Intervention de François Lucas

Réunion du 27 novembre 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

François Lucas, vice-président de la Coordination rurale :

Monsieur Peiro, il faut que les jeunes qui s'installent puissent le faire sur des terres dont la superficie leur permette de vivre. On pourrait imaginer que le revenu à l'hectare soit doublé et qu'un agriculteur qui cesse son activité cède alors ses terres à deux nouveaux exploitants. Malheureusement, l'histoire va en sens inverse, et les SAFER ne nous empêcheront pas d'atteindre le point de non-retour où, à une agriculture d'exploitants, succèdera une agriculture de grosses sociétés et de salariés. J'en reviens à la PAC, qui ne permet pas aujourd'hui d'assurer un revenu suffisant à l'hectare pour pérenniser des exploitations à taille humaine.

Je ferai la même réponse à Brigitte Allain. La répartition du foncier ne doit pas aboutir à des situations non viables. On ne peut en vouloir aux agriculteurs, qui savent que pour maintenir leur niveau de revenu il leur faut augmenter leur surface exploitable, de surenchérir sur les terres disponibles afin de sécuriser leur avenir. Pour casser ce cercle vicieux, il faut leur permettre de vivre avec moins d'hectares.

Le concept d'agroécologie est intéressant mais assez vague. Comme M. Jourdain faisait de la prose, beaucoup d'agriculteurs font de l'agroécologie sans le savoir. Et si la loi entend favoriser l'agroécologie, elle ne le fait pas de manière très concrète, se limitant pour l'essentiel à faire référence aux GIEE. Ce concept mériterait donc d'être mieux défini, car la Coordination rurale, Coop de France, le réseau AMAP ou les agriculteurs biologiques ont chacun leur propre définition de l'agroécologie. L'essentiel, à nos yeux, est d'aller vers une agriculture raisonnable.

Madame Massat, ce que nous aurions souhaité, c'est une loi qui simplifie un code rural dans lequel ni les agriculteurs ni les juristes ne se retrouvent plus.

Le contrat de génération fait partie des mesures auxquelles nous sommes favorables. Le meilleur moyen de mettre le pied à l'étrier à un jeune, surtout quand il n'est pas issu d'une famille d'agriculteurs, est en effet de lui permettre de travailler auprès d'un agriculteur expérimenté qui prépare sa succession.

Nous partageons les objectifs de la politique d'alimentation qui figurent dans la loi. Cela étant, mon expérience de membre du Conseil économique social et environnemental qui travaille actuellement sur un avis concernant une alimentation saine et de qualité pour tous me fait dire que c'est un sujet qui dépasse largement une loi d'avenir agricole.

Mme Got m'a interrogé sur le seuil acceptable en matière de GIEEF. L'essentiel à nos yeux est la contiguïté. Convaincre des propriétaires forestiers de s'organiser pour exploiter intelligemment ne serait-ce que vingt hectares permettrait de progresser, sachant qu'aujourd'hui, en France, une telle superficie peut être divisée entre une centaine de propriétaires. Un GIEEF de 300 hectares n'est envisageable que dans des zones déjà bien structurées, où le nombre de propriétaires n'excède pas une trentaine ; dans des zones morcelées entre plusieurs centaines de propriétaires, c'est impossible.

S'il existe des liens entre l'agronomie et la médecine vétérinaire, qui doivent se développer en cohérence, ces domaines doivent conserver leurs spécificités, sans qu'on les fonde dans un unique institut, fût-il de haut niveau. Gardons-nous de créer une sorte d'ENA, qui serait uniquement destinée à alimenter le cabinet du ministre de l'agriculture…

Madame Fabre, les mesures concernant les interprofessions font partie des éléments positifs de la loi. Nous souhaitons que les décisions soient prises à l'unanimité au sein des collèges. C'est ce que semble indiquer le texte, mais la jurisprudence pourrait conduire à l'interpréter comme autorisant les décisions à la majorité. L'unanimité se justifie à nos yeux par le fait que les interprofessions prennent des décisions qui ont des conséquences économiques sur l'ensemble des producteurs.

S'agissant de la notion de « petite ferme », nous sommes attachés à la diversité de l'agriculture et ne prétendons pas décréter quel est le modèle idéal. C'est pourquoi nous sommes opposés à la notion de « vrai agriculteur », que les Jeunes Agriculteurs ont dû défendre devant vous ce matin. En effet, retirer sa qualité d'agriculteur à un agriculteur pluriactif au motif précisément qu'il a d'autres activités aboutira à ce que son exploitation aille agrandir les autres.

Quant aux aides de la PAC, nous sommes opposés au saupoudrage. Nous avons calculé que, si les aides à la vache laitière étaient réparties linéairement sur l'ensemble du troupeau sans critère de distribution, on obtiendrait une aide de 0,4 centime d'euro par litre de lait, voire 0,6 centime en faisant bouger les curseurs et en déterminant un plancher et un plafond. Ces calculs nous confortent dans l'idée qu'il faut agir sur les prix. Cela étant, nous souhaiterions que l'attribution des aides soit soumise à un critère de spécialisation. L'aide à la vache allaitante, par exemple, pourrait être attribuée lorsque la production de lait représente au moins 25% du revenu global de l'exploitant. Reste que le meilleur levier demeure l'action sur les prix.

Le statut de coopérative, enfin, ne nous paraît adapté qu'à des entités circonscrites à un territoire donné et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un certain plafond. Au-delà, il convient d'envisager un changement de statut.

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