COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 4 décembre 2013
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine pour avis, sur le rapport de M. Michel Pouzol, le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes (n° 1127).
Notre commission examine ce matin pour avis le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, la Commission des lois, saisie au fond, devant se prononcer la semaine prochaine.
La protection de ce secret, qui vise à renforcer la liberté de la presse et donc la démocratie, était déjà l'objectif de la loi du 4 janvier 2010. Si ce texte constituait indéniablement un progrès, nous étions un certain nombre à penser qu'elle ne suffisait pas à assurer une protection effective de ce secret. C'est dans ce but que le présent projet de loi se propose à la fois de réformer la grande loi républicaine de 1881 sur la liberté de la presse et de modifier le code de procédure pénale.
Notre mythologie contemporaine réserve une place très particulière aux journalistes, considérés parfois comme ne constituant pas une profession comme les autres, mais un groupe autonome d'individus potentiellement dangereux pour la société dont ils dévoilent les travers et les turpitudes. Il suffit de se reporter aux romans ou aux films noirs pour comprendre quel rôle héroïque joue le journaliste dans un inconscient collectif marqué par l'idée du complot et de la corruption des élites. Cette vision romantique est renforcée par le mythe du quatrième pouvoir, plus puissant et plus honorable qu'un système électoral condamné à faire plus de déçus que de satisfaits du fait même de son fonctionnement bipartisan. La notion même de continuité de l'État, pour rassurante qu'elle soit in fine, devient une raison supplémentaire de défiance dès lors que le fonctionnement de notre société est remis en question par une conjoncture intolérable pour le plus grand nombre.
En un mot, le journaliste, celui qui révèle, qui met en lumière et qui dénonce, a pu apparaître comme l'un des derniers acteurs sociaux digne de confiance à une partie de la population engluée dans le doute permanent.
Cette mythologie très anglo-saxonne a fini par prédéterminer, au fil des années, une forme noble de journalisme. Des Dix jours qui ébranlèrent le monde de John Reed, consacré à la révolution russe, à l'enquête des journalistes du Washington Post Bob Woodward et Carl Bernstein, nourrie par la source anonyme "gorge profonde" dans l'affaire du Watergate, en passant par les photos de Capa, émerge peu à peu, parmi toutes les formes que peuvent prendre les missions de l'information, celle d'un journalisme portant à la lumière ce qui était dans l'ombre, dénonçant au plus grand nombre ce qu'il aurait dû ignorer du fait de la collusion et de la corruption d'un petit nombre.
Dans le même temps, un journalisme à la française, héritier du siècle des Lumières et fondé sur le dogme de la connaissance critique, se développait, non pas à partir de la révélation ou du témoignage stricto sensu, mais de grilles de lectures mettant en jeu l'antagonisme des idées. La presse française devait d'abord être une presse d'idées. Et si le monde anglo-saxon pouvait séduire les nouveaux médias à l'apparition de la télévision, comme ce fut le cas au début de l'ORTF avec Cinq colonnes à la une – dont le titre, ce n'est pas anodin, fait référence à la presse écrite –, notre modèle est resté longtemps en dehors de la mythologie que je viens d'évoquer, laquelle gagnait du terrain dans l'inconscient collectif, y compris le nôtre.
Bref, le journaliste français est historiquement un penseur du monde, qui tente de structurer le chaos apparent plutôt que de chercher une vérité une et entière.
Il aura fallu des outils nouveaux de diffusion, la généralisation de l'information continue et quelques scandales révélés par des journalistes-écrivains en même temps qu'une montée de la défiance face aux idéologies, voire aux idées, pour que notre propre mythologie du journalisme glisse de l'analyse à la révélation, de l'opinion à l'investigation.
Même si la réalité quotidienne du travail de journaliste est, dans l'immense majorité des cas, totalement éloignée de ce dont nous avons à parler aujourd'hui, la valeur symbolique de l'investigation et la façon dont elle collecte des informations par définition cachées ou interdites nous a conduits à rechercher les moyens de garantir au journaliste d'enquête la possibilité de mener à bien son travail. Cela suppose prioritairement la protection de celles et ceux qui leur permettent d'avoir accès à des informations qui ne pourraient être divulgués, sans conséquences funestes, à d'autres interlocuteurs.
Il faut noter que si ce projet de loi répond à une mutation que cette profession a connue au siècle dernier, notre débat s'ouvre à l'heure où commence une autre mutation en profondeur de la pratique journalistique, dont les conséquences sont difficilement identifiables.
Les enquêtes secrètes des journalistes d'investigation gagnent en audace, en efficacité et en audience du fait même qu'elles correspondent à cette métamorphose de l'information. Les pouvoirs et les intérêts dominants qu'elles menacent s'en irritent d'autant plus qu'ils n'y étaient guère habitués. Ils tentent parfois de leur barrer la route en les accablant de procès et en réduisant leurs sources au silence. Ces journalistes ne pourraient pas enquêter et informer le public si ceux qui leur confient des secrets ou leur apportent des preuves confidentielles devaient être identifiés et livrés au risque d'encourir des mesures de rétorsion.
Rien de plus facile aujourd'hui que de découvrir ce qu'un journaliste sait et qui l'informe car les technologies de l'information permettent de tracer les communications électroniques, pirater une messagerie et obtenir une copie des archives d'une enquête. Ce sont ces facilités techniques qui ont été à l'origine de l'affaire Clearstream et de la première loi sur la protection des sources. Ce sont encore ces facilités qui ont provoqué le scandale dit des fadettes du Monde et la remise en chantier de la législation.
La loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010, relative à la protection du secret des sources des journalistes, votée à la suite des affaires Clearstream et Cofidis, devait mettre un terme aux ingérences des services de police et de justice dans les enquêtes de presse. Mais, à peine promulguée, elle a donné lieu à une interprétation défavorable aux journalistes dans l'affaire Bettencourt.
Le scandale des fadettes du Monde a mis crûment à jour les faiblesses du dispositif légal de protection du secret des sources des journalistes. Il a aussi révélé à l'opinion que le même gouvernement qui faisait de cette protection un grand principe de la loi sur la liberté de la presse et du code de procédure pénale, guidait en sous-main les atteintes que lui portaient le parquet et la police.
François Hollande a pris l'engagement, lors de la campagne électorale de 2012, de renforcer la protection des sources des journalistes. Le présent projet de loi traduit cet engagement en proposant sept améliorations au régime légal du secret des sources. Ces améliorations sont inspirées, comme l'était la loi précédente, par la doctrine des instances du Conseil de l'Europe et, surtout, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a plusieurs fois condamné l'État français pour les manquements de ses services à ses engagements internationaux.
Le projet de loi réaffirme solennellement le principe d'une protection des sources des journalistes par un secret légal. Il étend le bénéfice de cette protection aux journalistes professionnels employés occasionnellement et aux collaborateurs de la rédaction.
Définissant les atteintes interdites portées à ce secret, il précise les motifs de celles qui restent légitimes en raison de la gravité des intentions criminelles ou délictuelles.
Il exige que les actes d'enquête ou d'instruction qui visent à lever le secret des sources d'un journaliste soient préalablement autorisés par une ordonnance, spécialement motivée, du juge des libertés et de la détention, auquel est confiée la sauvegarde de la mission d'information du public des journalistes.
Le projet de loi accorde à ceux-ci une immunité pénale à l'égard des délits de recel de documents protégés par un secret professionnel, un secret judiciaire, ou par l'intimité de la vie privée.
Il aggrave la répression pénale des violations de domicile et des atteintes au secret des correspondances commises dans l'intention de briser le secret des sources d'un journaliste, par un particulier comme par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public.
Ce projet a aussi le mérite de remédier aux principales faiblesses du texte précédent, coupant court aux interprétations contraires à l'intention du législateur qui en avaient été faites. Certains services de l'État ont cependant obtenu que le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale leur soit plus favorable que l'avant-projet de loi soumis au Conseil d'État. Je le dis clairement : je ne partage pas leur inquiétude. La justice, pas plus que la police ou la gendarmerie, n'ont besoin d'auxiliaires de presse pour mener à bien la mission qui leur incombe et pour laquelle ils disposent de prérogatives de puissance publique dont les journalistes sont dépourvus. Je vous proposerai donc de revenir, sinon au texte, du moins à l'intention initiale de l'avant-projet du Gouvernement sur le point délicat des motifs qui autorisent un tiers à lever le secret des sources. Reconnaître l'« intérêt supérieur de la nation » comme motif légitime de levée du secret des sources fragiliserait ce texte au point de le rendre inopérant.
Le texte recèle aussi quelques lacunes, inévitables étant donné les mutations technologiques qui transforment le métier de journaliste. Les débats parlementaires doivent permettre de les corriger, de telle sorte que le nouveau dispositif de protection des sources profite à tous les journalistes professionnels et non pas seulement aux employés des entreprises de presse.
En effet, protéger les sources qui nourrissent les enquêtes des organes de presse ne suffit pas, les journalistes travaillant parfois en marge de leur rédaction. La bascule vers un journalisme de révélation et de divulgation de secrets a souvent eu lieu dans notre pays par le biais de travaux journalistiques publiés sous la forme de livre : il nous semble important d'en tenir compte. Ces journalistes, dont la conscience professionnelle est souvent exemplaire, se trouvent juridiquement confondus avec les donneurs d'alerte, qui imaginent pouvoir se passer de la médiation d'un journaliste chevronné pour s'adresser au public. Un statut de lanceur d'alerte a été imaginé pour les protéger, comme on protège des témoins menacés ou des criminels repentis qui dénoncent leurs complices. Il est de ce point de vue significatif qu'un film consacré à l'affaire WikiLeaks s'intitule en français Le Cinquième pouvoir.
Nous avons néanmoins fait le choix de réaffirmer que c'est aux journalistes professionnels de recevoir les confidences des citoyens scandalisés par ce qu'ils découvrent ou par ce qu'on leur demande, parce qu'ils peuvent faire la part des faits et celle des intentions supposées, celle de la vengeance personnelle et de l'excès d'animosité. Leur éthique leur impose de croiser les témoignages et de vérifier les preuves. Ils savent aussi distinguer l'opportun de l'inutile dans les indignations légitimes qui cherchent le scandale. Ces journalistes, qu'ils soient professionnels ou occasionnels, ont tout à gagner à conserver un lien éditorial avec une rédaction, un éditeur ou un diffuseur.
Ce lien est à réinventer. La crise de la presse imprimée réduit chaque année le nombre des journalistes professionnels salariés par les rédactions. Les employés occasionnels sont de moins en moins payés régulièrement à la pige et incités à devenir des sous-traitants rémunérés à la mission, par des contrats d'entreprise ou de louage d'oeuvre. Les mieux lotis peuvent encore espérer toucher des droits d'auteurs sur l'exploitation de leurs oeuvres.
En même temps qu'elles se séparent de leurs journalistes professionnels, les entreprises de presse s'emparent de l'information en ligne et en reprennent le contenu dans leur support papier, pour mêler les articles de ces journalistes à des publireportages, des témoignages citoyens et des blogs d'experts. Les blogs à vocation journalistique, parfois hébergés par des sites de presse, constituent de nouveaux modes de communication médiatiques permettant à des journalistes d'ouvrir des pistes en offrant des débuts d'information qui peuvent conduire à de nouvelles sources susceptibles de valider telle ou telle intuition, mais également de propulser une rumeur au rang d'information fiable. La multiplicité de l'offre d'information et de supports permet parfois au journaliste d'aller plus loin dans sa volonté d'informer, de révéler, de dénoncer.
Si ces phénomènes sont autant d'occasions de nouvelles réflexions, ce projet de loi ne peut pas répondre de façon exhaustive à toutes les mutations de la presse si on veut qu'il soit efficace au regard de son principe fondateur : renforcer de manière forte et déterminante la confidentialité de la source de l'information. Même si le caractère quasi mythologique de l'obligation de transparence et de vérité propre à notre société de la communication peut prêter à de nombreux débats, les « mythologies » telles que Roland Barthes les définissait dans les années cinquante restent totalement constitutives de notre présent et de nos espérances, notamment en termes d'information et de recherche de la vérité.
Durant la campagne, le candidat Hollande avait pris l'engagement de renforcer la protection des sources des journalistes, engagement réitéré le 16 janvier 2013 lors de ses voeux à la presse. Le présent projet de loi réaffirme le droit fondamental des journalistes d'exercer librement leur mission d'information en garantissant la protection du secret de leurs sources.
L'objet de ce texte est de se substituer à la loi Dati du 4 janvier 2010 qui, bien que très attendue, s'est révélée plus cosmétique qu'efficace. Le groupe SRC s'y était d'ailleurs opposé, notamment parce que, si ce texte affirmait le principe de la protection du secret des sources, il était loin de garantir sa mise en oeuvre. La loi n'a pas empêché, par exemple, le procureur de Marseille d'ordonner la réquisition de factures téléphoniques détaillées, les fameuses « fadettes », de deux journalistes du Monde poursuivis pour « recel de violation du secret de l'instruction ». Cette démarche était si peu contraire à la nouvelle loi que le directeur de la DCRI, le procureur de Nanterre et deux juges d'instruction de Lille ont entrepris la même année des démarches similaires. Finalement, cette loi garantissait surtout la liberté pour les autorités policières et judiciaires de traquer celles et ceux qui informent les journalistes ! Vous montrez avec une grande précision que cette réforme n'a pas permis de prévenir les atteintes injustifiées au secret des sources. Ainsi la loi de 2010 ne protégeait que les sources des journalistes professionnels exerçant, à titre régulier et rétribué, dans une entreprise qualifiée, définition qui ne couvrait que les salariés et les pigistes habituels. Le présent projet de loi supprime l'exigence de régularité de l'exercice de la profession dans l'entreprise afin de pouvoir protéger les sources des pigistes occasionnels, et vos amendements, monsieur le rapporteur pour avis, visent à élargir encore le périmètre de la protection.
La presse est considérée dans nos démocraties comme un « quatrième pouvoir ». Ce rôle s'est d'ailleurs accru ces dernières années tant « les journalistes d'investigation gagnent en audace, en efficacité et en audience », ainsi que vous le rappelez, monsieur le rapporteur. Toutefois, les dernières mutations technologiques ont rendu plus difficile une protection fiable des sources des journalistes. Or, dans une société démocratique, les journalistes doivent pouvoir assurer la confidentialité de l'origine de leurs informations, qui est un gage indispensable du respect de la liberté d'information.
La loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a constitué un progrès notable. On lui doit le principe de la protection du secret des sources, sauf impératif prépondérant d'intérêt public, la définition de la notion d'atteinte au secret des sources et, en cas d'atteinte, la nécessité d'une action « strictement nécessaire et proportionnée », reprise dans le projet de loi que nous examinons.
Force est de reconnaître que la loi s'est révélée difficile à appliquer, ce qui a occasionné la publication d'une circulaire et nourri une jurisprudence sur l'esprit de la loi. Ainsi, dans une circulaire du 20 janvier 2010, la chancellerie rappelle l'exigence de proportionnalité entre l'atteinte au secret et l'infraction poursuivie : des perquisitions visant à découvrir les sources d'un journaliste se justifient, par exemple, pour des faits de terrorisme, et non pour des faits de violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel. De même, dans son arrêt du 6 décembre 2011, prononcé à l'occasion de l'affaire dite des fadettes du Monde, le quotidien ayant publié le résultat d'une perquisition chez Mme Bettencourt, la Cour de cassation a annulé des réquisitions adressées à des opérateurs de téléphonie par le procureur, qui cherchait à découvrir les sources de journalistes concernés, jugeant qu'une telle atteinte au secret des sources n'était justifiée par aucun impératif prépondérant.
Je ne peux donc, au nom du groupe UMP, que saluer certaines des avancées de ce texte, notamment l'extension de la protection de la loi aux collaborateurs de la rédaction et la restriction des situations justifiant une atteinte au secret des sources. Néanmoins, ce texte comporte une limite de taille, dans la mesure où la protection prévue par l'article 2 tombe si l'affaire instruite porte atteinte "aux intérêts fondamentaux de la nation". Cette notion est manifestement trop floue puisque, selon la définition qu'en donne l'article 410-1 du code pénal, elle recouvre une grande partie des centres d'intérêt des journalistes.
L'interdiction de la condamnation d'un journaliste pour délit de recel pose également question. Il semble contradictoire de renforcer la protection du secret des sources des journalistes, notamment en restreignant les cas justifiant une atteinte à ce secret, tout en leur garantissant par ailleurs une forme d'impunité. En effet, ils ne pourraient plus être condamnés pour recel en cas de publication de documents provenant du secret de l'instruction, du secret professionnel ou d'une atteinte à la vie privée. S'inspirant de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme, le texte brandit comme unique garde-fou « l'intérêt général », qui légitimerait la publication visée. Or, c'est une notion définitivement floue, insuffisamment protectrice du secret de l'instruction ou du secret professionnel. Doit-on comprendre que le secret des sources des journalistes passe avant le secret de l'instruction, le secret professionnel, le respect de la vie privée, et que, par voie de conséquence, le secret de l'instruction n'a plus de sens ?
L'introduction du juge des libertés dans le dispositif en cas de procédure pénale est tout aussi problématique. L'étude d'impact insiste sur le fait que subordonner toute enquête et les actes qui lui seraient liés à une autorisation par ordonnance motivée du juge des libertés constituerait une protection maximale. Toutefois, au-delà de cet argument, l'exposé des motifs ne dit rien de l'impact réel de l'introduction du juge des libertés dans le dispositif. On sait pourtant qu'elle ne sera pas sans conséquence sur l'avancée des enquêtes. Elle apparaît même contraire à l'efficacité pourtant essentielle s'agissant d'enquêtes sur des faits susceptibles de constituer une atteinte grave à la personne ou aux intérêts fondamentaux de la nation. Pourquoi estimer ainsi que le procureur ou le juge d'instruction sont incapables de respecter la loi, au point de rendre nécessaire l'intervention d'un juge extérieur à l'enquête ?
Ce projet de loi constitue un progrès très net par rapport à la loi de 2010. Le dispositif de protection du secret des sources des journalistes mis en place par cette loi était en effet très inférieur à celui qui avait été voté en 2005 par le Parlement belge et qui est une référence pour tous les journalistes et tous ceux qui sont attachés à la protection de ce secret.
Le texte que vous nous soumettez s'en rapproche, mais n'est pas encore à la hauteur de ce que nos collègues belges ont été capables de mettre en oeuvre. Nous nous inquiétons notamment de l'exception au secret des sources en cas d'atteinte aux « intérêts fondamentaux de la nation », notion dont le flou absolu constituerait une brèche où tous ceux qui sont gênés par des enquêtes journalistiques pourraient s'engouffrer. Il y a déjà d'ailleurs des précédents d'entrave à la liberté d'informer justifiés par un tel prétexte, avec la complicité de la justice. L'inscription dans la loi d'une telle notion tuerait l'économie d'un projet qui doit permettre aux journalistes d'exercer leur profession dans des conditions dignes d'un pays comme le nôtre. C'est la raison pour laquelle je me félicite que le rapporteur pour avis ait exprimé son désaccord avec cette exception.
Ce projet est cependant un progrès car il étend le principe de protection du secret, aux pigistes notamment, mais il faudrait l'étendre également aux documentaristes et aux blogueurs. D'une façon générale, les progrès fulgurants de l'Internet rendent difficile une délimitation nette du champ du journalisme : il n'est pas rare désormais que les journalistes professionnels exploitent des informations diffusées par les réseaux sociaux et les blogueurs.
Ce texte devrait également mettre l'accent sur la prévention plutôt que sur la répression : c'est l'objectif d'un amendement déposé par le groupe SRC et nous-mêmes, que nous avions déjà déposé en 2010, notamment avec Mme Filippetti. Il faudrait également que le texte institue, conformément à une demande de l'association Reporters sans frontières et des syndicats de journalistes, un délit spécial au cas où l'atteinte au secret des sources serait le fait d'une personne investie de l'autorité publique.
En dépit de ces réserves, le groupe écologiste votera ce texte, considérant qu'il constitue un progrès incontestable.
La liberté de la presse dans l'accomplissement de sa mission d'information du public constitue un principe cardinal de toute démocratie. Elle contribue à donner corps à la liberté de communication et d'opinion, définie à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Elle est une condition essentielle de la vitalité du débat démocratique. Parce qu'ils informent le citoyen et éclairent l'opinion, les journalistes sont indéniablement les fers de lance de la démocratie et de la liberté d'expression. Cette liberté ne saurait véritablement s'exercer sans de sérieuses garanties données aux journalistes, notamment celle de la protection de leurs sources, sans laquelle aucun informateur ne saurait parler en confiance. L'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le dit sans ambiguïté : le droit de toute personne à la liberté d'expression comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations sans qu'il puisse y avoir en la matière ingérence des autorités publiques.
Dernière réforme dans ce domaine, la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes a constitué une indéniable avancée puisqu'elle a fait de la protection des sources des journalistes un principe général en l'inscrivant dans le cadre hautement symbolique de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Aujourd'hui, ce droit peut être amélioré pour assurer une prévention suffisamment efficace et prévisible des atteintes injustifiées au secret des sources. Nous ne pourrions pas de ce fait nous opposer à un texte qui propose de définir de façon plus claire et plus limitative les conditions permettant de porter atteinte à ce secret.
Plus généralement, à travers la problématique du secret des sources, ce projet de loi touche aux conditions d'exercice par la presse de sa mission d'information du public. À ce titre, il me semble, au nom du groupe UDI, que ce texte pourrait être l'occasion d'évoquer des mesures concrètes pour améliorer l'exercice de la profession de journaliste. Nous pourrions notamment aborder l'éventualité d'une charte des droits et des devoirs des journalistes, qui donnerait toute sa crédibilité à la profession.
Dans son article 11, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 précise que la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. On voit donc que des limites au secret des sources étaient posées dès 1789.
Ce projet de loi, traduction de l'engagement du candidat Hollande de remédier aux lacunes de la réforme du 4 janvier 2010, est une grande avancée pour la liberté de la presse. Il étend la protection du secret des sources aux collaborateurs de la rédaction et à tous les membres des entreprises de presse qui peuvent être amenés, dans l'exercice de leur fonction, à prendre connaissance d'informations permettant de révéler des sources. Par ailleurs, il encadre les possibilités d'atteindre au secret des sources en prévoyant la saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention. Dans son excellent rapport, notre collègue Pouzol souligne que ce texte est marqué par la volonté d'instaurer de la confiance : confiance dans la responsabilité des journalistes, de la police, de la justice.
Je me réjouis qu'à la différence de la majorité précédente, nous n'attendions pas d'être sous la pression des événements pour voter ce type de texte. Je me réjouis également, au nom du groupe RRDP, que ce projet de loi, tout en posant les conditions d'un exercice serein de l'activité journalistique, renforce les obligations des journalistes en matière de vérification de leurs informations.
La loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse est une loi essentielle de notre république tant la mission des journalistes est fondamentale en démocratie. Une telle mission ne peut s'exercer que dans une complète liberté de parole et d'investigation : assurer cette liberté en garantissant la protection du secret des sources des journalistes est l'objectif de ce projet de loi. Si la loi de 2010 constituait un progrès en la matière, les événements survenus depuis ont révélé ses insuffisances.
Au nombre des avancées qu'il nous propose, ce texte étend le champ de la protection au-delà des journalistes travaillant d'une manière régulière pour un organe de presse, ce qui est essentiel à un moment où la mission d'informer s'exerce dans des conditions de plus en plus précaires. Le débat devra nous permettre de déterminer jusqu'où il sera possible d'étendre le champ de la protection. Autre avancée : ce texte prévoit que la détention de documents dans le cadre de l'exercice de la mission d'information n'est pas constitutive d'un délit de recel.
C'est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi, même s'il peut encore être amélioré, notamment en supprimant la possibilité de remettre en cause le principe du secret des sources en cas d'atteinte à des intérêts fondamentaux de la nation.
Le droit à l'information ne supporte pas de restriction. Nous sommes ici au coeur de la culture française : le droit d'expression et d'information est un principe en soi. La mission du journaliste est d'informer les citoyens, en rendant publics les faits et événements dont il a connaissance. Ce rôle d'information implique la recherche d'éléments susceptibles d'éclairer le public, par des canaux, plus ou moins officiels, qui constituent ses sources. La garantie de la confidentialité des sources est par conséquent essentielle à la crédibilité et à l'efficacité du travail de la presse.
Ce projet de loi traduit l'engagement du Président de la République d'un renforcement de la protection des sources des journalistes. De ce point de vue, la saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention préalablement à toute atteinte au secret des sources est une réelle avancée. En revanche, la notion « d'atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la nation » est une notion fourre-tout, dangereuse en ce qu'elle laisse la porte ouverte aux interprétations les plus restrictives. C'est pourquoi j'approuve la proposition du rapporteur de préciser cette notion.
Il semble aussi nécessaire d'étendre la protection aux journalistes blogueurs : ce qu'il faut protéger, ce n'est pas une corporation, mais la personne qui donne l'information.
Sans informateur, il n'y a pas d'information et sans confidentialité des sources, il n'y a pas d'informateur. La protection des personnes qui donnent l'information est indispensable au bon exercice du métier de journaliste.
Ce texte appelle deux remarques et une question.
D'abord, l'absence de délit de recel en cas de violation du secret de l'enquête et de l'instruction risque de poser des problèmes qui me paraissent généralement sous-estimés. Deuxièmement, la défiance vis-à-vis du procureur et du juge d'instruction que manifeste l'introduction du juge des libertés et de la détention dans le dispositif me semble insuffisamment prise en compte.
Je souhaiterais enfin que vous nous précisiez, monsieur le rapporteur pour avis, les raisons pour laquelle il conviendrait de supprimer la possibilité de remettre en cause le secret des sources en cas d'atteinte grave aux intérêts supérieurs de la nation : alors qu'on hésite de moins en moins à les évoquer en matière d'intelligence économique par exemple, il me paraît pour le moins problématique de les balayer d'un revers de la main quand il s'agit de journalisme.
Monsieur le rapporteur pour avis, ne pensez-vous pas que le périmètre de la protection devrait être étendu aux lanceurs d'alerte ?
Il est du rôle des parlementaires de veiller à la protection des sources des journalistes, nécessaire à la liberté de la presse, mais nous devons aussi affirmer que les informations doivent être vérifiées avant d'être diffusées. Nous soutenons les journalistes quand ils nous fournissent une information qui nous aide à penser et à acquérir l'esprit de citoyenneté. Comme le disait François Mitterrand, la liberté de la presse présente certes des inconvénients, mais moins que l'absence de liberté.
Vous avez tort, monsieur Hetzel, de nous reprocher de balayer d'un revers de la main la notion d'intérêts supérieurs de la nation, alors que notre choix est né d'une réflexion nourrie des nombreuses auditions que nous avons menées : celles-ci nous ont prouvé que l'ensemble de la profession, tous médias confondus, jugeait cette notion beaucoup trop large pour justifier une atteinte au secret des sources et susceptible de rendre la loi pratiquement inefficace, voire d'annuler le progrès apporté par la loi de 2010.
Quant à l'introduction du juge des libertés dans le dispositif, loin de traduire une quelconque défiance vis-à-vis des acteurs habituels de l'enquête judiciaire, il est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle les mesures attentatoires à la liberté doivent être soumises à un magistrat distinct du procureur, qu'elle ne considère pas comme statutairement indépendant.
S'agissant de l'immunité des journalistes, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Ressiot, la subordonne à l'intérêt public de l'enquête, alors que la Cour de cassation préfère invoquer le but légitime de cette enquête. Je sais que la Commission des lois devrait revenir sur la définition de ce critère. En tout état de cause, ce texte ne met pas fin au délit de recel de violation du secret de l'instruction.
Notre volonté est bien de nous rapprocher de l'esprit de la législation belge en matière de protection des sources des journalistes, monsieur Mamère, et je vous proposerai des amendements en ce sens.
La protection des lanceurs d'alerte ne doit pas être confondue avec ce que nous proposons, madame Langlade. La fonction du lanceur d'alerte est différente de la mission du journaliste. Comme Mme Dessus l'a souligné, l'éthique du journalisme impose de vérifier l'information, alors que les lanceurs d'alerte ne sont pas nécessairement motivés par la volonté d'informer.
La volonté, exprimée par certains orateurs, d'élargir le périmètre de la protection au-delà de ce que le projet de loi propose se heurte à un problème de définition juridique, par exemple de ce qu'est un lien de subordination au sein d'une rédaction. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements.
Je vous remercie, monsieur Braillard, d'avoir souligné que l'objectif de ce projet de loi est de restaurer la confiance et j'espère que la Commission ira dans ce sens.
La question de savoir s'il fallait inclure les blogueurs dans le périmètre de la protection a fait l'objet d'intenses débats. Il existe certes des blogs dont le caractère journalistique est incontestable, mais nous n'avons pas trouvé le moyen de les distinguer sur le plan juridique de ceux qui se contentent de diffuser n'importe quoi. On pourrait envisager d'étendre le périmètre aux blogs hébergés par une entreprise de presse, mais cette solution pose des difficultés juridiques. La réflexion doit encore se poursuivre sur ce sujet comme sur celui des lanceurs d'alerte.
Je rappelle que la protection particulière des sources des journalistes que ce texte tend à assurer se justifie par la nature particulière du travail de ceux-ci. Or tous les journalistes ne sont pas blogueurs et tous les blogueurs ne sont pas journalistes.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Principes de la protection du secret des sources
La Commission examine l'amendement AC32 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à préciser la distinction entre les journalistes professionnels et les collaborateurs de la rédaction, afin d'éviter que la loi n'introduise une confusion qui aurait une incidence sur le statut professionnel des journalistes.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC33 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à inclure dans le périmètre de protection des sources celles des journalistes d'investigation travaillant pour un éditeur, qui ont été majoritairement la cible des demandes judiciaires de levée du secret.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC1 de M. Thierry Braillard.
Cet amendement vise à étendre le périmètre de protection à tous les membres d'une rédaction, qu'ils soient journalistes réguliers, pigistes, stagiaires ou collaborateurs.
J'y suis défavorable, la rédaction de l'article nous semblant déjà englober toutes ces catégories. La notion de « lien de subordination » proposée par l'amendement me paraît trop imprécise pour qualifier juridiquement une relation organique entre un journaliste et une entreprise de presse.
Je défends cette proposition, qui permet d'inclure dans le périmètre de protection toute personne qui contribue par son travail à nourrir l'information des journalistes, à la différence du projet de loi. Cette disposition est essentielle aujourd'hui où les rédactions ont de plus en plus recours à des stagiaires.
Il me semble en effet que le texte du projet de loi définit de façon trop restrictive le périmètre de protection. Quant à la notion de lien de subordination, elle est bien définie par le droit du travail.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC34 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à inclure dans le périmètre de protection du secret des sources tous les collaborateurs ayant accès aux éléments des enquêtes journalistiques, même s'ils ne travaillent pas physiquement au sein de la rédaction.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC35 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à préciser que les sources protégées par le secret ne sont pas seulement des informateurs, mais qu'il peut aussi s'agir de documents.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC18 de Mme Isabelle Attard.
Cet amendement vise à élargir la protection aux sources des auteurs de livres d'enquête, documentaristes et blogueurs réalisant des reportages ou des enquêtes, qui peuvent être tout autant menacées que celles des journalistes statutaires. On aurait bien du mal aujourd'hui à définir ce qu'est un journaliste, quand on sait que les salariés de magazines comme Elle ont une carte de presse alors que les investigateurs free lance de Reflets.info n'en disposent pas. Pourtant, ce sont eux qui, bien avant les médias officiels, ont révélé l'ampleur de la surveillance exercée par l'État français à l'étranger et sur notre territoire. Or, en dépit de l'ampleur des scandales qu'elles révèlent, ces personnes ne bénéficient d'aucune protection légale de leurs sources.
Avis défavorable. Le périmètre de protection est plus large que vous ne le dites, puisque l'article considère comme journaliste « toute personne qui, dans l'exercice de sa profession pour le compte d'une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d'une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d'informations et leur diffusion au public ». En outre, nous venons de voter un amendement qui intègre dans le périmètre les auteurs d'ouvrages d'investigation. Quant à l'intégration des blogueurs, j'ai déjà dit qu'elle me semblait problématique.
J'approuve les arguments qui viennent d'être développés par Isabelle Attard. On ne peut pas écarter ainsi la question des blogueurs, alors qu'une grande partie de l'information du public est aujourd'hui assurée par des blogs, et s'accrocher à une définition totalement dépassée du journalisme. Je rappelle qu'aujourd'hui il faut tirer au moins 51 % de ses ressources de l'exercice de la profession journalistique pour disposer d'une carte de presse.
La définition donnée par l'article 1er est très éloignée des conditions très restrictives d'attribution de la carte de presse.
Je partage le point de vue de notre rapporteur. je voudrais rappeler à notre collègue Isabelle Attard que nous sommes ici pour établir un texte de loi, et non pour engager une réflexion. Les mots ont un sens et il faut, pour être reconnu comme journaliste, satisfaire un certain nombre de critères. Il me semble qu'ouvrir ce dispositif de protection du secret des sources à tous les blogueurs qui prétendent faire du journalisme serait excessif et contribuerait paradoxalement à affaiblir le texte. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne peut pas voter cet amendement.
Vous semblez ignorer la crise que traverse le journalisme et la situation de dépendance où se trouvent bon nombre de rédactions vis-à-vis des grandes entreprises. Un blogueur disposera souvent d'une liberté d'informer plus grande qu'un journaliste salarié d'une société de presse. L'avis d'un blogueur est aujourd'hui plus libre que celui d'un journaliste travaillant dans un organe de presse dépendant d'intérêts financiers qui nous dépassent.
Une telle disposition aurait pour conséquence de favoriser la diffusion du n'importe quoi, au détriment du vrai journalisme et de la démocratie véritable. Notre but doit être au contraire de valoriser cette profession. C'est la raison pour laquelle j'évoquais tout à l'heure la possibilité d'établir une charte des droits et des devoirs des journalistes, conformément à la volonté de beaucoup de journalistes professionnels soucieux de voir leur profession reconnue.
Je ne suis pas un adorateur des blogueurs, mais quand même !
La gauche n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire : des propriétaires de grands groupes de bâtiment et travaux publics continuent d'être majoritaires dans le capital de chaînes de télévision ; or ces grands groupes réalisent aussi d'importants travaux dans des pays peu démocratiques. Je mets au défi un journaliste de ces chaînes de télévision de réaliser un reportage critique sur des pays où ces sociétés construisent des ponts, des mosquées, des autoroutes… A contrario, certains blogueurs, qui ne sont pas journalistes, mais obsédés par leur sujet – un pays, un thème –, finissent par « sortir », comme on dit, des informations, ensuite reprises par la presse. Certains sont originaires de pays où la liberté de la presse n'existe pas mais diffusent des informations importantes en France. Tous ceux-là ont un rôle à jouer. Cela pose le problème du droit à l'information : il faut savoir qui nous voulons protéger.
Je comprends l'intention de M. Mamère, mais il ne faudrait pas encourager les entreprises de presse à se passer, plus encore qu'elles ne le font déjà, des journalistes professionnels. Tous les citoyens peuvent devenir blogueurs : protéger comme des journalistes tous les citoyens sans exception paraît excessif, même si on peut bien sûr s'interroger sur la meilleure façon de protéger certains blogueurs, précisément définis.
Nous voterons contre cet amendement. En effet, le projet de loi propose déjà une définition large. Si l'on protégeait les sources de tous les auteurs de blogs, pourquoi ne pas protéger jusqu'aux commentaires des lecteurs sur les sites des journaux ?
La question posée par cet amendement a été au coeur de nos réflexions, et je ne suis pas surpris de l'intérêt qu'elle suscite. Il ne faut néanmoins pas mélanger les problèmes.
Ce projet de loi protège les journalistes bien au-delà du critère de la détention d'une carte de presse, ce que souhaitait l'ensemble de la profession. Monsieur Le Mèner, je suis d'accord avec vos propos. Madame Attard, certains blogueurs sont sûrement plus libres que certains journalistes, mais ce n'est pas seulement un avis que l'on attend de ces derniers : c'est une information réfléchie et vérifiée, et apportée par une source, qu'il s'agit ici de protéger. Monsieur Braillard, il nous faut effectivement rester vigilants sur les limites de la protection des sources, sous peine de mettre le doigt dans un engrenage dangereux.
Une réflexion globale sur la presse ne serait certainement pas superflue, mais ce projet de loi porte sur la protection du secret des sources, et je crois qu'il atteint son but.
La Commission rejette l'amendement AC18.
Elle examine ensuite l'amendement AC19 de Mme Isabelle Attard.
Il s'agit d'élargir la protection aux directeurs de publication, qui sont dépositaires de nombreuses informations et examinent les preuves apportées par les journalistes, mais qui ne détiennent pas tous une carte de presse.
À mon sens, la notion de collaborateurs de la rédaction englobe déjà les directeurs de publication, mais j'émets néanmoins un avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC36 du rapporteur pour avis.
Il s'agit d'un amendement de conséquence, mais je vous propose de le rectifier en remplaçant « au 1° du I » par « au I ».
La Commission adopte l'amendement AC36 ainsi rectifié.
Puis elle se saisit de l'amendement AC37 du rapporteur pour avis.
Cet amendement est fondamental : il s'agit de préciser que la protection s'étend à toutes les archives de l'enquête journalistique, qu'elles soient détenues par le journaliste ou stockées chez un hébergeur.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de conséquence AC38 du rapporteur pour avis.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC39 du rapporteur pour avis.
Cet amendement, que nous avons déjà évoqué, reprend les dispositions proposées en 2008 par un amendement que vous connaissez bien, monsieur le président : il s'agit de redéfinir les cas dans lesquels il peut être porté atteinte au secret des sources, en faisant disparaître du texte la notion d'« intérêts fondamentaux de la nation ». Le droit au secret des sources des journalistes n'est pas absolu mais il convient de bien en définir les limites, qui doivent être précises et compatibles avec les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Il n'est jamais mauvais de se conformer à la jurisprudence de la CEDH… Cet amendement permettra que le présent texte ne constitue pas une régression par rapport à celui de 2010, et même qu'il aille plus loin.
Il s'agit effectivement de la reprise d'un amendement que nous avions déposé ensemble, monsieur le président, lors des débats sur la loi de 2010. Il est également important de préciser que la levée du secret a pour objet « la prévention » et non la « répression » d'un crime ou d'un délit. Cette nouvelle rédaction est bonne, et fait disparaître une disposition qui était critiquée par l'ensemble de la profession.
J'approuve les propos de M. Mamère. Puis-je, monsieur le rapporteur pour avis, vous demander le sens de l'amendement AC41, qui semble en retrait par rapport à celui-ci ?
Nous nous inquiétons pour notre part de la disparition totale de la référence aux intérêts fondamentaux de la nation.
Sur ce sujet, nous ne sommes pas dans le même état d'esprit, ma chère collègue car, pour ce qui nous concerne, la disparition de cette notion beaucoup trop floue nous rassure ! Cette mention nous aurait, je le rappelle, fait régresser en deçà de la loi de 2010, votée par la majorité précédente.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements AC40, AC41 et AC42 du rapporteur pour avis ainsi que les amendements AC2 et AC3 de M. Thierry Braillard tombent.
La Commission se saisit de l'amendement AC4 de M. Thierry Braillard.
L'amendement étend la définition des sources protégées et me paraît cohérent avec ce que propose le rapporteur pour avis.
Je vous propose de retirer cet amendement au profit de l'amendement AC43, qui suit. Ce sera plus homogène.
L'amendement AC4 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement AC43 du rapporteur pour avis.
Ne faudrait-il pas rectifier cet amendement comme vous l'avez fait précédemment pour l'amendement AC36 ?
Absolument. Vous avez raison, merci de votre vigilance : il faut écrire « au I » au lieu de « au 1° du I ».
La Commission adopte l'amendement AC43 ainsi rectifié.
Elle se saisit alors de l'amendement AC44 du rapporteur pour avis.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qu'il faut rectifier de la même manière que le précédent.
La Commission adopte l'amendement AC44 ainsi rectifié.
L'amendement AC5 de M. Thierry Braillard est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC20 de Mme Isabelle Attard.
Cet amendement vise à coordonner ce projet de loi avec les dispositions que nous avons votées dans le cadre de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Les journalistes peuvent en effet consulter les déclarations de patrimoine que nous avons remplies, mais leur divulgation est punie de 45 000 euros d'amende ! C'est une aberration, en totale contradiction avec la jurisprudence de la CEDH.
Avis défavorable : la loi sur la transparence de la vie publique a donné lieu à de très longs débats, et votre amendement serait en complète contradiction avec l'intention exprimée alors par le législateur.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle examine l'amendement AC21 de Mme Isabelle Attard.
Cet amendement vise à élargir la protection à tous les documents « collectés dans le cadre du travail d'information ». Cela paraît nécessaire.
Avis défavorable : il existe un risque d'inconstitutionnalité, car ce serait trop flou. La Commission des lois pourra sans doute analyser ce problème de façon plus précise, et peut-être proposer une nouvelle rédaction.
L'amendement AC21 est retiré.
Puis la Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 : Transcription de la protection légale du secret des sources dans le code de procédure pénale
La Commission examine d'abord l'amendement AC45 du rapporteur pour avis.
La Commission adopte l'amendement AC45 ainsi rectifié.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AC46 du rapporteur pour avis.
L'amendement AC6 de M. Thierry Braillard est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement AC47 du rapporteur pour avis.
C'est un amendement rédactionnel qu'il faut rectifier en remplaçant « au 1° du I » par « au I ».
La Commission adopte l'amendement AC47 ainsi rectifié.
L'amendement AC7 de M. Thierry Braillard est retiré.
La Commission se saisit ensuite de l'amendement AC8 de M. Thierry Braillard.
Cet amendement tend à préciser que la protection des sources des journalistes s'étend à toute personne physique ou morale, mais aussi à des entités comme les entreprises ou les associations, donc de mieux protéger tout organe de presse.
Cet amendement sera satisfait par mon amendement AC48 pour ce qui concerne les collaborateurs. Pour le reste, sa rédaction me paraît inadéquate et trop restrictive.
L'amendement AC8 est retiré.
La Commission examine alors l'amendement AC22 de Mme Isabelle Attard.
Il faut prêter attention à tous les détails, car le diable s'y niche : cet amendement vise donc à ce que les actes d'enquête ou d'instruction ne puissent avoir pour conséquence, et non seulement pour objet, de porter atteinte au secret des sources. Cela couvrirait ainsi l'ensemble des atteintes possibles.
D'autre part, je note que la notion d'intérêts fondamentaux de la nation figure également dans cet article.
S'agissant de ce second point, nous allons ensuite examiner un amendement AC51 du rapporteur qui supprime également cette notion dans cet article.
Je suis défavorable à cet amendement : comment un magistrat pourrait-il apprécier a priori les conséquences d'actes d'enquête ou d'instruction ? En toute logique, cela paraît impossible.
Des affaires récentes ont, me semble-t-il, montré le contraire. Nous en reparlerons dans l'hémicycle : nous ne prétendons pas être plus intelligents que nos collègues…
Je voudrais appuyer le rapporteur pour avis : préjuger de conséquences est un non-sens juridique.
L'amendement AC22 est retiré.
La Commission se saisit ensuite de l'amendement AC48 du rapporteur pour avis.
C'est un amendement rédactionnel, qu'il faut encore une fois rectifier en remplaçant « au 1° du I » par « au I ».
La Commission adopte l'amendement AC 48 ainsi rectifié.
Elle adopte ensuite successivement les amendements de conséquence AC49, AC50 et AC51 du rapporteur pour avis.
En conséquence, les amendements AC53, AC52 et AC54 du rapporteur pour avis tombent.
La Commission examine alors, en discussion commune, les amendements AC9 de M. Thierry Braillard et AC23 de Mme Isabelle Attard.
Cet amendement vise à donner la possibilité à toute personne lésée par une éventuelle atteinte à la protection des sources de faire appel auprès de la juridiction compétente, c'est-à-dire la chambre d'instruction.
Avis défavorable : la procédure serait alourdie, et on courrait même un risque de destruction de preuves.
Je ne suis pas tout à fait convaincu. Il me semble d'ailleurs que l'amendement AC23 va dans le même sens.
Ce n'est pas exactement le même amendement : il vise à permettre au journaliste qui s'estime lésé de faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention.
C'est une question proche, mais pas identique. L'ordonnance du juge des libertés n'est pas notifiée au journaliste ; une fois la levée du secret des sources accordée, la procédure suit son cours, et le secret de l'instruction prévaut. Avis défavorable.
L'appel du journaliste serait suspensif : le secret ne serait levé qu'après la décision de l'instance d'appel.
Mais le journaliste n'est pas toujours informé ! Il l'est en cas de perquisition, mais pas en cas de réquisition.
Les amendements AC9 et AC23 sont retirés.
La Commission se saisit ensuite de l'amendement AC10 de M. Thierry Braillard.
Cet amendement vise principalement à prévoir, en cas de perquisition dans une rédaction, la présence d'un représentant élu de l'équipe rédactionnelle.
C'est une question que nous nous sommes longuement posée. Mais le choix de la personne pose problème, notamment aux journalistes eux-mêmes : un élu ne serait pas forcément le mieux placé ; et d'ailleurs comment constituer le corps électoral, dans la mesure où ce texte ne concerne pas les seuls titulaires de la carte de presse ? Nous n'avons pas trouvé de solution satisfaisante pour tous. De façon paradoxale, je l'admets, j'émets donc un avis défavorable.
L'intention est louable, mais l'amendement présente, je crois, un problème de rédaction : pour avoir rapporté une proposition de loi qui visait à définir la notion d'équipe rédactionnelle, je peux vous dire que celle-ci n'existe pas en droit.
Je rejoins ces propos. Il me semble que la notion de représentant « élu » est malvenue : il revient à la rédaction de choisir cette personne ; il existe souvent des sociétés de rédacteurs, dont ce pourrait être le rôle. Néanmoins, cet amendement est très intéressant, car il faut limiter les abus.
La loi Guigou a permis aux parlementaires de visiter les prisons à l'improviste, mais nous savons bien qu'il est toujours difficile de parler aux détenus sans être surveillé par un gardien, voire souvent par le directeur de l'établissement. Cette surveillance est très gênante mais ici, c'est tout le contraire : la présence d'un témoin serait bien utile.
Vous me convainquez : je proposerai une autre rédaction d'ici à la discussion en séance publique.
L'amendement AC10 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC55 du rapporteur pour avis.
La Commission adopte l'amendement AC55 ainsi rectifié.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC24 de Mme Isabelle Attard.
Nous proposons qu'un journaliste qui s'estimerait victime d'une atteinte au secret des sources puisse saisir le juge des libertés et de la détention.
Le problème, c'est que ce journaliste ne serait souvent informé que trop tard. Nous nous sommes interrogés sur la possibilité de prévoir un appel possible par l'hébergeur des archives lors de l'arrivée d'une réquisition, mais c'était une usine à gaz juridique.
L'amendement AC24 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement AC56 du rapporteur pour avis.
La Commission adopte l'amendement AC56 ainsi rectifié.
L'amendement AC11 de M. Thierry Braillard est retiré.
Puis la Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 ainsi modifié.
Après l'article 2
La Commission examine alors l'amendement AC26 de Mme Isabelle Attard, portant article additionnel après l'article 2.
Cet amendement tout à fait essentiel propose que soit assimilée à une interception de correspondance la remise, décidée par le juge, des données de connexion. Nous ne pouvons pas nous contenter, à l'heure d'Internet, de protéger le contenu des correspondances ; le contenant peut donner au moins autant d'informations que le contenu. Je conseille d'ailleurs à tous nos collègues d'utiliser le logiciel Immersion du Massachussets Institute of Technology (MIT) : c'est très instructif.
Il me semble que cet amendement est satisfait par la protection des archives de l'enquête.
Nous ne retirerons pas cet amendement, qui pose un problème fondamental. Il faut définir la notion d'archive ! La protection des données de connexion est aujourd'hui minimale, alors que l'affaire des fadettes du Monde en a montré toute l'importance.
Je soutiens cet amendement qui prend en compte une évolution très importante, celle des correspondances numériques.
Pour retrouver une source, monsieur le rapporteur pour avis, on n'a plus du tout besoin d'écouter ce que dit un journaliste : il suffit de savoir à qui il parle. Il me semble que la notion d'archives de l'enquête n'englobe pas toutes ces informations connexes que constituent la taille d'un message, son expéditeur ou son destinataire notamment.
La Commission adopte l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC25 de Mme Attard, portant article additionnel après l'article 2.
Cet amendement est le complément du précédent : il propose d'inclure les journalistes et les entreprises de presse parmi les personnes faisant l'objet d'une procédure spéciale pour les interceptions de correspondance.
Ce n'est pas tout à fait, me semble-t-il, la même logique. Le journalisme n'est pas une profession réglementée, comme celle d'avocat. Nous protégeons les sources et non des personnes physiques ou morales. Avis défavorable.
Vous avez raison, mais il s'agit surtout ici de donner un rôle au juge des libertés et de la détention, sans qui aucune interception ne pourrait être faite.
Cela reviendrait, me semble-t-il, à faire du journalisme une profession réglementée. Encore une fois, nous protégeons le secret des sources, dans le cadre de la mission d'information, et non la personne du journaliste.
De plus, dans le cas des professions réglementées, c'est le procureur de la République qui intervient. Faire appel au juge des libertés apporterait une certaine confusion.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC27 de Mme Isabelle Attard, portant article additionnel après l'article 2.
Cet amendement tend à renforcer la protection des lanceurs d'alerte. Nous estimons que cette loi pourrait offrir un cadre idoine, mais nous ne sommes pas hostiles à ce que cette réforme fasse l'objet d'un autre texte – c'est ce que souhaite par exemple l'association Reporters sans frontières. Le lanceur d'alerte à l'européenne ou à la française n'est pas le whistleblower américain, protégé par la loi depuis 1989 : aux États-Unis, le whistleblower dénonce une situation dont il considère qu'elle porte atteinte à l'intérêt public ; en France, il dénonce des faits déjà commis, comme on l'a vu avec l'amiante.
Il faut donc revoir la loi sur ce point, en élargissant notamment la notion de lanceur d'alerte. Je pense notamment à ce banquier qui a dénoncé l'évasion fiscale organisée par les banques suisses et qui a été obligé de se réfugier en Espagne. Certains lanceurs d'alerte français ont été chassés par des organismes publics : c'est le cas d'André Cicolella, que l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) avait licencié à cause de son travail sur les éthers de glycol.
Nous voulons donc ouvrir ici ce débat.
Il ne vous aura pas échappé que cette loi porte sur la protection du secret des sources des journalistes.
J'entends bien, monsieur Mamère, mais cette loi n'est pas le bon véhicule. Il ne faut pas introduire de confusion : les lanceurs d'alerte ne sont pas du tout des journalistes, et la loi ne prévoit même pas que les premiers puissent parler sans risque aux seconds.
La Commission rejette l'amendement.
Article 3 : Abrogation de dispositions insérées dans la procédure pénale par la loi de 2010
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 sans modification.
Article 4 : Aggravation de la sanction pénale des infractions commises dans l'intention de porter atteinte au secret des sources
La Commission examine d'abord l'amendement AC57 du rapporteur pour avis.
Comme beaucoup d'autres avant lui, il faut rectifier cet amendement rédactionnel en remplaçant « au 1° du I » par « au I ».
La Commission adopte l'amendement AC57 ainsi rectifié.
Les amendements AC12, AC13, AC14 et AC15 de M. Thierry Braillard sont retirés.
Puis la Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 ainsi modifié.
Article 5 : Visite d'un établissement pénitentiaire par des parlementaires accompagnés de journalistes
La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC28 de Mme Isabelle Attard, AC16 de M. Thierry Braillard et AC29 de Mme Isabelle Attard.
L'amendement AC28 vise à permettre aux journalistes d'accompagner les parlementaires non seulement dans les établissements pénitentiaires, mais également dans les locaux de garde à vue, les centres de rétention et les zones d'attente.
L'amendement AC29 est un amendement de repli : nous en avons exclu les locaux de garde à vue, endroits dont nous sommes conscients qu'ils sont extrêmement sensibles.
Notre amendement étend quant à lui la possibilité pour les journalistes d'accompagner les parlementaires dans les centres de rétention et zones de transit mais aussi dans les établissements psychiatriques.
Nous sommes favorables à l'extension de cette possibilité offerte aux journalistes d'accompagner des parlementaires. Je serais toutefois défavorable à l'amendement AC16, en raison de difficultés liées au secret médical mais aussi à la présence de malades volontaires comme de malades hospitalisés sous contrainte. De même, la visite de lieux de garde à vue serait pour le moins complexe. J'émets donc un avis favorable à l'amendement AC29, et vous propose le retrait des deux autres.
Nous ne pouvons que nous féliciter de l'avis du rapporteur. Nous n'avons pas oublié les combats menés pour la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue : nous sommes conscients qu'il s'agit là d'un combat de longue haleine.
Quant aux établissements psychiatriques, la question du secret médical est effectivement très difficile, et, par bonheur, nous ne vivons pas sous un régime qui, comme la Russie de M. Poutine, enverrait ses opposants politiques dans des hôpitaux psychiatriques.
Ne serait-il pas intéressant d'étendre la possibilité de visite aux centres de semi-liberté ? Il faudra y réfléchir d'ici à la discussion en séance publique.
Mme Attard et M. Mamère tiennent des propos fort pertinents sur les établissements psychiatriques en Russie, la liberté de la presse et les évolutions du journalisme à l'heure d'Internet, mais ce sont d'autres débats ! Le groupe UMP ne s'oppose absolument pas au fait que des journalistes accompagnent des parlementaires dans ces visites, tout en approuvant entièrement les propos du rapporteur pour avis sur les établissements psychiatriques et les lieux de garde à vue ; mais de telles dispositions ont-elles leur place dans un texte relatif au secret des sources ? Le titre du projet de loi est fort et précis : n'ajoutons pas, par commodité, des articles sans lien avec lui. Cela affaiblirait notre mission de législateur.
Sur ce sujet, je me permets de vous proposer d'interpeller le Gouvernement, puisque c'est lui qui a choisi de faire figurer cet article dans le projet de loi.
Les amendements AC28 et AC16 sont retirés.
Puis la Commission adopte l'amendement AC29.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC17 de M. Thierry Braillard.
Cet amendement vise à étendre l'autorisation d'accompagner les parlementaires à l'ensemble des journalistes titulaires d'un contrat à durée indéterminée.
Ici, il me semble sage de s'en tenir à l'autorisation aux seuls titulaires de la carte de presse, ce qui est à la fois plus précis et plus large.
On sait néanmoins que les évolutions du journalisme font que le nombre de professionnels ne détenant pas de carte de presse est de plus en plus important.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC30 de Mme Isabelle Attard.
Nous avons vu ces jours-ci à la télévision des images tournées en prison par des détenus. Or, durant leurs visites, les parlementaires n'ont pas le droit de photographier, de filmer ou d'enregistrer sans autorisation préalable. Il me semble utile d'accorder ce droit aux journalistes qui les accompagnent pour qu'ils puissent faire leur travail.
La question du droit à l'image ne doit pas être négligée, et elle est certainement plus complexe encore pour une personne détenue. Je précise que les conditions de l'exercice de cette possibilité offerte aux journalistes d'accompagner des parlementaires seront fixées par décret. Il faut, je crois, privilégier la négociation : j'ai moi-même visité très récemment une prison en compagnie d'une équipe de France Télévisions, qui filmait. La Chancellerie annonce vouloir faire preuve d'une plus grande ouverture, notamment pour faire connaître la réalité carcérale. Donc avis défavorable.
L'amendement précise qu'un décret devra déterminer les conditions d'entrée du matériel d'enregistrement, toujours soumis à autorisation. Ces enregistrements seront de même toujours soumis à autorisation.
Aujourd'hui, les personnes détenues sont obligatoirement floutées en cas de prise de vue dans un établissement pénitentiaire : cela continuerait de s'appliquer.
Ces précisions ne figurent pas dans l'amendement. Monsieur Mamère, faire valoir son droit à l'image quand on est incarcéré constitue sans aucun doute un tour de force remarquable… Il me semble que l'on ne peut pas imposer, comme le fait l'amendement, une autorisation de prise de vue : la négociation, en revanche, me paraît une bonne chose.
Les détenus n'ont pas de droit à l'image, monsieur le rapporteur pour avis. De plus, cette disposition serait de toute façon précisée par décret.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC31 de Mme Isabelle Attard.
Nous proposons d'autoriser les journalistes à accéder seuls aux lieux de privation de liberté. Pourquoi devraient-ils forcément accompagner les parlementaires, puisque la Chancellerie est favorable à une plus grande ouverture ?
La Chancellerie montre une certaine volonté d'ouverture, mais vous comprendrez que j'émette néanmoins un avis défavorable.
Finalement, monsieur Mamère, vous proposez de réécrire l'article pour que les parlementaires accompagnent les journalistes, plutôt que l'inverse…
Il y aurait alors sans doute beaucoup plus de parlementaires qui visiteraient les prisons !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 ainsi modifié.
Article 6 : Territoire d'application de la loi
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 sans modification.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.