Je vous remercie, mes chers collègues, de votre présence nombreuse et de l'intérêt que vous portez à ce projet de loi. Néanmoins, plusieurs de vos questions ne relèvent pas du champ dont notre Commission s'est saisie.
Selon certains d'entre vous, les acteurs du monde agricole souhaitaient la définition d'une véritable vision stratégique et leur attente aurait été déçue. Cela veut donc dire que cette vision fait défaut depuis de nombreuses années déjà ! L'agriculture et la forêt sont des secteurs stratégiques, confrontés à des contraintes et à des difficultés nombreuses. Les objectifs que nous leur fixons sont donc importants pour notre pays. Rien n'était parfait avant ce projet de loi et rien ne sera parfait non plus après, mais nous avons tous à coeur de progresser.
D'autre part, les questions relatives à l'enseignement agricole, à la recherche et à l'innovation sont traitées dans le titre IV du projet de loi, dont notre Commission ne s'est pas saisie. Le Gouvernement traite à juste titre la formation, la recherche et l'innovation comme un tout. La recherche et l'innovation doivent irriguer la formation, tant dans le secondaire que dans le supérieur. L'ensemble des acteurs du monde agricole, des exploitants aux laboratoires, doit participer à ce mouvement. Si nous ne parvenons pas à articuler convenablement la recherche et la formation, nous n'atteindrons pas les grands objectifs fixés dans l'article 1er du projet de loi, à commencer par la double performance, économique et environnementale.
Nous ne prétendons pas que rien n'a été fait auparavant en la matière. Cependant, avec ce texte, nous avons l'ambition de réconcilier l'ensemble des modalités de production agricole : quels que soient la structure agricole et le mode de production, toutes les filières devront viser la double performance et améliorer leur compétitivité en développant la recherche, afin de réduire leur dépendance aux intrants extérieurs. Historiquement, la richesse des terroirs a fait la puissance alimentaire de notre pays, avant même les révolutions agricoles. Il s'agit non pas de revenir en arrière, mais de faire en sorte que toutes les filières exploitent au mieux les potentialités écologiques de notre territoire, grâce aux connaissances et aux techniques modernes.
Monsieur Aubert, vous avez qualifié les GIEE d'« objet mou ». Je ne vous comprends plus : vous nous reprochez une absence d'encadrement, alors même que vous vous plaignez des lourdeurs administratives lorsque nous encadrons ! Avec les GIEE, nous créons un outil nouveau. Il appartiendra aux acteurs de terrain de les mettre en place dans les meilleures conditions.
Monsieur Sauvan, les PRAD seront élaborés dans chaque région selon des modalités élargies et souples. Rien n'empêchera d'y associer l'ensemble des acteurs concernés.
S'agissant du statut des agriculteurs, qui nous préoccupe tous, il n'existe pas de solution évidente : les organisations professionnelles, que le rapporteur de la commission des affaires économiques et moi-même avons auditionnées, demandent que ce statut soit précisé, mais elles n'ont pas elles-mêmes de position bien établie sur le sujet. Il convient donc de poursuivre le travail sur cette question, qui ne relève cependant pas des articles dont notre Commission s'est saisie.
Nous n'avons jamais prétendu que rien n'a été fait auparavant en matière de promotion d'une agriculture plus durable, monsieur Chevrollier. Vous avez rappelé à juste titre le plan Écophyto et les mesures en faveur de la méthanisation. Avec ce projet de loi, nous envisageons l'ensemble des modes de production dans le cadre d'un même concept, celui de l'agroécologie, afin de les accompagner dans la transition vers la double performance.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la TVA, mais je rappelle que ce texte n'est pas un projet de loi de finances. Quoi qu'il en soit, pour la première fois, une mesure générale visant à favoriser la compétitivité, le CICE, bénéficie au secteur agricole. En outre, les objectifs stratégiques des secteurs agricole et forestier – par exemple, ceux du plan Protéines végétales – font partie intégrante des objectifs économiques que le Gouvernement a fixés pour la Nation à moyen terme. Ainsi, ces deux secteurs ne sont plus traités à part : ils contribueront à la performance économique et écologique globale de notre pays. Ce projet de loi ne vise nullement à les cantonner dans un quelconque « pré carré ».
En matière de contractualisation, le texte prévoit un renforcement de la médiation en cas de difficultés, comme l'a souligné monsieur Heinrich. D'autres textes de loi prévoient des mesures destinées à répondre à ces difficultés, notamment à l'insuffisance des prix payés aux producteurs.
En réponse à monsieur Kossowski, le développement de la filière bois-énergie représente en effet une opportunité, à condition que nous gérions la ressource de manière durable. À cet égard, nous faisons nôtre l'objectif de gestion durable et multifonctionnelle de la forêt : il figure déjà dans le code forestier, et nous le mentionnons à nouveau dans le projet de loi à chaque fois que c'est nécessaire. J'y insiste : le recyclage du bois est une des clés pour maintenir un équilibre entre le développement de la filière bois-énergie et la préservation de la multifonctionnalité forestière dans la durée. Si nous ne faisons pas les efforts nécessaires en matière de recyclage, le développement de la filière bois-énergie fera peser une demande trop importante sur la forêt.
D'une manière générale, comme l'a rappelé monsieur Krabal, nous sommes soucieux de ne pas opposer les filières les unes aux autres. Nous souhaitons au contraire fournir à toutes les filières des outils qui leur permettent d'améliorer leur performance, soit au niveau local, soit dans la compétition internationale, en fonction des produits ou du mode d'organisation retenu. Nous devons ainsi faire preuve d'ouverture d'esprit.
Beaucoup d'entre vous ont évoqué les SAFER. Le monde agricole souhaite vivement préserver cet outil important de contrôle des structures, afin de favoriser l'installation des jeunes agriculteurs. Nous y reviendrons au cours de nos débats.
Dans ce projet de loi, nous ne devons traiter que des matières qui relèvent du domaine de la loi et nous garder, en dépit des tentations, de descendre dans un niveau de détail qui est celui du règlement. À défaut, nous aboutirons à une loi lourde, bavarde, pesante. Or nous avons besoin au contraire d'une loi dynamique, qui encourage l'action. Malgré les doutes exprimés par certains, nous partageons tous les mêmes objectifs de compétitivité et de double performance, économique et environnementale.
Vous avez parlé, monsieur Favennec, d'un texte « prophétique ». J'espère qu'il ne s'agit pas d'en minorer la portée. S'il est réellement prophétique, gageons qu'il annonce des lendemains qui chantent ! (Sourires)
Je rappelle enfin, à l'attention des sceptiques, que l'agriculture et la forêt françaises sont le produit non pas des lois, mais du travail des agriculteurs et des forestiers. Ne considérons pas ces agents économiques essentiels comme de simples sujets d'un pouvoir qui déterminerait, par la loi, ce que doivent être la production et la transformation dans l'ensemble des filières !
Je vous renvoie aux discours récents du président de la République et de M. Xavier Beulin, président de la FNSEA. Un nouvel élan se manifeste en faveur de l'agriculture et de la forêt. J'espère que ce projet de loi lui donnera tout son sens.