Commission des affaires économiques

Réunion du 27 novembre 2013 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a auditionné M. François Lucas, vice-président de la Coordination rurale.

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La Commission des affaires économiques poursuit ses auditions dans le cadre de la préparation de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, et j'ai le plaisir d'accueillir M. François Lucas, vice-président de la Coordination rurale.

J'avais initialement souhaité que nous puissions entendre ensemble les organisations syndicales et professionnelles du monde agricole, ce qui nous aurait permis de mieux saisir les nuances entre les uns et les autres et, partant, de procéder à de meilleurs arbitrages. Certaines organisations ne l'ayant pas souhaité, nous procédons donc en enchaînant les auditions.

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François Lucas, vice-président de la Coordination rurale

Je regrette également que tous les syndicats n'aient pas été auditionnés ensemble.

Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt est le cinquième texte consacré à l'agriculture depuis 1999, ce qui n'est pas forcément ce qu'attendent les agriculteurs qui ont besoin, pour se développer et investir, d'axes stables et pérennes.

Cela étant, pourquoi ne pas parfaire ce qui peut l'être, si tant est que cette loi d'avenir parvienne à répondre aux problèmes que connaissent les agriculteurs, ce qui n'est pas toujours le cas. Pour user d'une métaphore, sur un véhicule qui nous est imposé par la PAC, le seul choix que nous ayons, c'est celui des enjoliveurs, en d'autres termes de l'accessoire.

Nous aurions aimé une loi tournée vers les producteurs plutôt que vers les filières ou la production. Selon l'article 1er, de portée générale, l'objet de la loi est de « renforcer la compétitivité des différentes filières de production, de transformation et de commercialisation, en vue de soutenir le revenu et l'emploi des agriculteurs et des salariés ». C'est, selon nous, prendre les choses à l'envers. Lorsque l'agroalimentaire breton déplore la baisse de la production de porcs, mettre la filière sous respirateur artificiel ne servira à rien si les producteurs ne produisent plus pour la simple raison que l'on s'est d'abord préoccupé de la filière avant de soutenir les agriculteurs. Nous aurions donc préféré que cet article soit rédigé autrement et qu'il insiste sur la nécessité de soutenir le revenu et l'emploi des agriculteurs et des salariés pour renforcer la compétitivité des différentes filières, une compétitivité qui, à l'inverse de la compétitivité-prix qui constitue aujourd'hui l'alpha et l'oméga de toutes les décisions, prenne en compte les aspects sociaux et environnementaux de la production.

Nous sommes assez sceptiques sur les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) qui font l'objet de l'article 3, même si l'idée est sympathique. Les centres d'études techniques agricoles (CETA), les centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM) ainsi que les groupements de développement agricole (GDA) regroupent déjà, en dehors des structures officielles et publiques, des agriculteurs qui souhaitent mettre en commun leurs expériences, se livrer à des expérimentations ou unir leurs forces face à des tiers. Les GIEE, quant à eux, n'accueilleront pas uniquement des agriculteurs. Dotés ou non de la personnalité morale, ils auront à remplir un certain nombre de missions, ce qui implique un minimum de moyens et des salariés et peut laisser craindre un mode d'organisation trop compliqué pour ne pas rester marginal. Enfin, nous sommes également intrigués par le fait que les adhérents des GIEE pourraient en tirer des majorations d'aide, ce qui apparenterait le GIEE à une sorte de carotte.

Un volet du projet de loi concerne le bail environnemental, qui pourrait être étendu à d'autres bailleurs que ceux figurant sur l'actuelle liste, assez limitative. Les bailleurs sont de plus en plus réticents à mettre leurs terres en fermage, et on les imagine mal ajouter dans leurs baux des contraintes environnementales quand la première des contraintes reste la rentabilité de leur investissement.

Le texte confirme la transparence et en précise la notion pour les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Sur fond de PAC, l'enjeu est d'importance puisque cela concerne les aides majorées pour les cinquante-deux premiers hectares. La question mérite également d'être posée pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les autres sociétés et les unités de travail humain (UTH) au sens large.

Par ailleurs, comme on l'a constaté à propos du certiphyto, les GAEC, ne peuvent, en tant que sociétés civiles, pratiquer l'épandage de produits sanitaires chez un tiers, puisqu'il s'agit d'un service commercial. Il existe pourtant une tolérance fiscale, dès lors que les activités commerciales comme les prestations de services ne génèrent qu'un revenu complémentaire ; nous souhaiterions que cette tolérance soit élargie à l'objet des GAEC et consacrée dans leurs statuts.

Nous sommes heureux que le texte aborde la question de la coopération agricole, depuis longtemps problématique. Il ne va cependant pas assez loin. D'une part, le Haut Comité de la coopération agricole nous semble très consanguin, et nous estimerions normal qu'y siègent, aux côtés des administrateurs et des présidents de coopérative, des représentants des syndicats d'exploitants agricoles ; d'autre part, nous souhaiterions que la rédaction du texte rende plus systématiques certaines obligations faites aux coopératives de rendre des comptes.

Les sociétés anonymes filialisées créées par les coopératives nous posent problème, car elles échappent au contrôle des adhérents. Ces dérives apparaissent nettement dans le lait, secteur dans lequel les coopératives font figure de mauvais élèves en comparaison des laiteries privées.

En matière de contractualisation, le projet de loi renforce le rôle du médiateur. Cela ne suffit pas car force est de constater que la contractualisation, censée prendre le relais des quotas, ne marche pas. Nous sommes opposés à la contractualisation obligatoire dont nous demandons l'abrogation, estimant qu'il est préférable de travailler sur la régulation des productions, notamment celle du lait.

En matière de protection des terres agricoles et de renouvellement des générations, nous regrettons l'absence d'évaluation des politiques successives mises en place pour le contrôle des structures et l'installation, qui n'ont pas atteint leurs objectifs.

Nous ne disposons pas de statistiques précises pour la consommation du foncier agricole, la fourchette allant de 23 000 à 80 000 hectares par an, mais la commission technique qui travaille actuellement sur le sujet parviendra probablement à des chiffres inférieurs à ceux qui évoquent l'équivalent d'un département consommé tous les sept ans.

Le projet omet la question des friches, alors qu'il nous semblerait souhaitable que l'on oblige les collectivités à bâtir leurs projets sur les friches – agricoles ou industrielles – plutôt que sur le foncier agricole.

J'en viens aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Il s'agissait au départ de faire de la structuration ou de la restructuration foncière, mais cela aurait pu se faire sans les SAFER. Aujourd'hui, celles-ci ont également pour mission de réguler la taille des exploitations, mais les études montrent qu'elles n'empêchent pas l'agrandissement de ces dernières, lequel résulte avant tout de l'équation qui permet de calculer le revenu annuel dont un agriculteur a besoin pour vivre, soit la surface dont il dispose multipliée par le revenu unitaire de chaque hectare. En conséquence, dès que le revenu à l'hectare baisse, ce qui est une constante de l'agriculture depuis les années 60, les agriculteurs sont obligés de s'agrandir, et les SAFER n'y peuvent rien.

Les relations entre bailleurs et preneurs sont par ailleurs souvent problématiques, soit que le bailleur souhaite reprendre son bien, soit que deux candidats au fermage entrent en rivalité pour l'exploitation d'un même bien. En outre, beaucoup d'agriculteurs exploitants, propriétaires de leurs terres, préfèrent, lorsqu'ils cessent leur activité, en confier l'exploitation à une entreprise plutôt que de les confier en fermage à d'autres agriculteurs, ce qui accentue les blocages du marché. Cela s'explique par le fait que, lorsqu'un propriétaire met ses terres en fermage, il a l'impression d'en être dépossédé, pour une rentabilité faible. Or donner des pouvoirs élargis aux SAFER et les autoriser à entrer dans le capital de sociétés immobilières du type groupements fonciers agricoles ne fera que renforcer ce sentiment. Nous ne sommes donc pas favorables à ce renforcement des prérogatives des SAFER.

Nous nous félicitons en revanche de l'assouplissement de certains critères d'installation, dont l'âge minimum des agriculteurs. En effet, on constate de plus en plus de vocations tardives.

Nous sommes partagés sur l'article 16 et l'activité minimale d'assujettissement. Si certains cotisants solidaires méritent en effet d'avoir accès à une couverture sociale complète, on peut craindre que ce critère unique ne pénalise des cotisants solidaires – je pense notamment aux retraités vivant avec la surface minimale tolérée, qui pourraient devenir cotisants à part entière et perdre leurs droits à retraite. À nos yeux, cette mesure est davantage destinée à augmenter les ressources de la mutualité sociale agricole en accroissant le nombre de cotisants à part entière qu'à offrir plus de souplesse aux agriculteurs.

Pour ce qui concerne la politique de l'alimentation et le volet consacré aux maladies animales, notamment à la tuberculose ovine, la rédaction du texte nous fait craindre que les agriculteurs exploitant des terres sur un territoire de chasse ne soient tenus pour responsables de la gestion et de l'état sanitaire de la faune sauvage. C'est difficilement envisageable pour des agriculteurs à qui le gros gibier cause déjà de nombreux soucis.

Opposés à l'interdiction faite aux vétérinaires de distribuer des antibiotiques dit sensibles, nous sommes satisfaits de la nouvelle rédaction du texte, de même que nous sommes satisfaits de la mise en place d'un contrôle des marges.

En matière de publicité sur les médicaments et les produits phytosanitaires, l'esprit de la loi nous convient, mais sans doute faudrait-il réfléchir à mettre en place des instances de contrôle officielles. La Coordination rurale réclame depuis longtemps l'interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires – désherbants ou pesticides –, non seulement parce que ce sont les utilisateurs qui en paient le prix, intégré aux coûts de production, mais aussi parce que cette publicité prend souvent des orientations déplaisantes.

En revanche, l'expérimentation consistant à permettre aux agriculteurs n'ayant pas utilisé leur « crédit » autorisé de produits phytosanitaires de le céder à ceux qui en auraient besoin nous dérange : imagine-t-on en effet un SDF vendant ses droits à médicaments à un individu bien nanti qui aurait épuisé son crédit ? Cette approche calquée sur le mécanisme du droit à polluer ne nous paraît pas opportune.

Dans le domaine de l'enseignement agricole, nous sommes opposés à la fusion dans un seul et même pôle des écoles d'ingénieurs agronomes, des écoles vétérinaires et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Cette fusion n'aboutirait, selon nous, qu'à un affaiblissement de structures aujourd'hui reconnues internationalement.

Nous souhaitons par ailleurs que les conseils d'administration de l'enseignement agricole secondaire, de l'enseignement agricole supérieur et de l'INRA, dans lesquels seule la voix du syndicalisme majoritaire se fait aujourd'hui entendre, s'ouvrent à l'ensemble des syndicats agricoles.

Les groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers nous inspirent des commentaires assez proches de ce que nous pensons des GIEE. S'il s'agit de simplifier administrativement la restructuration des forêts atomisées, inaccessibles au matériel moderne et donc mal entretenues, l'établissement d'une superficie minimale de 300 hectares – au lieu des 500 d'abord envisagés – nous paraît encore un seuil trop important, sachant qu'on trouve parfois dix propriétaires sur un seul hectare. Ce qui importe à nos yeux dans les GIEEF, c'est la contiguïté.

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J'ai déjà eu le plaisir d'auditionner M. François Lucas, et je sais que la Coordination rurale porte un jugement négatif sur de nombreux aspects du projet de loi. Nous avons néanmoins des points d'accord, la Coordination soulignant notamment les avancées auxquelles procède le texte en matière de gouvernance des coopératives agricoles ou d'assouplissement des règles d'installation.

En ce qui concerne la protection des terres agricoles, monsieur Lucas, vous ne croyez pas à l'efficacité des SAFER en matière de restructuration, compte tenu des contraintes économiques qui poussent les agriculteurs à s'agrandir quand leur revenu à l'hectare baisse. C'est un fait, le nombre d'exploitations a diminué de 26% en dix ans, et je crains que les aides de la PAC à l'hectare ne renforcent cette tendance. Dans ces conditions, comment favoriser l'installation, et quels sont les outils qui permettraient de mobiliser du foncier pour y installer de jeunes agriculteurs ?

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Comme vous, monsieur Lucas, je trouve très exagéré de parler de l'équivalent d'un département qui disparaîtrait tous les sept ans. Mais à quelle autorité indépendante confier l'évaluation de la situation et la gestion des statistiques ?

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Que pensez-vous du contrôle des structures et des objectifs que fixe le projet de loi en matière d'agroécologie ?

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Quel élément majeur manque d'après vous dans ce texte ? Quelle est votre position sur le contrat de génération qui va être adapté à l'agriculture ? Enfin, que pensez-vous de la politique de l'alimentation ?

J'ajoute que nous nous réjouissons, comme vous, que le ministre nous ait entendus et que les vétérinaires puissent continuer à délivrer des médicaments dans les exploitations agricoles. C'est particulièrement nécessaire dans les territoires de montagne.

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Vous estimez trop important le seuil fixé pour les GIEEF. Quel serait donc, selon vous, le seuil acceptable ?

Par ailleurs, vous êtes sceptique quant à la création de l'Institut agronomique et vétérinaire de France, qui devrait pourtant nous permettre de monter en puissance, notamment en matière d'échanges internationaux. Quelles sont les raisons de votre scepticisme ?

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Que pensez-vous des relations avec les interprofessions ? Que pouvez-vous nous dire sur la notion de « petite ferme » ? Etes-vous favorable à l'affectation de la prime d'élevage de la PAC à l'ensemble des éleveurs pour l'intégralité du troupeau ?

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Vous avez évoqué la filialisation des coopératives, qui ne vous satisfait pas. Avez-vous des propositions à faire dans ce domaine ?

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François Lucas, vice-président de la Coordination rurale

Monsieur Peiro, il faut que les jeunes qui s'installent puissent le faire sur des terres dont la superficie leur permette de vivre. On pourrait imaginer que le revenu à l'hectare soit doublé et qu'un agriculteur qui cesse son activité cède alors ses terres à deux nouveaux exploitants. Malheureusement, l'histoire va en sens inverse, et les SAFER ne nous empêcheront pas d'atteindre le point de non-retour où, à une agriculture d'exploitants, succèdera une agriculture de grosses sociétés et de salariés. J'en reviens à la PAC, qui ne permet pas aujourd'hui d'assurer un revenu suffisant à l'hectare pour pérenniser des exploitations à taille humaine.

Je ferai la même réponse à Brigitte Allain. La répartition du foncier ne doit pas aboutir à des situations non viables. On ne peut en vouloir aux agriculteurs, qui savent que pour maintenir leur niveau de revenu il leur faut augmenter leur surface exploitable, de surenchérir sur les terres disponibles afin de sécuriser leur avenir. Pour casser ce cercle vicieux, il faut leur permettre de vivre avec moins d'hectares.

Le concept d'agroécologie est intéressant mais assez vague. Comme M. Jourdain faisait de la prose, beaucoup d'agriculteurs font de l'agroécologie sans le savoir. Et si la loi entend favoriser l'agroécologie, elle ne le fait pas de manière très concrète, se limitant pour l'essentiel à faire référence aux GIEE. Ce concept mériterait donc d'être mieux défini, car la Coordination rurale, Coop de France, le réseau AMAP ou les agriculteurs biologiques ont chacun leur propre définition de l'agroécologie. L'essentiel, à nos yeux, est d'aller vers une agriculture raisonnable.

Madame Massat, ce que nous aurions souhaité, c'est une loi qui simplifie un code rural dans lequel ni les agriculteurs ni les juristes ne se retrouvent plus.

Le contrat de génération fait partie des mesures auxquelles nous sommes favorables. Le meilleur moyen de mettre le pied à l'étrier à un jeune, surtout quand il n'est pas issu d'une famille d'agriculteurs, est en effet de lui permettre de travailler auprès d'un agriculteur expérimenté qui prépare sa succession.

Nous partageons les objectifs de la politique d'alimentation qui figurent dans la loi. Cela étant, mon expérience de membre du Conseil économique social et environnemental qui travaille actuellement sur un avis concernant une alimentation saine et de qualité pour tous me fait dire que c'est un sujet qui dépasse largement une loi d'avenir agricole.

Mme Got m'a interrogé sur le seuil acceptable en matière de GIEEF. L'essentiel à nos yeux est la contiguïté. Convaincre des propriétaires forestiers de s'organiser pour exploiter intelligemment ne serait-ce que vingt hectares permettrait de progresser, sachant qu'aujourd'hui, en France, une telle superficie peut être divisée entre une centaine de propriétaires. Un GIEEF de 300 hectares n'est envisageable que dans des zones déjà bien structurées, où le nombre de propriétaires n'excède pas une trentaine ; dans des zones morcelées entre plusieurs centaines de propriétaires, c'est impossible.

S'il existe des liens entre l'agronomie et la médecine vétérinaire, qui doivent se développer en cohérence, ces domaines doivent conserver leurs spécificités, sans qu'on les fonde dans un unique institut, fût-il de haut niveau. Gardons-nous de créer une sorte d'ENA, qui serait uniquement destinée à alimenter le cabinet du ministre de l'agriculture…

Madame Fabre, les mesures concernant les interprofessions font partie des éléments positifs de la loi. Nous souhaitons que les décisions soient prises à l'unanimité au sein des collèges. C'est ce que semble indiquer le texte, mais la jurisprudence pourrait conduire à l'interpréter comme autorisant les décisions à la majorité. L'unanimité se justifie à nos yeux par le fait que les interprofessions prennent des décisions qui ont des conséquences économiques sur l'ensemble des producteurs.

S'agissant de la notion de « petite ferme », nous sommes attachés à la diversité de l'agriculture et ne prétendons pas décréter quel est le modèle idéal. C'est pourquoi nous sommes opposés à la notion de « vrai agriculteur », que les Jeunes Agriculteurs ont dû défendre devant vous ce matin. En effet, retirer sa qualité d'agriculteur à un agriculteur pluriactif au motif précisément qu'il a d'autres activités aboutira à ce que son exploitation aille agrandir les autres.

Quant aux aides de la PAC, nous sommes opposés au saupoudrage. Nous avons calculé que, si les aides à la vache laitière étaient réparties linéairement sur l'ensemble du troupeau sans critère de distribution, on obtiendrait une aide de 0,4 centime d'euro par litre de lait, voire 0,6 centime en faisant bouger les curseurs et en déterminant un plancher et un plafond. Ces calculs nous confortent dans l'idée qu'il faut agir sur les prix. Cela étant, nous souhaiterions que l'attribution des aides soit soumise à un critère de spécialisation. L'aide à la vache allaitante, par exemple, pourrait être attribuée lorsque la production de lait représente au moins 25% du revenu global de l'exploitant. Reste que le meilleur levier demeure l'action sur les prix.

Le statut de coopérative, enfin, ne nous paraît adapté qu'à des entités circonscrites à un territoire donné et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un certain plafond. Au-delà, il convient d'envisager un changement de statut.

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Beaucoup de voix s'élèvent pour soutenir un point de vue opposé au vôtre sur les interprofessions, craignant que l'exigence de l'unanimité ne provoque des blocages. C'est une vraie question, sachant que le seuil de 80% que nous avons retenu dans la loi pour permettre à la Coordination rurale et la Confédération paysanne de participer aux interprofessions suscite déjà des oppositions.

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François Lucas, vice-président de la Coordination rurale

J'accepte mal que certains nous expliquent qu'ils ont toutes les raisons de rester ultramajoritaires. Pour prendre l'exemple du bureau national interprofessionnel du Cognac, il fut un temps où ses réunions se tenaient sous la protection des CRS, ce qui n'avait pas empêché son président, atteint de calvitie, de se retrouver le crâne peint en rouge à la bombe ! Après une refonte des statuts et un test de représentativité, les choses se sont considérablement améliorées. Les décisions se prennent désormais à l'unanimité, mais elles se prennent.

Pour répondre à l'objection de M. Peiro, une majorité renforcée des deux tiers pourrait constituer un bon compromis qui permettrait aux deux syndicats minoritaires de s'associer pour disposer d'un pouvoir de blocage.

J'aimerais, par ailleurs, rappeler à ceux de nos collègues qui brandissent le risque de blocage général et ont peur de perdre leur pouvoir que, dans les interprofessions, ce n'est pas le drapeau syndical qui est brandi en premier. Leurs membres sont avant tout des producteurs, qui savent ce qu'est l'intérêt général.

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Monsieur le vice-président de la Coordination rurale, je vous remercie.

Puis la commission a auditionné M. Laurent Pinatel, porte-parole, M. Mikel Hirribarren et Mme Marie-Noëlle Orain, secrétaires généraux, M. Jacques Bonati, juriste et Mme Sylvie François animatrice de la Confédération paysanne.

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La Commission des affaires économiques poursuit ses auditions préparatoires à la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, en accueillant des membres de la Confédération paysanne, dont son porte-parole M. Laurent Pinatel.

Je rappelle que nous souhaitions une audition commune à l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles. Devant le refus de certains, nous avons dû nous résoudre à procéder à des auditions séparées.

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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne

Je tenais en premier lieu à vous remercier d'entendre le point de vue de la Confédération paysanne. Je suis accompagné de Marie-Noëlle Orain, paysanne en Loire-Atlantique et secrétaire générale, de Mikel Hirribarren, paysan au pays basque et également secrétaire général. Je suis pour ma part paysan dans la Loire.

Dans un contexte marqué, d'une part, par la désaffection de l'agriculture par les jeunes, d'autre part, par la mise en oeuvre de la déclinaison française de la nouvelle PAC, la loi en préparation tombe à point nommé pour montrer que notre pays conduit une politique agricole volontaire, susceptible d'enclencher une dynamique qui puisse donner envie à des jeunes et à des moins jeunes de se tourner vers le métier de paysan. Le projet de loi est ambitieux. Il a bien cerné les enjeux du moment et va dans la bonne direction, avec d'autant plus de force qu'il revisite l'ensemble des secteurs d'activité de l'agriculture, de l'enseignement-recherche aux groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE).

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Mikel Hirribarren, secrétaire général de la Confédération paysanne

À nos yeux, la limitation de l'agrandissement et la protection des terres sont des éléments importants pour l'avenir de l'agriculture. Nous saluons donc la volonté exprimée par ce projet de loi de favoriser l'installation, de consolider les exploitations et de limiter les agrandissements, en promouvant des systèmes qui combinent performances économiques et environnementales.

Nous souhaiterions que le contrôle des structures, d'une part, soit élargi à tous les transferts dès vingt-cinq hectares, superficie minimum d'installation actuelle, et, d'autre part, intervienne lors de toute modification de société.

La loi Bussereau avait largement appauvri cet outil qu'est le contrôle des structures en en exonérant les sociétés agricoles et en n'exigeant qu'une simple déclaration pour les biens de famille. Cela a eu deux conséquences : d'une part, le nombre de transferts de terres soumis au contrôle a très largement diminué ; d'autre part, le nombre de sociétés hors GAEC est passé de 77 000 en 2000 à 126 000 en 2011, de nombreux agriculteurs ayant adopté les statuts de la société pour s'agrandir en échappant au contrôle des structures.

Par ailleurs, nous préconisons que le contrôle des structures s'applique également aux opérations qui passent par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, sous condition de superficie.

L'autorité administrative doit, à notre sens, disposer d'un pouvoir de sanction efficace et rapide, et pouvoir retirer une terre à des personnes qui l'exploitent sans autorisation, afin d'établir un bail à l'attention de personnes prioritaires.

Cela étant, il importe que tous les candidats à la reprise, quels que soient leur choix d'agriculture et le type d'installation – installation aidée ou non aidée, pluriactive ou progressive – soient à égalité devant le contrôle des structures, dès lors qu'ils sont affiliés à la Mutualité sociale agricole.

Enfin, jusqu'à présent la publicité foncière sur les terres libérées ne se faisait que dans les mairies des communes concernées. Nous souhaiterions que, grâce aux outils informatiques modernes, elle soit diffusée bien au-delà et qu'elle puisse être accessible à tous, sur les sites dédiés.

Nous ne pouvons qu'approuver le fait que ce projet de loi d'avenir vise à renforcer les SAFER, dont on sait le rôle qu'elles jouent, depuis les années 60, dans l'aménagement du foncier et la lutte contre l'agrandissement. L'idéal aurait été que ces sociétés retombent dans le giron public : elles y auraient gagné en légitimité, en efficacité, ainsi qu'en capacités de financement. À défaut, nous proposons qu'elles puissent s'unir aux conseils régionaux, aux conseils généraux, aux intercommunalités ou aux établissements publics fonciers, via, par exemple, des groupements d'intérêt public ou des sociétés d'économie mixte, pour mettre en oeuvre une véritable politique du foncier agricole, de l'aménagement du territoire, de la préservation des terres et de l'urbanisme.

En matière de publicité, il faut généraliser le dispositif Vigifoncier, qui existe déjà sur certains territoires pour les terres gérées par les SAFER. Tout le monde doit pouvoir savoir quel type de foncier est en vente et à quel endroit.

En matière de rétrocessions, nous voudrions que l'attribution des terres par la SAFER soit soumise au contrôle des structures ou, à tout le moins, que les schémas directeurs des structures soient harmonisés.

Nous demandions depuis longtemps que les organisations professionnelles agricoles fassent partie du conseil d'administration des SAFER, et nous nous réjouissons que le projet de loi le prévoie.

Toujours s'agissant des SAFER, nous pensons qu'il faut les contraindre à exercer leur droit de préemption, lorsqu'un candidat prioritaire réunit toutes les conditions pour être éligible et dès lors que les financements sont là et que le projet est conforme aux priorités affichées.

Nous voulons insister sur la création d'un registre général de l'agriculture, dont l'idée remonte aux années 2000. Cela pourrait être une sorte de guichet unique pour l'agriculture, permettant une lecture globale de la vie des exploitations grâce, d'une part, au recensement des créations et des cessions d'exploitation, des mouvements de parts sociales et d'associés au sein des sociétés agricoles ; d'autre part, aux informations qu'il fournirait sur l'attribution des aides et financements divers.

Une bonne gestion du foncier, l'arrêt de l'agrandissement et la préservation des terres sont essentiels si l'on veut installer des agriculteurs et conduire une politique ambitieuse permettant d'inverser la courbe décroissante du nombre d'exploitants dans ce pays. Les nouvelles dispositions que propose le projet de loi vont dans ce sens, qu'il s'agisse de l'installation progressive sur trois ans, de la prise en compte des différents systèmes de production, de l'accompagnement des porteurs de projet âgés de plus de quarante ans ou encore du contrat de génération proposé aux exploitants âgés de cinquante-sept ans et plus.

Entre cinquante et soixante ans, les exploitants avaient jusqu'à présent l'obligation de signaler leur cessation d'activité, à travers la déclaration d'intention de cessation d'activité, dix-huit mois avant la date de départ en retraite. Il serait préférable que cette déclaration se fasse cinq ans en amont, car la transmission d'une exploitation prend du temps.

Dans le même esprit, nous insistons sur l'importance d'imaginer des mesures permettant de faciliter l'installation à partir de l'apprentissage.

Par ailleurs, nous proposons que les terres agricoles qui deviennent constructibles soient taxées à 25 %, ce qui permettrait de financer le foncier et les aides à l'installation.

Enfin, nous pensons qu'il faut favoriser la divisibilité des exploitations dont l'importance, en taille ou en capitaux, rend la reprise difficile par un agriculteur unique.

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Marie-Noëlle Orain, secrétaire générale de la Confédération paysanne

Le titre III du projet de loi aborde les enjeux liés aux crises alimentaires et sanitaires. Afin de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens, il est essentiel de favoriser le lien entre les producteurs et les consommateurs, notamment les plus fragiles. Cela passe par un soutien aux filières de qualité. Dans cette perspective, il est important d'accorder aux productions fermières un espace dédié au sein de FranceAgriMer.

Il est également essentiel de faire le lien entre alimentation de qualité et agriculture de proximité, ce qui implique une véritable politique de relocalisation qui préserve les outils de transformation et les abattoirs locaux, ainsi qu'une adaptation des normes sanitaires aux produits fermiers.

En matière de performance sanitaire, le renforcement des contrôles implique des moyens, et il nous semble donc important de ne pas diminuer ceux de la DGCCRF.

Nous saluons la volonté du Gouvernement de se saisir de la question des antibiotiques et approuvons la proposition qui consiste à réduire leur utilisation inadaptée. Cependant, nous regrettons l'absence dans le projet de loi de dispositions visant à renforcer les solutions alternatives. Il est important que ces solutions soient promues et que les professionnels soient formés à leur usage, tout comme il est important de nous interroger sur les modes de production et les modes d'élevage.

En matière de protection des végétaux, nous notons la volonté du Gouvernement de réduire l'usage des pesticides. Là encore, il s'agit d'un problème de santé publique qui touche non seulement les utilisateurs – paysans et salariés agricoles –, mais également les consommateurs.

Nous ne sommes en revanche pas favorables au transfert à l'ANSES de la délivrance des autorisations de mise sur le marché pour les produits phytopharmaceutiques et les matières fertilisantes. Nous pensons en effet que la délivrance des autorisations et l'évaluation doivent être séparées.

La mise en place d'un certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques n'est pas suffisante pour parvenir à une véritable réduction des produits pesticides. Par ailleurs, il n'est pas acceptable à nos yeux que l'on puisse se dispenser de ces certificats grâce à l'acquisition de « crédits » phytopharmaceutiques, sur le modèle des crédits carbone. Cela s'apparente à un droit à polluer.

Par ailleurs, comme pour les antibiotiques, le projet de loi ne favorise guère les solutions alternatives aux pesticides – je pense notamment aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), pour lesquelles la réglementation actuelle n'est pas adaptée.

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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne

Vous avez respecté le pluralisme en recevant aujourd'hui l'ensemble des syndicats agricoles. Il serait bien que la loi entérine ce pluralisme, qui nous semble devoir faire l'objet d'un article spécifique. Nous souhaitons enfin que l'article 38 soit maintenu en l'état.

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Les auditions se suivent et ne se ressemblent pas, et nous sommes heureux que vous ayez souligné les aspects positifs de cette loi d'avenir.

Nous avons affiché notre volonté de promouvoir le pluralisme syndical, notamment en fixant à 80% le seuil de représentativité dans les interprofessions, ce qui permettra aux trois principaux syndicats d'y figurer. Certains nous interrogent sur les risques de blocage de la gouvernance et sur les solutions pour y remédier. Je voudrais votre opinion sur ce point, ainsi que sur le pluralisme dans les chambres d'agriculture : il existe aujourd'hui dans les conseils d'administration, mais pas dans les bureaux.

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Vous êtes les premiers à proposer d'établir un seuil à partir duquel doit s'exercer le contrôle des structures. Estimez-vous par ailleurs que la gouvernance des différentes institutions impliquées dans la gestion du contrôle des structures est adaptée ? Considérez-vous que ce projet de loi favorisera réellement l'agroécologie ? En matière de formation des jeunes et de formation continue, les outils proposés sont-ils suffisants ? Les mesures proposées pour l'accompagnement des agriculteurs au travers des GIEE et des organismes professionnels chargés du développement vous conviennent-elles ?

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Avez-vous des propositions précises à faire en matière de contrôle des structure ou d'intervention des SAFER dans les sociétés – GFA, SCEA et autres GAEC ?

D'autre part, nous sommes nombreux à penser qu'il est important de distinguer entre ceux qui figurent dans le registre de l'agriculture du fait de leurs activités agricoles et ceux qui y sont inscrits pour des raisons patrimoniales ou financières, raisons certes légitimes mais qui ne justifient pas forcément l'octroi d'aides publiques ou d'un bonus en matière de contrôle des structures. Avez-vous des remarques sur le sujet ?

Enfin, êtes-vous prêts à soutenir les efforts exceptionnels fournis par l'ANSES et le ministère de l'agriculture pour développer les PNPP en phytothérapie ?

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Comment voyez-vous l'avenir de la gouvernance des structures collectives telles que les GAEC, les CUMA, les coopératives ou les groupements fonciers agricoles, sachant que les pratiques de certains grands groupes coopératifs suscitent aujourd'hui de la défiance ? Parallèlement à la loi d'avenir pour l'agriculture, qui aborde peu ces questions, la loi relative à l'économie sociale et solidaire pourrait, elle aussi, servir de relais législatif à ces questions.

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Vous êtes les premiers à estimer que cette loi est ambitieuse et qu'elle va dans le bon sens. Quels seraient néanmoins les éléments que vous auriez souhaité y voir figurer ? Peut-être pourriez-vous en particulier nous aider à la compléter sur la question des circuits courts.

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Tout d'abord, quel est votre avis sur le bail environnemental ? Ensuite, ne vous paraît-il pas qu'à force de cadrer le contrôle des structures, nous sommes parvenus à la limite de ce que nous pouvions faire ? N'est-ce pas désormais au niveau des régions qu'il faudrait agir, ce qui permettrait de se dégager des grandes orientations fixées par le syndicat majoritaire, qui ne correspondent pas toujours à la réalité du terrain ?

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Gaymard avait ouvert aux propriétaires de chevaux la possibilité d'adhérer à la MSA. Qu'en pensez-vous, notamment en matière d'accès au patrimoine agricole ?

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Que pensez-vous de la limitation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes pour les pluriactifs ?

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Depuis 1986, époque où François Guillaume était ministre de l'agriculture, seule la FNSA siège dans les commissions des impôts. Nous souhaiterions que, dès lors qu'un syndicat est représentatif, il soit habilité à siéger dans les commissions auxquelles participent les organisations professionnelles, au niveau national, régional ou départemental.

S'agissant des interprofessions, si les organisations syndicales représentant au total au moins 80% des suffrages aux élections des chambres d'agriculture doivent y participer, c'est qu'il leur faut la légitimité nécessaire pour imposer leurs choix de production à toute la filière. Dès lors en effet que la discipline de production s'impose à tous et que sont demandées des cotisations volontaires obligatoires, il est normal de permettre à tous les syndicats d'être représentés au sein du collège.

Pour répondre à M. Potier sur les sociétés agricoles, nous proposons de rétablir la mesure qui, jusqu'en 2006, soumettait à autorisation tous les mouvements sociétaires.

Quant à la gouvernance des chambres d'agriculture, elle relève pour l'essentiel de mesures réglementaires et non législatives, comme c'est le cas pour les autres chambres consulaires.

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Je souhaite une précision sur les interprofessions. Ai-je bien compris lorsque j'entends que vous êtes favorables à ce que la règle majoritaire s'applique dans les collèges et la règle de l'unanimité pour les décisions générales ?

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Oui. La loi prévoit que le seuil de 80% concerne le collège des producteurs.

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Une majorité qui réunit tout le monde, pour moi, c'est l'unanimité.

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Ce n'est pas la même chose. Selon les dispositions actuelles, les collèges prennent leurs décisions à l'unanimité. Mais, dans la mesure où seules les sections spécialisées de la FNSEA assurent la représentation des producteurs, ils n'ont aucune difficulté à obtenir cette unanimité. Dès lors que l'on ouvre de fait les collèges de producteurs à l'ensemble des organisations syndicales, il faut définir les conditions d'une majorité qui soit conforme aux contraintes imposées par l'interprofession en matière de discipline de production, sachant par ailleurs que les producteurs acceptent de plus en plus mal de s'acquitter des cotisations volontaires obligatoires, alors que les décisions les regardant sont prises par la seule FNSEA.

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La règle des CVO est ancienne ; elle permet, à l'instar des cotisations destinées à assurer les risques de catastrophe, reposant sur une assiette large, de garantir le financement des actions de l'interprofession. Cela étant, comment empêcher que la règle de la majorité n'aboutisse à des situations de blocage ?

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Les CVO vont alimenter les sections spécialisées du Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental. Si on se met d'accord sur la gouvernance de ce fonds, il n'y aura pas de blocage sur son financement.

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Je réitère ma question : Êtes-vous favorables à ce que s'applique, à l'intérieur des collèges, la règle de la majorité et non plus l'unanimité ?

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Nous sommes favorables aux 80% évoqués par la loi. Soit le consensus se fait au niveau des producteurs ; soit la règle applicable est celle des 80% de voix aux élections des chambres d'agriculture. Dans la mesure où la FNSEA et le CNJA représentent 56% des votants, cela suppose la participation de la Coordination et de la Confédération pour atteindre les 80%. Par ailleurs, pour élargir les règles de production, l'Union européenne impose la majorité des deux tiers, ce qui oblige la FNSEA à s'allier avec la Coordination ou la Confédération.

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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne

M. Bleunven juge le cadrage du contrôle des structures excessif. Les dérives et les excès de l'agrandissement que nous constatons dans nos départements et nos cantons prouvent qu'il est nécessaire de légiférer pour y mettre un terme.

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Mikel Hirribarren, secrétaire général de la Confédération paysanne

Nous sommes opposés au bail environnemental, essentiellement parce que nous sommes très attachés au statut du fermage, qui est une spécificité française. Si l'intention est bonne et vise à faire évoluer les pratiques agricoles vers l'agroécologie, le moyen employé quant à lui ne nous paraît pas le bon.

Les circuits courts et la production fermière prennent de plus en plus d'importance. Ils ne relèvent plus seulement de choix idéologiques mais permettent à de plus en plus d'agriculteurs de faire vivre leur ferme tout en renouant avec les consommateurs. Nous sommes convaincus depuis longtemps que cette production fermière doit être pleinement reconnue. Les mesures envisagées en 2005 sont hélas restées lettre morte, et il est urgent de leur redonner vie.

L'Union européenne réfléchit dans cette perspective à la mise en place d'une mention valorisante « Produit de ma ferme ». Pour ce qui nous concerne, nous proposons que la production fermière trouve toute sa place au sein de FranceAgriMer. Il y a urgence à définir par décret cette production pour éviter qu'on puisse s'en réclamer abusivement.

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Marie-Noëlle Orain, secrétaire générale de la Confédération paysanne

Le projet de loi insiste sur la volonté de produire autrement et de tendre vers l'agroécologie, ambitions que nous partageons. Nous pensons néanmoins que pour y parvenir il convient de revoir les programmes de formation, ce qui implique la mise en place d'un véritable plan stratégique pour l'enseignement. Si on ne casse pas le moule dans lequel sont formés depuis plusieurs décennies des agriculteurs à qui l'on apprend à produire beaucoup et à user de pesticides, on ne fera pas évoluer les choses.

C'est l'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons que les conseils d'administration des lycées s'ouvrent à la diversité des approches et des expériences – on en revient à la question du pluralisme. Par ailleurs, même soumises à des contraintes de rentabilité, les fermes des lycées agricoles sont des outils pédagogiques qui doivent être conçus comme des laboratoires d'expérimentation ouverts sur les territoires environnants et sur les collèges.

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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne

Madame Marie-Lou Marcel, avec les négociations menées actuellement par le ministère sur la réforme de la PAC et la déclinaison française des aides couplées, toutes les cartes vont être rebattues. La PMTVA va être supprimée pour être remplacée par une aide couplée à la vache allaitante ouverte à tous, ce qui est budgétairement problématique. De nombreux syndicats proposent donc des critères d'exclusion par le bas, fondés sur le nombre de têtes. La Confédération paysanne refuse à toute force cette politique d'exclusion, et nous nous battrons pour que les primes à la vache allaitante aillent à ceux qui en ont besoin. Nous militons donc pour la mise en place de plafonds, car les exploitants qui n'ont pas besoin des aides sont ceux qui ont trop de vaches.

Un mot également sur le registre et la définition de l'agriculteur et du paysan, qui constitue un véritable serpent de mer. Il faudra, un jour ou l'autre, déterminer qui peut être considéré, d'un point de vue économique et social, comme un paysan et, partant, avoir accès aux aides. Selon nous, une personne qui crée une activité économique en agriculture et en vit au travers de son travail doit être considérée comme un paysan.

En matière de gouvernance des structures collectives, les coopératives – je pense notamment aux coopératives d'utilisation de matériel agricole – sont de bons outils de développement lorsqu'elles conservent une taille modeste et quand les paysans ont encore la main sur elle. Elles permettent notamment, grâce à la mutualisation, une diminution des charges. Certaines coopératives ont en revanche cédé au gigantisme du marché mondial et libéral : en tant que livreur de lait au groupe Sodiaal, je n'ai pas le sentiment d'avoir mon mot à dire dans les orientations et la gestion de ma coopérative, alors que cela devrait être la moindre des choses. C'est un problème sur lequel il faudra se pencher.

En matière d'innovation et de dynamique collective, les GIEE sont, selon nous, une bonne manière de fédérer les initiatives locales, sachant que la question se pose, là encore, de la taille critique et de la continuité territoriale. Par ailleurs, dédiés à la double performance économique et environnementale, les GIEE devraient également intégrer une « performance » sociale. Enfin, il faudra qu'à terme la loi mette en place des outils de mesure et d'évaluation de ces performances.

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Jacques Bonati, juriste de la Confédération paysanne

Puisque le registre de l'agriculture prévu par la loi depuis plusieurs années ne fonctionne pas, pourquoi ne pas envisager de se tourner vers le Centre de formalités des entreprises et considérer qu'une inscription au CFE vaut inscription sur le registre de l'agriculture ?

Enfin, nous ne partageons pas votre enthousiasme sur les efforts qu'aurait fournis l'ANSES en faveur des PNPP.

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Nous vous remercions tous les quatre d'avoir éclairé nos débats et vous solliciterons, le cas échéant, pour quelques éclairages complémentaires.

Puis la commission a auditionné M. Jean Mouzat, président, Mme Isabelle Daugreilh, vice-présidente et M. Alain Gaignerot, directeur du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF).

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Nous allons maintenant procéder à l'audition de M. Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF), accompagné de Mme Isabelle Daugreilh et de M. Alain Gaignerot, respectivement vice-présidente et directeur de cette organisation.

Monsieur le président Mouzat, je souhaitais que nous puissions auditionner en même temps toutes les organisations, mais certaines d'entre elles ne l'ont pas souhaité. Au demeurant, il est finalement intéressant de constater, au fil des échanges, les différences de positionnement qui se manifestent sur certains points clés du projet de loi d'avenir pour l'agriculture.

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Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux, MODEF

En 2008, la loi de modernisation de l'économie a donné le pouvoir à la grande distribution dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, impactant à la baisse les prix agricoles à la production. En 2010, la loi de modernisation agricole a consacré l'agriculture industrielle comme modèle et l'hyperproductivité comme moyen pour gagner en compétitivité. Ces deux lois profondément libérales sont venues renforcer les orientations tout aussi libérales de la politique agricole commune (PAC). La primauté au libre marché, du local au mondial, serait selon ses défenseurs la politique économique universelle. C'est là, bien évidemment, un avis que nous ne partageons pas.

Mais cette politique nous a menés droit dans le mur, avec pour l'agriculture une baisse continue du nombre d'exploitations et d'exploitants, une diminution de 52 % du nombre d'actifs agricoles en vingt ans, l'aggravation des disparités, la concentration des productions dans des zones spécialisées, avec des conséquences néfastes pour l'environnement et une délocalisation vouée à s'accentuer, la concentration des entreprises de collecte et de transformation, le déménagement des territoires, la standardisation des produits agricoles au détriment de la diversité et de la qualité, la multiplication des transports de la production à l'assiette et la volatilité des prix agricoles.

La baisse tendancielle des prix agricoles alignés sur les cours mondiaux met à mal les exploitants familiaux et ne profite même pas aux consommateurs. Notre pays ne peut plus garantir la sécurité alimentaire à sa population et se trouve de plus en plus dépendant des importations de fruits et légumes, viande ovine, oléagineux et protéagineux.

Voilà des années que le MODEF dénonce ces orientations et appelle à un changement radical de politique pour une agriculture rémunératrice, solidaire, durable et responsable, une agriculture efficace d'un point de vue social, économique et environnemental. Il voyait dans la réforme de la PAC pour 2014-2020 et dans la loi d'avenir une opportunité pour ce changement.

La réforme de la PAC adoptée en juin apporte des éléments de changement avec une redistribution plus juste des aides et la prise en compte d'une certaine diversité des agricultures et de l'environnement. Malheureusement, cette future PAC reste ancrée dans le libre marché et la libre concurrence, en supprimant tous les outils de maîtrise des prix et des volumes.

L'exemple de la production laitière manifeste en grandeur nature les effets d'une politique de libéralisation des prix et des volumes. En conjuguant la suppression des quotas laitiers et l'interdiction de négociation des prix au niveau des interprofessions, la PAC a provoqué la chute des prix et précipité les exploitations laitières dans des difficultés financières quasiment insurmontables.

La contractualisation initiée par la loi de modernisation agricole, malgré l'intervention du médiateur, n'a eu aucun effet significatif pour redresser la situation : le prix du lait sur l'année reste inférieur aux coûts de production. C'est dans ce contexte que le projet de loi d'avenir a été élaboré.

Le MODEF espérait une grande loi, mais celle-ci se trouve limitée dans ses ambitions, car elle ne peut pas contrevenir aux règles du libre marché et de la libre concurrence. Néanmoins, des avancées ont été obtenues et des possibilités d'aller plus loin existent. Nous comptons sur l'intervention des parlementaires pour améliorer significativement ce projet de loi.

L'exposé des motifs de ce dernier fournit des éléments nouveaux sur le constat, analyse les échecs et les réussites et ouvre la porte à des changements.

Le MODEF note avec satisfaction que le Gouvernement prend conscience que l'agrandissement permanent des exploitations depuis quarante ans a conduit à une impasse. Il considère que la politique en faveur de l'agriculture doit aller de la fourche à la fourchette et affirme que la durabilité de l'agriculture passe par la recherche de la double performance économique et environnementale. Il précise que le renouvellement des générations est une nécessité vitale et que les changements ne pourraient s'opérer sans un dialogue social rénové.

À l'article 1er du texte, le MODEF souscrit aux objectifs assignés à la politique agricole en matière de renouvellement des générations, de développement des territoires et de réorientation des agricultures vers la double performance économique et environnementale. Mais nous notons en même temps qu'est considérée comme l'une des finalités des politiques agricoles le renforcement de la compétitivité en vue de soutenir le revenu et l'emploi des agriculteurs et des salariés. Or, cette compétitivité à tout prix, qui se résume à produire moins cher que son voisin de l'autre bout du monde, est forcément destructrice d'emplois, de revenu et de salaire. N'est-ce pas ce qui se passe aujourd'hui en Bretagne ?

Le MODEF – et c'est là une question non pas de sémantique, mais d'orientation – demande que la recherche de compétitivité ou de performance soit remplacée par la recherche d'efficacité économique, sociale et environnementale.

Pour ce qui concerne les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), les valeurs que porte le MODEF lui ont toujours fait privilégier l'approche et la vision collectives de l'agriculture, qui ne sauraient se confondre avec la somme des intérêts individuels des agriculteurs, et lui ont fait approuver dès le début cet outil, porté par le ministre. Le GIEE va permettre de raisonner à l'échelle d'un petit territoire pour construire un projet collectif, en vue d'une plus grande efficacité économique et environnementale des exploitants membres.

Le MODEF souhaiterait d'ailleurs qu'à cette double performance soit adjointe l'efficacité sociale. Pourquoi ne pas parler de « groupements d'intérêt économique, social et environnemental », ce qui permettrait de prendre en compte l'impact social dans la construction de projets territoriaux ?

Ces approches nouvelles sont intéressantes, car il s'agit non plus d'adapter des exploitations à des contraintes individuelles, mais de construire une nouvelle agriculture ayant un impact positif sur les revenus, les salaires, l'emploi et l'environnement sur un territoire donné.

Le MODEF souhaitait que les collectivités territoriales puissent être membres de ces groupements afin de pouvoir apporter leur expertise pour s'associer au débat et porter collectivement ses projets. L'article L. 311-4 du code rural et de la pêche maritime que le projet de loi vise à créer le permettrait, mais le MODEF demande à la Commission des affaires économiques de s'en assurer.

Pour s'emparer de cet outil qu'est le GIEE, les agriculteurs auront besoin d'aide, d'animateurs et d'animatrices de terrain. Selon le projet de loi, ces moyens humains viendraient des organismes de développement agricole comme les chambres d'agriculture, financés par le compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR). Mais pour que ce service soit efficace, il ne faut pas que les agriculteurs aient à le payer. Comment garantir une mise à disposition gratuite au nom d'une mission de service public ?

L'article 4 est relatif au bail environnemental. Le MODEF défend cette mesure, qui permet de renforcer les règles existantes en matière de maintien de certaines infrastructures d'intérêt environnemental.

Dans l'article 5, la transparence accordée aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) constitue une avancée qui vient conforter l'intérêt pour cette forme sociétaire précédemment ouverte aux couples.

Le Gouvernement s'est engagé à faciliter le passage du statut d'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) à celui de GAEC. En effet, avant la loi qui a permis la création de GAEC entre époux, la seule forme sociétaire d'exploitation était l'EARL. Aujourd'hui, la transparence modifie la donne et devrait inciter les EARL à devenir des GAEC.

L'article 6 est relatif à la coopération agricole. À l'occasion de l'affaire Spanghero, le MODEF avait interpellé le ministre en insistant sur la nécessité d'engager un grand débat sur la coopération, sa gouvernance, le respect de ses principes et de ses valeurs, les filiales privées des coopératives et la concentration excessive qui éloigne les coopérateurs. Or, il n'y a pas eu de débat, si ce n'est pour la préparation de la loi d'avenir.

Cet article 6 opère cependant quelques avancées, avec l'obligation pour l'organe de direction de mettre à disposition des associés coopérateurs un document qui récapitule son engagement, notamment les quantités et la qualité des produits à livrer, ainsi que les modalités de calcul des prix. L'organe chargé de l'administration doit déterminer le calcul des prix à partir des indicateurs publics et des critères de fluctuation. Ces critères pourront, ou non, donner lieu à révision de prix et seront soumis à l'Assemblée générale. Lorsqu'une coopérative admet des tiers non coopérateurs bénéficiant de ses services dans la limite de 20 % du chiffre d'affaires, elle doit se soumettre à un contrôle de conformité tous les cinq ans. Les administrateurs exerçant un premier mandat doivent bénéficier d'une formation.

Si ces dispositions constituent des avancées, elles ne sont pas suffisantes et d'autres mesures doivent être prises pour limiter le cumul des mandats, le nombre de filiales privées et les fusions qui contreviennent aux principes de la territorialité, ainsi que pour transformer les filiales privées en coopératives et pour assurer dans la formation agricole initiale et continue un enseignement sur la gestion spécifique des coopératives et sur les principes et valeurs qui les fondent.

Pour ce qui concerne l'article 7, le MODEF avait annoncé dès le début que la contractualisation n'était qu'un mirage qui servait la cause des transformateurs et des distributeurs. Les difficultés que viennent de connaître les producteurs de lait viennent conforter cette analyse.

Il faut s'attaquer au vrai problème, qui est le pouvoir donné à la grande distribution par la loi de modernisation de l'économie, que nous avions appelée « loi Leclerc ». Les quelques modifications apportées récemment ne changent pas grand-chose à ce pouvoir excessif des grandes et moyennes surfaces.

Les revendications portées par notre organisation dans ce domaine sont un encadrement des marges de la grande distribution par la mise en place d'un coefficient multiplicateur et l'interdiction de la vente à perte à la production par la fixation d'un prix minimum couvrant les coûts de production, calculé par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ce prix minimum devrait être inscrit dans les contrats de vente.

En matière de foncier agricole, un travail important a été accompli. Sans entrer dans le détail, je soulignerai qu'il faut veiller à ce que les commissions départementales d'orientation de l'agriculture (CDOA) aient toute leur place dans les départements au niveau des plans locaux d'urbanisme. La question se pose de savoir quelle dimension il conviendra de leur donner – l'échelle communale ou celle des communautés de communes ou d'agglomération ?

Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) devront évoluer vers le statut d'établissement public à l'échéance de 2016. Cela permettrait de rendre leur financement moins dépendant des prix des terres. Il faudra veiller à ce que, dans le choix des attributaires des biens acquis, la SAFER respecte l'ordre du schéma directeur des structures et que priorité soit donnée aux jeunes en phase d'installation.

Quant à l'article 14, relatif à l'installation et à la transmission, on constate malheureusement que de moins en moins de jeunes s'installent, faute de pouvoir dégager un revenu permettant de faire vivre une famille. Le revenu est en effet le premier frein à l'installation. Les mesures proposées comportent néanmoins des avancées, comme l'installation progressive, la garantie d'une couverture sociale et l'ouverture de l'agriculture aux contrats de génération.

D'autres mesures devraient être prises et, même si elles sont d'ordre réglementaire, il nous semble important de vous en faire part.

Partant du constat que 40 % des installations ont lieu hors du cadre de la dotation jeunes agriculteurs (DJA), nous proposons une DJA de base égale à 50 % du montant actuel, dont bénéficieraient tous les nouveaux installés, et une DJA majorée qui viendrait compléter le dispositif pour les nouveaux installés respectant les critères définis aujourd'hui.

Compte tenu par ailleurs du fait que le revenu est un frein à l'installation, le MODEF propose que l'État garantisse un revenu équivalent au SMIC sur les cinq premières années, avec une aide compensant l'écart entre le revenu annuel disponible et le SMIC.

Pour financer l'installation, le MODEF propose qu'un prêt à 0 % et plafonné soit accordé, suivant des critères à définir.

Il nous faut également réfléchir aux projets d'installation qui pourraient être portés par les GIEE – auxquels il conviendrait, je le rappelle, que les collectivités territoriales soient associées.

La première rédaction de l'article 17, relatif à la politique de l'alimentation, nous semblait intéressante et ouvrait des perspectives nouvelles en matière de restauration collective, notamment scolaire et universitaire ou dans les établissements de santé. Malheureusement, cet article a été quasiment supprimé et ses grandes lignes ont été incorporées à l'article 1er.

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Votre exposé était très exhaustif, dépassant même le cadre du projet de loi d'avenir pour l'agriculture pour évoquer la loi sur l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), actuellement en débat.

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J'ai auditionné le MODEF il y a quelques jours et je connais ses positions, ainsi que l'appréciation qu'il porte sur le texte que nous examinons, appréciation que l'on pourrait qualifier de « globalement positive ».

Vous avez souligné à juste titre qu'il est impossible d'installer de jeunes agriculteurs sans leur assurer un revenu décent leur permettant de faire vivre leur exploitation. Le fait qu'un si grand nombre d'exploitations aient disparu et n'aient pas été reprises tient en effet à un problème économique et à un problème de revenu. C'est là tout l'objet de la loi que de concilier la recherche de la performance économique avec celle de la performance environnementale. À cet égard, il faut notamment limiter les frais liés aux intrants en passant à un modèle plus économe et en assurant aux exploitations agricoles une plus grande autonomie.

Quelle serait, selon vous, la mesure la plus utile pour favoriser l'installation ?

Par ailleurs, j'ai entendu dire récemment qu'on pouvait défricher dans les Landes et reboiser dans les Vosges ! Quel est votre point de vue sur les compensations liées au défrichement des forêts et au déboisement ?

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Monsieur Mouzat, je vous remercie pour cette présentation et pour les idées que vous affirmez avec beaucoup de franchise.

Quelle est, tout d'abord, votre vision du bail environnemental ?

Quelle est, ensuite, votre appréciation des questions liées à la formation et à l'enseignement ?

Pouvez-vous, enfin, préciser votre position sur la politique de l'alimentation ?

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Comme Mme Massat, je souhaiterais connaître votre avis sur le bail environnemental.

Présidence de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la Commission.

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Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux, MODEF

L'installation est la clé du devenir de l'agriculture dans la prochaine décennie, au cours de laquelle nous assisterons à un bouleversement du monde agricole. Au rythme actuel des installations, en particulier dans les zones défavorisées, la désertification des territoires va se poursuivre, ce qui est insupportable d'un point de vue tant économique que social et environnemental. Nous avons tout à perdre à ce que l'agriculture disparaisse de ces territoires.

Il faut sécuriser le revenu des agriculteurs au moyen d'une politique des prix. Sans perspectives d'avenir, les agriculteurs ne pourront pas résister.

Un autre aspect est celui du foncier. Les maires ruraux, que je connais bien, sont sollicités par des jeunes gens de plus en plus formés et pleins de bonne volonté qui ont décidé d'embrasser une carrière d'agriculteur, mais auxquels manque le foncier. Or, les élus n'ont aucun pouvoir. Il arrive que des exploitations qui permettraient d'installer un ou deux agriculteurs soient absorbées par un agrandissement intempestif qui n'améliorera même pas la qualité de vie de l'agriculteur preneur, pour qui il représentera surtout une surcharge de travail : c'est un cercle vicieux. Il faudrait donc donner aux élus des moyens d'agir sur le foncier. Cette démarche peut faire débat, car on pourrait objecter qu'elle porterait atteinte au droit de propriété, mais sans doute peut-on trouver les leviers permettant à chacun de trouver son compte.

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Alain Gaignerot, directeur du MODEF

Vérification faite, le bail environnemental – que nous avons défendu et continuons certes à défendre – existe déjà dans la législation, où il a été inscrit par la loi de 2006.

Nous avions défendu cette disposition en pensant aux producteurs de l'agriculture biologique, qui subissent un manque à gagner pendant les cinq années où ils doivent réaliser des investissements importants sans pouvoir bénéficier de la certification « agriculture biologique ». Ces agriculteurs reçoivent une aide importante de l'État durant cette période et il nous semblait ridicule que, dix ou vingt ans plus tard, lorsqu'ils cessaient leur activité et que les exploitations revenaient sur le marché du fermage, leurs successeurs puissent faire fi de la qualité de ces terrains et de l'argent public investi. Notre raisonnement était le même pour les « éléments d'intérêt écologique », qui du reste existent aussi dans la loi.

Le dispositif proposé n'apporte donc pas grand-chose de nouveau. Ainsi, il est déjà interdit, sous peine de devoir rembourser les aides accordées, de détruire des haies ayant donné lieu à une subvention de l'État. Peut-être le texte permettra-t-il de dissuader, par exemple, un agriculteur qui voudrait détruire une colline – le cas se présente dans le Lot-et-Garonne.

Pour ce qui concerne la politique de l'alimentation, nous regrettons la première version du projet de loi d'avenir, élaborée au mois de septembre, qui prévoyait une charte à l'intention de l'ensemble des gestionnaires des cantines d'établissements scolaires ou universitaires et de maisons de santé. Au-delà des aspects liés à l'équilibre des repas et à la qualité des produits, nous pensions inscrire aussi dans ce cadre la proximité ou la relocalisation des productions. Il est regrettable que ce point ait été supprimé du dispositif et ne figure plus qu'à l'article 1er du texte, qui n'a qu'une valeur de déclaration. Nous n'avons pas été informés des raisons de cette modification.

Quant au défrichement, nos amis landais nous ont informés du cas d'un agriculteur qui, possédant des terrains boisés en zone constructible en bordure de mer, a demandé à bénéficier de la compensation et a reboisé des terrains agronomiquement plus riches, faisant ainsi disparaître de la surface agricole. Il serait nécessaire de recadrer la loi dans ce domaine et de veiller à ce que les reboisements ne se fassent pas au détriment des zones de production agricole. Nous avons formulé des propositions en ce sens.

Notre proposition de garantir pendant cinq ans aux jeunes qui s'installent un revenu correspondant au SMIC répond au fait que les agriculteurs aussi connaissent la précarité qui touche tous les jeunes. S'installer est une démarche difficile, qui ne donne aucune garantie de revenu, au moins dans les cinq premières années, et sans certitude quant à la pérennité des aides ou au maintien des prix. Il nous a semblé bon d'assurer à ces agriculteurs un peu de tranquillité. Avec un chiffre de 10 000 installations et compte tenu du fait que le financement nécessaire ne dépasserait guère 30 % du SMIC, il serait budgétairement possible de financer ce dispositif. Reste à savoir si ce projet est politiquement défendable.

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Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux, MODEF

Pour en revenir aux baux environnementaux et aux surfaces d'intérêt écologique, nombreuses dans notre pays, il faut souligner l'importance que revêtent les ressources en eau en un temps où l'on s'inquiète du changement climatique. Les grands réservoirs d'eau sont les zones marécageuses, qui se réduisent de plus en plus sous l'effet du reboisement avec des essences très gourmandes en eau, comme les saulaies, dont le bois a peu de valeur. Afin de maintenir en bon état ces surfaces très difficiles à exploiter, les aides devraient y être doublées.

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Le bail environnemental existe en effet depuis la loi de 2006, mais la loi qui sera prochainement débattue propose d'élargir à tous les baux ce dispositif, qui ne concerne actuellement que des zones définies et déjà protégées, comme les zones vulnérables et les parcs naturels.

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Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux, MODEF

On pourrait, au prix de quelques modifications, s'inspirer des baux rédigés par les anciens notaires, qui précisaient toutes les obligations du preneur, lequel devait exploiter « en bon père de famille », en maintenant par exemple les rigoles en bon état et en taillant les haies.

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La loi fixe déjà la liste des clauses environnementales qui peuvent être demandées dans des zones définies. Il est désormais prévu d'étendre le champ d'application de ce dispositif au-delà de la liste des sites actuellement concernés.

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Alain Gaignerot, directeur du MODEF

Bien qu'il ne concerne pas la loi d'avenir, j'évoquerai rapidement le projet de caisse de garantie contre les calamités agricoles que nous portons depuis dix ans. En effet, le MODEF remet en cause le système existant, qui s'est progressivement ouvert aux assurances privées avec lesquelles les agriculteurs ont été peu nombreux à contractualiser, compte tenu du coût de ces assurances.

Une caisse mutuelle organisée à l'échelle du territoire national – à la différence de ce que fait Groupama à l'échelle régionale – permettrait d'offrir un système d'assurance relevant du domaine public et moins cher que celui proposé par les groupes d'assurance. En élargissant la base de son financement, au-delà des seuls agriculteurs, à l'agroalimentaire et à la grande distribution, et en utilisant les subventions européennes, on pourrait également utiliser ce fonds pour des actions de prévention des calamités agricoles. De fait, d'importants travaux de recherche devront être menés sur les conséquences du réchauffement climatique pour l'ensemble des productions agricoles.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 27 novembre 2013 à 17 heures

Présents. – Mme Brigitte Allain, M. François Brottes, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Daniel Fasquelle, M. Henri Jibrayel, M. Thierry Lazaro, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Luc Bleunven, M. Jean-Louis Bricout