Je donnerai d’abord des éléments concernant la dépense. La dépense est tenue. Ce projet de loi de finances rectificative permet de documenter et de confirmer que la norme de dépense de l’État est strictement respectée. Les bons résultats en matière de réduction des déficits publics ont été permis par une stricte maîtrise des dépenses publiques. Pierre Moscovici et moi-même vous l’avions déjà indiqué au moment de la présentation du projet de loi de finances initiale pour 2014. L’objet de ce PLFR est bien d’opérer les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au respect du total de dépenses autorisé par le Parlement. Je m’empresse de dire, pour tranquilliser chacun, que les ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées au sein de l’enveloppe « zéro valeur » par des annulations équivalentes portant, à hauteur de 90 %, sur des crédits dont vous avez pu constater qu’ils ont été mis en réserve.
Nous réalisons en effet 3,2 milliards d’euros d’annulations de crédits pour couvrir les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons. Je rappellerai, par souci de précision, quelles sont les ouvertures de crédits auxquelles nous procédons : il s’agit, pour 1,1 milliard d’euros, des surcoûts liés au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, et, pour 600 millions d’euros, des surcoûts liés aux opérations militaires extérieures. Il me faut aussi rappeler que 300 millions d’euros de crédits ont été ouverts pour financer nos priorités : l’emploi et la lutte contre la pauvreté, et plus particulièrement le volet consacré à l’hébergement d’urgence. Plusieurs autres dépassements ont été enregistrés, qui représentent 800 millions d’euros. Ils correspondent, pour une moitié, à des dépenses salariales, et pour l’autre moitié, aux aides personnelles au logement, compte tenu d’une conjoncture moins bonne que prévu. Il faut évoquer également l’aide médicale d’État, sur laquelle certains d’entre vous ne manqueront pas de revenir. Elle aussi a augmenté, pour des raisons qui tiennent au fait que le forfait imposé par la précédente majorité aux bénéficiaires de l’AME a conduit un certain nombre de ressortissants de pays étrangers à ne pas en bénéficier assez tôt. Or plus on attend avant de se faire soigner, plus les soins coûtent cher : c’est vrai pour tout le monde, quelles que soient son origine et sa provenance.
Ces annulations conduisent à revoir à la baisse les dépenses des ministères de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Pour faire face à ces dépassements – au surcoût du prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union européenne et aux mesures de lutte contre la grande pauvreté de 2013 –, nous avons pris, dès le début de l’année, un certain nombre de mesures de précaution. Nous avons mis en place un surgel de crédits de 2 milliards d’euros, portant ainsi la réserve initiale hors masse salariale de 6 milliards d’euros à près de 8 milliards d’euros. À la différence des années passées, mais comme l’année dernière à compter du mois de mai, aucun dégel de crédits n’a été autorisé durant l’année avant que nous ayons stabilisé notre fin de gestion. Nous voulons ainsi réaliser une gestion exemplaire : seuls les crédits strictement nécessaires et urgents ont été dégelés. Ainsi, au 31 octobre, la réserve s’élevait à 7,4 milliards d’euros, en baisse de 500 millions d’euros uniquement par rapport à la réserve initiale.
La mise en place de cette réserve supplémentaire et l’absence de dégel sur la réserve initiale ont été un signal déterminant pour tous les gestionnaires, afin d’assurer un pilotage exemplaire de leurs crédits, permettant de programmer ab initio leurs dépenses sur la seule enveloppe dont ils étaient certains de disposer, tout en réservant les crédits permettant le financement, au cours de l’exécution budgétaire, des aléas et des priorités. Les aléas et les priorités ont ainsi été financés sur les programmes budgétaires, et, le cas échéant, au-delà. C’est ainsi, mesdames et messieurs les députés, que grâce à une gestion exemplaire, nous pouvons vous présenter un projet de loi de finances rectificative qui respecte rigoureusement la norme de dépense.
Je souligne que les résultats sont aussi au rendez-vous pour ce qui concerne le reste de la dépense que nous pilotons. En effet, au moment du dépôt du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous avions revu à la baisse de 500 millions d’euros l’enveloppe de dépenses d’assurance maladie 2013. Au cours des débats, nous avons durci cet objectif de 150 millions d’euros, parce que nous avons constaté des économies supplémentaires – qui, une fois encore, témoignent de notre capacité à tenir la dépense. Au total, nous aurons réalisé en 2013 près de 700 millions d’euros d’économies par un effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Dans ce domaine, vous vous souvenez que nous avons déjà réalisé, en 2012, près de 1 milliard d’euros d’économies.
Voilà pour ce qui concerne la maîtrise de la dépense publique. Je dirai à présent quelques mots de la réduction continue des déficits. Il y a comme un bruit de fond, comme une rengaine maintes fois reprises : pour certains, lorsque les déficits diminuent moins vite qu’ils ne le souhaitent, c’est comme s’ils augmentaient ! Mais un déficit qui diminue moins vite n’augmente pas pour autant : il continue à diminuer. Pour vous en convaincre, je voudrais vous donner quelques chiffres. Selon les prévisions présentées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, la croissance devrait s’établir à 0,1 % et le déficit public à 4,1 % du PIB en 2013. Le déficit diminuerait ainsi de 0,7 point de PIB par rapport à 2012. J’ajoute que le Haut Conseil des finances publiques, saisi sur le projet de loi de finances rectificative, a de nouveau indiqué que la prévision de croissance retenue pour 2013 était réaliste, et la prévision de déficit public, plausible.
Je tiens à rappeler que, contrairement à ce qui a été dit ici ou là – et plutôt là qu’ici, d’ailleurs –, on n’observe pas une dégradation, mais au contraire une réduction continue des déficits publics depuis que nous sommes aux responsabilités. Je vous donne les chiffres, qui sont incontestables : le déficit public était de 5,3 % du PIB en 2011, de 4,8 % en 2012, et de 4,1 % en 2013. Le projet de loi de finances pour 2014 que nous avons présenté au Parlement fixe un objectif de déficit de 3,6 % du PIB. La réduction de 0,7 point de PIB du déficit nominal en 2013 est le résultat d’un effort structurel très important, que le Haut Conseil des finances publiques a qualifié d’historique. Puisque le manque de dynamisme de l’activité économique a affecté le déficit à hauteur de 1 % du PIB, cet effort structurel représente 1,7 % du PIB.
La prévision de croissance pour 2013 étant très inférieure à notre potentiel de croissance – qui se situe, comme vous le savez, à 1,4 % du PIB –, le solde conjoncturel se dégrade mécaniquement de 0,6 point en 2013 par rapport à 2012. En outre, pour des raisons tenant notamment à l’absence prolongée de croissance dans notre économie, les élasticités sont très inférieures à l’unité. Cela affecte le rendement des recettes publiques à hauteur de 0,4 point de PIB : la dégradation du solde budgétaire liée à la conjoncture s’établit donc à un point de PIB.
Pour être tout à fait complet, j’évoquerai aussi, au-delà du déficit nominal, le déficit structurel. En 2011, le déficit structurel était de 5,1 % du PIB ; il sera en 2013 de 2,6 % et de 1,7 % en 2014. La prévision de solde budgétaire pour 2013 est également maintenue au niveau prévu dans le cadre du PLF pour 2014. Ce solde devrait s’établir, en déficit, à hauteur de 71,9 milliards d’euros, soit une amélioration de plus de 15 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2012, compte tenu de l’important ajustement opéré en 2013.
Face à la dégradation de l’activité économique en Europe, nous avons pris le parti – nous l’assumons – de ne pas présenter de collectif budgétaire anticipé, bien que l’opposition nous y eût fortement incité. Cela aurait eu pour effet d’augmenter la fiscalité, d’accélérer le rythme des efforts. Cet ajustement à marche forcée aurait eu des effets récessifs majeurs.
Permettez-moi de m’arrêter un instant pour apporter des précisions sur nos prévisions de recettes. C’est un sujet important : il ne faut pas l’éluder. J’insiste sur le fait que les recettes fiscales sont globalement stables par rapport aux prévisions qui vous ont été présentées en septembre dernier. J’ai entendu dire qu’entre la présentation à la commission des finances du projet de loi de finances pour 2014 et la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2013, des événements étaient intervenus qui avaient conduit le niveau de nos recettes à se dégrader. Ce n’est pas exact. Il y a effectivement un écart entre les recettes attendues par le projet de loi de finances initiale pour 2013 et les recettes effectivement constatées au terme de l’exercice. Il n’y a cependant pas de décalage entre les chiffres que nous avons présentés dans le cadre du projet de finances pour 2014 et ceux que nous présentons dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013.
Le décalage entre les recettes prévues par le projet de loi de finances initiale pour 2013 et par le projet de loi de finances rectificative est de l’ordre de 11 milliards d’euros. Je précise que je n’ai jamais donné d’autre chiffre que celui-ci. J’ai indiqué, en faisant référence aux élasticités, que les recettes de certains impôts pourraient ne pas être à la hauteur de ce que nous escomptions. Nous avons donné ce chiffre de 11 milliards d’euros à la commission des finances comme un élément de réflexion, dès la présentation du projet de loi de finances pour 2014. Nous l’avons donné par souci de transparence, car nous considérons que la seule réalité qui vaille en matière budgétaire est la réalité des chiffres. Nous devons assumer cette réalité et la présenter de manière rigoureuse, car c’est à partir d’elle que les débats les plus intéressants peuvent se dérouler.
M. le président de la commission des finances nous a alertés à propos de la prévision de recettes pour l’impôt sur le revenu. Cette prévision est en effet revue à la baisse de 3,1 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2013. Je vais vous expliquer très précisément les raisons de cette révision à la baisse, par souci de transparence et de rigueur devant votre assemblée. La baisse de recettes s’explique à hauteur de 1,6 milliard d’euros par des effets conjoncturels : la révision de l’environnement économique 2012 se répercute mécaniquement, car l’impôt sur le revenu – comme vous le savez – est assis sur les revenus de l’année précédente. Nous avons intégré cet élément dans le programme de stabilité.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue l’instauration du prélèvement forfaitaire obligatoire, dont un certain niveau de rendement était attendu. Ce rendement sera bien constaté, mais il ne sera pas concentré sur l’exercice 2013. Une partie sera imputée sur l’exercice 2013, à hauteur de 3,6 milliards d’euros, et à hauteur de 1 milliard d’euros sur l’exercice 2014. Le produit de ce prélèvement forfaitaire obligatoire sera bien perçu, mais le système d’acompte qui régit son paiement conduit à ce décalage. Le rendement de l’impôt lui-même n’est pas en cause : ce décalage s’explique par les modalités de son versement.
Tels sont les éléments que je souhaitais vous donner concernant, d’une part, la maîtrise de la dépense publique, d’autre part, l’évolution de nos déficits, et enfin l’évolution des rentrées fiscales. Je le redis à la représentation nationale : lorsque nous débattons, lorsque nous nous confrontons, il est important de partir d’hypothèses incontestables. Il est important que nous partagions cette approche.
Je n’aborderai qu’un dernier point, pour ne pas être trop long : les 15 milliards d’euros d’économies présentées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Certains ont jugé intéressant de contester ce montant, en s’appuyant sur les commentaires de la Commission européenne. Ce faisant, ils lui ont fait dire des choses qu’elle ne dit pas vraiment ! Certaines déclarations ont été faites, notamment dans un journal du matin. Elles me paraissent très éloignées de la réalité, ce qui justifie que je profite de cette intervention pour vous donner, en séance, des réponses précises sur ce point. D’abord, que dit la Commission européenne sur ces 15 milliards d’euros d’économies ? Elle dit qu’une partie n’est pas encore documentée, ce qui est vrai et ce que nous assumons parfaitement.