Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dérégulation du droit du travail est au coeur de l’actualité. Alors que le débat sur le travail du dimanche, orchestré par les grandes enseignes, bat son plein, nous assistons à un nouvel assaut de la droite contre le droit du travail et la protection des salariés. Nos collègues de l’UMP nous proposent, en effet, aujourd’hui de faciliter l’ouverture nocturne des commerces. Or, le travail de nuit n’est pas anecdotique, c’est même un des principaux facteurs de pénibilité. Il a un impact indéniable sur l’espérance de vie ainsi que sur l’espérance de vie en bonne santé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a précisé qu’il devait être exceptionnel.
Nous assistons donc, en cette période de crise économique, au retour du « travailler plus pour gagner plus », avec ses effets délétères sur le chômage, sur l’organisation du travail des salariés et sur leur vie, tout simplement. L’UMP nous explique que, seuls, les salariés volontaires travailleraient de nuit, qu’il n’est pas question de leur imposer ce choix. Il s’agit là d’un voeu pieux, on le sait ! Dans le secteur du commerce de détail, les salariés sont majoritairement des femmes, peu diplômées et mal payées. Un tiers de ces salariés sont à temps partiel et il ne s’agit pas toujours, loin de là, d’un choix.
Profiter de la précarité de certains salariés pour faire toujours plus de bénéfices sans les redistribuer est injuste. Cela va à l’encontre de la politique respectueuse des êtres humains avant tout que les écologistes prônent. Vous le savez, nous combattons sans relâche toute politique qui viserait à faire passer les intérêts financiers avant l’humain ; car c’est cette attitude qui est à l’origine des dérives financières, économiques et environnementales que nous connaissons aujourd’hui.
Or l’exposé des motifs de ce texte se concentre sur les aspects économiques et mentionne à peine les salariés et l’impact que de telles dispositions pourraient avoir sur leur santé, leur vie privée, leur vie de famille. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, les horaires atypiques, tout particulièrement le travail de nuit, peuvent constituer un facteur de risque pour les travailleurs. L’organisme est, en effet, programmé pour avoir une activité maximale dans la journée et minimale durant la nuit.
Troubles du sommeil et digestifs en premier lieu, mais aussi troubles gynécologiques, cardio-vasculaires, psychologiques, sentiment de stress au travail, risque d’accidents, dégradation du bien-être et de l’insertion sociale : tels sont les principaux troubles de santé associés à court ou long terme au travail de nuit. Les horaires atypiques favorisent l’apparition de certaines pathologies et contribuent à l’usure prématurée des salariés. Des études révèlent que, plusieurs années après, l’état de santé des ouvriers ayant travaillé de nuit ou en 3x8 est dégradé par rapport à ceux qui ont toujours eu des horaires standards.
Notre rôle est de défendre le vivre mieux plutôt que le tout consommation. Si nous ne sommes pas vigilants, la société de consommation continuera d’envahir les quelques moments dédiés à la vie sociale, familiale et aux loisirs qu’il nous reste. Vous nous promettez, monsieur le rapporteur, un miracle économique et des retombées en termes d’emplois. Mais rien ne le prouve. Ouvrir plus longtemps les magasins n’augmentera pas le pouvoir d’achat des Français.
Je m’interroge également sur l’impact de ce type de mesures sur les petits commerces. Ce texte qui vise à autoriser l’ouverture de nuit participe de cette remise en cause des droits des salariés et suscite des interrogations sur la vision que nous avons de la société ? L’exposé des motifs évoque « des situations de blocages symptomatiques d’un mal français qui, au nom de la protection des travailleurs paralyse toute activité commerciale la nuit ». Pourquoi ne pas aller plus loin encore ? Pourquoi ne pas proposer des journées de douze heures ou une ouverture des magasins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, puisque la concurrence avec l’Angleterre a été précédemment évoquée ?
Au nom d’une efficacité économique jamais démontrée, vous proposez, chers collègues de l’opposition, de déstructurer la vie des salariés. Nous savons toutes et tous ici que ce texte a des visées électorales, que les zones à définir se trouvent à Paris et que cette proposition de loi est un outil de campagne.
Je regrette que notre assemblée soit instrumentalisée par certains collègues pour alimenter un débat local. La proposition de loi sur les rythmes scolaires de ce matin en était déjà un triste exemple.
Pour nous, écologistes, il faut impérativement défendre le vivre mieux plutôt que le tout consommation et le tout production. Il en va du sens que nous voulons donner à notre société.
Aussi, pour toutes ces raisons, vous n’en serez pas étonnés, les écologistes s’opposeront à cette proposition de loi.