Intervention de Dominique Bertinotti

Séance en hémicycle du 5 décembre 2013 à 15h00
Lutte contre l'ambroisie — Discussion d'une proposition de loi

Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, certaines espèces végétales ou animales présentent une menace pour la santé humaine. Il en est ainsi de l’ambroisie à feuilles d’armoise, plante originaire d’Amérique du Nord, introduite en France à la fin du XIXe siècle.

Aujourd’hui très présente en région Rhône-Alpes, cette plante colonise peu à peu l’ensemble du territoire national. Des cartographies réalisées en 2011, à la demande du ministère des affaires sociales et de la aanté, montrent que l’ambroisie s’est développée dans la quasi-totalité des départements métropolitains. Et, chaque année, nous observons son apparition dans de nouveaux territoires.

Cette plante représente une menace pour la santé publique, du fait de sa nature très allergisante. Son caractère d’espèce envahissante représente également un enjeu majeur pour les milieux agricoles et non agricoles. Quelques grains de pollen par mètre cube d’air suffisent pour que des symptômes, souvent sévères, apparaissent chez les sujets sensibles : rhinite, conjonctivite, trachéite, urticaire ou encore eczéma.

En Rhône-Alpes, 10 à 12 % de la population résidant dans les zones les plus infestées seraient sensibles au pollen de l’ambroisie à feuilles d’armoise. Dans cette seule région, il a été estimé qu’en 2012, entre 150 000 et 200 000 personnes ont consommé des soins en rapport avec l’allergie à l’ambroisie. Le coût pour notre système de santé est particulièrement élevé, il est compris entre 11 et 16 millions d’euros.

Face à ce constat, il apparaît nécessaire de prendre rapidement des mesures efficaces. Notre action devrait viser trois objectifs : contenir l’expansion de cette espèce dans les zones colonisées, surveiller sa propagation et éviter son apparition dans les secteurs non encore infestés. Dans ce domaine, il n’y a pas de fatalité : plusieurs pays européens, asiatiques et américains touchés par l’ambroisie ont déjà pris, avec succès, de telles décisions.

Renforcer la lutte est évidemment indispensable. Mais la surveillance mise en place permettra également de conduire des actions de prévention plus efficaces auprès des populations concernées et d’ajuster les traitements médicaux si nécessaire.

Dès 2008, la Commission européenne a proposé de mettre en oeuvre une stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes. Il est attendu, dans les prochains mois, un texte réglementaire de la Commission listant les espèces considérées comme invasives et fixant aux États membres des objectifs en termes de surveillance, de prévention et de lutte. Il reviendra ensuite à chaque pays d’appliquer les mesures nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Il nous fallait donc anticiper.

C’est pourquoi la lutte contre l’ambroisie a été inscrite dans le deuxième Plan national santé environnement, au sein de l’action 22 : « Prévenir les allergies ». Plusieurs actions ont déjà été menées à l’initiative du ministère des affaires sociales et de la santé : une première cartographie nationale de la présence de cette plante est déjà disponible sur le site sante.gouv.fr ; l’Observatoire des ambroisies a été créé pour constituer un centre de ressources de référence et pour favoriser la coordination de toutes les actions mises en place à l’échelle nationale et locale ; le réseau national de surveillance aérobiologique – RNSA – est désormais chargé de la surveillance des concentrations de pollens dans l’air ; enfin, diverses actions de communication sont prévues, telles que la publication, en juin de chaque année, d’un communiqué de presse conjoint avec les ministères de l’écologie, de l’agriculture et de l’intérieur, ainsi qu’avec l’INRA et l’Observatoire des ambroisies.

Dans le même temps, le comité parlementaire de suivi du risque ambroisie s’est fixé pour objectif d’être un trait d’union entre les attentes de nos concitoyens et les autorités sanitaires et environnementales.

Mesdames et messieurs les députés, nous partageons l’objectif de lutte contre les ambroisies que vise la proposition de loi. Celle-ci va dans le bon sens pour plusieurs raisons. D’abord, il est nécessaire d’enrayer la dispersion sur le territoire national de ces herbes envahissantes et hautement allergisantes. Par ailleurs, nous devons généraliser et renforcer les dispositions existantes dans certains départements ou communes. Les préfets doivent assurer la coordination de ces actions. Enfin, nous ne pourrons agir contre la prolifération de l’ambroisie sans un cadre législatif clair permettant aux agents publics de pénétrer sur des terrains privés.

Toutefois, tel qu’il est rédigé, ce texte comporte un certain nombre d’imprécisions qui rendraient impossible son application effective. Il est d’abord incomplet dans la forme. Les deux autres ambroisies mentionnées dans son titre, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses, ne sont pas expressément citées dans les articles. Certains termes, comme « organismes nuisibles », ne sont pas précisément définis. Par ailleurs, la répartition des rôles entre le préfet de département, le maire et les services de l’État n’est pas claire.

Cette proposition de loi est également incomplète quant à son champ d’application. L’article 3 limiterait ainsi la portée de notre action : il fait uniquement référence à la suppression de l’ambroisie sur la parcelle, ce qui nous limiterait au milieu agricole.

Enfin, tel qu’il est rédigé, ce texte ne serait pas pleinement efficace. Le contrôle et la bonne exécution des mesures de suppression de l’ambroisie sont confiés à des agents habilités à procéder à l’inspection sur les propriétés foncières. Or il serait préférable de confier ces missions aux acteurs de terrain, tels que le maire et ses agents.

Au-delà même de ces imprécisions, qui ne permettraient pas une application effective du texte, il est regrettable que cette proposition de loi ne concerne que la lutte contre les ambroisies. Si celle-ci doit pouvoir être rapidement organisée, elle ne peut être menée que dans le cadre plus large d’un combat contre l’ensemble des espèces végétales ou animales nuisibles pour la santé humaine. Je pense notamment aux chenilles processionnaires, aux papillons de cendre, aux puces de lit et à d’autres espèces qui touchent directement la santé des Français.

Le Gouvernement a entendu la volonté de nombreux parlementaires, sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle, de travailler dans le sens d’un texte plus large, permettant une lutte effective contre l’ensemble des espèces animales et végétales nuisibles à la santé humaine.

Le texte que nous étudions aujourd’hui nécessiterait d’être profondément retravaillé, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d’un nouvel examen en commission. Le Gouvernement soutient donc la demande de renvoi présentée par le groupe socialiste et se tient à la disposition des parlementaires pour travailler avec eux à l’amélioration de la proposition de loi et poursuivre le travail déjà entamé avec certains d’entre eux en vue du dépôt prochain d’un texte plus large.

Si le fond du texte venait à être examiné en séance aujourd’hui, nous serions contraints de lui donner un avis défavorable. Sur cet enjeu majeur de santé publique, les Français attendent une réponse globale.

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