n’écrivait-il pas dès 1934, que la seule voie qui conduise à l’esprit d’entreprise, c’est la décentralisation ?
Un nouvel acte de la décentralisation, ambitieux, nécessitait d’en poser les fondements pour mieux nous projeter et anticiper les deux étapes suivantes qui le parachèveront.
Les fondements de ce projet de loi permettent d’ores et déjà de retisser des liens jusqu’alors distendus entre l’État et les collectivités territoriales, à travers la création d’un Haut conseil des territoires, qui se veut un lieu d’expertise, de dialogue et d’échange, d’engager un processus de clarification des compétences, à travers la désignation de chefs de file, afin de rationaliser, de mutualiser les services et de rendre l’action locale plus efficace, de rendre possible, selon la spécificité des territoires, des délégations de compétence entre l’État et les collectivités territoriales, prémices d’un droit à l’expérimentation et à la différenciation, aspect qui prend tout son sens après ce qui s’est passé dans la région Bretagne.
Pour ce qui concerne plus précisément les régions, il convient, dans la perspective de l’examen du projet de loi no 2 de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires, de les conforter dans ce qui constitue leur coeur de métier, qui s’articule autour du développement économique, de la formation et de l’accompagnement vers l’emploi, de l’aménagement durable du territoire et de l’intermodalité.
C’est d’ailleurs le sens du présent projet avec la désignation des chefs de file régionaux. Néanmoins, permettez-moi d’exprimer une incompréhension, peut-être même une inquiétude à la lecture de l’amendement no 510 du Gouvernement, qui réintroduit le principe selon lequel les stratégies arrêtées par les métropoles en matière économique prévalent sur l’élaboration des schémas régionaux de développement économique et d’innovation. Tout cela s’illustre tout particulièrement en Rhône-Alpes, et c’est un point de vue qui est partagé par l’ensemble des régions.
Que l’on se comprenne bien, les régions sont favorables à l’émergence du fait métropolitain et au rôle de moteur économique du territoire que pourront exercer les futures métropoles. À titre personnel, je suis même favorable à ce que l’on modifie les seuils de population pour que d’autres métropoles puissent émerger, notamment dans ma région, mais, s’il y a des complémentarités à trouver entre régions et métropoles en matière de développement économique, il n’y aurait rien de pire pour nos territoires que la mise en concurrence entre elles. Je rappelle que 60 % du tissu industriel français se situe aujourd’hui en dehors des aires métropolitaines et que les outils d’internationalisation et d’innovation et les outils d’ingénierie financière pour les PME restent davantage l’apanage des régions que des métropoles.
Si l’enjeu est bien de permettre aux métropoles de tirer vers le haut l’ensemble du territoire, cela ne peut se faire sans des régions stratèges et fédératrices jouant le rôle de locomotive du territoire régional. Ainsi, s’il s’agissait de doter les métropoles d’une compétence économique d’exception, autonome de celle des régions et sans considération du reste du territoire régional, cela présenterait un risque d’incohérence et de fragmentation de l’action publique, ce serait en contradiction avec l’objectif de simplifier le système d’aides pour les entreprises.
Il faudra du courage en raison des contraintes budgétaires que nous connaissons ; il faudra de l’audace pour poursuivre ce chantier car la situation dans nos territoires exige d’explorer de nouvelles pistes, de changer de logiciel, donc de réconcilier les citoyens avec leurs élus et les collectivités territoriales ; il faudra faire en sorte que l’État soit fort, majeur, et que l’on cesse d’hésiter sans arrêt sur le chemin de la décentralisation qui a tout de même été source de progrès pour nos territoires et nos concitoyens.