons aussi en faveur d'une clarification du positionnement respectif du ministère des affaires étrangères, qui doit rester le pilote de notre action, et des opérateurs, dont il faut conforter le rôle. Il conviendra notamment de confier une nouvelle feuille de route à l'Institut français.
Le développement des synergies locales suppose que les principaux acteurs publics impliqués soient mieux coordonnés, d'autant qu'ils sont très nombreux et entretiennent des relations complexes. Il convient également de renforcer les synergies avec leurs partenaires, dont les alliances françaises, pour les raisons déjà évoquées.
Nous proposons enfin d'adapter les moyens de ce réseau culturel public à l'étranger. Ses agents constituent une ressource précieuse, a fortiori dans un contexte de diminution des effectifs, mais le fait qu'ils soient majoritairement employés sur des contrats à durée déterminée entraîne des contraintes de gestion. Il nous faut donc être particulièrement vigilants afin de conserver les marges de manoeuvre nécessaires pour améliorer notre image, et nous formulons par conséquent quelques propositions pour améliorer la gestion de ces ressources humaines.
Je rappellerai en conclusion que, le 17 octobre dernier, la Cour a présenté son propre rapport dans cette même salle, sous la présidence de Claude Bartolone et en présence de Didier Migaud. Il sera intéressant de le comparer au nôtre : en effet, si les dix-sept propositions que nous avons formulées ne sont pas toujours identiques à celles de la Cour, elles peuvent être complémentaires. Je vous invite pour cela à vous reporter à notre rapport à la fin duquel vous trouverez clairement exposées ces dix-sept propositions ainsi que le compte rendu de l'audition du 17 octobre – mais aussi la liste des sigles utilisés et celle des personnes auditionnées.
Je remercie à mon tour les deux rapporteurs pour toutes les informations précieuses qu'ils nous ont apportées. Notre action culturelle à l'étranger, qui est essentielle à notre diplomatie d'influence, a bien évidemment un coût. J'aimerais donc connaître celui des bourses, dont les crédits semblent avoir été sanctuarisés depuis 2011. Je ne peux d'autre part que m'associer à votre souhait d'un suivi des étudiants : cette mesure nous permettra non seulement de les soutenir, mais aussi d'évaluer l'efficacité de notre action.
Je remercie moi aussi nos rapporteurs pour cet exposé passionnant et de grande qualité. Présidente du groupe d'amitié France-Guatemala de notre Assemblée, j'ai eu l'heureuse surprise de constater, lors de mes premiers contacts avec des parlementaires guatémaltèques, que notre langue et notre culture jouissaient d'une très bonne image en Amérique latine, surtout en Amérique centrale. Que diriez-vous de développer la coopération avec nos grandes écoles, dont Sciences Po et l'ENA, dans cette région ?
Merci de ce rapport très riche qui nous incite à nous poser des questions nouvelles.
La France est un pays merveilleux, encore doté du deuxième réseau diplomatique du monde, et dont l'ambition médiatique est phénoménale si l'on en juge par le nombre de nos chaînes internationales. Je ne peux qu'approuver toute stratégie d'unification dans ce domaine, d'autant qu'au cours des années à venir, les contraintes budgétaires croissantes nous amèneront nécessairement à nous interroger sur le bien-fondé de nos interventions dans des domaines où celles-ci sont aujourd'hui maintenues de façon quasi mécanique. Dans ce contexte, il faudra définir des priorités. Comment faire autant, voire plus, avec demain moins de moyens, dans un monde en profonde mutation démographique et technologique ? L'Asie rassemblera bientôt 65 ou 66 % de la population mondiale !
À mon tour, je félicite nos rapporteurs de ce rapport particulièrement riche.
J'ai déposé il y a quelques mois avec Patrick Bloche une proposition de résolution européenne relative au respect de l'exception culturelle, au moment où s'ouvraient les négociations sur le traité de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis. Même si l'exception culturelle européenne est pour l'instant protégée, cette initiative n'aura pas de suite si elle ne s'appuie pas, au-delà de l'Europe, sur le réseau culturel français et sur la francophonie. Aujourd'hui, la langue française est de moins en moins présente sur la scène internationale et son influence à Bruxelles, comme celle de notre culture, décline de jour en jour. Y a-t-il au sein de l'Union européenne une action culturelle spécifique de la France, en sus de l'action menée par les alliances françaises sur notre continent ?
Vous proposez de renforcer le pilotage stratégique interministériel de la politique culturelle extérieure. Il me paraît essentiel de l'articuler à la politique économique. Y avez-vous travaillé ?
Merci à nos deux rapporteurs, qui forment une belle équipe. Connaissant moi aussi les réalités dont il vient d'être question pour être comme Mme Claudine Schmid député des Français établis hors de France, j'aimerais appeler votre attention sur quelques éléments – et je suis prêt à vous apporter mon aide sur ces points si besoin.
D'abord, les alliances françaises sont des associations de droit local, pilotées par des locaux. Faut-il vraiment s'appuyer sur des personnels qui ne sont pas français, mais francophiles, pour développer une stratégie d'influence ? N'espérons pas nous décharger sur eux : nous ne trouverons pas nécessairement parmi eux les relais attendus. Cette situation est comparable à celle des chambres de commerce françaises à l'étranger, qui réunissent de plus en plus de sociétés locales cherchant à accéder au marché français plutôt qu'à aider nos entreprises à se développer sur place.
Ensuite, je suis favorable au partenariat entre lycées, que j'ai d'ailleurs défendu au niveau franco-espagnol pendant ma campagne ; mais l'exemple de la relation franco-allemande, fondée sur un traité spécifique – le traité de l'Élysée –, dotée d'un budget et d'institutions propres, ne peut être reproduit dans le contexte actuel. Soyons réalistes : un équivalent franco-espagnol, franco-portugais ou franco-italien de l'Office franco-allemand pour la jeunesse est inenvisageable aujourd'hui.
Je suis tout à fait d'accord avec Mme Pinville sur la stratégie. Je milite depuis très longtemps en faveur d'une fondation nationale destinée à fournir des ressources à l'Institut français. Je suis ravi d'apprendre que la fameuse expérimentation entamée au cours de la précédente législature, et dont nous n'avons jamais pu identifier clairement les critères et les attendus, a été abandonnée, comme nous l'avions demandé à Laurent Fabius au début de notre mandat. Il convient en revanche d'envisager un dispositif de péréquation entre instituts culturels français. En effet, si ceux de Shanghai ou de Pékin n'ont aucun mal à trouver des crédits ou des mécènes pour organiser des manifestations, il n'en va pas de même à Madrid. Certains marchés économiques qui ne sont plus prospères le redeviendront et l'Espagne, par exemple, est un partenaire important.
Au sujet des 50 000 manifestations culturelles recensées chaque année, votre comparaison avec le British Council et le Goethe Institut est édifiante. Du côté français, on en vient parfois à proposer, pour le principe, des spectacles sans intérêt : c'est dramatique ! Qui dirige les instituts culturels sur place ? C'est un autre problème, que vous soulevez en termes prudents. C'est une question de gestion des ressources humaines : on choisit des personnes dont on ne sait plus très bien quoi faire, ou dont la carrière suppose qu'ils passent trois ans à la tête d'un institut, mais qui risquent d'en compromettre la gestion financière et, surtout, le prestige.
En somme, vous soulevez de nombreuses questions qui donnent matière à réflexion pour plusieurs années et qui nous placent de plain-pied dans la mondialisation. Il s'agit d'élaborer une stratégie d'influence avec un outil daté, que nous devons continuer d'adapter. C'est un beau chantier.
Merci, mes chers collègues, de votre indulgence. Vous l'avez compris, il importe de veiller au devenir de nos préconisations, qui appellent en effet une action sur plusieurs années. À cet égard, la reconduction des rapporteurs budgétaires pour toute la durée de la législature, est précieuse. Je vous renvoie d'ailleurs aux rapports budgétaires sur le sujet que Claudine Schmid et moi-même avons respectivement présentés à la commission des affaires culturelles et à la commission des affaires étrangères. Nous y exprimons les mêmes préoccupations et – hélas – les mêmes analyses à propos des baisses de crédits.
À ce sujet, monsieur Furst, vous avez tout à fait raison, mais le budget des affaires étrangères et de l'action culturelle extérieure a la particularité préoccupante d'être en déclin depuis 1994. Il est le seul à avoir évolué « en toboggan », hormis un petit rebond dans les années 2000. Nous devons donc en effet faire oeuvre de rationalisation, développer des synergies, réaliser des économies si possible. Tel est d'ailleurs le sens de nos propositions. Dans ce domaine en particulier, nous devons éviter tout gâchis : il n'est pas question de prêter le flanc à la critique.
La dotation des bourses, de 68 millions d'euros environ selon nos rapports budgétaires, est aujourd'hui à peu près sanctuarisée après avoir décliné continûment jusqu'en 2011. Mais restons vigilants. S'il convient en effet de coopérer davantage avec Bercy, madame Pinville, afin de tirer profit des complémentarités, notamment avec le ministère du redressement productif, n'oublions pas que le ministère de l'économie et des finances est par définition voué à nous prendre de l'argent. Je me souviens d'affontements épiques, voire injurieux, jusqu'en conseil des ministres, entre Michel Charasse, ministre du budget, et Jack Lang, ministre de la culture, à l'époque lointaine où j'étais au gouvernement ; la culture aurait été laminée si le président Mitterrand n'avait pas tranché en sa faveur. Cette époque est révolue, mais le bras de fer entre Bercy et la culture, a fortiori peut-être la culture à l'étranger, perdure par-delà les changements de gouvernement et de ministre. Toutefois, en la matière, la pédagogie reste utile pour assouplir la position du ministère des finances.
Des regroupements sont également nécessaires dans le domaine audiovisuel. Mais nous pouvons être fiers du rayonnement dont notre pays, qui souffre à bien d'autres égards, bénéficie encore à l'étranger. Ce désir de France, que l'on sent dès que l'on voyage, ne peut qu'avoir des conséquences positives, y compris financières.
Arnaud Leroy a raison s'agissant des alliances françaises. Toutefois, nous portons ici un jugement global qu'il convient de tempérer tant la gestion des alliances et la manière dont elles conçoivent leur rôle varient selon les endroits. Il en va de même pour les instituts. Mais il importe de remettre tout cela en ordre, y compris eu égard aux ressources humaines.
Notre proposition n° 4, qui porte sur l'offre commune de lycées, vaut essentiellement pour l'Europe, dans le cadre d'une mutualisation des politiques européennes. Au-delà de notre continent, l'Asie, évoquée par M. Furst, doit être privilégiée.
S'agissant des grandes écoles, madame Dubois, nous avons constaté qu'elles ont leurs propres réseaux de promotion à l'étranger. Il en va de même des universités, par l'intermédiaire de l'association de leurs présidents. Pour mieux vous répondre, il conviendrait d'étudier de plus près l'action en Amérique centrale de Campus France, qui oeuvre partout dans le monde et a récemment organisé une « grand-messe » au Mexique.
Le déclin de la langue française me semble concerner davantage les élites, françaises et européennes, que le peuple. À l'étranger, le désir d'apprendre le français continue de croître, en particulier chez les jeunes. Mais les élites, à Bruxelles et ailleurs, donnent le mauvais exemple en parlant systématiquement anglais, par effet de mode. Je me souviens ainsi du formidable incident survenu au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, lorsque M. Trichet, alors gouverneur de la Banque centrale européenne, a commencé son discours en anglais. Mes collègues et moi-même avons quitté la salle en signe de protestation lorsqu'il a refusé de parler français comme nous le lui demandions, et nous avons rendu compte aux autorités françaises de l'époque, ce qui lui a valu une remontrance. Mais il s'agit d'une véritable manie. Par ailleurs, en la matière, certains pays ne nous facilitent pas la tâche, comme l'Algérie, qui a longtemps fait obstacle à la pratique du français.
Cela n'est pas sans lien avec la façon dont nous avons « vendu » le français, en particulier au cours des vingt dernières années. Lorsque la Commission européenne met en ligne des documents sur lesquels elle consulte les citoyens européens, c'est en anglais. Nous allons le signaler avec Mme Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Sur seize consultations publiques actuellement ouvertes, dix le sont uniquement en anglais ! C'est un choix délibéré.
Quel est votre avis sur le projet de fondation pour le mécénat, en vue d'une péréquation ? L'influence culturelle est liée à la qualité et à l'attrait des produits culturels proposés. C'est le succès du groupe Tokio Hotel qui a entraîné il y a quelques années un regain d'intérêt pour la langue allemande. Nous avons la chance d'avoir encore une culture littéraire et audiovisuelle très vivante. Mais, je le répète, parmi les 50 000 manifestations culturelles annuelles, il y a à boire et à manger ; notre stratégie devrait privilégier la qualité plutôt que la quantité.
Je suis un peu moins optimiste que vous, monsieur le rapporteur. Dans la commune bavaroise avec laquelle ma ville alsacienne est jumelée et dans le Bade-Wurtemberg voisin, on peine à enseigner le français. Lorsque des jeunes se rencontrent, l'anglais leur sert de langue véhiculaire, l'allemand comme le français n'apparaissant plus que comme des langues régionales.
Je ne crois pas, car l'enseignement de l'allemand dans les classes est un élément de sélection sociologique. De plus, en Grèce, où j'étais en visite il y a quelques mois, j'ai entendu dire que le nombre d'élèves qui apprennent le français diminue au profit non de l'anglais, mais de l'allemand, dont le succès auprès des jeunes et de leur famille s'explique moins par le rayonnement culturel de l'Allemagne que par la puissance de son économie. C'est le succès de notre économie qui pourra rendre notre langue et notre culture attractives. Avons-nous bien pris la mesure de ce phénomène ?
Monsieur Leroy, nous n'avons pas mentionné le projet de fondation que vous appelez de vos voeux, car nous avons constaté que les mécènes attendaient un retour sur investissement. La péréquation serait difficile à instaurer car si les entreprises sont prêtes à investir, elles veulent un retour sur investissement chez elles. L'économie nous rappelle ici à la réalité. En revanche, il est possible de créer de mini-fondations sur place. C'est d'ailleurs ce que font les COCAC et les directeurs d'instituts ou d'alliances, qui rivalisent pour démarcher les entreprises en vue de leur faire sponsoriser telle ou telle activité.
Beaucoup dépend aussi des ambassadeurs. Certains, notamment en Afrique, savent mobiliser des fonds privés alors que d'autres considèrent qu'ils n'ont pas à le faire.
S'agissant des produits culturels, monsieur Leroy, nous pouvons aussi nous appuyer sur notre cinéma, le deuxième du monde. Il est simplement dommage pour la langue française que notre plus grand succès au cinéma, l'année dernière, ait été un film muet !
Le Comité autorise la publication du rapport d'information sur l'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger.
La réunion s'achève à douze heures quinze.