Vous avez tort, monsieur Hetzel, de nous reprocher de balayer d'un revers de la main la notion d'intérêts supérieurs de la nation, alors que notre choix est né d'une réflexion nourrie des nombreuses auditions que nous avons menées : celles-ci nous ont prouvé que l'ensemble de la profession, tous médias confondus, jugeait cette notion beaucoup trop large pour justifier une atteinte au secret des sources et susceptible de rendre la loi pratiquement inefficace, voire d'annuler le progrès apporté par la loi de 2010.
Quant à l'introduction du juge des libertés dans le dispositif, loin de traduire une quelconque défiance vis-à-vis des acteurs habituels de l'enquête judiciaire, il est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle les mesures attentatoires à la liberté doivent être soumises à un magistrat distinct du procureur, qu'elle ne considère pas comme statutairement indépendant.
S'agissant de l'immunité des journalistes, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Ressiot, la subordonne à l'intérêt public de l'enquête, alors que la Cour de cassation préfère invoquer le but légitime de cette enquête. Je sais que la Commission des lois devrait revenir sur la définition de ce critère. En tout état de cause, ce texte ne met pas fin au délit de recel de violation du secret de l'instruction.
Notre volonté est bien de nous rapprocher de l'esprit de la législation belge en matière de protection des sources des journalistes, monsieur Mamère, et je vous proposerai des amendements en ce sens.
La protection des lanceurs d'alerte ne doit pas être confondue avec ce que nous proposons, madame Langlade. La fonction du lanceur d'alerte est différente de la mission du journaliste. Comme Mme Dessus l'a souligné, l'éthique du journalisme impose de vérifier l'information, alors que les lanceurs d'alerte ne sont pas nécessairement motivés par la volonté d'informer.
La volonté, exprimée par certains orateurs, d'élargir le périmètre de la protection au-delà de ce que le projet de loi propose se heurte à un problème de définition juridique, par exemple de ce qu'est un lien de subordination au sein d'une rédaction. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements.
Je vous remercie, monsieur Braillard, d'avoir souligné que l'objectif de ce projet de loi est de restaurer la confiance et j'espère que la Commission ira dans ce sens.
La question de savoir s'il fallait inclure les blogueurs dans le périmètre de la protection a fait l'objet d'intenses débats. Il existe certes des blogs dont le caractère journalistique est incontestable, mais nous n'avons pas trouvé le moyen de les distinguer sur le plan juridique de ceux qui se contentent de diffuser n'importe quoi. On pourrait envisager d'étendre le périmètre aux blogs hébergés par une entreprise de presse, mais cette solution pose des difficultés juridiques. La réflexion doit encore se poursuivre sur ce sujet comme sur celui des lanceurs d'alerte.