La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Rudy Salles.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, une fois de plus, notre assemblée s’apprête à discuter de l’un des pans les plus sensibles de notre droit du travail, un droit qui souffre d’une rigidité et d’une immobilité sans équivalent dans les autres économies libérales, un droit en somme qui, au-delà de l’affirmation de principes consensuels et des déclarations de bonnes intentions, fragilise et porte trop souvent atteinte à l’activité économique et aux salariés qui en constituent le ferment.
Permettez-moi, en préambule de cette intervention, d’appeler à une certaine retenue dans les expressions de part et d’autre de cet hémicycle, alors que nous discutons de ce sujet d’une actualité sociale brûlante. En effet, voilà plusieurs mois qu’un débat intense et nourri s’est installé et perdure dans notre pays dont le point focal est le travail en horaires inhabituels, que ce soit le dimanche ou la nuit. Il serait désobligeant d’accuser les membres de l’opposition d’ignorer les préoccupations de santé et de sécurité au travail, que nous partageons tous.
Comment faire évoluer notre législation pour concilier ces impératifs avec le besoin de relance de l’activité ? Telle est la problématique à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. C’est d’ailleurs à cette même problématique, concernant plus précisément la question du travail le dimanche, que Jean-Paul Bailly a remis son rapport il y a trois jours, ce qui nous conduira à évoquer de nouveau cette question dans le courant de l’année 2014. La proposition de loi de nos collègues du groupe UMP, dont Luc Chatel, qui en est le rapporteur, est une réponse à la question de l’ouverture des commerces la nuit, qui a récemment fait l’objet d’une actualité judiciaire.
Sans doute ne sera-t-il pas nécessaire de nous appesantir sur la diversité et la profusion des décisions de justice, des rapports circonstanciés, des interventions publiques passionnées qui ont jalonné le débat sur le travail à des horaires inhabituels. Je me contenterai donc de rappeler l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, le 23 septembre 2013, au terme de la très médiatisée affaire dite « Séphora ». La vente de produits cosmétiques ne constitue peut-être pas, j’en conviens, le premier service d’intérêt social, mais une telle considération ne saurait occulter les circonstances : un magasin prospère, situé dans l’avenue la plus fréquentée de la première destination touristique mondiale, mériterait sans doute un régime particulier.
Quand bien même un arrêt ne suffirait-il pas à lui seul à justifier la nécessité d’une intervention du législateur, celui-ci symbolise la longue série de difficultés survenues en matière de travail la nuit. De ce point de vue, il convient à tout le moins de saluer la réactivité de nos collègues de l’UMP. En effet, force est de constater qu’au regard de la situation économique, sociale et locale, le droit en vigueur n’est pas adapté, notamment dans certaines zones de notre territoire. Les décisions judiciaires en la matière n’ont fait qu’appliquer des dispositions législatives imparfaites, insuffisantes et présentant des failles qu’il nous revient de combler. La proposition qui est aujourd’hui soumise à notre examen répond donc à l’attente d’innombrables entreprises, consommateurs et salariés.
Certains ont affirmé en commission que cette proposition de loi était circonstancielle et ne visait que des buts électoralistes.
Belle façon d’éviter le débat sur le fond ! Quelles que soient les circonstances qui ont présidé à sa conception, quels que soient les motifs prêtés à leurs auteurs, ce texte ouvre un débat qui, à nos yeux, est nécessaire et attendu.
J’en viens maintenant au fond de la proposition de loi, qui me paraît avoir trois justifications.
Sa première justification est économique. En effet, en autorisant l’ouverture des commerces au-delà de vingt et une heures, c’est une véritable libération de l’activité économique, porteuse de croissance, que nous permettrions. Bien des villes de France, par exemple celle de Nice sur la Côte d’Azur, pourraient prospérer, renouveler leurs gisements d’emplois et préserver leur activité grâce à une telle proposition.
J’en veux pour preuve l’ouverture des magasins le dimanche autorisée par le conseil municipal de Nice. De ce fait, 70 % d’étrangers fréquentent les commerces du centre-ville situés dans la zone touristique. Aucun autre commerce ne souffre donc de cette concurrence, puisqu’une activité économique a été ainsi créée.
Dans bien des zones touristiques, une clientèle de passage ne reviendra pas le lendemain si elle trouve porte close. Contrairement à ce que certains membres de la majorité ont pu affirmer lors des débats en commission, ce texte est véritablement justifié par le souci d’assurer la continuité de l’activité économique dans des secteurs où celle-ci pourrait constituer un formidable vecteur de croissance.
Il n’est pas inutile de préciser à ce propos que les décisions rendues par différentes juridictions peuvent avoir des conséquences économiques et sociales dangereuses pour la vente en détail dans bien des zones urbaines. Mon expérience d’élu local me l’a bel et bien montré. Combinée à une tenace rigidité du droit social français, cette jurisprudence portait véritablement des coups durs à l’activité économique de nombreux secteurs, alors que, et nos collègues de la majorité n’ont cessé de le rappeler, la consommation est l’un des moteurs les plus efficaces de l’économie française.
L’opportunité économique réelle de l’ouverture des commerces la nuit n’est ainsi plus à démontrer. La rigidité du code du travail, loin de nous paraître un obstacle insurmontable, nous incite à persévérer davantage dans nos efforts d’assouplissement du droit social. Si nos collègues de la majorité restent sceptiques, nous tâcherons de leur démontrer que cette proposition répond à un besoin des habitants concernés.
La seconde justification de cette proposition de loi est locale, et ce à plus d’un titre. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants se satisfait pleinement du rôle donné aux élus locaux qui constituait une condition essentielle de notre soutien à ce texte. En donnant au maire un pouvoir de proposition sur le périmètre pouvant faire l’objet d’autorisations d’ouverture, le texte garantit que les décisions seront adaptées tant à la nature des commerces concernés qu’aux réels besoins locaux. Nous n’aurions pas accepté que les maires soient mis à l’écart s’agissant d’autorisations commerciales concernant le territoire de leur commune.
Le dispositif législatif présenté par l’UMP nous paraît, en outre, être une réponse proportionnée à la situation actuelle, la proposition de loi comportant un certain nombre de garde-fous. Elle s’inspire ainsi de la loi Mallié de 2009 sur le travail le dimanche, en ne visant que les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente ». Cette limitation nous semble à la fois suffisamment encadrée et légitime au regard de l’animation et de l’affluence qui caractérisent certaines zones, notamment dans les secteurs touristiques.
En troisième et dernier lieu, cette proposition de loi est justifiée par des considérations sociales. Est-il besoin de rappeler qu’un nombre écrasant de salariés de Séphora était en faveur du travail la nuit au nom de leur pouvoir d’achat ? Le texte répond à cette préoccupation en prévoyant une contrepartie significative : une majoration de 30 % du salaire de tous les salariés travaillant la nuit. Une fois de plus, l’opposition démontre qu’elle se soucie avant tout de libérer le travail et d’améliorer le pouvoir d’achat des Français.
Il est enfin nécessaire de rappeler que cette proposition de loi donne un rôle important à la négociation, au dialogue social et, finalement, aux salariés eux-mêmes. De fait, un accord collectif ou un référendum seraient nécessaires pour recourir au travail la nuit. Ces dispositions répondent aux préoccupations du groupe UDI, qui souhaitait que les partenaires sociaux soient, tout comme les élus locaux, pleinement et totalement associés à la prise de décision. En effet, de telles questions doivent relever, avant tout, du champ de la démocratie sociale.
En définitive, nous sommes heureux que des garanties suffisantes aient été données afin que la décentralisation et le dialogue social soient préservés dans le dispositif dont nous discutons aujourd’hui. Nous ne désespérons pas de pouvoir trouver avec la majorité un terrain d’entente favorable. Nous partageons, en effet, une même préoccupation pour le pouvoir d’achat des ménages et des salariés, mais cette préoccupation doit aujourd’hui se traduire en actes.
Ce texte ne nous semble toutefois être qu’un premier pas vers une refonte complète de notre droit du travail en matière d’horaires inhabituels. De notre point de vue, et même si la discussion de cette proposition de loi s’arrête probablement aujourd’hui, le débat sur le travail de nuit et sur le travail dominical, lui, ne fait que commencer, et c’est une bonne chose. Les députés du groupe UDI resteront vigilants tout au long de la législature et du quinquennat pour qu’à travers les différentes réformes proposées, la libération du travail et le pouvoir d’achat des Français restent au coeur de nos préoccupations.
Dans le cas d’espèce, nous ne pouvons donc que soutenir ce texte et appeler l’ensemble des membres de la représentation nationale à en faire autant.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dérégulation du droit du travail est au coeur de l’actualité. Alors que le débat sur le travail du dimanche, orchestré par les grandes enseignes, bat son plein, nous assistons à un nouvel assaut de la droite contre le droit du travail et la protection des salariés. Nos collègues de l’UMP nous proposent, en effet, aujourd’hui de faciliter l’ouverture nocturne des commerces. Or, le travail de nuit n’est pas anecdotique, c’est même un des principaux facteurs de pénibilité. Il a un impact indéniable sur l’espérance de vie ainsi que sur l’espérance de vie en bonne santé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur a précisé qu’il devait être exceptionnel.
Nous assistons donc, en cette période de crise économique, au retour du « travailler plus pour gagner plus », avec ses effets délétères sur le chômage, sur l’organisation du travail des salariés et sur leur vie, tout simplement. L’UMP nous explique que, seuls, les salariés volontaires travailleraient de nuit, qu’il n’est pas question de leur imposer ce choix. Il s’agit là d’un voeu pieux, on le sait ! Dans le secteur du commerce de détail, les salariés sont majoritairement des femmes, peu diplômées et mal payées. Un tiers de ces salariés sont à temps partiel et il ne s’agit pas toujours, loin de là, d’un choix.
Profiter de la précarité de certains salariés pour faire toujours plus de bénéfices sans les redistribuer est injuste. Cela va à l’encontre de la politique respectueuse des êtres humains avant tout que les écologistes prônent. Vous le savez, nous combattons sans relâche toute politique qui viserait à faire passer les intérêts financiers avant l’humain ; car c’est cette attitude qui est à l’origine des dérives financières, économiques et environnementales que nous connaissons aujourd’hui.
Or l’exposé des motifs de ce texte se concentre sur les aspects économiques et mentionne à peine les salariés et l’impact que de telles dispositions pourraient avoir sur leur santé, leur vie privée, leur vie de famille. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, les horaires atypiques, tout particulièrement le travail de nuit, peuvent constituer un facteur de risque pour les travailleurs. L’organisme est, en effet, programmé pour avoir une activité maximale dans la journée et minimale durant la nuit.
Troubles du sommeil et digestifs en premier lieu, mais aussi troubles gynécologiques, cardio-vasculaires, psychologiques, sentiment de stress au travail, risque d’accidents, dégradation du bien-être et de l’insertion sociale : tels sont les principaux troubles de santé associés à court ou long terme au travail de nuit. Les horaires atypiques favorisent l’apparition de certaines pathologies et contribuent à l’usure prématurée des salariés. Des études révèlent que, plusieurs années après, l’état de santé des ouvriers ayant travaillé de nuit ou en 3x8 est dégradé par rapport à ceux qui ont toujours eu des horaires standards.
Notre rôle est de défendre le vivre mieux plutôt que le tout consommation. Si nous ne sommes pas vigilants, la société de consommation continuera d’envahir les quelques moments dédiés à la vie sociale, familiale et aux loisirs qu’il nous reste. Vous nous promettez, monsieur le rapporteur, un miracle économique et des retombées en termes d’emplois. Mais rien ne le prouve. Ouvrir plus longtemps les magasins n’augmentera pas le pouvoir d’achat des Français.
Je m’interroge également sur l’impact de ce type de mesures sur les petits commerces. Ce texte qui vise à autoriser l’ouverture de nuit participe de cette remise en cause des droits des salariés et suscite des interrogations sur la vision que nous avons de la société ? L’exposé des motifs évoque « des situations de blocages symptomatiques d’un mal français qui, au nom de la protection des travailleurs paralyse toute activité commerciale la nuit ». Pourquoi ne pas aller plus loin encore ? Pourquoi ne pas proposer des journées de douze heures ou une ouverture des magasins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, puisque la concurrence avec l’Angleterre a été précédemment évoquée ?
Au nom d’une efficacité économique jamais démontrée, vous proposez, chers collègues de l’opposition, de déstructurer la vie des salariés. Nous savons toutes et tous ici que ce texte a des visées électorales, que les zones à définir se trouvent à Paris et que cette proposition de loi est un outil de campagne.
Je regrette que notre assemblée soit instrumentalisée par certains collègues pour alimenter un débat local. La proposition de loi sur les rythmes scolaires de ce matin en était déjà un triste exemple.
Pour nous, écologistes, il faut impérativement défendre le vivre mieux plutôt que le tout consommation et le tout production. Il en va du sens que nous voulons donner à notre société.
Aussi, pour toutes ces raisons, vous n’en serez pas étonnés, les écologistes s’opposeront à cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de sa niche parlementaire, l’UMP nous présente aujourd’hui une proposition de loi concernant l’ouverture des commerces la nuit dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
Ce texte arrive à un moment très particulier. Il me semble qu’il traduit davantage une opération de communication qu’une réelle volonté politique d’engager des réformes efficaces et ambitieuses pour l’emploi dans notre pays. Il est vrai que, les élections municipales approchant, nous sommes à un moment propice pour engager des lois de pure circonstance.
Mais revenons au fond, sur le texte lui-même, et ne soyons pas dupes. Sous l’apparence d’un discours bon enfant, cette proposition de loi vise à déstructurer le droit du travail. Les arguments de nos collègues de l’UMP tendent à nous faire croire que cette proposition de loi n’aborde pas la question du travail le dimanche. C’est pourtant bien de cela aussi qu’il s’agit puisque la proposition mentionne le dimanche comme jour potentiellement ouvrable.
Certes, on peut accepter de réfléchir sur un secteur ou une période, et le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste n’est pas fermé au principe. Pour autant, il faut toujours que les droits du salarié soient protégés. Il n’est en effet jamais en position d’égalité avec son employeur. La proposition de loi, à cet égard, n’apporte pas suffisamment de garanties ce qui est, pour nous, source d’inquiétudes.
Le travail de nuit ne peut être envisagé que s’il est réellement avantageux pour le salarié. Ce dernier doit être assuré d’être mieux payé et dédommagé pour ce travail par rapport à des horaires normaux, et ce dans une proportion digne. Il doit également bénéficier d’une protection pour sa sécurité et sa santé.
Or le texte qui nous est proposé ne comprend pas d’aménagement du temps de travail, contrairement à ce qu’on veut bien nous faire croire. Il fixe seulement une valorisation de la rémunération à 30 %, à l’alinéa 2 de l’article 4. Cette faible revalorisation marque en réalité un véritable recul du droit du travail puisque, en plus, on met de côté toute négociation de branche ou d’entreprise. La droite a instauré sous le précédent quinquennat les soldes flottants, elle tente à présent de faire la même chose avec le travail des employés.
Par ailleurs, le texte ne tient pas compte de la question du temps personnel ou encore de l’organisation de la famille et du temps libre disponible, puisque le dimanche reste encore aujourd’hui majoritairement un jour de repos pour la plupart des salariés.
Certes, nous le concédons, nous savons que certains salariés, notamment les jeunes étudiants, estiment que le travail le dimanche est positif pour eux, puisqu’il leur permet de gagner un peu plus d’argent pour arrondir leurs fins de mois en ces temps de crise économique, mais nous devons également garder à l’idée qu’en tant que législateur, nous devons oeuvrer pour préserver l’intérêt général, et non pour résoudre des problématiques conjoncturelles et, par conséquent, ponctuelles.
Le travail de nuit ne contribue pas obligatoirement à augmenter le chiffre d’affaires d’un secteur particulier, aucune étude d’impact n’a pu en tout cas le démontrer. Les Champs-Élysées, ce n’est pas la France. La proposition de loi va en revanche créer une réelle inégalité de traitement entre les petits commerces et les grandes enseignes. Les petits commerces ne vont en effet pas pouvoir ouvrir tard le soir, pour des raisons de logistique ou de ressources humaines.
Pour le groupe des radicaux de gauche et apparentés, le travail de nuit dans certaines zones spécifiques doit continuer à faire l’objet de mesures dérogatoires, il s’agit, pour le travail de nuit, du principe développé par la Cour de cassation dans son arrêt du 17 octobre 2012 : le travail nocturne doit être l’exception et faire l’objet de mesures dérogatoires.
Cette proposition de loi est gênante également car, comme l’a rappelé le ministre ce matin, une procédure judiciaire est actuellement engagée – il me semble même que la chambre sociale de la cour d’appel doit rendre un nouvel arrêt le 9 décembre, rendu alors même que nous débattons de ces procédures. En tout cas, sur la précédente décision de la cour d’appel, un pourvoi en cassation a été formé et, très sincèrement, je n’ai jamais vu le législateur faire la loi en fonction d’arrêts de chambres sociales de cour d’appel. Si tel était le cas, vu le nombre de ces arrêts, cela donnerait lieu à énormément de textes, qui auraient d’ailleurs beaucoup de mal à être inscrits à l’ordre du jour par M. le ministre chargé des relations avec le Parlement…
Le rapport Bailly qui a été remis au Gouvernement, notamment, à notre ministre radicale de gauche, Sylvia Pinel, ouvre une porte à un assouplissement du travail le dimanche et préconise des pistes afin de sanctuariser le repos dominical tout en permettant une certaine souplesse du travail le dimanche. Ce rapport, important, réaffirme des principes qui vont de pair avec ceux que je viens d’évoquer pour le travail de nuit. Nous souscrivons pleinement aux paroles du Premier ministre, qui a annoncé que, si les choses pouvaient changer, rien ne se ferait tant que la protection et la cohésion sociale ne seraient pas protégées.
En outre, rien ne prouve que l’ouverture nocturne des magasins apporterait le moindre bénéfice économique. Il faut poursuivre la réflexion sur le sujet, qui mérite un débat moins superficiel et qui, j’en suis certain, aura lieu à la remise du rapport Bailly, tant sur le travail dominical que sur le travail de nuit.
Nous préconisons donc d’attendre le projet de loi qui sera, j’en suis sûr, proposé en 2014. C’est la raison pour laquelle le groupe des radicaux de gauche et apparentés ne soutiendra pas ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui la proposition de loi autorisant l’ouverture des commerces la nuit dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Je ne reviendrai pas sur l’aspect très clairement électoraliste d’un tel texte en période de campagne municipale, cela a été maintes fois répété en commission, mais j’aimerais examiner avec vous les raisons qui fondent le désaccord du groupe socialiste.
Le recours au travail nocturne est régi par le code du travail et doit répondre à trois conditions : être exceptionnel, prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Examinons ensemble, point par point, les coups de canif que cette proposition de loi infligerait à cet encadrement si elle était votée.
Tout d’abord, respecte-t-elle la condition d’exception ?
L’article 1er autoriserait l’ouverture nocturne, quel que soit le jour de la semaine, donc aussi le dimanche, pour tous les commerces bénéficiant déjà d’une dérogation pour faire travailler leurs salariés le dimanche. Il n’y aurait donc plus aucun caractère exceptionnel à cette dérogation, et nous serions en contradiction avec l’article L. 3122-32 du code du travail et avec la directive du 23 novembre 1993 dont il est issu.
Le rapporteur affirme que le caractère exceptionnel serait respecté parce que le travail nocturne s’exercerait sur des zones délimitées, mais il élude ainsi la nécessité d’une exception dans le temps. L’article L. 3122-32 affirme un principe général d’exception qui englobe la rareté temporelle aussi bien que sectorielle ou géographique, et ces conditions sont non pas alternatives mais cumulatives.
Par ailleurs, l’argument qui consiste à dire qu’une situation économique dégradée exige des ajustements, s’il est valable pour ouvrir jusqu’à vingt-deux heures, le sera aussi pour ouvrir jusqu’à minuit. Admettons que la situation se détériore encore. Allez-vous demander aux salariés de travailler jusqu’à deux heures, trois heures et ainsi de suite, et pourquoi pas jusqu’à six heures du matin ? De même, l’argument qui consiste à dire que l’essor du commerce en ligne exige une adaptation des commerces physiques pourrait conduire à ce que les salariés se relaient pour que les enseignes puissent ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
L’esprit de sérieux exige d’acter que la protection des salariés est non pas une variable d’ajustement économique mais une priorité, intangible, et venons-en justement à la deuxième question : cette proposition de loi prend-elle en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ?
M. le rapporteur a vaillamment tenté de colmater les lacunes du texte par quelques amendements, mais il ne répond pas à toutes les questions, qu’il s’agisse du retour au domicile de nuit à la garde des enfants de nuit, des charges insuffisamment couvertes par la majoration salariale de 30 %, ou encore de la pression exercée sur le salarié pour qu’il se déclare volontaire, fût-ce par écrit.
Sur la protection des salariés, je voudrais faire trois observations.
La première, c’est que, comme l’a rappelé Barbara Pompili, le travail nocturne nuit à la santé des travailleurs, ce qui est la raison même de la condition d’exception. Voici ce qu’explique François Édouard, du Conseil économique et social, dans son rapport du 2 juillet 2010 : « À court terme, les principaux effets sur la santé du travail de nuit sont les troubles du sommeil, des troubles digestifs et un déséquilibre nutritionnel. À long terme, le travail prolongé et régulier de nuit a des effets néfastes sur la santé. Si certains de ces effets sont désormais bien établis, d’autres, selon plusieurs études, sont probables tels les risques de cancer. »
Deuxième observation, le rapport de M. Chatel précise qu’il s’agit d’autoriser non pas une ouverture jusqu’à l’aube mais une ouverture prolongée en soirée jusqu’à vingt-deux heures ou minuit. Pourtant, cette proposition de loi, votée en l’état, autoriserait l’ouverture jusqu’à six heures du matin. Est-ce à dire que le législateur, autorisant ainsi une amplitude horaire maximale, s’en remettrait in fine au bon sens des citoyens, qui, bien évidemment, n’utiliseraient de leur plein gré que 30 % de cette autorisation, d’autant plus, et c’est ma dernière observation, que cette proposition de régime totalement dérogatoire au code du travail permettrait de recourir au travail nocturne par décision unilatérale de l’employeur à défaut d’accord collectif ?
On le voit, la protection de la sécurité et de la santé des salariés est fortement mise en cause par cette proposition de loi, bien qu’elle s’en défende par amendement.
Pour finir, venons-en à notre dernière question, ce texte est-il justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ? Pour mémoire, la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique a été érigée en principe parce que l’arrêt des machines la nuit était plus coûteux que leur fonctionnement en continu.
J’en viens à la jurisprudence, notamment la jurisprudence Sephora, qui a motivé ce texte. Tant que les juges se refusaient à interpréter l’impératif économique lorsqu’il était revendiqué, à tort, par des commerces de détail, la droite n’y voyait aucune objection. À présent que la cour d’appel de Paris a rétabli l’application du droit, l’opposition veut tout simplement supprimer ce critère pour les commerces de détail. Outre le fait que légiférer entre une décision en appel et un pourvoi en cassation est pour le moins très discutable, la jurisprudence Sephora a pourtant démontré que le critère d’impératif économique devait servir à distinguer les ouvertures nocturnes légitimes de celles qui ne le sont pas.
L’enseigne allègue que l’ouverture nocturne développe l’activité touristique à Paris. La cour d’appel de Paris répond très clairement que « l’attraction commerciale liée à l’ouverture de nuit de l’établissement ne constitue pas une nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ».
Or, c’est imparable. Dans le cas d’un commerce de détail, la condition d’impératif économique n’est simplement pas remplie.
La cour d’appel de Paris a de surcroît estimé que la question de la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif était « dénuée de pertinence ». Elle rappelle ainsi que les conditions de validité du travail de nuit sont d’ordre public et qu’on ne peut y déroger par convention. Il restera toujours des défenseurs inconditionnels du droit à acheter de la mousse à raser ou du rouge à lèvres à une heure du matin, mais l’esprit de sérieux consiste à ne pas leur prêter main-forte et sûrement pas à utiliser un véhicule législatif pour essayer de régler une problématique posée par un commerce, sur une avenue, fût-ce la plus belle avenue du monde.
Maintenant que nous avons vérifié que les trois conditions du travail nocturne n’étaient pas respectées, j’aimerais m’arrêter un instant sur l’argument lancinant de la consommation d’opportunité des touristes, qui ne pourraient reporter leur achat en raison de la brièveté de leur séjour.
Tous les adeptes du travail nocturne, j’entends par là ceux qui veulent faire travailler les autres nuitamment et non pas s’y astreindre eux-mêmes, arguent que, si Paris n’ouvre pas ses commerces la nuit, les touristes n’y viendront plus. Paris est la première capitale touristique d’Europe avec un encadrement fort du travail nocturne. A-t-elle besoin du pouvoir d’attraction de Sephora pour aimanter des promeneurs sur les Champs-Élysées ? J’en doute.
J’entends partout que les touristes chinois ne nous visiteront plus à cause de cette décision judiciaire du 23 septembre dernier. Vous pensez donc, mes chers collègues, que nos amis chinois viennent sur les Champs-Élysées pour acheter dans une enseigne qui possède également 135 magasins dans quarante-sept villes de leur propre pays ? Ils viendraient donc chercher ici ce qu’ils ont en bas de chez eux ?
Rires sur les bancs du groupe SRC.
Chacun a bien compris qu’il s’agissait là d’un élément déterminant de l’attractivité économique de notre capitale !
Plus sérieusement, nous ne pouvons pas imaginer que le législateur, soucieux de l’intérêt général, accompagne un mouvement dont on a bien compris qu’il faisait de la société de consommation le modèle devant structurer l’organisation sociale et humaine de notre pays.
Pour résumer mon propos, au nom du groupe socialiste, il est clair que cette proposition de loi ne montre pas le fait exceptionnel que recouvre le droit au travail de nuit, ne montre pas non plus de préoccupation pour la protection de la santé des salariés – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements –, ne montre pas, enfin, l’existence d’impératifs économiques à ce point déterminants qu’ils justifieraient de remettre en cause le code du travail. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons bien évidemment pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la liberté d’entreprendre consacrée à l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
La liberté du travail et la liberté d’entreprendre doivent être au coeur de cette réforme. La décision récente de la cour d’appel de Paris obligeant l’enseigne Sephora des Champs-Élysées à fermer son magasin à vingt et une heures, a conforté l’UMP dans le souhait de vous soumettre un dispositif législatif clair et équilibré entre l’intérêt du salarié, celui du consommateur et celui des entreprises qui sont source de croissance et d’emploi. Cette proposition de loi vise donc à autoriser dans certaines zones, dans le strict respect des droits des salariés et sur la base du volontariat, l’ouverture nocturne des commerces.
Une telle réforme doit prendre en compte l’évolution des modes de consommation, en particulier le succès rencontré par la vente sur internet qui, elle, peut s’effectuer vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est la raison pour laquelle, n’en déplaise à M. Sirugue et à d’autres collègues, le législateur doit répondre à l’évolution des modes de consommation, dans un contexte de crise. En effet, la création d’emplois et l’augmentation du pouvoir d’achat sont une priorité pour notre pays.
Cette réforme ne doit pas se résumer à une énième possibilité de dérogation et d’extension de dérogations venant s’ajouter aux dérogations déjà existantes. Si pour une fois nous acceptions de nous détacher de cette exception française en adoptant une législation claire et précise, nous ferions un pas vers la sécurité juridique et contribuerions au fameux choc de simplification. En revanche, en refusant de voter cette proposition, vous nous renvoyez dans l’imbroglio des dérogations obscures et mal comprises de tous.
En instaurant le principe d’ouverture de nuit au seul secteur du commerce, dont les contreparties obligatoires pour les salariés sont fixées par accord collectif, sur la base du volontariat affirmé, il s’agit de répondre aux attentes des Français par une simplification de la réglementation, en faisant le choix de la croissance et de l’emploi. Il ne faut pas confondre le choix offert d’ouvrir un commerce de nuit avec la refonte du code du travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, que propose réellement ce texte de Mme Kosciusko-Morizet, M. Chatel et leurs collègues ? Derrière ce qui en constitue la justification, à savoir le cas parisien, et plus précisément l’affaire du magasin Sephora des Champs-Élysées, ce que vous proposez, chers collègues, car vous ne sauriez ignorer que l’on ne fait pas des lois pour des cas particuliers mais au nom de l’intérêt général, c’est une vision de société que nous récusons totalement.
Reprenons simplement une phrase de votre exposé des motifs. Vous évoquez des « situations de blocages symptomatiques d’un mal français qui, au nom de la protection des droits des travailleurs, paralyse toute activité commerciale la nuit, en dépit d’arguments économiques évidents et de la volonté des salariés concernés ».
« Au nom de la protection des travailleurs », dites-vous. On voit bien que, pour vous, celle-ci ne serait qu’un prétexte que l’on utiliserait pour entraver la liberté de faire des affaires. Preuve en est qu’à aucun moment vous ne mentionnez la question des effets du travail de nuit sur la santé. Je ne reviendrai pas sur ce qu’ont dit à ce sujet nos collègues Christophe Sirugue et Barbara Pompili. À aucun moment non plus vous n’envisagez, au-delà de la compensation salariale, les questions de protection de la vie familiale et d’aménagement du temps de travail. Pour nous, au contraire, cette protection des travailleurs ne sera jamais un prétexte, mais toujours un objectif politique, donc un préalable indispensable et non négociable.
« En dépit d’arguments économiques évidents », dites-vous encore. Permettez-moi de douter sérieusement de la pertinence économique absolue de l’ouverture après vingt et une heures dans un certain nombre de zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, car, nous vous le rappelons encore une fois, votre proposition de loi a des conséquences au-delà du cas parisien. Permettez-moi également de vous rappeler que, malheureusement, la situation économique dans laquelle nous nous trouvons fait que, dans bien des cas, ce qui serait dépensé la nuit ne le serait pas dans la journée, constituant ainsi un jeu économique à somme nulle.
En effet – dernier extrait de votre exposé des motifs – vous nous parlez de « la volonté des salariés concernés ». Cet argument, mes chers collègues, est malhonnête. De quelle réelle volonté, de quelle réelle liberté dispose-t-on quand on doit faire face à la pression de son employeur ?
J’ajoute, à l’attention de notre collègue qui m’a précédée, que j’ai trouvé quelque peu déplacé le fait d’invoquer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour justifier le travail de nuit.
De plus, cette volonté des salariés que vous invoquez, vous la piétinez ensuite en proposant dans votre texte une dérogation majeure au code du travail, permettant de mettre en place le travail de nuit sans accord collectif préalable, par décision unilatérale de l’employeur, même en cas de résultat négatif de ce référendum. C’est ce qui primera in fine dans votre dispositif, malgré les amendements du rapporteur.
À cette étape, vous serez tentés d’utiliser l’argument du pouvoir d’achat, nous accusant de freiner les possibilités pour les salariés de gagner davantage : le fameux « travailler plus pour gagner plus » qui a tellement bien fonctionné par le passé. Sur cette question, nous vous ferons peu ou prou la même réponse que la semaine dernière lors du débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Nos choix politiques pour augmenter le pouvoir d’achat passent par la lutte contre le chômage,…
…et des politiques de redistribution, notamment par le biais de la réforme fiscale. Mais prendre en otage comme vous le faites les salariés en leur disant : « Si vous voulez plus d’argent, eh bien, travaillez la nuit, au mépris de votre santé, au mépris de votre vie familiale », nous le refusons.
On voit donc bien ici votre dessein : il s’agit d’ouvrir une brèche dans la réglementation actuelle pour multiplier les exceptions aux possibilités d’ouvertures nocturnes, afin, derrière, de démanteler encore un peu plus les règles et les protections aujourd’hui garanties par le code du travail.
Au-delà de cette question fondamentale de la réglementation du travail, votre texte pose également une question de principe, une question de vision de société. Sur le sens du travail de nuit, tout d’abord. Pour beaucoup, la nuit est déjà un temps de travail, et, selon nous, ceci se justifie dès lors qu’il s’agit de continuité de services, souvent des services publics, rendus aux citoyens, ou dès lors que des activités comme l’animation culturelle sont utiles pour faire société. Mais le travail de nuit pour permettre de se procurer du parfum ou n’importe quel produit de consommation de ce type, le travail de nuit pour satisfaire le désir de pouvoir acheter n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand, ce n’est pas notre vision de la société.
Ce n’est pas non plus, et je parlerai là spécifiquement des zones urbaines, notre vision de l’organisation des temps de la ville. Nous ne défendons pas la vision de villes déshumanisées, organisées au nom de l’impératif de consommation et d’activité économique, fonctionnant dans ce but en permanence et sans interruption, du lundi matin au dimanche tard dans la nuit. Nous croyons, au contraire, à la nécessité d’aménager des temps de respiration, des temps d’usage différents de la ville, pour les loisirs, le partage, la vie personnelle et familiale, ou juste le repos, car le repos est un droit malheureusement trop souvent virtuel pour beaucoup de nos concitoyens.
Voilà pourquoi, pour l’ensemble de ces raisons, tant philosophiques qu’économiques et sociales, nous repousserons, sans hésitation et avec conviction, votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je m’exprimerai sur les problèmes de forme et n’aborderai le fond que s’il me reste du temps. La forme n’est pas négligeable : elle est la soeur jumelle de la liberté, disait Jhering. Dans le cadre de cette proposition de loi, elle me paraît problématique, et ce à deux points de vue.
Tout d’abord, votre proposition, chers collègues, est marquée par une certaine précipitation. L’arrêt Sephora a été rendu par la cour d’appel de Paris le 23 septembre 2013. Votre proposition a été déposée le 23 octobre, juste un mois plus tard. Elle a été examinée par la commission des affaires sociales le 27 novembre, et nous sommes déjà dans l’hémicycle. Nous avons le sentiment extrêmement fort que l’on entend la représentation nationale comme un juge de cassation, ce qu’elle n’est pas. De même, la façon dont les auditions ont été conduites – on a entendu « les parties », au sens de parties au procès – est assez désagréable et conduit à penser que l’on est dans la confusion des genres.
Certes, d’un point de vue légal ou encore constitutionnel, il n’y a rien à dire. En revanche, la manière dont vous avez procédé pose un problème au regard des engagements que l’Assemblée nationale a pris vis-à-vis des partenaires sociaux. C’est votre majorité, monsieur Chatel, qui a fait adopter l’article L. 1er du code du travail et, alors que M. Accoyer était président de l’Assemblée, établi un protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi, entériné par la Conférence des présidents le 16 février 2010.
Ce protocole prévoit qu’en cas de proposition de loi, le président de groupe ou de commission, et s’agissant d’une niche UMP, le président du groupe UMP, doit saisir le président – la présidente en l’occurrence – de la commission des affaires sociales, charge à elle de mettre en oeuvre la procédure de consultation des partenaires sociaux établie par ce protocole.
Dans le cas présent, la présidente de la commission des affaires sociales aurait saisi les organisations patronales et salariales, qui auraient eu quinze jours pour se prononcer sur le point de savoir si elles souhaitaient négocier sur la question posée, qui est une question importante en droit du travail. Si elles entendaient négocier, d’autres délais s’ouvraient.
Ce protocole est un protocole intéressant et important. J’ai téléphoné à la présidence de la commission des affaires sociales. À ma connaissance, le président de votre groupe n’a pas saisi la présidente de la commission des affaires sociales d’une demande en ce sens. La procédure expressément prévue par le protocole n’a donc pas été mise en oeuvre. Voilà, sur une matière importante, une première raison, relative à la manière dont l’Assemblée doit se comporter vis-à-vis des partenaires sociaux, suffisante pour rejeter votre proposition.
J’ajoute que d’autres problèmes sont posés par les amendements et même les sous-amendements qui viendront en discussion. Vous avez ainsi déposé, monsieur le rapporteur, un amendement no 6 qui instaure des garanties minimales, notamment en termes salariaux, pour les salariés qui travailleraient de nuit dans le cadre de votre proposition de loi, et qui instaure également le volontariat, ce qui serait une grande nouveauté s’agissant du travail de nuit.
Cet amendement est intéressant et vous savez que nous avons déposé un sous-amendement afin d’aller jusqu’au bout de sa logique. En effet, si un Sephora peut ouvrir, dans un cadre dérogatoire, sur l’avenue des Champs-Élysées, étant donné que le travail de nuit ne doit pas différer en fonction des raisons qui le permettent, ce dernier devrait être rendu possible à l’ensemble des salariés. Mais vous vous rendez bien compte, monsieur le rapporteur, des conséquences qu’aurait l’adoption de votre amendement ainsi sous-amendé sur l’ensemble des relations sociales dans les entreprises qui ont recours au travail de nuit, qu’on ne peut pas toujours éviter.
Voilà l’exemple typique d’un problème que pose votre proposition de loi. Il est impossible d’aller au bout de votre logique, si l’on veut respecter les partenaires sociaux. Or on ne peut traiter différemment des salariés en fonction des causes pour lesquelles ils travaillent de nuit. À partir de là, nous sommes dans l’impossibilité d’aller plus loin, en raison du non-respect du protocole dit Accoyer. Pour cette raison et pour celles développées par mes collègues, auxquelles je m’associe pleinement, les socialistes rejetteront votre proposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’ambiance du débat d’aujourd’hui me laisse une impression de déjà-vu. Il y a quelques mois, la première signataire de cette proposition de loi avait profité de la loi sur l’urbanisme et le logement – la loi ALUR – pour arriver à la toute fin des débats et proposer de lui ajouter un titre afin de transformer cet hémicycle en meeting parisien.
La ficelle était tellement grosse que nos collègues de l’UMP, qui avaient sérieusement travaillé sur ce sujet pendant quatre jours, avaient fui cette mascarade du vendredi soir. Quant aux médias, ils n’avaient pas jugé bon de relayer des propositions qui étaient soit totalement dépassées, soit complètement contradictoires, soit, encore mieux, déjà inscrites dans la loi depuis plusieurs années. Nous avions alors vécu un sommet d’amateurisme parlementaire. Si vous aviez été une élue parisienne, madame Kosciusko-Morizet, vous auriez sans doute déposé un voeu au Conseil de Paris, mais comme vous êtes députée de l’Essonne, vous détournez cette tribune nationale pour alimenter un débat municipal.
Aujourd’hui, vous recommencez avec le dépôt de cette proposition de loi qui abaisse le rôle du Parlement à des enjeux typiquement politiciens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, nous écoutons l’orateur, vous vous exprimerez à l’occasion des amendements.
Sur le fond, la simple lecture du texte confirme mon impression sur cette proposition de loi écrite à la va-vite. Il suffit, chers collègues qui hurlez depuis vos bancs, de la lire…
Je ne comprends pas que l’on vous laisse dire cela. Vous insultez la représentation nationale !
…et de comparer l’article 1er à l’exposé des motifs pour voir à quel point elle est au mieux bâclée, au pire de mauvaise foi. Ainsi, la conclusion de l’exposé est pleine de bonnes intentions puisque vous évoquez « le respect des droits du salarié » – c’est bien le minimum ! – et mettez en avant son « libre consentement ». En revanche, dans les articles de votre proposition, vous faites reculer les droits des salariés et oubliez toute mention à un quelconque consentement. Très clairement, ce que vous proposez permet à l’employeur de décider unilatéralement d’ouvrir ou non son commerce la nuit. Les salariés n’auraient plus leur mot à dire puisque la négociation d’un accord ne serait plus exigée : ils ne pourraient donc plus refuser le travail de nuit, ni défendre leurs droits.
Les salariés veulent travailler, madame Lepetit ! Ils ont même attaqué en justice dans ce sens. Comment pouvez-vous parler en leur nom ?
Dans les discours, ce matin ou encore au début de cet après-midi, vous dites défendre la volonté des salariés, mais en réalité vous faites régresser le code du travail au temps des maîtres de forge. En voulant vous donner les apparences de la modernité, vous ne proposez qu’une caricature du libéralisme le plus décomplexé. Si la loi actuelle est si mauvaise, si liberticide, si dangereuse pour notre économie et notre attractivité, pourquoi ne pas l’avoir changée, lorsque l’UMP était majoritaire ici même et que vous étiez ministre, monsieur Chatel ?
Aujourd’hui, vous en êtes réduits à nous proposer une loi d’exception pour défendre des patrons qui ont refusé sciemment d’appliquer la loi.
Ils ont nié à leurs salariés les droits et les protections qui leur sont dus. C’est d’ailleurs ce comportement-là qu’a sanctionné la justice et pas autre chose. Le problème n’est donc pas le travail de nuit, le problème, c’est qu’un certain nombre de patrons veulent des employés corvéables à merci.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le problème, c’est qu’ils utilisent le chômage de masse et la crainte de la précarité pour rogner un à un les droits obtenus. Le problème, c’est que vous vous en faites les porte-parole en allant toujours plus loin dans la dérégulation des droits du travail,…
…sans vous soucier des conséquences sur la santé et sur la vie quotidienne des personnes concernées.
Nous, avec le Gouvernement, nous travaillons totalement différemment et nous mettons en place des mesures qui ont été négociées et qui ont pu trouver un accord entre les partenaires sociaux pour sécuriser l’emploi et fluidifier le marché du travail tout en garantissant de nouveaux droits aux salariés. À l’inverse, votre proposition de loi a été écrite à la va-vite,…
…comme cela a été dit avant moi, pour transformer une actualité judiciaire en faux débat électoral. Nous allons donc l’étudier, la rejeter évidemment, puis nous pourrons enfin nous remettre au travail pour améliorer concrètement la vie des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.
Au terme de la discussion générale, je voudrais répondre aux différents intervenants et au Gouvernement.
Je regrette un peu la tournure de ce débat. J’ai essayé, en tant que rapporteur, même si je défends avec beaucoup de conviction une proposition de loi signée par quatre-vingt-dix députés UMP, de présenter une proposition qui aille au-delà des clivages politiques. Je considère qu’il y a en effet urgence sur un sujet qui n’est certes pas au coeur de la vie de tous les Français, mais qui permettrait de répondre utilement à des besoins constatés par des entreprises, des salariés et des consommateurs, à un moment où le Gouvernement fait de la lutte contre le chômage et de la recherche de la croissance et de la compétitivité des priorités. Je regrette donc qu’un certain nombre de collègues de la majorité veuillent caricaturer ce débat. Nous ne sommes pas dans un débat de civilisation. Peut-être avons-nous tort et aurons-nous un jour ce débat sur l’évolution de la société, mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui : ce sujet est un sujet d’urgence.
Madame Lepetit, je suis désolé de vous dire que j’ai rencontré des salariés de Sephora et que je n’ai pas eu le sentiment de voir des hommes et des femmes qui seraient les suppôts du patronat et des maîtres de forge. J’ai vu des jeunes femmes et des jeunes hommes qui nous demandaient simplement de les laisser travailler.
Je vous encourage, chère collègue, à les rencontrer à votre tour et à discuter avec eux. Je ne dis pas qu’ils détiennent la vérité, mais leur angle de vue et leur avis sont intéressants et utiles à notre débat.
C’est d’ailleurs ce qui nous a guidés dans notre démarche d’élaboration de cette proposition de loi.
J’ai aussi entendu qu’il s’agirait d’une proposition de loi de circonstance, dans le meilleur des cas, voire électoraliste. Eh bien, chiche, mesdames et messieurs les membres du groupe socialiste élus à Paris !
Si c’est une proposition électoraliste, emparez-vous de ce sujet ! Répondez aux demandes qui émergent ici ou là ! Nous pensons que la question est urgente, car au-delà du cas de Sephora, il y a un risque de fragilité juridique pour beaucoup de commerces qui risquent de fermer à vingt-et-une heures, ce qui ne serait pas sans conséquences sur l’emploi et l’activité économique. Je vous encourage là aussi à rencontrer les commerçants – je ne suis pas leur porte-parole – d’un certain nombre de points névralgiques de la capitale, qui accueillent beaucoup de touristes : ils vous expliqueront qu’ils perdent des clients.
On ne vous a pas attendus pour rencontrer les commerçants ! Arrêtez votre cirque !
Vous appelez peut-être cela un cirque, mais je vous encourage à échanger avec eux et à les écouter. La consommation faite à certaines heures n’est pas reportable au lendemain. Il ne s’agit pas d’une proposition de loi de circonstance, mais de réagir face au risque d’entraîner, par un effet domino, des suppressions d’emploi dans beaucoup de secteurs du commerce.
Deuxième élément de réponse : on nous reproche de ne pas avoir négocié dans le cadre de la loi que nous avons nous-mêmes proposée. M. Robiliard l’a d’ailleurs très bien décrit : il existe un protocole Accoyer qui prévoit, pour les propositions de loi, que la présidente de la commission puisse demander que les partenaires sociaux soient consultés. Cela n’a pas été le cas, mais cela ne nous a pas empêchés de recevoir les partenaires sociaux, de les auditionner et de nous faire un avis, en entendant aussi bien les salariés de Sephora, qui ne se reconnaissent pas dans le recours intenté, puisqu’ils l’ont eux-mêmes contesté, que les représentants syndicaux de la fédération du commerce, comme c’est le rôle du rapporteur et de la commission. Ces auditions me permettent de vous présenter ce rapport aujourd’hui.
Enfin, j’ai entendu des arguments selon lesquels nous reviendrions sur des avantages acquis en matière de contreparties des collaborateurs. Cela est faux ! Nous proposons une avancée sociale importante,…
…à savoir qu’il y ait une rémunération à hauteur de 30 % des salaires pour les salariés qui acceptent de travailler après vingt-et-une heures.
Cela n’est pas inscrit dans la loi aujourd’hui et la moyenne de ce qui est consenti par ces magasins oscille entre 5 et 25 %. Inscrire ces 30 % dans la loi constituerait une avancée sociale, qui ne remet absolument pas en cause, monsieur Sirugue, contrairement à ce que vous avez indiqué, les dispositifs existant dans la loi en matière de compensation pour le travail de nuit : l’amélioration des conditions de travail, les contreparties sociales, le transport, les gardes ou d’autres encore. La proposition de loi ne remet nullement en cause ces principes.
Mais non, il n’y a rien, parce que nous ne remettons pas en cause le droit existant du code du travail. Le vote de cette proposition de loi n’y changera rien et n’opérera aucun recul en la matière.
Telles sont les précisions que je voulais apporter en réponse aux interrogations des uns et des autres. Encore une fois, je regrette les positions partisanes car une urgence existe : certains magasins sont fragilisés et des salariés sont en danger.
Dans la situation économique actuelle, je regrette que le sens de l’intérêt général ne porte pas les parlementaires à adopter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Je pense qu’il y a une erreur sur les champs d’application et d’interrogation, entre les objectifs avancés et l’utilisation du travail de nuit pour y répondre. Le travail de nuit n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais, je l’espère, un élément de souplesse parfois nécessaire pour répondre à la conjoncture économique.
Jusqu’à présent, cela faisait consensus, mesdames, messieurs les députés de la majorité. En effet, le texte que vous proposez de modifier date de 2001 et n’a jamais été touché pendant les dix années qui ont suivi, durant lesquelles vous étiez au pouvoir. Il est, du reste, pour partie le copier-coller d’une directive européenne – je connais bien ce texte pour en avoir été le rapporteur devant votre assemblée. Le débat d’aujourd’hui est donc important, car il pourrait marquer une rupture. Mais il y avait alors un consensus pour bien distinguer, d’un côté, le travail de nuit et, de l’autre, des adaptations – je pense au travail en soirée. Or vous n’avez pas utilisé – et je ne pense que ce soit une erreur technique, ou alors ce serait grave – ces dernières dans votre proposition de loi. Pourtant, notre code du travail offre des possibilités, par un accord collectif, de prolonger les horaires d’ouverture de vingt et une heures à vingt-deux heures, de décaler les horaires. Ces souplesses sont déjà dans le code, et à la disposition de l’employeur.
Le sachant, si vous, ou plus exactement Sephora, ne les utilisez pas, c’est que l’intention est différente : il s’agit bien de toucher au travail de nuit. Or jusqu’à présent, celui-ci a un statut particulier dans notre code du travail parce que c’est le seul cas où on considère, à juste titre, que les motifs de santé publique l’emportent sur les motifs économiques. Ainsi le texte même de la loi et la jurisprudence reconnaissent qu’un certain nombre d’activités professionnelles peuvent se dérouler la nuit, y compris parfois pour des raisons économiques – on ne peut pas arrêter les machines –, mais pour des raisons impératives et jamais pour des raisons d’opportunité,…
…c’est-à-dire seulement pour améliorer le rendement. Il y a une raison à cela que personne ne peut ignorer : le travail de nuit a des effets néfastes sur la santé des travailleurs. C’est notre position et c’était aussi la vôtre jusqu’à présent.
Vous vous étiez vous-mêmes interrogés sur ce point, puisque Jean-Frédéric Poisson a présidé une mission d’information à ce sujet, sous votre majorité, et en procédant aux bonnes auditions. J’en citerai une seule, celle de Gérard Lasfargues, professeur d’université et surtout chef du département des expertises intégrées de l’AFSSET, qui a déclaré : « Concernant les travailleurs touchés par la deuxième forme de pénibilité – horaires atypiques –, les chercheurs observent un accroissement des maladies coronariennes. Le lien direct de cette forme de pénibilité avec le système cardiaque et le système nerveux est prouvé. En outre, elle augmente les facteurs de risque sanitaire […]. Cette forme de pénibilité s’accroît. Le seuil de dix ans de travail de nuit est également constaté pour l’irréversibilité des dégâts sanitaires. » Les conclusions de Gérard Lasfargues figurent dans le rapport et ont été prises en compte dans les propositions faites alors par M. Poisson puisqu’il recommandait de ne pas toucher à la législation sur le travail de nuit pour cette raison.
Vous nous dites que la situation économique et financière est telle qu’on pourrait se passer de cette règle. Mais avez-vous réfléchi au coût du travail de nuit pour la société, compte tenu des risques sanitaires qu’il comporte ?
Qu’il y ait un intérêt pour la société Sephora, c’est une chose, mais je parle de la société en général. Au vu du rapport de cette mission d’information et de ce que vous disiez vous-mêmes à l’époque si, demain, c’est la Sécurité sociale qui doit indemniser beaucoup plus d’arrêts maladie, il y a un risque considérable.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Jusqu’à présent, entre l’intérêt économique et l’impérieuse nécessité de protéger la santé des salariés, il y avait consensus et on choisissait, y compris vous, de préserver ce qui relève du droit public du salariat.
Aujourd’hui, je vois que tout cela vous fait sourire, ce qui ne fait que me confirmer les errements auxquels vous en êtes arrivés du point de vue de votre conception de la société et des rapports entre les salariés et les employeurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Pierre Lellouche.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’ai entendu des choses assez étonnantes dans cette discussion. M. Sapin a ainsi dit qu’il s’agissait d’une décision qui ne concernait qu’une seule entreprise, Mme Lepetit a expliqué que ladite décision ne concernait qu’une seule ville, voire une seule avenue et, pour une fois, je vais essayer de lui donner raison : je suis le député des grands magasins du coeur de Paris et des Champs-Élysées, j’habite dans ces quartiers. Or, hier soir, j’ai tenté de faire mes courses, mais depuis cette nouvelle jurisprudence, à vingt et une heures, c’est fini : le Franprix était fermé ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n’avez qu’à venir habiter dans ma circonscription, monsieur Lellouche !
Tous les gens qui terminent tard ne peuvent plus consommer le soir. Monsieur le ministre, on n’est plus à l’époque des maîtres de forge, ce n’est pas du Zola, ce n’est pas La bête humaine. Il s’agit d’une réalité urbaine que je connais bien. Ce combat pour la liberté du travail dans les zones à forte densité touristique et à grande commercialité concerne Paris mais aussi d’autres villes françaises. Je rappelle tout de même que nous recevons quatre-vingts millions de touristes chaque année et un certain nombre de régions sont donc sensibilisées à la problématique de créer ainsi de l’activité et de l’emploi. Cela fait quinze ans que je me bats pour l’ouverture le dimanche – à l’époque, c’était M. Raffarin, puis Mme Lebranchu, qui étaient au ministère de l’artisanat –…
…et pour introduire un minimum de souplesse dans le code du travail afin de permettre de créer des emplois dans ces quartiers parisiens.
Où en est-on aujourd’hui ? Le Gouvernement a reçu, la semaine dernière, le rapport Bailly en vue de remettre à plat le dossier du travail le dimanche et, aujourd’hui, alors qu’on vous demande un peu de souplesse dans un monde qui a changé depuis La bête humaine et les maîtres de forge, vous ne voulez pas nous entendre. Pourtant, laissez-moi vous citer quelques chiffres : sachez, monsieur le ministre, que 64 % des Français sont favorables à l’ouverture des commerces la nuit, non pas jusqu’à trois heures du matin mais au moins jusqu’à vingt-deux heures, et ce taux atteint 73 % chez les vingt-cinq à trente-cinq ans, c’est-à-dire les plus actifs, y compris ceux qui habitent dans votre circonscription, madame Lepetit – un bon sujet à traiter à l’approche des élections.
Venez faire vos courses dans ma circonscription, c’est ouvert jusqu’à vingt-deux heures !
Je vous signale aussi qu’en Europe, non seulement l’Angleterre mais également et surtout des pays tels que l’Italie et l’Espagne ouvrent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pourquoi, en France, s’ingénierait-on à exporter le dimanche nos consommateurs vers Londres ou Rome, et empêcherait-on les entreprises de travailler à Paris ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La vérité vous gêne à ce point que vous faites des envolées sur la santé publique, monsieur le ministre, mes chers collègues, mais permettez-moi de vous dire que dans un pays où il y a 11 % de chômeurs et où votre Premier ministre atteint 18 % dans les sondages, il n’y a pas de quoi être arrogant et on regarde la réalité.
Mêmes mouvements.
Il y a dans notre pays des gens qui souhaiteraient travailler le soir. Parlons de cas précis : Marrionaud fait 20 % de son chiffre d’affaires après vingt et une heures et ils ont embauché pour cette raison quarante salariés ; dans le cas de Sephora, c’est la même chose.
Je termine, monsieur le président. À chaque fois que cette majorité limite la liberté du travail et contraint l’économie au nom de principes qui rappellent le XIXe siècle, à chaque fois qu’elle ignore l’évolution de notre société et que Paris est aujourd’hui une grande capitale dans la mondialisation,…
…elle condamne des gens au chômage. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous êtes en fait en régression : il est insupportable de voir que les salariés eux-mêmes ne sont pas écoutés !
Monsieur Lellouche, vous aurez l’occasion d’y revenir sur l’article suivant.
Non seulement l’intersyndicale bloque les salariés mais nous avons en plus un maire qui interdit d’ouvrir et le soir et le dimanche. Vous êtes en train de condamner notre pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je profite de mon intervention sur l’article 1er pour répondre à la sollicitation indirecte du ministre chargé des relations avec le Parlement. M. le ministre étant un travailliste très éminent, il ne peut pas ignorer les éléments que je vais apporter maintenant au débat.
Mon rapport sur la pénibilité que vous avez eu l’amabilité de citer, monsieur le ministre, portait certes sur le travail de nuit, mais il y a dans ce débat une ambiguïté qu’il faut lever. Mme Kosciusko-Morizet l’a rappelé à la tribune : pour les auteurs de cette proposition de loi, il ne s’agit pas d’ouvrir toute la nuit les commerces concernés.
En effet !
M. Sirugue a raison de dire que ce n’est pas précisé pour l’instant, et peut-être faudrait-il le faire. Cela étant, dans les déclarations de M. Lasfargue devant la mission d’information que j’ai eu l’honneur de conduire et ce qui est mentionné lorsqu’il s’agit d’exposition au travail de nuit par les épidémiologistes, par les physiologistes, par tous ceux qui s’intéressent à la santé au travail, c’est bien la condition de ceux qui travaillent toute la nuit, à savoir la tranche de vingt-deux heures à six heures du matin – je pense aux usines. Le rapport du conseil économique, social et environnemental rédigé par M. Walter en 2010 n’a pas dit autre chose, et il s’agissait bien de la nuit complète quand j’ai déposé alors devant la section travail du CESE. Il faut donc lever cette ambiguïté.
Il ne fallait pas alors déposer ce texte !
Il ne s’agit pas d’ouvrir les magasins parisiens pendant toute la nuit. Monsieur le ministre, je ne renie pas ce que j’ai dit à l’époque : l’exposition au travail toute la nuit est un facteur objectif de pénibilité, tout le monde le reconnaît, qui a été inclus dans le texte sur la pénibilité dont nous avons débattu ici même. Mais je crois nécessaire d’ajouter que ce n’est pas le sujet de cette proposition de loi. S’il faut apporter des précisions, faisons-le, mais je pense que maintenant, le débat peut continuer sur des bases plus claires.
Je suis saisi d’un amendement, no 7 , tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le soutenir.
C’est un amendement bien évidemment important. Nous avons entendu les défenseurs de cette proposition de loi, notamment ce que vient de dire notre collègue Poisson. Mais le débat a eu lieu exactement dans les mêmes termes en commission et je n’ai pas vu alors arriver le moindre amendement de leur part susceptible de nous rassurer sur le fait qu’il s’agit bien de travailler peut-être un peu plus tard que vingt et une heures mais pas jusqu’à six heures du matin. Par ailleurs, M. le ministre l’a rappelé, il y a déjà des dérogations possibles, mais elles n’ont pas été prises en compte dans ce texte. Comprenez donc qu’on puisse se méfier, et ce que vient de dire M. Lellouche, mélangeant le travail du dimanche et le travail de nuit, a fini de nous éclairer : l’intention est très clairement de déréguler le code du travail.
Par conséquent, puisque nous souhaitons que les choses soient claires et que la souplesse que vous appelez de vos voeux est déjà possible aujourd’hui, mais qu’elle n’a pas été utilisée par le groupe Sephora, nous proposons par cet amendement de supprimer un article qui remet en cause le code du travail.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Luc Chatel, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
Rires sur les bancs du groupe SRC
Le Gouvernement vient de changer de pied sur la question du travail le dimanche.
J’ai d’ailleurs salué cette avancée du Premier ministre lui-même. Il y a encore deux ou trois ans, il tenait les mêmes propos que Mme Lepetit et Mme Pompili réunies, qui évoquaient tout à l’heure 200 ans de luttes sociales que nous rayerions d’un trait de plume. Cette semaine, après que lui a été remis le rapport Bailly, il a fait quelques avancées en indiquant qu’il fallait s’adapter à la réalité du terrain et à la situation économique.
Le Gouvernement vient de changer de pied sur la question du travail le dimanche.
J’ai d’ailleurs salué cette avancée du Premier ministre lui-même. Il y a encore deux ou trois ans, il tenait les mêmes propos que Mme Lepetit et Mme Pompili réunies, qui évoquaient tout à l’heure 200 ans de luttes sociales que nous rayerions d’un trait de plume. Cette semaine, après que lui a été remis le rapport Bailly, il a fait quelques avancées en indiquant qu’il fallait s’adapter à la réalité du terrain et à la situation économique.
Je comprends vos difficultés, mesdames, messieurs les membres du groupe socialiste : d’un côté, vous constatez que le Gouvernement est en train de bouger, et, de l’autre, vous entendez des salariés, souvent syndiqués et plutôt proches des idées socialistes, vous demander d’être pragmatiques et de les laisser travailler. Vous êtes aujourd’hui enfermés…
…dans des dogmes, mais cela ne vous autorise pas à utiliser n’importe quel argument. Je voudrais revenir sur trois sujets très précis que vous avez évoqués.
D’abord, vous nous dites que le texte ne prévoit pas de compensations. Or le recours aux compensations figure dans la loi et nous ne revenons pas sur la loi dans ce domaine ; nous précisons que la compensation salariale – qui n’en est qu’un seul aspect – sera systématiquement de 30 %. Notre proposition de loi apporte donc une amélioration dans le domaine social : elle permet de donner davantage au salarié.
Ensuite, vous nous dites que notre proposition de loi autorisera toutes les dérives en permettant une ouverture toute la nuit. C’est faux, monsieur Sirugue ! Le texte prévoit un décret, ainsi que je l’ai rappelé dans mon propos liminaire. Vous savez ce qu’est un décret, monsieur Sirugue ?
C’est donc M. Sapin, qui siégeait tout à l’heure au banc du Gouvernement, qui rédigerait et prendrait le décret qui fixe de l’amplitude horaire maximale avec pragmatisme.
Il ne s’agit donc pas pour le Parlement de donner un blanc-seing en légiférant de manière globale. Nous voulons définir un principe – et il est, à mon sens, de bonne législation de procéder ainsi – et nous laissons le soin au décret d’entrer dans le détail.
Enfin, je l’ai entendu à plusieurs reprises sur les bancs de la majorité, vous nous parlez d’une décision unilatérale qui serait en quelque sorte le fait du prince : l’entreprise, pour ne pas dire les maîtres de forges, imposerait le travail nocturne à ses salariés. Mais enfin, mes chers collègues, « décision unilatérale », c’est le terme utilisé dans la loi. Une contrepartie est prévue dans cette proposition de loi : le référendum.
Ce sont les salariés, et eux seuls, qui décideraient, dès lors que leur employeur proposerait un aménagement du travail de nuit. C’est un élément difficilement contestable.
Monsieur le président, pour toutes ces raisons, je ne soutiendrai pas cet amendement de suppression, mais je dois vous dire qu’il a été adopté par la commission.
Le débat a permis d’éclairer la question : en apportant sa précision, Jean-Frédéric Poisson a dit exactement la même chose que moi. Il n’a pas pu aller jusqu’au bout de son raisonnement…
…parce qu’il aurait été obligé d’utiliser des arguments gênants pour les auteurs de la proposition de loi.
Non, c’est parce que j’ai été coupé par M. le président qui ne voulait pas fâcher M. Sirugue qui commençait à s’énerver !
Mais le travail de nuit, comme il l’a indiqué dans son rapport, est à part dans le droit du travail parce qu’il comporte des risques pour la santé. Il s’agit non pas d’un problème de souplesse mais d’obligation. Il fallait utiliser et éventuellement modifier d’autres textes, qui prévoient d’autres souplesses déjà existantes et obéissent à d’autres règles, notamment en matière de négociation.
Il est assez incompréhensible que ces souplesses-là n’aient pas été utilisées, non pas par les auteurs de la proposition de loi, mais par l’employeur, car, en la matière, si les objectifs sont bien ceux que vous avancez, nous ne sommes pas dans un carcan législatif dont personne ne peut sortir.
En revanche, quand M. le rapporteur utilise les termes qui sont ceux de la loi Mallié, ce n’est pas le même problème.
Le problème économique, c’est de créer de l’emploi, monsieur le ministre !
Quand il renvoie à la décision de l’employeur, il reprend, mot pour mot, une partie de la loi Maillé, qui traite du travail du dimanche.
Ce n’est pas le texte actuel, c’est celui qui concerne le travail du dimanche.
Faites attention ! Quelles que soient les souplesses que l’on peut demander, celles qui sont souhaitables, celles pour lesquelles une discussion peut s’ouvrir entre les partenaires sociaux, il en est une qui ne peut pas être laissée à la négociation sociale ou à l’accord direct avec le salarié : celle qui pose des questions de santé publique – j’aurais l’occasion d’y revenir à propos d’un amendement du groupe socialiste.
Jusqu’à présent, tout le monde était d’accord sur ce point. Faisons attention de ne pas mélanger les genres. Protégeons le travail de nuit qui est parfois indispensable, mais ne passons pas d’une question à l’autre.
S’agissant du travail du dimanche, la majorité serait troublée parce que les choses vont être remises en cause, dites-vous, monsieur le rapporteur. Il ne vous aura pas échappé qu’il y a aussi, dans les rangs de l’actuelle opposition, quelques esprits éclairés qui participent à la défense du dimanche, notamment notre président de séance, me semble-t-il. Je suis désolé qu’il ne puisse pas prendre la parole pour vous répondre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je note avec satisfaction un petit progrès par rapport à ce matin, puisque la majorité n’a pas présenté de motion de rejet. Ce matin, nous avons été muselés ; c’était un déni de démocratie.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Au moins, cet après-midi, nous n’en sommes pas là et le débat a lieu.
Il est d’ailleurs extrêmement intéressant. Nous voyons qu’en présentant cet amendement, la majorité veut revenir sur notre proposition de loi puisqu’il vise à supprimer l’article 1er, c’est-à-dire la substance de notre texte.
Ensuite, et nos concitoyens apprécieront, en procédant de la sorte, chers collègues de la majorité, vous êtes de toute évidence contre la création d’emplois dans ce pays.
Vous parlez de divers sujets, mais vous ne vous prononcez pas sur ce point crucial, sur lequel le Gouvernement fait régulièrement des déclarations. Force est de constater qu’il y a un écart énorme entre ses déclarations et ses actes, car, cet après-midi, vous contribuez à la destruction de l’emploi dans notre pays.
L’amendement no 7 est adopté et l’article 1er est supprimé.
L’article 2, qui est un article de cohérence avec l’article 1er de cette proposition de loi, me permet de revenir sur le coeur de notre désaccord.
Si, en effet, ce texte est calqué sur les dispositifs de la loi Mallié, que vous n’aimez pas, semble-t-il, mais qui a pour la première fois ouvert un peu la possibilité de travailler le dimanche, sous réserve de l’accord du maire et du préfet – malheureusement, ce n’est pas le cas à Paris, d’où les désordres que nous connaissons –, c’est parce que nous pensons que l’objectif premier dans notre pays ce doit être la création d’emplois.
Dans un pays qui compte 11 % de chômeurs, tout doit être tourné vers la création d’emplois. Or qu’avez-vous fait depuis un an et demi ? Vous avez fait les poches des travailleurs les plus modestes en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires ; vous avez fait s’abattre une pluie d’impôts sur les entreprises et vous avez adressé des signaux – je pense à la fameuse tranche d’imposition à 75 % – de nature à décourager les investissements dans notre pays.
Il y a encore des zones dans notre pays, première destination touristique au monde, où cela a du sens d’ouvrir le dimanche et de travailler, non pas toute la nuit mais jusqu’à vingt et une heures ou vingt-deux heures, parce qu’il y a beaucoup de monde dans les rues et que ces gens consomment.
Voilà le sens de cette proposition de loi. Il s’agit non pas de casser le code du travail, mais de permettre à des gens, des jeunes, des étudiants, de travailler tantôt le soir, tantôt le dimanche.
Pourquoi le rapport Bailly préconise-t-il de doubler le nombre de dimanches ouverts pour les grands magasins ? Parce que ceux-ci réalisent 50 % de leur chiffre d’affaires le dimanche.
Je vous parle de ma circonscription, monsieur le ministre. Quant aux magasins des Champs Élysées, ils réalisent 25 % de leur chiffre d’affaires le soir, ce qui leur permet d’engager des salariés supplémentaires, de les payer 30 % de plus, de leur offrir le taxi pour rentrer chez eux le soir. C’est gagnant pour l’entreprise comme pour les salariés et la ville.
Voilà le but de cette proposition de loi. Alors, ce n’est peut-être pas la peine de nous ressortir Zola et les machines qui doivent tourner toute la nuit. La notion de continuité économique telle qu’écrite dans le code du travail n’a rigoureusement rien à voir avec la vie d’une capitale comme Paris, dans la mondialisation actuelle, quand on sait que notre pays accueille 80 millions de touristes par an.
Tout ce que nous demandons, c’est d’adapter notre outil législatif sans le briser à cette réalité économique, dans un seul but : créer de l’emploi. Face à un taux de chômage de 11 %, monsieur le ministre, on ne fait pas la fine bouche, on n’insiste pas sur le monde d’hier ; on essaie de favoriser l’activité dans notre pays. C’est tout ce que nous demandons.
Comme M. Lellouche vient de le dire, l’article 2 était un article de cohérence ; l’amendement visant à le supprimer est donc un amendement de cohérence puisque l’article 1er a été supprimé.
Monsieur Lellouche, vous avez évoqué l’Espagne ; or, celle-ci est plurielle. On peut y travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dites-vous. C’est sans doute vrai à Madrid, mais c’est faux à Barcelone,…
Si l’on compare, en termes touristiques, Barcelone et Madrid, quelle ville l’emporte, à votre avis ? A l’évidence, c’est de la Catalogne que l’on doit plutôt s’inspirer.
Par ailleurs, vous qui prenez habituellement vos exemples en Allemagne, regardez ce qui s’y passe dans le domaine du travail.
M. le ministre a proposé un vrai débat : le consensus prévalait en la matière, et il semble qu’il y ait désormais un dissensus.
Discutons-en. Mais, au vu de nos échanges, je n’ai pas l’impression que nous avancions, et je trouve cela dommage.
En tant que rapporteur et auteur de la proposition de loi, je suis évidemment défavorable à cet amendement de suppression, car l’article 2 dispose, et c’est important, que le recours au travail de nuit doit être justifié, notamment par la continuité de l’activité économique. Néanmoins, la commission des affaires sociales a adopté cet amendement.
Monsieur Robiliard, je vous rappelle que l’Espagne est un État fédéral, qui laisse aux différentes provinces une liberté en matière de droit du travail. Nous ne sommes pas dans un État fédéral. Nous proposons donc une mesure d’ordre général, même si nous savons qu’elle sera essentiellement applicable, puisqu’elle concerne des zones touristiques à caractère exceptionnel, à la ville de Paris et à certains quartiers de cette ville.
L’amendement no 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 2 est supprimé.
L’article 3 porte sur les modes de consultation et la notion de référendum. Cela me permet de revenir sur l’un des points clés de la réalité que nous connaissons. Avec l’application de la loi Mallié par la ville de Paris, c’est-à-dire la fermeture complète du préfet et du maire à l’idée d’ouverture, et, deuxièmement, cette jurisprudence qui a été suscitée par l’action d’une intersyndicale qui s’est autoproclamée représentante des employés de ces entreprises, nous sommes aujourd’hui face à une régression : la petite marge de liberté qui subsistait encore a été brutalement supprimée.
Par ce texte, notre rapporteur Luc Chatel, avec Nathalie Kosciusko-Morizet et un certain nombre de collègues de notre groupe, propose simplement de redonner la parole aux employés. Seront possibles un accord par convention, c’est prévu dans le code du travail, ou une décision à la suite d’un référendum auprès des employés.
Ce qui est très intéressant quand on parle non pas au nom de ces travailleurs mais avec ces travailleurs, c’est qu’on s’aperçoit, premièrement, qu’ils ont envie de travailler, deuxièmement, qu’ils ont envie d’être payés 30 % de plus et, troisièmement, que vous êtes en train de leur dénier ce droit, chers collègues de la majorité. En cela, vous êtes parfaitement cohérents puisque, répétons-le encore une fois, tout ce que vous avez fait depuis un an et demi, c’est les empêcher de travailler,…
…et, quand ils pouvaient faire des heures supplémentaires, leur prendre le peu qu’elles leur avaient procuré.
Vous êtes donc parfaitement cohérents, mais il y a une chose que vous ne pouvez pas, que vous ne pouvez plus dire, c’est que vous êtes au service des travailleurs. Vous êtes en fait au service des chômeurs et des emplois protégés !
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement de suppression no 9.
Avant de présenter cet amendement de suppression, disons que nous sommes quand même un petit peu sceptiques sur l’efficacité de politiques de lutte contre le chômage qui consisteraient à ajouter deux heures de travail la nuit, en recourant à des emplois à temps partiel. On n’est pas absolument convaincus que ce soit la meilleure manière de créer des emplois.
Cela dit, l’article 3 est peut-être l’un des plus choquants de cette proposition de loi.
Il a pour objet la création d’un dispositif dérogatoire au code du travail, dispositif qui représente un recul majeur pour le droit des salariés. On l’a répété à plusieurs reprises. Jusqu’à présent, le travail de nuit était soumis à la conclusion d’un accord collectif préalable. Avec votre texte, s’il n’y a pas d’accord, le travail de nuit peut être décidé unilatéralement par l’employeur même si l’avis des institutions représentatives du personnel est négatif. Par ailleurs, le référendum revient à squeezer la consultation et l’association des représentants du personnel.
Pour ces raisons, nous proposons évidemment la suppression de cet article.
J’expliquerai en deux mots cet article. Il répond absolument à la problématique décrite par Pierre Lellouche. Qui a intenté le recours qui a entraîné la fermeture à vingt et une heures ? Une intersyndicale qui, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, n’est reconnue ni par les salariés du magasin concerné, ni par les centrales syndicales.
Nous avons donc un vrai problème de représentation. Nous pensons, nous, qu’il faut, d’abord, un accord collectif ou, à défaut, une décision de l’employeur assortie d’un référendum auprès des salariés du magasin. Voilà ce que nous pensons être l’équilibre dans les relations sociales.
C’est la raison pour laquelle je suis évidemment opposé à cet amendement de suppression, même si la commission des affaires sociales l’a adopté.
Nous abordons là, c’est vrai, des questions qui soulèvent aussi des problèmes de principe. Elles concernent notamment votre conception des rapports sociaux, ou l’évolution de celle-ci, puisqu’il y a bien une évolution par rapport aux pratiques qui furent les vôtres jusqu’à présent ; je veux le noter puisque cela éclairera les débats d’aujourd’hui, mais aussi la suite.
Tout d’abord, pas de faux débats. Puisqu’il s’agit d’une disposition d’ordre public, le fait, monsieur le rapporteur, que le recours ait été intenté par cette intersyndicale dont vous contestez la représentativité importe peu. Sa représentativité n’était effectivement pas une condition du recours. Eût-il été intenté par un salarié unique que le résultat aurait été exactement le même. Il ne s’agissait pas de vérifier la validité d’un accord collectif. Un seul salarié pouvait agir, voire une organisation extérieure. Je rappelle simplement, là, l’état du droit.
Vous dites ensuite que l’élaboration des règles, sur cette question du travail de nuit, pourrait passer par le recours au référendum en l’absence d’accord. Le droit actuellement en vigueur, tant sur le travail de nuit que sur les accords collectifs, est le résultat d’un travail commun, d’une sédimentation, entre l’opposition, à l’époque où elle était la majorité, et l’actuelle majorité. Votre contribution est importante, mesdames et messieurs de l’opposition, puisque, pour l’essentiel, c’est la loi Larcher qui a fondé la validité de l’élaboration de la norme par des accords. Et nous avons eu ce débat.
Il faut bien poser la question, ici, de savoir si c’est une évolution ou une erreur. Le débat que nous avons eu, y compris à l’époque, était le suivant : à quels domaines peut-on étendre le champ de la négociation ? Nous nous étions ralliés au texte et l’avions voté. Dans certains domaines, cette extension n’était pas possible, des règles d’ordre public s’imposant.
Par ailleurs, vous prétendez qu’il ne reste aucune possibilité si le salarié ne veut pas, mais le code du travail en prévoit une, une seule, que vous n’avez pas évoquée. L’inspecteur du travail peut imposer le travail de nuit. Pourquoi donc ? Cela se comprend. S’il faut que les machines continuent à fonctionner et que les salariés ne veulent pas s’en occuper, il peut y avoir une décision de l’inspecteur du travail. Tel est le droit actuellement en vigueur.
Ce qui est terrible, dans la situation présente, c’est que vous passez de l’un à l’autre pour des raisons de confort. Il faut faire très attention. C’est toute la difficulté quand on fait un texte d’opportunité :…
…finalement, peut-être par inadvertance, on propose des remises en cause, y compris des remises en cause de ce dont nous étions, jusqu’à présent, me semble-t-il, coresponsables,…
…à savoir un partage très précis entre le domaine de la loi et celui du contrat.
Ajoutons que vous vous êtes probablement trompés de texte, et qu’il y avait dans le code un espace qui aurait permis un débat un peu plus constructif que celui que vous ouvrez avec le travail de nuit.
L’amendement no 9 est adopté et l’article 3 est supprimé.
Cet article va vous faire plaisir, monsieur le ministre, puisqu’il traite des compensations.
Aujourd’hui, à Paris, dans les magasins qui ont été fermés en raison de cette curieuse jurisprudence, ce sont entre 25 % et 35 % d’heures supplémentaires qui ont été supprimés pour les gens qui travaillent la nuit. Ce sont autant de revenus en moins, c’est vraiment regrettable.
En outre, c’est une gêne pour la population qui habite à Paris, qui travaille souvent le soir, et qui aujourd’hui ne peut plus trouver d’endroits où consommer au-delà de vingt et une heures.
Le texte proposé par notre groupe prévoit donc des compensations salariales d’au moins 30 %. Nous considérons que c’est une avancée, une avancée pour la création d’emplois, une avancée pour la création de richesses dans notre pays et un surcroît de revenus pour nos compatriotes, qui ont besoin de travailler.
Ce serait tellement bien, monsieur le ministre, que, pour une fois, au-delà de nos divergences politiques, de nos divergences de sensibilité, qui sont une bonne chose car elles sont consubstantielles de la démocratie, nous soyons d’accord sur l’état économique de notre pays. On ne peut pas trimballer, de façon structurelle, des déficits de cet ordre, près de 100 % de notre PIB, qui s’aggravent, une dette de 2 000 milliards d’euros et 11 % de chômeurs. J’invite donc vraiment chacun d’entre nous à tout faire pour favoriser de façon pragmatique la création d’emplois. Arrêtons de nous chamailler sur les subtilités du code du travail, les conséquences éventuelles du travail jusqu’à cinq heures du matin, car personne ne parle de cela. On parle simplement, de façon pragmatique, du fait qu’il y a des clients qui rentrent tard le soir et qui ont besoin de consommer, qu’il y a beaucoup de touristes qui ont besoin de consommer le soir ou le dimanche. Faisons en sorte que, dans une ville comme Paris, comme dans les autres villes touristiques de notre pays, puisqu’il y en a d’autres, on puisse répondre à ce besoin et créer de la richesse.
Terminons sur un chiffre. Sur le seul quartier des grands magasins, la fermeture de ceux-ci représente 3 000 emplois en moins. Et la fermeture des magasins sur les Champs-Élysées le dimanche ce sont plusieurs milliers d’emplois en moins. Quand vous fermez le soir, vous détruisez de l’emploi. Ce n’est pas compliqué ! On pourrait au moins être d’accord sur ces chiffres-là et arrêter de se chamailler et de rejeter des textes de bon sens. J’en appelle à votre bon sens, et songez à la souffrance de gens qui cherchent du boulot et qui n’arrivent pas à en trouver parce que, au lieu d’ouvrir notre économie, on n’arrête pas de la rigidifier. Aujourd’hui, vous êtes devenus le parti de la conservation. Je suis désolé mais il faut qu’on arrive à ouvrir un peu notre pays.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement de suppression no 10.
L’article 4 est assez intéressant, et je vais vous expliquer pour quelles raisons on demande sa suppression.
Il s’agit tout d’abord d’un amendement de conséquence. C’est très clair : les établissements concernés par l’article sont ceux « définis à l’article L. 3122-32-1 » du code du travail. Or nous avons supprimé l’article 1er de la proposition de loi dont l’objet était précisément de créer cet article L. 3122-32-1 du code du travail. L’article 4 n’a donc plus de sens. C’est un amendement de conséquence.
Monsieur Lellouche, mon argument se fonde sur la réalité du texte, et ce n’est pas ainsi que vous pouvez y répondre.
Ensuite, il y a un autre argument, en termes de principe. Supposons que nous n’ayons pas supprimé l’article 1er de la proposition de loi et l’article L. 3122-32-1 du code du travail qui en serait issu. Que se passerait-il ? Selon que vous êtes dans le cadre d’un travail de nuit, parce que vous travaillez dans un magasin Sephora dans le quartier des grands magasins, ou que vous travaillez dans deux magasins Sephora, dans deux zones différentes, dans des conditions différentes, vous allez faire exactement le même travail, avec un salaire qui, dans un cas, ne sera pas majoré, ou le sera seulement dans une mesure inférieure à 30 %, et, dans l’autre, sera majoré de 30 %.
C’est pour cela qu’il était nécessaire de mener une réflexion complète et de prendre le temps de la consultation des partenaires sociaux, ce dont vous vous êtes abstenus.
Voilà ce que je voulais dire sur ce point. Il me semble que c’est important.
Quant à la lutte contre le chômage, vous savez que c’est l’une de nos priorités, si ce n’est notre priorité. Simplement, la lutte contre le chômage ne se fait pas au mépris de la santé des salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
L’article 4 est très important. Je ne peux donc évidemment pas cautionner cet amendement de suppression. Pourquoi est-il important ? Je rappelle que cette proposition de loi ne déroge nullement aux compensations déjà prévues, qui figurent à l’article L. 3122-40 du code du travail, à savoir des mesures d’amélioration des conditions de travail des salariés de nuit, des mesures permettant l’articulation entre l’activité nocturne et l’exercice, par exemple, de responsabilités familiales, notamment avec la question des moyens de transport, des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Tout cela est conservé et nous proposons, par cet article, d’aller plus loin, c’est-à-dire de garantir effectivement 30 % de rémunération supplémentaire. Je trouve donc un peu curieux que ceux qui, tout au long de cette discussion, se sont érigés en défenseurs des travailleurs, en faisant référence aux maîtres de forge et à l’exploitation des hommes à l’époque de Zola,…
…ne soient même pas favorables à ce qu’une compensation salariale figure dans la loi.
Vous comprendrez donc que je sois défavorable à cet amendement, même si la commission des affaires sociales l’a adopté.
Monsieur le président, je voudrais répondre à l’un de nos collègues socialistes. Monsieur Robiliard, votre argumentation est assez bizarre. En résumé, vous nous avez expliqué que les salaires doivent être les mêmes sur l’ensemble du territoire, grâce à une convention de paie. C’est un peu ce que vous venez de dire, car vous nous avez expliqué que les règles doivent être les mêmes d’un côté à l’autre d’une rue, et d’un quartier de Paris à l’autre.
Mais alors, si vous voulez vraiment une égalité de traitement sur tous les territoires, supprimez les zones touristiques et supprimez les PUCE !
Il semble que vous y êtes favorables, mais ce serait totalement contre-productif en matière économique et en matière de création d’emplois.
Après avoir entendu vos arguments, je voudrais vous rappeler – comme Luc Chatel l’a fait il y a quelques minutes – l’évolution en matière de commerce. Nous avons déjà parlé du besoin de développement économique et de l’ouverture des commerces, dans ces zones spécifiques – qui ne sont pas situées uniquement à Paris, mais aussi dans d’autres grandes villes –, à des horaires qui peuvent être décalés. Il s’agit, comme je le disais, de mieux accueillir non seulement les citoyens français, mais aussi ceux qui viennent dépenser et investir de l’argent en France.
Un changement culturel est par ailleurs en train de s’opérer en matière de commerce. Je pense, en particulier, au commerce par internet : comme Luc Chatel l’a rappelé, nous sommes en train de passer totalement à côté de cette évolution majeure. Qui, dans cet hémicycle, n’a jamais acheté ne serait-ce qu’un seul produit sur internet ? Que ce soit avant ou après vingt et une heures…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Merci, monsieur le président.
Il ne s’agit pas de contrer cette évolution. Vouloir contrer internet, cela n’aurait strictement aucun sens ! En revanche, je crois qu’il faut accompagner cette évolution en essayant de donner plus de souplesse au code du travail. Cet article vise ainsi à accompagner les salariés qui doivent suivre cette évolution du commerce.
Vous nous parlez toujours du code du travail. Mais pour qu’il s’applique, il faut d’abord que les gens aient du travail ! Or ce sont les boutiques, le commerce de proximité, qui souffrent aujourd’hui de la croissance exponentielle du commerce par internet. Ces entreprises veulent maintenir des emplois dans les centres urbains : donnons-leur les moyens de le faire ! Elles doivent pouvoir répondre à la concurrence d’internet. Sans cela, vous verrez que ces boutiques fermeront les unes après les autres. Permettez-moi de vous rappeler juste un chiffre : aujourd’hui, en France, il y a autant de travail subventionné, aidé par l’État, que de travail issu de l’initiative privée. La répartition est simple : 50 % d’un côté, 50 % de l’autre !
J’en finis, monsieur le président.
Voulez-vous que notre monde du travail soit totalement administré par l’État ? Cela rappellerait les heures sombres que d’autres pays ont connues. Encore une fois, je pense que cette époque est totalement révolue. Cela nous amènerait réellement notre pays au déclassement.
Monsieur Lamour nous traite de Soviétiques !
Ce n’est en effet pas très subtil, mais c’est pour vous faire prendre conscience du problème.
Monsieur le ministre, essayons de sortir des problématiques strictement parisiennes. Cette proposition de loi, comme vous l’avez dit, peut très bien s’appliquer dans d’autres régions. Prenons l’exemple d’un département proche de Paris et de ma circonscription : la Seine-et-Marne. Peut-être connaissez-vous ce département ? Il comprend un centre touristique appelé Eurodisney.
Eurodisney compte 13 millions de visiteurs annuels, soit plus de 30 000 visiteurs par jour.
Ce n’est pas seulement un parc d’attractions, il y a aussi beaucoup de magasins. Il y a des boutiques en pagaille !
Aujourd’hui, vous refusez notre proposition, sous prétexte que cela pourrait éventuellement peser sur la santé des salariés ! Comment leur expliquerez-vous cela ? Quels arguments justifient vos amendements de suppression ?
Direz-vous aux enfants qu’ils ne peuvent aller à Eurodisney que la journée, car le soir et la nuit, vous obligez ce centre à fermer ?
Il ne faut donc pas se cantonner au débat purement parisien d’où nous sommes partis. Il faut aussi essayer de penser aux conséquences potentielles de nos décisions. Certains arguments qui s’appliquent au problème tel qu’il se pose à Paris dépasseront rapidement ce cadre pour s’appliquer à d’autres situations, comme celle d’Eurodisney.
Je plains M. le rapporteur ! Depuis le début de l’examen de ce texte, il essaye de nous expliquer que le but de cette proposition de loi est d’apporter de la souplesse au droit du travail.
Or chaque fois qu’un intervenant de l’opposition s’exprime, que ce soit M. Lellouche ou M. Lamour, c’est pour prôner la déréglementation totale en matière de droit du travail !
J’ai bien écouté M. Lamour. Il faut faire attention à ce qu’il a dit. M. Lamour nous a dit, en substance, « Attention, le commerce en ligne se développe. Il faut que nous adaptions notre législation au commerce en ligne ».
Mais le commerce en ligne, c’est quelque chose auquel on peut recourir depuis chez soi, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept !
Ce n’est pas vrai : les livraisons ne se font pas tous les jours, à toute heure !
Si nous suivons le raisonnement de M. Lamour, il n’y a aucune raison de conserver la moindre limite. J’en reviens à ce que je disais tout à l’heure : vous n’avez pas voulu inscrire dans le texte une quelconque limitation au travail de nuit, qui dure jusqu’à six heures du matin, même si M. le rapporteur nous dit que des mesures pourraient être prises sur ce point par décret.
Je vous remercie, monsieur Lamour : s’il me restait encore un doute, vous l’avez levé en nous expliquant que les salariés de ce pays doivent travailler sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
C’est là une vision un peu particulière ! Je m’étonne d’ailleurs que parmi les membres de l’opposition ici présents, ne se trouve aucun membre de la commission des affaires sociales. Pas un seul ! À supposer que l’UMP ait une vision de ce problème, elle est exclusivement économique.
Si nous avions un doute sur ce fait, il est maintenant dissipé. Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à ce texte en général, et à cet article en particulier.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Alors comme cela, la commission des affaires sociales serait vertueuse, et la commission des affaires économiques serait malsaine ?
Monsieur le président, je ferai juste deux observations. D’abord, les propos de M. Lamour auraient pu susciter des réactions plus vives, mais puisqu’il a lui-même reconnu que ses allusions n’étaient pas très subtiles, je n’épiloguerai pas sur ce point. Je pense qu’en effet, il s’est laissé entraîner par son éloquence. Je ne répondrai donc pas à ces propos dont il a lui-même reconnu qu’ils étaient exagérés.
Quoi qu’il en soit, avant de se reprendre, M. Lamour a accusé le Gouvernement – mais aussi les orateurs de la majorité – de vouloir revenir aux soviets. Un peu plus tard, monsieur Bénisti, vous nous avez accusés d’annoncer aux petits enfants la fermeture d’Eurodisney. Franchement, je ne crois pas avoir été à ce point confus que vous ayez pu comprendre cela !
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Ou alors c’était une parenthèse humoristique, ou alors vous êtes dans la confusion la plus totale.
C’est pathétique ! Vous faites de l’humour au lieu d’argumenter sur le fond !
Le travail de nuit existe effectivement, nous ne sommes pas en Union soviétique ! Il est autorisé dans un certain nombre de secteurs comme la sécurité ou la restauration. Nous sommes pour le travail de nuit quand il est indispensable. La différence entre nous, c’est que vous voyez les individus avant tout comme des consommateurs, alors que nous les voyons d’abord comme des êtres humains, comme des salariés qu’il faut protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Sourires.
Ne vous inquiétez pas : le Gouvernement n’envisage pas de fermer Eurodisney !
Je voudrais répondre à votre argumentation, monsieur Sirugue, qui à mon sens n’est pas recevable. Vous comparez le commerce électronique au commerce classique, et vous dites : « Ce n’est pas à nous de défendre le commerce électronique ».
Nous ne sommes pas en train de choisir un mode de consommation contre un autre.
Monsieur Sirugue, vous faites partie de la majorité, qui nous explique à longueur de journée qu’il faut lutter contre les délocalisations. Il est curieux de vous voir vous échiner à empêcher les commerces de proximité d’ouvrir, face à la concurrence de grandes enseignes internationales. Pourtant, ces grandes enseignes ont tendance à ne pas créer d’emplois en France !
Ensuite, il faut bien garder en tête l’évolution des comportements. Il n’appartient pas au législateur de choisir un comportement contre un autre, mais d’entendre les revendications des consommateurs et des salariés. Nous devons prendre en compte l’évolution de la société ! Oui, aujourd’hui, il est possible de commander un produit sur internet vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C’est un fait.
Il ne s’agit pas simplement de pouvoir commander à toute heure. Une grande enseigne a été citée plusieurs fois au cours de nos débats : il s’agit d’Amazon. Cette entreprise propose, à l’heure actuelle, des modes de livraison très rapides : il est possible de disposer d’un produit quelques heures seulement après la commande, même après vingt et une heures !
« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.
On peut donc recevoir un produit par livraison chez soi, à une heure où l’on ne peut pas le trouver dans un magasin à cause de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris de septembre dernier.
Dernier élément, monsieur le ministre : autoriser certaines centrales logistiques à fonctionner la nuit, au nom de la continuité économique des livraisons, et interdire aux commerces de proximité d’ouvrir après vingt et une heure, cela entraînerait pour le coup une véritable distorsion de concurrence.
Je serai bref, monsieur le président. J’entends simplement répondre à la caricature dressée par notre collègue Christophe Sirugue. Comme Luc Chatel vient de le dire, pour ne pas voir l’évolution actuelle en matière de commerce sur internet, il faut vraiment se plonger la tête dans le sable ! Nous ne pouvons pas interdire le commerce par internet, mais nous pouvons donner un peu de souplesse au travail de nuit, sur la base du volontariat. Il ne faut pas se cramponner au code du travail comme vous le faites ! Cette démarche me semble plutôt intelligente, plutôt de bon sens. Sinon, encore une fois, nos clients vont se diriger vers d’autres pays.
Ensuite, monsieur le ministre, sachez que ce n’est pas moi qui ai parlé d’un manque de subtilité : c’est venu des bancs de la gauche. Vous devriez faire plus attention aux échanges avant de me renvoyer je ne sais quelle réponse à la figure ! Je confirme qu’à cause de vous, malheureusement, nous sommes dans un régime d’administration centralisée du travail et de l’économie, dans lequel l’aide publique vaut mieux que l’initiative privée. Ce modèle va dans le sens contraire de l’Histoire. Je ne dis pas qu’il faut totalement déréguler : d’ailleurs, le texte présenté aujourd’hui par Luc Chatel parle-t-il de dérégulation ? Absolument pas ! Il parle de souplesse dans la négociation et de volontariat. L’article 4 permettrait même d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, car il prévoit un complément de rémunération de 30 % pour le travail de nuit. Ce n’est pas du tout de la dérégulation ! Notre attitude ne ressemble pas à la caricature que vous en faites ; elle n’est que pragmatisme et bon sens. Essayez simplement de comprendre cela.
Vous pouvez ne pas être d’accord avec l’évolution que nous proposons, mais vous souhaitez comme nous permettre le rebond nécessaire à notre pays : c’est le sens de votre « choc de compétitivité » et de votre « choc de simplification ». Dans ce cas, allez-y : acceptez cette proposition de loi, car elle a du sens !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, dans votre caricature, vous n’avez mentionné que les hôtels et les restaurants implantés sur le site d’Eurodisney. Sachez qu’il y a aussi des boutiques ! Je ne vous conseille pas d’aller vous distraire dans les attractions, mais vous devriez vous promener sur ce site : cela vous ferait du bien. Vous verrez qu’il y a des boutiques ouvertes très tard, en même temps que les hôtels et les restaurants. Cela veut dire qu’il y a eu une extension de la loi dans ce domaine, mais ce n’est pas là le problème.
Le problème, franchement, c’est que vous caricaturez nos propos ! Nous n’avons jamais parlé de kolkhozes ni de soviets !
Nous avons entendu M. Sirugue – qui est pourtant un connaisseur du sujet – dire que nous sommes pour la dérégulation absolue, et que nous voulons faire travailler les salariés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
C’est bien ce que vous avez dit tout à l’heure, monsieur Sirugue. De même, vous avez sous-entendu que l’on n’est pas vertueux si l’on n’est pas membre de la commission des affaires sociales !
J’ai simplement regretté qu’il n’y ait pas de membres de la commission des affaires sociales parmi les députés UMP présents !
Nous, nous sommes incompétents parce que nous ne parlons que d’économie, ce qui, dans votre esprit, n’est pas vertueux ! Passons.
Je vous signale que pas un seul salarié n’a déposé un recours, dans l’affaire « Sephora ». Pas un seul ! Vous qui parliez tout à l’heure de présence en commission des affaires sociales, vous ne trouvez pas bizarre qu’aucun des salariés de Sephora n’ait déposé un recours ?
Je vous signale d’ailleurs que le recours devant la chambre sociale de la Cour de cassation porte, non pas sur le fond du sujet, mais sur la forme. Très franchement, connaissant un peu la jurisprudence de la chambre sociale, je suis très inquiet car, trop souvent, elle a une représentation fixiste du droit du travail et ne tient pas suffisamment compte des intérêts des entreprises et de la concurrence qu’elles subissent.
Nous attendons de voir la suite de la procédure car si, d’aventure, il y avait un vice de forme et un renvoi devant la Cour d’appel, alors les chambres réunies de la Cour de cassation seraient amenées à juger le débat au fond. Or, vous savez bien, monsieur Vidalies, que le droit du travail ne peut pas être fixe et ne pas tenir compte de l’évolution des règles de concurrence.
Que vous le vouliez ou non, internet permet désormais de faire du commerce et de se faire livrer à n’importe quelle heure. C’est une concurrence qui n’existait pas auparavant.
Le droit du travail n’est pas fixe ; il doit donner aux gens la possibilité d’affronter de nouvelles formes de concurrence, que vous avez tort de ne pas vouloir reconnaître, monsieur Sirugue. Cette concurrence existe, il ne s’agit donc ni de la nier, ni de conserver un droit du travail figé, quelles que soient les nouvelles formes de concurrence. Vous devez vous adapter ! Ce n’est pas une régression, mais une évolution dans le sens du progrès économique et de la liberté !
Très franchement, avec l’excès de réglementations qui pèsent sur le monde du travail, nous sommes dans un monde qui abandonne la liberté, qui est pourtant un principe républicain.
L’amendement no 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 est supprimé.
L’amendement no 6 , portant article additionnel après l’article 4, instaure une procédure destinée à sécuriser le volontariat des salariés pour le travail de nuit. Il s’agit d’une question sensible, qui a déjà été évoquée lors du débat sur le travail du dimanche, et que nous avons abordée à plusieurs reprises dans le cadre de nos auditions.
Cet article propose de recueillir l’assentiment écrit des salariés, ce qui me semble une avancée importante.
Il faut peut-être préciser d’emblée qu’il s’agit d’un sous-amendement d’appel, car ce qui a été évoqué dans l’amendement de M. Chatel doit nous interpeller. La question de savoir dans quelles conditions doit être encadrée la notion de volontariat me paraît déterminante, dans une période où – notre débat en est un exemple – on s’entend répéter que les gens sont volontaires, pour travailler la nuit, le dimanche, tous les jours et à toute heure.
Il me semble donc important que nous soyons relativement vigilants sur ce point. Ainsi, non seulement je ne suis pas insensible à ce qui a été dit tout à l’heure par le ministre sur les questions de santé, mais je tiens également compte de la place des partenaires sociaux et de la négociation sociale dans ce débat – sujet sur lequel je souhaite interpeller le Gouvernement.
Mais, nous ne devrions pas faire du suivisme. En effet, les textes évoluent toujours après que le législateur a été placé devant le fait accompli. Par exemple, dans le cadre du débat sur le travail du dimanche – évoqué tout à l’heure –, c’est une situation concrète qui a conduit le législateur à proposer des zones nouvelles, et à fixer un cadre.
Aujourd’hui, l’ouverture de certains magasins la nuit et la prochaine décision de la Cour d’appel nous conduit à discuter subrepticement de l’évolution de la loi.
Plutôt que d’en être réduit à cela, le sous-amendement no 11 vise à définir les modalités d’encadrement du volontariat. Ainsi, si le temps de travail venait à évoluer de quelque façon que ce soit, cela permettrait de s’assurer que le salarié est bien volontaire.
Pour autant, je répète notre opposition formelle au travail de nuit.
J’ajoute rapidement un mot sur les remarques que j’entends depuis tout à l’heure sur les organisations qui ont déposé le recours. J’ai sous les yeux l’arrêt de la Cour d’appel et je me permets de citer les requérants : le syndicat des employés du commerce Île-de-France CFTC, l’union syndicale CGT du commerce de la distribution et des services de Paris, le syndicat CGT-Force Ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris, la fédération des employés et cadres de la CGT-Force Ouvrière, le syndicat Sud commerces et services Île-de-France, et le syndicat commerce interdépartemental d’Ile-de-France CFDT.
Vous nous expliquez que ces organismes n’ont aucune représentativité, mais cela mérite d’être nuancé.
M. Sirugue a indiqué qu’il s’agissait d’un sous-amendement d’appel. J’ai regretté, tout au long de ces débats, que la majorité s’enferme dans un dogme et ne tienne pas compte de la réalité du terrain.
Pour autant, j’ai envie de vous prendre au mot, monsieur Sirugue. Je trouve un peu curieux que vous cherchiez à améliorer une proposition de loi dont, depuis trois heures, vous dénigrez le contenu et vous supprimez les articles les uns après les autres, mais j’ai envie de dire : chiche !
La commission n’a pas examiné ce sous-amendement, qui a été déposé plus tard, mais j’ai envie de m’en remettre à la sagesse de l’assemblée pour l’adoption de ce sous-amendement.
L’amendement no 6 étend le principe du volontariat aux salariés qui travaillent dans les zones touristiques, puisque tel est l’objectif de la proposition de loi. Le sous-amendement no 11 , qualifié « d’appel » par M. Sirugue, étend la notion de volontariat à tous les salariés qui travaillent la nuit.
Le Gouvernement vous appelle à beaucoup de prudence sur votre proposition de solution concernant le volontariat. Effectivement, ce sujet pose des questions de principe.
Dans ce domaine, pouvons-nous passer de la protection de l’accord collectif et de la loi à l’accord individuel ? En effet, le salarié doit accepter ou non de se porter volontaire.
Il est peut-être possible de débattre de ce sujet, mais il faudrait d’abord définir le volontariat – qui est déjà prévu dans certains cas par notre code – et, surtout, en préciser le champ. Or, il me semble que la meilleure façon d’aborder le sujet n’est pas forcément celle-là, puisque le travail de nuit a des conséquences en matière de santé publique.
Je comprends que le sous-amendement no 11 répond à l’amendement de M. Chatel, mais je suggère de le retirer. Je me suis efforcé de répondre à ce que vous avez qualifié de « sous-amendement d’appel », monsieur Sirugue. De ce point de vue, il est donc satisfait.
Par ailleurs, s’agissant de l’amendement lui-même et de la question du volontariat, nous sommes dans une situation difficile à comprendre : on a parfois le sentiment que l’on veut aligner la législation en ce domaine sur celle du travail le dimanche. Mais, quand le volontariat est inutile ou gênant, il est écarté. Monsieur Chatel, votre démarche serait cohérente si, aujourd’hui, dans les zones touristiques, le travail le dimanche reposait sur la base du volontariat.
Or, la loi Mallié, que vous avez votée, était très difficile à comprendre : certaines zones, situées dans des zones d’activités économiques comme celle de Plan-de-Campagne, fonctionnaient sur la base du volontariat mais, dans les zones touristiques – faut-il le rappeler ici ? –, le principe retenu était celui du travail le dimanche, sans demander l’avis du salarié et sans compensations adaptées.
C’est d’ailleurs l’un des problèmes dont on va devoir rediscuter à la suite du rapport sur le travail le dimanche demandé par le Gouvernement.
La position du Gouvernement est donc d’en rester à la législation actuelle et de ne pas entrer dans ces difficultés. Surtout, le travail de nuit étant un enjeu de santé publique, nous souhaitons ne pas introduire le volontariat car, compte tenu de la nature du lien salarié, personne ne peut être volontaire pour travailler dans des conditions qui peuvent nuire à sa santé. Il y a d’autres règles à respecter, comme les accords collectifs et la loi.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement, et je demande le retrait du sous-amendement.
Je saisis l’occasion de ce débat sur le volontariat pour faire entendre dans l’hémicycle un témoignage que Luc Chatel et moi avons recueilli dans le cadre des auditions que nous avons menées pour préparer cette proposition de loi.
Je ne me fais pas beaucoup d’illusions : je ne crois pas que ce témoignage sera de nature à ôter leurs oeillères à nos collègues de la majorité, mais il me semble néanmoins que ces propos doivent pouvoir être entendus.
Nous avons reçu les représentants des salariés de Sephora, qui nous disaient être tous volontaires. Parmi eux, certains l’étaient pour des raisons économiques, pour bénéficier des majorations salariales dont ils avaient besoin. Ils l’avaient choisi et cela leur était utile.
Ils disaient également que certains étaient volontaires pour des raisons de choix de vie, et qu’ils le seraient d’ailleurs probablement même sans bénéficier des majorations salariales. Ils nous ont cité deux cas : d’abord, celui de couples qui avaient besoin, pour assister une personne dépendante à la maison, d’avoir des horaires décalés entre eux et qui, de toute façon, ne pourraient pas travailler aux mêmes horaires en journée.
Le second cas concerne des étudiants ayant signé avec Sephora des contrats de vingt-cinq heures hebdomadaires, réalisées le soir, et qui étaient confrontés à un choix : démissionner ou travailler pendant les heures de cours. Certains ont déjà démissionné, puisqu’ils ne pouvaient pas travailler pendant les heures de cours. D’autres ont été obligés de choisir de sécher les cours, ne pouvant pas arrêter de travailler.
Voilà le résultat de l’aveuglement idéologique et surtout anachronique de nos collègues socialistes !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Le sous-amendement no 11 est retiré.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
Nous avons achevé la discussion des articles de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, il n’y a pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.
Après l’article 4
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Alain Moyne-Bressand et plusieurs de ses collègues, visant à lutter contre l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses (nos 964, 1589).
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, madame déléguée chargée de la famille, mes chers collègues, je souhaiterais expliquer pourquoi il est devenu nécessaire de prendre des dispositions législatives contre la prolifération de l’ambroisie, mais aussi la raison pour laquelle, dans sa séance du mercredi 27 novembre, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté la proposition de loi que j’ai présentée.
Quelques rappels tout d’abord. Le territoire français n’échappe pas au phénomène d’invasions biologiques, et de nombreux exemples rappellent l’importance des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de ces invasions, qui ne doivent pas être sous-estimées. À ce titre, le texte que nous vous présentons concerne la santé publique ; il est d’intérêt général et constitue également une source d’économies pour la Sécurité sociale.
L’ambroisie à feuilles d’armoise est une espèce végétale envahissante, venue d’Amérique du Nord, présente sur notre sol depuis plus d’un siècle et en expansion sur notre territoire national. Elle est particulièrement bien implantée dans tous les départements de la région Rhône-Alpes et dans le bassin de la Loire et de l’Allier, mais elle est aussi présente dans d’autres régions françaises où elle se répand. Seuls neuf départements sur quatre-vingt-seize ne seraient pas touchés.
Les raisons de cette expansion sont multiples. Elles sont liées avant tout aux activités humaines : l’importance des surfaces laissées en friche ou en jachère, le développement des transports de matériaux et de matériels de construction, la multiplication des voies de communication ou encore l’augmentation des sites de construction en milieu urbain et périurbain. Ainsi, c’est surtout à la faveur des grands travaux d’aménagement du territoire que l’ambroisie est partie à la conquête des zones où le climat lui était favorable. Depuis vingt-cinq ans, elle peut être qualifiée d’envahissante.
L’impact de la prolifération de l’ambroisie à feuilles d’armoise est de trois ordres : agronomique – avec des pertes de rendement pouvant aller de 20 % dans les cultures de céréales à 70 % pour le tournesol et la betterave –, environnemental et surtout sanitaire.
Ses conséquences sur la santé publique sont très négatives en raison du pouvoir allergisant de son pollen, considéré comme l’un des plus puissants déclencheurs de rhumes des foins, de rhinites allergiques, de conjonctivites, voire de dermatites ou de crises d’asthme. De récentes études médicales ont estimé que 10 % à 20 % des patients européens présentant des allergies au pollen souffrent d’allergies à l’ambroisie. Dans la région Rhône-Alpes, 12 % de la population aurait des allergies liées à l’ambroisie dans la période de juin à octobre.
La prévention constitue le meilleur moyen de contrôler l’invasion d’une espèce végétale, car il devient beaucoup plus difficile de lutter lorsque les plantes envahissantes se sont propagées sur de larges territoires et dans des zones où la population est dense.
La propagation de l’ambroisie à feuilles d’armoise est telle, en France, que son éradication est malheureusement devenue impossible, mais il est impératif de contrer de nouvelles disséminations et de réduire son expansion actuelle. Toutes les stratégies de lutte sont fondées sur la prévention de la production de pollens et de graines. Différentes méthodes sont utilisées : fauchage, arrachage, couverture du sol par des plantes ou des bâches pour les carrières ou les chantiers, pâture par des moutons – c’est l’éco-pâturage – ou encore recours aux herbicides.
Bien entendu, les méthodes les moins nuisibles à l’environnement doivent être privilégiées, mais une approche combinant les différentes méthodes et l’intégration des acteurs concernés est nécessaire pour lutter efficacement contre la dissémination. Il convient ainsi de recourir à des solutions complémentaires et de les utiliser de façon permanente, dans la continuité des saisons.
Du point de vue juridique, la lutte contre les ambroisies a fait l’objet d’un encadrement réglementaire, rarement législatif. Comme je l’ai expliqué devant la commission du développement durable, dont je salue le président, cet encadrement vise à permettre à la France de respecter ses engagements européens et internationaux en matière de biodiversité. Les espèces invasives, qu’elles soient végétales ou animales, ont en effet été identifiées comme l’un des cinq facteurs aggravant l’érosion de la biodiversité.
Ainsi, outre qu’elle constitue un enjeu national en matière de lutte contre la perte de biodiversité, d’agriculture et de santé publique, la lutte contre l’ambroisie s’impose car elle permet à notre pays de respecter un certain nombre d’engagements européens et internationaux. Je citerai à cet égard la Convention sur la diversité biologique, adoptée lors du sommet de Rio en 1992 et ratifiée par la France en 1994, la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe et la Convention de Nagoya d’octobre 2010.
La réglementation française reste insuffisante. Pourtant, la lutte contre ce fléau participe de l’objectif, défini par la loi du 23 août 2009 – dite Grenelle 1 –, consistant à mettre un terme à la perte de biodiversité. Cet objectif comporte la possibilité d’interdire l’introduction des espèces exotiques envahissantes dans le milieu naturel.
La lutte contre les espèces invasives a également été intégrée dans la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, afin d’identifier les espèces exotiques envahissantes.
Certes, un arrêté du ministre de l’agriculture, en date du 13 juillet 2010, a inscrit l’ambroisie sur la liste des espèces invasives, en définissant la nature du couvert végétal des bandes tampons autorisées entre parcelles cultivées.
Les pouvoirs publics ont également agi dans le domaine de la santé. Le ministère de la santé a notamment créé en 2011, avec l’INRA et sous l’autorité de la direction générale de la santé, l’Observatoire de l’ambroisie, qui a réalisé la première cartographie nationale de sa dissémination sur notre territoire en implantant des capteurs.
Il a par ailleurs intégré au plan national santé environnement II 2009-2013 la lutte contre l’ambroisie, au sein de l’action intitulée « Prévenir les allergies ». Pour répondre à une demande de certains membres de la commission du développement durable, cet aspect de l’action de l’État a été précisé dans mon rapport.
Mais, sur le plan opérationnel, la lutte contre l’ambroisie repose uniquement sur des arrêtés préfectoraux, pris dans une quinzaine de départements, et sur des arrêtés municipaux, comme celui que j’ai pris en tant que maire dans la commune de Crémieu.
La proposition de loi qui vous est soumise vise donc à améliorer l’encadrement normatif, en le rendant plus cohérent et plus efficace, de façon à l’adapter à l’urgence de la situation.
Sans détailler le contenu du texte adopté en commission, j’en rappellerai les principaux points : inscription de l’ambroisie sur la liste des organismes nuisibles ; obligation de destruction de la plante sur les parcelles contaminées, assortie d’une procédure d’exécution d’office en cas de manquement des personnes concernées par cette obligation ; rôle de coordination confié au représentant de l’État dans le département ; obligation de prendre des mesures préventives pour éviter la dissémination ; rôle de collecte des informations sur la dissémination et de coordination des actions de communication, d’alerte et d’information confié au ministre chargé de la santé.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, certaines espèces végétales ou animales présentent une menace pour la santé humaine. Il en est ainsi de l’ambroisie à feuilles d’armoise, plante originaire d’Amérique du Nord, introduite en France à la fin du XIXe siècle.
Aujourd’hui très présente en région Rhône-Alpes, cette plante colonise peu à peu l’ensemble du territoire national. Des cartographies réalisées en 2011, à la demande du ministère des affaires sociales et de la aanté, montrent que l’ambroisie s’est développée dans la quasi-totalité des départements métropolitains. Et, chaque année, nous observons son apparition dans de nouveaux territoires.
Cette plante représente une menace pour la santé publique, du fait de sa nature très allergisante. Son caractère d’espèce envahissante représente également un enjeu majeur pour les milieux agricoles et non agricoles. Quelques grains de pollen par mètre cube d’air suffisent pour que des symptômes, souvent sévères, apparaissent chez les sujets sensibles : rhinite, conjonctivite, trachéite, urticaire ou encore eczéma.
En Rhône-Alpes, 10 à 12 % de la population résidant dans les zones les plus infestées seraient sensibles au pollen de l’ambroisie à feuilles d’armoise. Dans cette seule région, il a été estimé qu’en 2012, entre 150 000 et 200 000 personnes ont consommé des soins en rapport avec l’allergie à l’ambroisie. Le coût pour notre système de santé est particulièrement élevé, il est compris entre 11 et 16 millions d’euros.
Face à ce constat, il apparaît nécessaire de prendre rapidement des mesures efficaces. Notre action devrait viser trois objectifs : contenir l’expansion de cette espèce dans les zones colonisées, surveiller sa propagation et éviter son apparition dans les secteurs non encore infestés. Dans ce domaine, il n’y a pas de fatalité : plusieurs pays européens, asiatiques et américains touchés par l’ambroisie ont déjà pris, avec succès, de telles décisions.
Renforcer la lutte est évidemment indispensable. Mais la surveillance mise en place permettra également de conduire des actions de prévention plus efficaces auprès des populations concernées et d’ajuster les traitements médicaux si nécessaire.
Dès 2008, la Commission européenne a proposé de mettre en oeuvre une stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes. Il est attendu, dans les prochains mois, un texte réglementaire de la Commission listant les espèces considérées comme invasives et fixant aux États membres des objectifs en termes de surveillance, de prévention et de lutte. Il reviendra ensuite à chaque pays d’appliquer les mesures nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Il nous fallait donc anticiper.
C’est pourquoi la lutte contre l’ambroisie a été inscrite dans le deuxième Plan national santé environnement, au sein de l’action 22 : « Prévenir les allergies ». Plusieurs actions ont déjà été menées à l’initiative du ministère des affaires sociales et de la santé : une première cartographie nationale de la présence de cette plante est déjà disponible sur le site sante.gouv.fr ; l’Observatoire des ambroisies a été créé pour constituer un centre de ressources de référence et pour favoriser la coordination de toutes les actions mises en place à l’échelle nationale et locale ; le réseau national de surveillance aérobiologique – RNSA – est désormais chargé de la surveillance des concentrations de pollens dans l’air ; enfin, diverses actions de communication sont prévues, telles que la publication, en juin de chaque année, d’un communiqué de presse conjoint avec les ministères de l’écologie, de l’agriculture et de l’intérieur, ainsi qu’avec l’INRA et l’Observatoire des ambroisies.
Dans le même temps, le comité parlementaire de suivi du risque ambroisie s’est fixé pour objectif d’être un trait d’union entre les attentes de nos concitoyens et les autorités sanitaires et environnementales.
Mesdames et messieurs les députés, nous partageons l’objectif de lutte contre les ambroisies que vise la proposition de loi. Celle-ci va dans le bon sens pour plusieurs raisons. D’abord, il est nécessaire d’enrayer la dispersion sur le territoire national de ces herbes envahissantes et hautement allergisantes. Par ailleurs, nous devons généraliser et renforcer les dispositions existantes dans certains départements ou communes. Les préfets doivent assurer la coordination de ces actions. Enfin, nous ne pourrons agir contre la prolifération de l’ambroisie sans un cadre législatif clair permettant aux agents publics de pénétrer sur des terrains privés.
Toutefois, tel qu’il est rédigé, ce texte comporte un certain nombre d’imprécisions qui rendraient impossible son application effective. Il est d’abord incomplet dans la forme. Les deux autres ambroisies mentionnées dans son titre, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses, ne sont pas expressément citées dans les articles. Certains termes, comme « organismes nuisibles », ne sont pas précisément définis. Par ailleurs, la répartition des rôles entre le préfet de département, le maire et les services de l’État n’est pas claire.
Cette proposition de loi est également incomplète quant à son champ d’application. L’article 3 limiterait ainsi la portée de notre action : il fait uniquement référence à la suppression de l’ambroisie sur la parcelle, ce qui nous limiterait au milieu agricole.
Enfin, tel qu’il est rédigé, ce texte ne serait pas pleinement efficace. Le contrôle et la bonne exécution des mesures de suppression de l’ambroisie sont confiés à des agents habilités à procéder à l’inspection sur les propriétés foncières. Or il serait préférable de confier ces missions aux acteurs de terrain, tels que le maire et ses agents.
Au-delà même de ces imprécisions, qui ne permettraient pas une application effective du texte, il est regrettable que cette proposition de loi ne concerne que la lutte contre les ambroisies. Si celle-ci doit pouvoir être rapidement organisée, elle ne peut être menée que dans le cadre plus large d’un combat contre l’ensemble des espèces végétales ou animales nuisibles pour la santé humaine. Je pense notamment aux chenilles processionnaires, aux papillons de cendre, aux puces de lit et à d’autres espèces qui touchent directement la santé des Français.
Le Gouvernement a entendu la volonté de nombreux parlementaires, sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle, de travailler dans le sens d’un texte plus large, permettant une lutte effective contre l’ensemble des espèces animales et végétales nuisibles à la santé humaine.
Le texte que nous étudions aujourd’hui nécessiterait d’être profondément retravaillé, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’un nouvel examen en commission. Le Gouvernement soutient donc la demande de renvoi présentée par le groupe socialiste et se tient à la disposition des parlementaires pour travailler avec eux à l’amélioration de la proposition de loi et poursuivre le travail déjà entamé avec certains d’entre eux en vue du dépôt prochain d’un texte plus large.
Si le fond du texte venait à être examiné en séance aujourd’hui, nous serions contraints de lui donner un avis défavorable. Sur cet enjeu majeur de santé publique, les Français attendent une réponse globale.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette proposition de loi répond à un véritable enjeu de santé publique et soulève un problème environnemental et économique.
Trois espèces d’ambroisie originaires du continent américain produisent des pollens très allergisants en grande quantité. L’ambroisie à feuilles d’armoise est aujourd’hui largement présente en Europe, et en France. Le pollen, responsable des allergies, est transporté par le vent sur plusieurs dizaines de kilomètres et les graines, à l’origine de la propagation, sont principalement transportées par l’homme.
Il suffit de quelques grains de pollen par mètre cube d’air pour que des symptômes apparaissent chez les sujets sensibles. Les plus courants ont été évoqués par Mme la ministre. Dans 50 % des cas, l’allergie à l’ambroisie peut provoquer l’apparition ou l’aggravation de l’asthme. Dans la région Rhône-Alpes, 10 à 20 % de la population est allergique au pollen d’ambroisie.
Ce phénomène a également un impact important sur les dépenses de l’État, puisqu’il a entraîné 20 millions d’euros de dépenses de santé en 2011. Ce coût est en hausse de 90 % depuis 2008, tandis que la population touchée a crû de 70 % sur la même période.
L’ambroisie pose également un problème économique aux agriculteurs : elle se développe particulièrement dans les cultures de printemps, dont les tournesols. Les pertes peuvent atteindre les deux tiers des récoltes sans désherbage, et un tiers en cas de désherbage mal maîtrisé.
Cette proposition de loi est nécessaire car elle comble l’absence de textes législatifs ou réglementaires spécifiques pour le combat contre les ambroisies. Cette absence freine les actions coordonnées de lutte contre ces plantes à fort impact négatif pour la santé publique. Il n’existe au niveau national et européen aucun texte législatif ou réglementaire spécifique sur la lutte contre l’ambroisie.
L’organisation de la lutte contre sa prolifération relève, outre des procédures réglementaires, de la coopération d’une multitude d’acteurs publics et privés, aussi bien au plan individuel que collectif : maires, préfets, directeurs d’établissements ou d’entreprises publics, citoyens et agents locaux des services publics territoriaux.
Malgré des arrêtés préfectoraux qui imposent la lutte contre l’ambroisie dans les départements concernés, une grande disparité existe au niveau local dans les actions de la lutte contre cette plante. Cette proposition de loi permet de mieux coordonner ces actions sur le territoire et de les rendre plus efficaces.
Elle prévoit d’abord que cette plante envahissante sera inscrite sur la liste des organismes nuisibles, soumis à des mesures de lutte obligatoire permanente sur tout le territoire. Elle oblige tout occupant légal d’une parcelle où l’ambrosia artemisiifolia est présente à procéder, à ses frais, à la suppression de cette plante, avant sa floraison.
Elle permet au préfet, responsable opérationnel de la lutte contre l’ambrosia artemisiifolia de mieux coordonner les actions sur le département. Elle prévoit que le maire désigne, dans chaque commune concernée, un agent référent, pour organiser et coordonner, sur le territoire de la commune, la lutte avec les services compétents de l’État.
Elle dispose également que le niveau maximal de graines d’ambroisie contenues dans les aliments pour oiseaux est fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.
Si les actions d’éradication de ces plantes sont menées au niveau local, l’État, à travers l’action conjointe des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, joue son rôle de surveillance, d’information et de responsabilisation de tous les acteurs concernés.
En conclusion, contenir l’impact de la plante à un niveau supportable nécessite la conjugaison des efforts de tous, au quotidien et dans la continuité des saisons. Le groupe UMP remercie le rapporteur pour son travail rigoureux et pour cette initiative qui permet enfin d’apporter une réponse pragmatique à ce problème. Nous appelons cette assemblée à voter, sans plus tarder, cette proposition et à rejeter par conséquent la motion de renvoi en commission.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe UMP, cette proposition de loi visant à lutter contre l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses.
Rappelons que, sur ce sujet, la représentation nationale n’en est pas à son coup d’essai puisque, sous la précédente législature, deux propositions de loi visant le même objectif avaient été déposées sur le bureau de notre assemblée, sans toutefois être inscrites à l’ordre du jour.
La présente proposition s’inscrit dans un processus de protection de la santé publique, de l’environnement et de la biodiversité, tant la prolifération de cette plante est importante et rapide.
Elle répond à une attente de nombre de nos concitoyens, notamment des agriculteurs, à qui l’ambroisie à feuille d’armoise pose de véritables problèmes sanitaires et financiers.
Je tiens à saluer ici l’action des organismes de lutte et de veille existants, qui oeuvrent quotidiennement pour limiter la propagation de cette espèce invasive.
Si cette plante possède une capacité de dissémination importante, il ne faut pas non plus oublier que son expansion s’effectue majoritairement par les activités humaines, avec les impacts négatifs que nous connaissons : baisse des rendements des cultures céréalières de 20 %, voire de 30 %, mise en danger de la biodiversité à l’échelle locale et nationale, risque sanitaire prépondérant du fait de la multiplication des populations sensibles aux allergènes au cours des dernières années.
Le changement des pratiques agricoles, l’importance de la jachère, le développement des échanges commerciaux et donc du transport, la périurbanisation, mais aussi le changement climatique et la hausse des températures, sont autant de facteurs conduisant à l’invasion galopante de cette plante.
Au-delà de l’objet volontairement limité du texte, il est essentiel de s’attaquer aux causes de la prolifération de cette plante, en adoptant des comportements écologiquement plus vertueux. Les modes de production, notamment agricoles, doivent évoluer vers une plus grande durabilité, mais nous devons également favoriser la transition énergétique et mobiliser tous les acteurs en faveur d’une véritable croissance verte.
Le groupe UDI ne peut que déplorer le manque de volontarisme du Gouvernement, depuis plus de dix-huit mois, dans ce domaine pourtant essentiel.
Nous l’avons dit, cette proposition de loi répond en premier lieu à des enjeux de santé publique puisque, dans la moitié des cas, l’allergie à l’ambroisie peut provoquer ou aggraver l’asthme. Selon le réseau national de surveillance aérobiologique, plus d’un million de Français seraient allergiques aux pollens d’ambroisie, et une croissance exponentielle du phénomène serait à redouter dans les prochaines années. Les pollens d’ambroisie doivent donc être considérés comme des polluants particulaires de l’air ambiant et faire l’objet de mesures d’éradication.
Dans un contexte économique et budgétaire tendu, rappelons également le coût financier conséquent pour l’assurance-maladie de la dissémination de cette plante invasive.
L’heure n’est plus au constat, mais à l’action, car la propagation de l’ambroisie est désormais telle que son éradication pure et simple est devenue impossible. Les mesures de lutte que nous devons ainsi déployer doivent répondre à des enjeux de permanence et de suivi attentif.
Nous soutenons par conséquent le dispositif proposé, notamment en ce qu’il organise la nécessaire coordination des acteurs tant au niveau interministériel que territorial. Celle-ci est évidemment un élément indispensable au succès de la lutte contre la dissémination des pollens d’ambroisie. Toutefois, comme notre collègue écologiste l’a souligné, c’est à l’échelon local que la lutte contre cette plante hautement invasive serait la plus efficace.
En outre, nous nous félicitons des amendements adoptés en commission, qui enrichissent ce texte, notamment en élargissant à tout occupant quel qu’il soit l’obligation d’éradication pesant sur les propriétaires de parcelles envahies.
Il demeure que nous nous interrogeons sur l’applicabilité de certains articles. Aussi souhaitons-nous que le Gouvernement nous éclaire sur les points suivants.
La plupart des articles du texte n’auraient-ils leur place au sein du code de la santé publique ou celui de l’environnement ? Ne devrait-on pas codifier cette proposition de loi ?
Les entreprises concernées pourront-elles supporter les contraintes nouvelles qui pèseront sur les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’oeuvre ?
Le texte nécessite la mobilisation de moyens importants : les agences concernées auront-elles les moyens d’assurer une application efficiente de cette proposition de loi ?
Des dispositions de nature réglementaire ne pourraient-elles atteindre les objectifs que s’assigne cette proposition de loi, et ce de façon plus rapide ?
Le groupe socialiste critiquant l’objet « limité » du texte, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des dispositions législatives qui concerneraient toutes les plantes invasives posant problème ?
Par ailleurs, si nous devons impulser une réelle dynamique, la France ne peut agir seule. La lutte contre l’ambroisie ne peut se mener que dans le cadre international, et d’abord dans celui de l’Europe, qui a déjà été saisie de la question à plusieurs reprises. Il serait donc utile de développer une réelle coordination au niveau supranational. Le Gouvernement oeuvre-t-il en ce sens ?
Je conclurai mon intervention en évoquant nos territoires ultramarins, extrêmement vulnérables aux invasions de ce type, qui pourraient y avoir des effets considérables sur la biodiversité. Aussi, même si ces territoires sont pour l’heure épargnés par l’intrusion de l’ambroisie, notre vigilance doit-elle demeurer sans faille.
Madame la ministre, nous connaissons malheureusement tous ici le parcours parlementaire chaotique qui attend les propositions de loi de l’opposition, quand bien même elles sont votées en première lecture. L’adoption définitive de ce texte n’est donc pas pour demain.
Je vous demande donc, madame la ministre, au nom du groupe UDI, si le Gouvernement entend se saisir prochainement de cette question, et par quels véhicules normatifs. J’ai bien entendu, cependant, l’appel que vous avez lancé ici dans l’hémicycle.
Cette plante est un fléau pour les populations et leur santé, ainsi que pour la biodiversité de nos territoires. La question de la lutte contre l’ambroisie n’est pas anecdotique : elle est essentielle et appelle une action claire, rapide et efficace.
Pour toutes ces raisons, et en espérant que nos interrogations soient levées, le groupe UDI apportera pour la troisième fois aujourd’hui tout son soutien à cette excellente initiative de nos amis de l’UMP. Je vous remercie.
La discussion générale est close.
Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous prendre la parole ?
Je m’exprimerai après la présentation de la motion de renvoi en commission.
J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nos collègues du groupe UMP ont fait le choix légitime, par cette proposition de loi, de porter devant notre Assemblée la question de la lutte contre l’ambroisie, et il nous faut saluer cette initiative.
La lutte contre l’ambroisie est un sujet difficile et complexe, qui touche aujourd’hui presque tous les départements français et qui répond à une demande croissante de nos concitoyens. Bien qu’elle bénéficie d’un encadrement réglementaire et législatif, nous constatons tous les jours les difficultés de mise en oeuvre sur le terrain des mesures prévues par la loi. Votre proposition, monsieur le rapporteur, visant à une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs concernés, va donc dans le bon sens.
Cependant, les solutions que vous suggérez pour améliorer l’organisation actuelle de la lutte contre l’ambroisie nécessitent une réflexion plus aboutie, tant en matière de définition juridique que s’agissant des moyens à mettre en oeuvre et des ressources à mobiliser. Ainsi, concernant les dispositions opérationnelles, le rôle des différents acteurs mentionnés dans le texte – préfets et maires, par exemple – mais aussi les autres acteurs concernés tels que les professionnels de santé, les agriculteurs, les organismes environnementaux, doit être précisé dans un souci d’efficacité de l’action publique.
Vous soulignez notamment, monsieur le rapporteur, que le contrôle et la bonne exécution des mesures d’élimination de l’ambroisie doivent être confiés à des agents habilités à procéder à des inspections sur des propriétés foncières. Or, il nous apparaît préférable de confier ces missions aux acteurs de terrain que sont le maire et ses agents.
Cet exemple démontre que nous devons continuer de travailler ensemble, car rien ne serait pire, sur un sujet aussi complexe, que de légiférer dans la précipitation. De surcroît, l’impact économique de la prolifération de l’ambroisie que vous avez, monsieur le rapporteur, fort bien souligné, illustre le combat mené de longue date par la puissance publique contre les espèces invasives menaçant l’agriculture. Cela étant, le cas de l’ambroisie met à jour les nouveaux problèmes de santé publique et de reconquête de la biodiversité que posent aujourd’hui les espèces exotiques envahissantes.
Le parcours de cette proposition de loi, initialement renvoyée à la commission des affaires sociales, puis à celle du développement durable et de l’aménagement du territoire, illustre bien les difficultés d’appréhender ce sujet transversal sous un angle adéquat. S’agit-il de lutter contre la prolifération d’une espèce invasive, contre une menace de santé publique ou contre ces deux dangers à la fois ? Cette question nous conduit à penser que les mesures proposées devraient être intégrées dans le code de la santé publique ou dans le code de l’environnement, voire dans les deux selon les dispositions.
L’ambroisie n’est pas la seule plante invasive présentant des risques de santé publique et posant des problèmes agronomiques et environnementaux. Les espèces envahissantes sont actuellement considérées comme la deuxième cause de régression de la biodiversité, et nous faisons aujourd’hui face à des menaces multiples dont l’ambroisie n’est qu’une illustration.
Nous avons donc intérêt à élargir le débat au-delà du problème particulier que soulève ce texte. L’examen de cette proposition de loi nous offre l’occasion de définir une méthode d’évaluation et de classification des risques que présentent certaines plantes pour la santé, l’environnement et l’agronomie, ainsi que les réactions qu’ils appellent. Il est donc nécessaire d’intégrer des dispositions relatives à l’ambroisie dans une proposition beaucoup plus large concernant d’autres végétaux qui posent des problèmes similaires.
Mme la ministre nous a rappelé les initiatives prises par son ministère. Certains de nos collègues se demandaient ce que fait le Gouvernement en la matière : il travaille à résoudre le problème. Mme la ministre a souligné qu’elle était à la disposition des parlementaires pour mener une lutte globale contre toutes les espèces nuisibles, qu’elles soient végétales ou animales. Elle a notamment cité l’exemple du papillon de cendre, dont j’ai le déplaisir de constater la présence dans ma circonscription : il est à l’origine de la papillonite et entraîne des conséquences économiques fâcheuses. De même, la lutte antivectorielle concernant la dengue est tout aussi importante. Nous devons donc adopter une vision beaucoup plus large de la lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles.
Pour répondre à l’un de nos collègues, je précise que l’ambroisie à feuilles d’armoise est présente dans les outre-mers, très concernés par le problème. La Commission européenne a d’ailleurs rappelé que nos espaces ultramarins sont extrêmement vulnérables aux invasions, qui peuvent avoir des effets disproportionnés sur les modes de vie locaux ainsi que sur la culture et les perspectives économiques locales. N’oublions donc pas les outre-mers.
Tous ces éléments conduisent le groupe SRC à estimer qu’il serait plus raisonnable de renvoyer ce texte en commission afin de poursuivre le travail engagé, avec une volonté partagée d’aboutir à un texte renforcé pour répondre à l’attente de nos concitoyens. Chers collègues des groupes UMP, UDI et écologiste, nous avons la volonté de continuer ce travail afin d’aboutir rapidement à un texte sur lequel nous pourrions tous nous accorder. Le renvoi en commission est l’occasion d’entamer une nouvelle phase de travail sur le fond. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cette motion !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai un motif de satisfaction : vous-même, madame la ministre, et tous les autres intervenants se sont félicités de cette proposition de loi. Oui, il fallait la présenter ; oui, j’y travaillais depuis des années, parce que je rencontre des femmes et des hommes qui souffrent, qui se plaignent, qui protestent et qui se demandent ce que font les élus. Il nous appartient de prendre des décisions.
J’ai un motif de déception, néanmoins, à constater que l’on n’écoute pas les élus qui s’engagent, et que cette proposition risque d’être enterrée, car nous ignorons ce qu’il adviendra plus tard. Il y a pourtant urgence ! Il y a urgence à agir et à intervenir. Tous les orateurs ont cité des points précis, mais chacun de ces points figure dans le texte ! Je pense par exemple aux référents : dans ma commune, je suis naturellement responsable en tant que maire, mais des référents vont contrôler ce qui se passe sur le terrain et m’en font part ; c’est alors qu’il revient au maire d’intervenir et, si cela ne suffit pas, de faire intervenir le préfet ou les responsables de l’administration.
En tant que rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, je ne soutiendrai évidemment pas ce renvoi en commission, comme vous le comprendrez.
Je soulignerai tout d’abord que si la commission a, le 27 novembre dernier, adopté le texte en discussion, c’est qu’elle estimait possible et utile de le faire. Permettez-moi de répondre plus précisément aux critiques et aux remarques qui ont été formulées. En tant que rapporteur, je n’ai pas conduit d’auditions car cela m’a été matériellement impossible, une semaine seulement ayant séparé ma nomination en commission de l’examen de la proposition de loi. Cependant, j’en avais organisé de très nombreuses au cours des années précédentes, en tant que membre puis, ayant succédé à notre collègue Jacques Remiller, en tant que président du comité parlementaire de lutte contre l’ambroisie.
S’agissant des délais d’examen, qui ont paru trop courts à certains d’entre vous, je dirai volontiers que je n’en suis pas responsable et que le sujet n’est pas nouveau : je rappelle en effet qu’il s’agit de la troisième proposition de loi sur l’ambroisie déposée depuis 2000, les deux précédentes ayant été déposées à la fin de la précédente législature. Dans le cadre du comité parlementaire de suivi du risque ambroisie, j’ai auditionné à plusieurs reprises des élus, des services et des administrations : l’Observatoire de l’ambroisie, l’INRA, l’Institut supérieur d’agriculture et d’agroalimentaire Rhône-Alpes, le Centre technique interprofessionnel des oléagineux et du chanvre, l’agence régionale de santé, la chambre d’agriculture, le représentant de la préfecture, mais aussi une association de la Drôme appelée « Stop Ambroisie », qui lutte depuis des années contre la prolifération de la plante dans ce département. Son président m’appelait ce matin même pour me soutenir, me féliciter et m’encourager à faire accepter cette proposition de loi.
Enfin, le principal argument de la motion de renvoi tient à l’intérêt supposé qu’il y aurait à inclure des dispositions de la proposition de loi dans un texte incluant toutes les espèces végétales invasives, y compris les trois espèces d’ambroisie. Pourtant, ne s’agit-il pas d’une manoeuvre destinée à privilégier en fait une autre proposition de loi soutenue par le Gouvernement et présentée par un membre du groupe SRC, plutôt que celle-ci, cosignée par 23 députés du groupe UMP ? Je me refuse à le croire, madame la ministre. Plusieurs députés socialistes participent d’ailleurs au comité parlementaire de lutte contre l’ambroisie et soutiennent cette proposition de loi.
Je vois bien là la nature des arguments techniques et des arrière-pensées politiques qui sous-tendent la motion de renvoi en commission, laquelle équivaut, nous le savons tous, à un abandon pur et simple du texte, nonobstant ce que vous en dites.
Avant de procéder au vote, je vous invite donc à vous concentrer sur le fond, car ce texte n’est pas de nature politique. D’ailleurs, la santé n’est pas une question politique. Comme hier lorsque nous avons adopté la proposition de loi contre la prostitution, faisons par moment abstraction de nos idéologies et soutenons des mesures dans l’intérêt de la population et de notre environnement, au sens le plus noble du terme.
Certains orateurs ont insisté sur les imperfections techniques des dispositions contenues dans ma proposition, imperfections que l’examen en commission a largement permis de gommer. Si, comme je l’espère, le texte était adopté, je ferais naturellement confiance à nos collègues sénateurs pour l’améliorer. Tel est précisément la raison d’être du Parlement : que les sénateurs améliorent et enrichissent les textes qui leur parviennent par la navette, avant que les députés ne les reprennent et ne les améliorent à leur tour dans un délai aussi court possible, puisque l’essentiel est d’agir vite.
Enfin, au-delà des clivages partisans, force est de constater que l’ambroisie constitue sur le terrain un enjeu de première importance aux plans sanitaire, agricole et environnemental. Les débats qui se déroulent en ce moment dans les territoires, et pas seulement dans la région Rhône-Alpes, à l’occasion de la campagne en vue des élections municipales, en témoignent. Nos concitoyens attendent des élus qu’ils apportent des solutions.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à repousser la motion de renvoi en commission défendue par le groupe SRC.
Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je me réjouis que, sur tous les bancs de cette assemblée, ait été reconnue la nocivité de l’ambroisie. C’est un véritable problème de santé publique, et chacun l’a reconnu.
Lorsque nous débattions, cet après-midi, pendant plusieurs heures, du travail de nuit, dans tous vos arguments revenait la question de la santé publique, et c’est d’ailleurs la raison qui vous a fait repousser la proposition de loi.
M. le rapporteur a dit que cela faisait déjà plusieurs années qu’il travaillait sur la lutte contre l’ambroisie. Je m’étonne donc de votre attitude, chers collègues de l’opposition, alors qu’il y a urgence à légiférer, que le printemps sera bientôt là,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
que nous allons à nouveau vers une saison où le pollen fera du mal à beaucoup de nos compatriotes et coûtera à peu près 20 millions d’euros à la Sécurité sociale.
Vous avez dit dans votre intervention, madame la ministre, que le texte était imprécis et incomplet, alors qu’il a été travaillé en commission. Je ne voudrais pas offenser qui que ce soit, mais qu’a fait la commission ? Pourquoi n’a-t-elle pas amélioré ce texte ? Je pense que, derrière ce renvoi en commission, il y a une petite touche politicienne…
C’est pour toutes ces raisons, et notamment en pensant à tous nos compatriotes qui vont encore souffrir cette année, que je voterai contre le renvoi en commission.
Les niches parlementaires sont toujours une affaire assez compliquée, très peu de temps étant prévu pour examiner en séance des sujets souvent intéressants. Au nom de mon groupe, je ne voterai pas le renvoi en commission, car j’estime que nous aurions pu avoir un débat sur ce texte et, sinon l’adopter, du moins faire progresser le débat en vue d’une loi plus importante qui serait venue plus tard.
Renvoyer un texte en commission, c’est, d’une certaine façon, l’enterrer. En tout cas, il est très difficile, ensuite, de poursuivre nos travaux. Je le fais moi-même dans le cadre d’une autre proposition de loi, mais, en fin de compte, cette procédure affaiblit le travail parlementaire, qui a son intérêt et sa richesse, et cette proposition, même si elle est un « petit » texte, peut avoir des effets importants sur la population.
J’avais déposé en commission un certain nombre d’amendements qui n’ont pas été acceptés, ce que je regrette. Cela étant, nous aurions pu avoir un débat sur l’utilisation des produits phytosanitaires, la biodiversité, les méthodes de lutte biologique contre l’ambroisie et la prévention de la prolifération des plantes invasives. J’ai bien compris que nous ne débattrions pas de ces sujets cet après-midi, et je le regrette.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai rappelé au rapporteur, en présentant la motion de renvoi que si la commission du développement durable a travaillé sur ce texte et ne l’a pas rejeté, c’est que, sur tous les bancs, en tout cas en son sein, chacun est conscient des enjeux.
J’ai aussi rappelé – mais je pense que Mme la ministre le fera mieux que moi tout à l’heure – que nous souhaitions une vision beaucoup plus large de la lutte contre les nuisibles, car aborder une seule espèce végétale, en l’occurrence l’ambroisie, ne répond pas aux nécessités de l’heure, c’est-à-dire la prise en compte de tous les nuisibles, qu’ils soient végétaux ou animaux.
Comme Mme la ministre l’a dit dans son intervention, il y a en parallèle des sujets sur lesquels nous sommes en train de travailler. Si j’ai proposé, au nom du groupe SRC, le renvoi en commission, c’est pour repartir sur des bases plus larges et traiter de l’ensemble des nuisibles.
Nous ne sommes pas plus sourds ou aveugles que vous, nous voyons bien ce qui se passe sur le terrain, nous en sommes tout à fait conscients, mais nous voulons répondre de manière globale à nos concitoyens.
Madame Abeille, si le débat s’interrompt aujourd’hui dans l’hémicycle, il se poursuivra en commission, chacun d’entre nous étant conscient qu’il faut aborder la question de manière plus globale.
Le groupe SRC votera le renvoi en commission, en rappelant – le rapporteur l’a dit – qu’il y a des éléments intéressants dans ce texte, mais que celui-ci mérite que lui soient données une plus grande précision juridique et une portée beaucoup plus large.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, est adoptée.
S’agissant d’un texte inscrit à l’ordre du jour d’une séance réservée à un groupe d’opposition, il appartiendra à la Conférence des présidents de proposer les conditions de la suite de la discussion.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Je voudrais rassurer les différents intervenants.
Un texte, non pas ce texte-ci pour les raisons que j’ai indiquées lors de mon intervention précédente, mais un texte ayant le même objet que la présente proposition sera examiné par la commission rapidement, et devrait déboucher sur un texte plus large et plus satisfaisant, dans un délai tout à fait raisonnable. J’ai bien entendu…
Permettez-moi de terminer ma phrase, madame la députée ! J’ai bien entendu votre remarque sur le printemps, et nous sommes tous attachés à ce qu’un texte de qualité puisse être présenté rapidement.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2013.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures vingt.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron