Délégation aux outre-mer

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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– Communication de Mme Annick Girardin, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, sur la question du plateau marin continental

La séance commence à dix-sept heures

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Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle aujourd'hui la désignation d'un rapporteur pour le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (n° 1548).

Conformément à l'usage, j'ai sollicité, par une lettre en date du 12 novembre 2013, M. François Brottes, président de la commission des Affaires économiques, commission saisie au fond, pour lui demander que la Délégation puisse étudier ce texte. Il m'a en effet semblé indispensable que notre Délégation puisse porter les préoccupations de nos territoires sur ce sujet essentiel, sachant que Mme Chantal Berthelot et M. Hervé Gaymard viennent de rédiger un rapport intitulé « Les agricultures des Outre-mer : des réformes ambitieuses pour un secteur d'avenir » – un travail qui servira de base à toutes nos réflexions.

Notre saisine portera sur les articles 3 (groupement d'intérêt économique et environnemental), 13 (SAFER), 14 (installation des jeunes agriculteurs), ainsi que sur le volet ultramarin du projet de loi (articles 34, 35, 36 et 37).

Je suis saisi de la candidature de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Je donne à présent la parole à Mme Annick Girardin qui va nous parler du plateau marin continental et de la revendication de Saint-Pierre-et-Miquelon en ce domaine.

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Le programme français d'extension du plateau continental (EXTRAPLAC) permet à la France de revendiquer des zones maritimes supplémentaires au-delà des 200 milles de sa zone économique exclusive (ZEE). Depuis que notre pays a ratifié la Convention de Montego Bay, nous avons en effet la possibilité de revendiquer des milles supplémentaires sur le plateau continental. Pour cela, nous devons pouvoir confirmer qu'il s'agit d'un plateau géologique continu.

La France possède le deuxième domaine maritime mondial – après les États-Unis – et pourra gagner, grâce à l'ensemble des outre-mer, plus d'un million et demi de kilomètres carrés supplémentaires. J'insiste sur ce point car, selon moi, notre pays n'est pas, en revanche, la deuxième puissance maritime du monde. Nos outre-mer regroupent de grandes richesses et permettent à la France de conforter sa position. Nous devons faire en sorte que toutes ces richesses soient identifiées, valorisées et protégées.

La question de l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon est complexe car le Canada, pays voisin, revendique la même zone. Ce pays a su s'imposer en matière de politique maritime et a pris de l'avance sur ce dossier.

En 1992, la France a demandé un arbitrage international pour la définition de sa ZEE, le Canada ne cédant pas, mais elle ne s'est pas donné les moyens juridiques d'argumenter son dossier, si bien qu'elle a perdu cet arbitrage et s'est retrouvée avec une zone minime. Aujourd'hui, le Canada rejette la revendication de la France pour Saint-Pierre-et-Miquelon, estimant l'archipel totalement enclavé – ce qu'il n'était pas en 1992. En effet, en 1996, le Canada a changé sa ligne de base – le point à partir duquel sont déterminés les milles supplémentaires –, ce qui a entraîné l'enclavement de l'archipel. Si la France n'a pas approuvé cette décision unilatérale, elle ne l'a pas contestée non plus. Il y a donc là un combat juridique à mener en matière de droit maritime. Le Canada va très certainement déposer, d'ici à deux semaines, un dossier unique revendiquant la zone de Saint-Pierre-et-Miquelon, tout le Grand nord et une zone à l'Est.

Dans un arbitrage rendu au mois de juillet, le Président de la République a annoncé la ferme intention de la France – et c'est une première dont nous devons nous féliciter – de revendiquer cette zone. Les services du ministère des Affaires étrangères sont très opposés au dépôt de ce dossier qui fâche le Canada au regard des enjeux économiques. Pour autant, le ministre des Affaires étrangères a adressé très récemment un courrier à M. Paul Giacobbi, président du groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord et Clipperton, le rassurant sur la défense de ce dossier. Il est important pour nous de suivre les travaux des techniciens d'IFREMER, dont le dossier s'appuiera sur des analyses, réalisées en 2011, des fonds marins au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le fait pour la France de ne pas avoir contesté la décision unilatérale de 1996 peut être un inconvénient si un arbitrage doit être demandé. La France va déposer un dossier à la commission des limites du plateau continental de l'ONU revendiquant une zone correspondant à celle revendiquée par le Canada. La commission de l'ONU, constatant l'existence de droits des deux pays côtiers, ne statuera pas et estimera que les dossiers devront être classés définitivement. La France et le Canada pourront alors, soit se mettre d'accord et déposer un dossier unique, soit demander un arbitrage international.

Pour ma part, je plaide pour une négociation avec le Canada sur un dossier commun et pour l'invention d'une cogestion. La totalité de la zone revendiquée pourrait être cogérée par les deux pays côtiers et les ressources être attribuées aux pays en fonction de leur superficie dans la zone. Ainsi, la France pourrait voir cette zone préservée et aurait l'assurance que des extensions sont possibles à l'avenir. En effet, nous ne savons pas comment seront gérées à l'avenir ces étendues maritimes par les organismes internationaux ; le droit maritime va incontestablement évoluer. Or, la mer est l'avenir de la Terre. Au regard de cet enjeu économique et environnemental majeur, la France doit faire en sorte d'être présente partout demain, et également de se positionner comme leader en matière d'évolution du droit maritime. Nous le savons, des zones de non-droit existent aujourd'hui, les mers ne sont pas gérées correctement, la piraterie est une menace, la question des hydrocarbures est de plus en plus prégnante, les techniques permettront d'aller plus profondément chercher les ressources maritimes, etc.

En 2009, la mobilisation de l'ensemble des députés – de droite comme de gauche – sur cette question avait conduit le Gouvernement, M. Nicolas Sarkozy étant Président de la République, à déposer une lettre d'intention. Aujourd'hui, le groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord et Clipperton et la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale peuvent maintenir la pression sur ce dossier afin de le rendre prioritaire.

Aujourd'hui, la France exprime sa volonté de mettre en place une politique maritime. Elle peut devenir une vraie puissance maritime, à condition de s'en donner les moyens en termes de structures, d'équipements, de relais dans les outre-mer. L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est concerné par l'ouverture de la route maritime du Grand Nord. De la même manière, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la route maritime du Pacifique, la plus fréquentée à l'avenir. J'espère que ces questions seront abordées lors du prochain Comité interministériel de la mer (CIMER), au mois de décembre. Je souhaite également que l'ensemble des inventaires maritimes soit abordé.

En conclusion, je dirai que la France doit prendre un tournant aussi fort que celui engagé par le Général de Gaulle avec le nucléaire. Au-delà du grand défi maritime, notre pays doit se donner les moyens de devenir la deuxième puissance maritime. Soyons très agressifs sur ces questions, car d'autres ont tendance à ne pas respecter nos étendues maritimes.

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Merci, Madame la députée, pour ce plaidoyer. Ce sujet est peu abordé à l'Assemblée nationale et par les médias. Vous avez souligné, comme j'ai cru le comprendre, l'absence de volonté politique de faire de la France une vraie puissance maritime.

La Délégation aux outre-mer doit donc se saisir de cette question dont les enjeux, économiques en particulier, sont considérables. Je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour soutenir cette revendication, non seulement dans l'intérêt de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi dans celui de l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer, et, plus généralement, dans l'intérêt de la France.

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Madame la députée, le document que vous nous avez distribué indique que « Saint-Pierre-et-Miquelon est le territoire ultramarin le plus proche de la Métropole ». Pouvez-vous nous apporter une petite explication sur ce point ? En outre, les 200 milles canadiens à partir de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Ecosse incluent la ZEE française délimitée en 1992 et la zone que vous revendiquez, c'est bien cela ?

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Saint-Pierre-et-Miquelon est le territoire ultramarin le plus proche de la Métropole en distance (4 700 kilomètres).

En 1992, dans le cadre de la décision arbitrale de New York, les Canadiens ont déclaré que leur ligne de base serait la Nouvelle-Ecosse et non l'Île de Sable. Par conséquent, la ligne des 200 milles canadiens s'arrêtait au bout de notre zone qui débouchait alors sur la zone maritime internationale puisque leur ZEE ne nous enclavait pas. Il faut dire que la France n'a pas été très vigilante dans cette affaire ; elle aurait pu demander la révocation de certains juges, dont la majorité était américains et canadiens. Mais en 1996, les Canadiens ont fait ce qu'ils avaient déjà pensé faire en 1992, c'est-à-dire qu'ils ont pris l'Île de Sable comme nouveau point de base – l'embouchure du Saint-Laurent est la zone la plus riche en gaz naturel. En 1992, la France se préoccupait essentiellement du dossier sur la pêche à la morue à Saint-Pierre-et-Miquelon – personne n'avait pensé aux hydrocarbures ! Aujourd'hui, la limite des 200 milles canadiens enclave totalement l'archipel et les Canadiens rejettent notre revendication de l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je pense que la France n'a pas à tenir compte de la décision unilatérale canadienne de 1996, qu'elle n'a pas contestée, mais qu'elle n'a pas approuvée non plus. Elle peut plaider devant une juridiction maritime une collusion d'intérêt, en 1992, entre les juges du tribunal de New York et les Canadiens. Deux points peuvent également plaider en sa faveur. D'abord, la législation sur la bande d'eau et celle sur les fonds marins ne sont pas identiques ; or, le plateau continental concerne les espèces au fond et le sous-sol et donc les richesses en hydrocarbure. Un certain nombre d'avocats en conviennent, y compris du côté canadien. Ensuite, sur le plan interne, Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse contestent eux-mêmes l'Île de Sable comme ligne de base au regard du partage des retombées économiques liées aux hydrocarbures, sachant que les provinces canadiennes bénéficient d'une autonomie fiscale.

Pour lire tous les jours la presse canadienne, je connais très bien le dossier, un dossier que le ministère des Affaires étrangères a longtemps négligé.

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Depuis 2009, personne n'est intervenu sur ce dossier.

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Comme vous l'indiquez, un certain nombre de juristes donnent raison à la France. La Délégation aux outre-mer doit appuyer cette revendication au regard des enjeux économiques non seulement pour Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi pour la France ! Nous avons un ministre des Affaires étrangères ! Il est incroyable que rien ne se passe !

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En réalité, il y a d'autres enjeux économiques !

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Je tiens à féliciter Mme Girardin pour la clarté de son exposé et la passion dont elle fait preuve sur ce dossier.

Monsieur le président, ne pensez-vous pas utile de créer, au sein de notre Délégation, une « sous-mission » qui serait chargée de mener un audit sur cette question, dont les enjeux sont extrêmement importants pour notre pays au regard de la richesse des ressources maritimes ?

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L'idée est bonne, mais nous sommes une toute petite délégation, avec des moyens très limités. Monsieur Chalus, cette question concerne effectivement l'ensemble des Français. Je pense qu'Annick Girardin peut porter plus spécifiquement cette question dans le cadre de notre Délégation.

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L'Assemblée nationale, et pas seulement la Délégation aux outre-mer, doit se saisir de cette question car elle revêt un intérêt national.

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Les Canadiens ont jusqu'au 6 décembre pour déposer leur dossier. La France doit déposer le sien en moins de trois mois. Le Secrétariat général à la mer, chargé du dossier EXTRAPLAC, défendra notre dossier devant une commission onusienne qui, après délibération, pourra soit demander des précisions, soit renvoyer les parties vers d'autres instances ou les condamner à se mettre d'accord.

Je pense que nous devons, dans les trois mois à venir, maintenir la pression auprès du Gouvernement. Une commission supplémentaire ne me semble pas nécessaire pour l'instant. Je propose que le président de la Délégation aux outre-mer, à l'instar du président du groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord et Clipperton, envoie un courrier au Premier ministre ou au ministre des Affaires étrangères pour signaler que la Délégation est très attentive à ce dossier. Je vous propose aussi de vous associer à une audition, que je souhaite organiser, du Secrétariat général de la mer, dès que la France aura décidé de sa stratégie. Nos groupes politiques peuvent également se mobiliser, en particulier en posant des questions écrites au Gouvernement.

N'oublions jamais que la France ne deviendra une puissance maritime que grâce à ses outre-mer.

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Je pense que ce dossier doit être porté par l'Assemblée nationale. Pourquoi notre Délégation ne déposerait-elle pas une proposition de résolution ?

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Le Gouvernement français a-t-il réellement la volonté de défendre l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ? Peut-être y a-t-il des choses que l'on ne sait pas… De grands États peuvent passer des accords économiques…

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Il y a urgence ! La Délégation aux outre-mer devrait effectivement écrire une lettre, ainsi que les groupes politiques. S'il faut faire une pétition, les parlementaires ultramarins sont prêts à la signer !

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Il est évident que le ministre des Outre-mer est à nos côtés sur cette question. La difficulté est que le ministère des Affaires étrangères veut éviter un différend avec le Canada – l'accord Union européenneCanada va ouvrir les marchés publics canadiens.

Je pense que chaque pays doit défendre ses droits. Le problème est effectivement lié aux marchés publics, sans doute dans le domaine des matériels de défense. Mais je crois honnêtement que notre pays peut devenir leader mondial et jouer un vrai rôle en matière de droit maritime. Il en va de l'avenir économique de la France.

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Entendons-nous défendre les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon ou ouvrir les yeux de la France sur la défense de ses propres intérêts ?

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Il serait grave que la France ne prenne pas conscience de ses intérêts. Tout cela est l'illustration de ce que j'appelle « l'amère patrie »…

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Nous ne sommes pas naïfs au point de penser que les choses seront faciles. Il y a dans ce dossier des enjeux politiques que nous ne maîtrisons pas – nous ne pouvons pas penser qu'il s'agit simplement de lenteurs administratives. Mais nous devons nous battre.

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La problématique exposée par notre collègue, Mme Annick Girardin, me fait penser à l'orpaillage clandestin qui sévit en Guyane, au sujet duquel nous nous sommes demandé si des accords commerciaux n'avaient pas été passés entre la France et le Brésil, empêchant de lutter efficacement contre ce fléau. Il va bien falloir qu'on nous explique un jour les raisons pour lesquelles ce problème n'est toujours pas réglé.

Lors de la conférence environnementale, à laquelle j'ai participé, il a été dit, à plusieurs reprises, que c'est grâce aux outre-mer que la France peut se targuer d'être la deuxième puissance maritime mondiale. Si un grand nombre de propositions ont été formulées à cette occasion, les collectivités d'outre-mer n'ont pratiquement pas été évoquées au moment de la synthèse. Je pense qu'un important travail de sensibilisation doit être mené auprès des parlementaires, afin d'établir un rapport de force intelligent permettant de faire entendre cette revendication.

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Merci de vous impliquer sur cette question. Une proposition de résolution aurait le mérite de permettre aux parlementaires de mettre en avant l'importance de la politique maritime française, et au Gouvernement de fournir une réponse claire sur l'avenir de notre pays.

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Merci, Madame la députée, vous pouvez compter sur nous.

Informations relatives à la Délégation

La Délégation a désigné Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure sur les articles 3 et 13 et sur le titre VI du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (n° 1548).

La séance est levée à dix-huit heures dix.