Le programme français d'extension du plateau continental (EXTRAPLAC) permet à la France de revendiquer des zones maritimes supplémentaires au-delà des 200 milles de sa zone économique exclusive (ZEE). Depuis que notre pays a ratifié la Convention de Montego Bay, nous avons en effet la possibilité de revendiquer des milles supplémentaires sur le plateau continental. Pour cela, nous devons pouvoir confirmer qu'il s'agit d'un plateau géologique continu.
La France possède le deuxième domaine maritime mondial – après les États-Unis – et pourra gagner, grâce à l'ensemble des outre-mer, plus d'un million et demi de kilomètres carrés supplémentaires. J'insiste sur ce point car, selon moi, notre pays n'est pas, en revanche, la deuxième puissance maritime du monde. Nos outre-mer regroupent de grandes richesses et permettent à la France de conforter sa position. Nous devons faire en sorte que toutes ces richesses soient identifiées, valorisées et protégées.
La question de l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon est complexe car le Canada, pays voisin, revendique la même zone. Ce pays a su s'imposer en matière de politique maritime et a pris de l'avance sur ce dossier.
En 1992, la France a demandé un arbitrage international pour la définition de sa ZEE, le Canada ne cédant pas, mais elle ne s'est pas donné les moyens juridiques d'argumenter son dossier, si bien qu'elle a perdu cet arbitrage et s'est retrouvée avec une zone minime. Aujourd'hui, le Canada rejette la revendication de la France pour Saint-Pierre-et-Miquelon, estimant l'archipel totalement enclavé – ce qu'il n'était pas en 1992. En effet, en 1996, le Canada a changé sa ligne de base – le point à partir duquel sont déterminés les milles supplémentaires –, ce qui a entraîné l'enclavement de l'archipel. Si la France n'a pas approuvé cette décision unilatérale, elle ne l'a pas contestée non plus. Il y a donc là un combat juridique à mener en matière de droit maritime. Le Canada va très certainement déposer, d'ici à deux semaines, un dossier unique revendiquant la zone de Saint-Pierre-et-Miquelon, tout le Grand nord et une zone à l'Est.
Dans un arbitrage rendu au mois de juillet, le Président de la République a annoncé la ferme intention de la France – et c'est une première dont nous devons nous féliciter – de revendiquer cette zone. Les services du ministère des Affaires étrangères sont très opposés au dépôt de ce dossier qui fâche le Canada au regard des enjeux économiques. Pour autant, le ministre des Affaires étrangères a adressé très récemment un courrier à M. Paul Giacobbi, président du groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord et Clipperton, le rassurant sur la défense de ce dossier. Il est important pour nous de suivre les travaux des techniciens d'IFREMER, dont le dossier s'appuiera sur des analyses, réalisées en 2011, des fonds marins au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le fait pour la France de ne pas avoir contesté la décision unilatérale de 1996 peut être un inconvénient si un arbitrage doit être demandé. La France va déposer un dossier à la commission des limites du plateau continental de l'ONU revendiquant une zone correspondant à celle revendiquée par le Canada. La commission de l'ONU, constatant l'existence de droits des deux pays côtiers, ne statuera pas et estimera que les dossiers devront être classés définitivement. La France et le Canada pourront alors, soit se mettre d'accord et déposer un dossier unique, soit demander un arbitrage international.
Pour ma part, je plaide pour une négociation avec le Canada sur un dossier commun et pour l'invention d'une cogestion. La totalité de la zone revendiquée pourrait être cogérée par les deux pays côtiers et les ressources être attribuées aux pays en fonction de leur superficie dans la zone. Ainsi, la France pourrait voir cette zone préservée et aurait l'assurance que des extensions sont possibles à l'avenir. En effet, nous ne savons pas comment seront gérées à l'avenir ces étendues maritimes par les organismes internationaux ; le droit maritime va incontestablement évoluer. Or, la mer est l'avenir de la Terre. Au regard de cet enjeu économique et environnemental majeur, la France doit faire en sorte d'être présente partout demain, et également de se positionner comme leader en matière d'évolution du droit maritime. Nous le savons, des zones de non-droit existent aujourd'hui, les mers ne sont pas gérées correctement, la piraterie est une menace, la question des hydrocarbures est de plus en plus prégnante, les techniques permettront d'aller plus profondément chercher les ressources maritimes, etc.
En 2009, la mobilisation de l'ensemble des députés – de droite comme de gauche – sur cette question avait conduit le Gouvernement, M. Nicolas Sarkozy étant Président de la République, à déposer une lettre d'intention. Aujourd'hui, le groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord et Clipperton et la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale peuvent maintenir la pression sur ce dossier afin de le rendre prioritaire.
Aujourd'hui, la France exprime sa volonté de mettre en place une politique maritime. Elle peut devenir une vraie puissance maritime, à condition de s'en donner les moyens en termes de structures, d'équipements, de relais dans les outre-mer. L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est concerné par l'ouverture de la route maritime du Grand Nord. De la même manière, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la route maritime du Pacifique, la plus fréquentée à l'avenir. J'espère que ces questions seront abordées lors du prochain Comité interministériel de la mer (CIMER), au mois de décembre. Je souhaite également que l'ensemble des inventaires maritimes soit abordé.
En conclusion, je dirai que la France doit prendre un tournant aussi fort que celui engagé par le Général de Gaulle avec le nucléaire. Au-delà du grand défi maritime, notre pays doit se donner les moyens de devenir la deuxième puissance maritime. Soyons très agressifs sur ces questions, car d'autres ont tendance à ne pas respecter nos étendues maritimes.