Je relève cependant que ce budget ne compte, à mon sens, pas assez de mesures structurelles, pourtant jugées indispensables par l'IGAS et l'inspection générale des finances, mais un ensemble de mesures traditionnelles, des propositions classiques d'ajustement avec, une nouvelle fois, des économies faites sur le médicament. Nous attendions pourtant une vraie réforme structurelle, notamment sur les modes de prélèvement et sur l'ensemble du dispositif.
Sur un montant potentiel d'économies de 1,3 milliard d'euros sur les produits de santé, soit 60 % du montant de ce PLFSS, 1 milliard d'euros concerne le médicament, qui devient la seule variable d'ajustement. Or le médicament ne représente que 20 % des dépenses d'assurance maladie qui correspondent à 40 % du budget de la sécurité sociale. M. Cahuzac, qui connaît bien ce secteur, l'a dit lui-même : « Cette année il y a un gros effort sur le médicament ».
Il est à craindre qu'il s'agisse d'une décision de court terme potentiellement destructrice pour ce secteur d'activité. M. Gilles Johanet, ancien président du Comité économique des produits de santé, qui n'est pas un ennemi politique, a dit récemment que le médicament en matière de prix était « à l'os » et qu'il était devenu « déflateur » pour les comptes de l'assurance maladie.
Le Gouvernement a pris un certain nombre de positions : donner la priorité à l'hôpital public, refus de dérembourser des médicaments, modification du calcul des recettes sociales sur tous les revenus, refus des dépassements d'honoraires excessifs – mais je relève que rien n'a été dit sur le prix du marché du remplacement médical tel qu'il s'impose aujourd'hui aux établissements hospitaliers publics dans un jeu déséquilibré de l'offre et de la demande.
J'approuve pleinement ces orientations et j'attends leur mise en oeuvre.
Il faut constater que, malgré les contraintes fortes des derniers PLFSS, l'assurance maladie reste en déficit, soit 8,6 milliards en 2011, avec par ailleurs un ONDAM de plus en plus respecté.
La France maîtrise ses dépenses de médicaments qui ne représentent qu'un cinquième des consommations de soins et de biens médicaux. L'IRDES et les comptes nationaux de la santé placent, dans ce domaine, la France en cinquième position derrière les États-Unis, le Canada, la Turquie, et l'Allemagne, ex aequo avec le Japon et la Belgique.
L'information, en ce qui concerne le médicament, doit être objective, scientifique et indépendante. Il s'agit là d'un sujet propre à susciter les passions. Nous l'avons constaté avec les nombreuses réactions déclenchées par la parution d'un livre caricatural et imprécis sur ce sujet, dont je ne nommerai pas l'auteur.
Le Gouvernement a dit son intérêt pour la mise en place d'un répertoire officiel des médicaments qui doit être mené au niveau européen, comme les AMM aujourd'hui. Nous y sommes depuis longtemps favorables.
J'en reviens au contenu du texte.
L'ONDAM à + 2,7 %, équilibré entre soins hospitaliers et soins de ville, est positif.
Pour l'hôpital, peu de chose, même si nous approuvons la fin de la convergence tarifaire entre public et privé, que vous avez confirmée. Dans ce domaine une mission globale vient d'être confiée à Édouard Couty, dont on connaît la compétence, qui fait suite à de nombreux rapports sur l'hôpital. En tant que députée du Lot, après le drame que nous venons de vivre, je ne peux passer sous silence les effets néfastes des restructurations hospitalières et la suppression des maternités de proximité, que nous avons d'ailleurs dénoncée depuis longtemps.
Nous avons critiqué la politique de Nicolas Sarkozy à l'égard de l'hôpital public asphyxié faute de moyens. Une perspective de modernisation de l'offre de soins est donc nécessaire avec une diminution de l'hospitalisation classique et une véritable médecine de proximité coordonnée, sans oublier que beaucoup de promesses faites par le précédent gouvernement ne sont pas financées.
Je voulais aussi affirmer que la pérennisation de la visite collective à l'hôpital me semble être une utopie trop idéaliste pour quiconque connaît la vie hospitalière et l'individualisme des professionnels, surtout dans le domaine de la prescription.
J'en viens au point essentiel de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : les taxations prioritaires que vous avez choisies sur le médicament.
J'ai relativisé tout à l'heure la part des médicaments par rapport aux dépenses de santé ; c'est une vérité.
En ce qui concerne les médicaments génériques, la substitution associée au tiers payant et l'action des pharmaciens se sont montrées efficaces. Mais, dès 2015, les pertes de brevets ne seront pas significatives : il y aura donc un palier dans cette évolution. Le seul levier disponible sera alors la pression sur les prix avec pour conséquence la concentration des laboratoires de génériques et leur délocalisation. Cette perspective serait dévastatrice pour le réseau pharmaceutique, grossistes-répartiteurs et officines. Elle mettrait en péril la bonne répartition sur le territoire national et l'égal accès aux soins pour tous.
L'officine doit évoluer pour devenir une véritable profession de santé et être un partenaire essentiel du parcours de soins. Mais il faut que par contrat on lui en donne les moyens ; ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Cinq cents pharmacies ont fermé ces dernières années ; cinq cents vont fermer dans les deux ans selon la profession. La pharmacie ne peut pas être l'éternel contributeur pour combler le déficit de l'assurance maladie, comme c'est le cas depuis cinq ans.
À l'hôpital, la diminution de 150 millions d'euros du budget consacré aux médicaments hospitaliers suscite des difficultés avec la sortie de la T2A de certains médicaments, surtout en oncologie. On note de plus des disparités de traitement dans un même hôpital ou entre hôpitaux.
L'article 50 du PLFSS sacrifie 4 000 pharmacies, détruisant ainsi proximité et maintien des officines dans les zones fragiles, avec un montage donnant au marché et aux marchands la distribution des médicaments dans les EHPAD.
Vis-à-vis de ces malades, le Gouvernement prend une lourde responsabilité en matière de sécurité sanitaire en rendant caduc l'acte global pharmaceutique, qui repose sur la validation des prescriptions, suivie de la dispensation vers les unités de soins. Cette disposition va à l'encontre de la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse des patients. C'est pourquoi je défendrai un amendement de suppression de cet article.
Néanmoins, le projet de modernisation de notre système de santé présente des avancées que nous approuvons : la rémunération au forfait des équipes de soins de proximité pour la prévention, l'éducation thérapeutique et le dépistage ; le recrutement de 200 praticiens locaux de médecine générale dans les zones fragiles ; l'expérimentation d'un parcours de soins pour les personnes âgées ; l'indemnisation à 100 % de l'IVG ; l'extension des AMM par l'Agence nationale de sécurité du médicament, qui mettra fin au monopole coûteux d'un médicament dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge. En ce qui concerne l'ophtalmologie, il est du reste vital de définir un cadre légal et sécurisé pour la collaboration entre ophtalmologistes et orthoptistes libéraux, afin de pouvoir assurer la pérennité de la prise en charge des patients.
J'ajoute que nous soutenons la taxe sur les boissons énergisantes proposée par Gérard Bapt. J'avais d'ailleurs moi-même attiré, il y a un certain temps, l'attention de Mme la ministre sur les dangers de la taurine dans une question écrite.
Par ailleurs, nous voudrions voir avancer, sur le plan législatif et réglementaire, certains dossiers santé.
S'agissant, tout d'abord, des études médicales, il est indispensable de valoriser financièrement les maîtres de stage en médecine générale, de développer l'aide au logement et au transport pour les étudiants en stage dans les zones rurales et semi-rurales, de favoriser le développement des maisons et des pôles de santé universitaires, futurs moteurs de la prise en charge globale en soins primaires, notamment en augmentant le nombre d'enseignants de médecine générale. Des mesures doivent être prises pour développer la coopération interprofessionnelle, et ce dès la formation.
Les mesures incitatives qui ont été proposées pâtissent d'un manque d'information. Ainsi, actuellement, 95 % des internes de médecine générale déclarent ne pas connaître les aides à l'installation ; un travail de proximité doit donc être entrepris au niveau des ARS, avec un guichet unique efficace. Quant aux mesures coercitives, absentes du projet présidentiel, elles doivent être abandonnées. À cet égard, le retrait de l'amendement n° 553 à l'article 40 est un impératif.
S'agissant de l'exercice de la médecine générale, des décisions de nature à restaurer la confiance, à libérer les capacités d'innovation et à donner à nos jeunes et futurs confrères le désir de reprendre le flambeau sont indispensables.
Parmi les autres dossiers essentiels, je citerai la clarification de la gouvernance de la santé. Le pilotage des ARS doit être plus performant et les agences remises en ordre ; les déclarations de leurs présidents, lors de leur audition par la commission, ne nous ont pas vraiment convaincus.
En outre, une véritable politique industrielle et de recherche sur le médicament doit être mise en oeuvre. Mme Touraine a déclaré que l'industrie pharmaceutique ne devait pas faire payer sa mutation vers les biotechnologies par la sécurité sociale, mais, depuis des années, en dépit du crédit d'impôt recherche, la France n'a rien fait, à la différence de nombreux autres pays, pour mettre en oeuvre une véritable politique destinée à renforcer la collaboration entre recherche privée et recherche publique et une politique de prix soutenant les brevets nationaux. Cette industrie représente 7 milliards d'euros d'exportations pour notre commerce extérieur, qui va si mal ; elle représentait le double il y a trois ans. En outre, il nous faut déplorer une grave perte de brevets nationaux ; nous sommes déjà tributaires de l'étranger pour les nouvelles thérapeutiques.
Nous, radicaux de gauche, serons particulièrement vigilants sur les dossiers de bioéthique et de fin de vie, qui avaient été inscrits dans le programme présidentiel à notre demande. La réponse qu'a récemment apportée la ministre déléguée aux personnes âgées à un membre de notre groupe, Olivier Falorni, qui l'interrogeait sur la fin de vie lors des questions d'actualité, était assez éloignée de ces engagements et ne nous a pas du tout satisfaits.
Nous devons répondre à l'urgence de justice sociale, criante dans notre pays. Mais, nous le savons, le véritable enjeu pour notre protection sociale, c'est le retour d'une économie en expansion, donc une dynamique de recettes. Il est compréhensible qu'en quelques mois vous n'ayez pu engager toutes les réformes structurelles nécessaires, mais il est indispensable de conforter notre système de santé, fondé sur la solidarité. Ce texte n'est pas encore celui que nous souhaitions : rendez-vous en 2014 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)