Intervention de Maria Eleni Koppa

Réunion du 4 décembre 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Maria Eleni Koppa, rapporteure de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement europée :

Je commencerai par un constat : les difficultés de la construction politique européenne se reflètent aussi dans la PSDC. Vous avez presque tous évoqué, après nous, le manque de volonté d'aller de l'avant au niveau européen. Nos informations montrent hélas que cette volonté n'existe pas vraiment au sein du Conseil européen. Le débat des 19 et 20 décembre devrait donc se cantonner aux aspects techniques et aux suites à donner au rapport de l'AED. Nous avons essayé d'enrichir cet ordre du jour en mettant sur la table différents sujets dont nous débattons depuis longtemps.

J'en viens à vos questions. Les similitudes entre votre rapport et le nôtre n'ont rien d'étonnant, monsieur Pueyo : la France est le moteur de la construction de la PSDC ; c'est le Parlement français qui a la position la plus européenne en matière de défense et de sécurité. Le Parlement européen compte donc sur la contribution de la France ! Si celle-ci venait à se désengager, la politique européenne de sécurité et de défense serait condamnée.

Nous avons en effet besoin d'un Livre blanc sur la sécurité et la défense européennes. Nous n'avons pas discuté de la stratégie depuis dix ans ; or la situation d'aujourd'hui est radicalement différente de celle de 2003. Nous devons donc écrire noir sur blanc nos intentions, notre stratégie, nos aspirations, bref notre vision. Les réactions sont cependant très critiques à cet égard, surtout du côté britannique. C'est aussi le cas sur l'AED : le Royaume-Uni est toujours très sévère dans ses critiques, mais il ne propose pas d'alternative. Nous souhaitons un renforcement de l'Agence – qu'il refuse. Comment progresser dans ces conditions ?

Comme l'a dit Arnaud Danjean, les réactions des pays d'Europe centrale et orientale sont encore inspirées par le passé : ils font donc le choix de l'OTAN pour la sécurité, et celui de l'Union européenne pour l'économie et le marché. Changer cet état d'esprit prendra du temps. Dans le même temps, les États-Unis, dont les centres d'intérêt se sont déplacés vers le Pacifique, souhaiteraient que l'Union prenne le relais – même à l'intérieur de l'OTAN – sur les questions de sécurité et de défense. Les mêmes États étant présents dans les deux organisations, nous devons oeuvrer à la complémentarité entre celles-ci, en ayant recours à la plus pertinente ou à la plus utile pour chaque situation. Par exemple, l'Union européenne dispose de nombreux instruments et bénéficie d'une image de soft power qui lui permet d'intervenir là où la présence de l'OTAN n'est pas souhaitée.

La protection des frontières est un domaine important, qui ne relève pas de la PSDC. La coopération dans le cadre de l'Agence Frontex – Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union – a débouché sur de réels résultats, surtout pour la Grèce, qui a été des années durant la porte d'entrée pour 90 % des immigrés venant illégalement dans l'Union. La crise arabe ayant accru les risques, il faut développer la coopération entre cette agence et les missions de la PSDC. Nous devons aussi nous pencher à nouveau sur la lutte contre l'immigration clandestine venue des pays du sud. Et, bien sûr, il faut revisiter Dublin II.

Je suis d'accord avec la proposition de votre Assemblée d'exclure les dépenses affectées à la sécurité de l'Europe du calcul du déficit, mais elle est utopique à l'heure actuelle. Les coupes budgétaires, inévitables en période de crise, hypothèquent nos capacités de défense, d'où un décalage énorme avec les puissances émergentes qui, elles accroissent considérablement leurs dépenses en ce domaine. L'Europe doit désormais faire plus avec moins. Nous le pouvons moyennant la coopération, la coordination et la confiance, mais nous avons encore un long chemin à parcourir.

Les opérations civiles représentent 70 % des trente missions en cours. L'Union européenne dispose d'un large éventail de possibilités et d'instruments mais, à quelques exceptions près comme l'opération Atalante, ils restent mal connus de ses citoyens.

Vous l'avez dit, tant qu'il n'y aura pas de politique étrangère commune, il est logique qu'il n'y ait pas de politique de défense commune. C'est un processus qui exige un certain volontarisme. La France, moteur de la construction européenne et de la PSDC, peut, je l'espère, insuffler le volontarisme dont nous avons tant besoin.

Les élections européennes de mai 2014 risquent de produire le Parlement le plus anti-européen que nous ayons jamais connu. Nous assistons avec angoisse à la montée des forces anti-européennes, qui cherchent à démolir ce que nous avons mis tant d'années à bâtir ; nous redoutons que le Parlement qui sortira des urnes ne puisse délivrer un message aussi clair que celui que nous avons essayé d'adresser. Nous devons donc être particulièrement attentifs à l'évolution de la situation.

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