Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 23 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

…est une équation déjà obsolète, qui va vous conduire droit dans le mur. Je m'explique : la trajectoire de retour à l'équilibre que vous avez imaginée va être considérablement ralentie. L'ONDAM, fixé à 2,5 % l'an dernier et respecté, va être rehaussé à 2,7 %, alors que la Cour des comptes, dans son dernier rapport, préconisait une progression limitée à 2,4 % pour favoriser le retour à l'équilibre. Même le rapport IGAS-IGF de juillet dernier vous orientait dans cette direction et, l'an passé, le comité de pilotage de l'ONDAM présidé par Raoul Briet évoquait plutôt un ONDAM à 2,1 % ou 2,2 % pour atteindre l'équilibre.

Avec une croissance qui, selon certains organismes, sera malheureusement divisée par deux, et une masse salariale réduite, liée à un chômage galopant que personne – et surtout pas vous – ne maîtrise, vous ne pourrez éviter un déficit important : de toute évidence, vous allez franchir la ligne jaune, en déclenchant le comité d'alerte de l'ONDAM vers le mois de mars. À ce moment, votre seule issue sera la réduction des dépenses – lesquelles, je ne sais pas – ou, à nouveau, la recherche d'autres recettes, je ne sais pas non plus lesquelles.

Souvenez-vous du rapport de Didier Migaud, qui déclarait que « l'augmentation des recettes sera inévitable pour compléter l'effort », avant d'inviter à augmenter le taux d'impôt à assiette large, c'est-à-dire la CSG ou la TVA, en faveur du rééquilibrage des comptes sociaux.

Alors oui, cette idée d'évoquer la TVA vous donne certainement une allergie, mais il faudra bien que vous en guérissiez ! D'ailleurs, le rapport de M. Gallois, commandé par votre gouvernement, serait assez éloquent, si l'on en croit certains.

Votre projet de loi est construit sans réformes de structure et sans réduction des dépenses. En revanche, une avalanche de taxes et de prélèvements obligatoires va toucher la plupart des ménages et des assurés sociaux, mais surtout les petites et moyennes entreprises, les artisans, les commerçants et les professions indépendantes, ainsi que les retraités, dès que ceux-ci seront « impôts-dépendants ». C'est une grave erreur, car cela risque bien entendu de toucher au pouvoir d'achat, comme à la croissance et au coeur de notre économie.

Au-delà des chiffres, ce PLFSS n'engage pas les réformes structurelles de l'offre de soins dont nous aurions besoin pour rejoindre les standards européens. Je cite à nouveau Mme la ministre de la santé : « À part ceux qui croient encore aux contes de fées, qui peut croire à la réussite d'un tel scénario alors qu'aucune réforme de structure n'est prévue ? ». Elle prononçait ces mots en 2008. J'ai donc envie de lui demander : « Et vous, que faites-vous dans ce premier PLFSS ? » On n'y trouve aucune réforme de structure.

En ce qui concerne les soins hospitaliers, vous tournez manifestement le dos à toute évolution, au nom de la défense de l'hôpital public. À notre sens, c'est une grossière erreur de stopper la T2A, alors que quasiment tous les pays européens l'ont mise en place. Il faut ouvrir les yeux et comparer notre système de santé, par exemple avec celui de l'un de nos voisins, l'Allemagne.

Le nôtre est en déficit chronique quand le sien est chaque année excédentaire, au prix, il est vrai, de réformes structurelles constructives qui ont été accomplies depuis celle de M. Schroeder. Pourtant, nous avons des points communs : la qualité des soins est à peu près identique dans nos deux pays, de même que la densité médicale ou le taux de morbi-mortalité.

Le courage et la lucidité sont indispensables. L'hôpital public est un chaînon essentiel de notre système de soins, mais il est hypertrophié et trop dispendieux. Non, en effet, nous n'avons pas le même diagnostic que vous sur les difficultés qu'une minorité des centres hospitaliers peut rencontrer.

Le plan d'économies que vous avez présenté pour infléchir la croissance tendancielle est inacceptable. Vous faites reposer l'essentiel de l'effort sur les soins de ville, à hauteur de 1,7 milliard d'euros ; vous ménagez l'hôpital public, qui contribuera modestement à l'effort, à raison de 650 millions d'euros ; vous mettez surtout à contribution le médicament – pour 1 milliard d'euros –, au risque d'altérer l'industrie pharmaceutique française, qui est pourtant, comme vous le savez, l'un des fleurons de l'économie de notre pays.

Avant de conclure, je voudrais dire un mot au sujet de la démographie médicale. Vous semblez, avec le praticien territorial, découvrir le Graal qui va tout résoudre. Rappelons quand même que tous les outils sont sur la table grâce au gouvernement précédent – je sais bien que cela vous donne des boutons, mais cela n'en est pas moins vrai –, avec les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, les 250 maisons de santé programmés, les pôles de santé, les contrats d'engagement de service public, qui ont quand même donné quelques résultats, ou encore les bourses d'étude.

On peut être tenté de se réjouir de l'accord sur les dépassements d'honoraires, que l'orateur précédent a évoqué, mais, en le lisant – on vient de me le donner –, on s'aperçoit que c'est quasiment la copie conforme du secteur optionnel, qui était également dans les cartons.

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