Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 11 décembre 2013 à 15h00
Couts de la filière nucléaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la création d’une commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects financiers de cette production, souhaitée par nos collègues écologistes. Si cette question du coût de la filière nucléaire est effectivement centrale, nous savons bien que la détermination de ces coûts se révèle très difficile. Mais ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles, nous enseigne Sénèque. Alors, osons !

En 2012, le parc nucléaire français, le deuxième plus important du monde, a produit 404,9 térawattheures d’électricité, soit près de 75 % de la production totale d’électricité. Cette production nucléaire d’électricité est réputée peu coûteuse, ce qui a favorisé une forte consommation électrique souvent au détriment de la maîtrise de l’énergie ou du développement de nouvelles sources énergétiques. Le coût du mégawattheure fait l’objet de discussions et on le dit très souvent sous-évalué. La Cour des comptes, dans le rapport cité par M. Baupin, l’évalue à 49,50 euros, mais d’autres rapports soulignent que ce chiffre est encore inférieur à la réalité, car c’est l’ensemble du coût du nucléaire qui est sous-évalué. Le journal Energy Policy a publié, le 4 décembre dernier, un article de Nicolas Boccard qui l’estime entre 83 et 117 euros du mégawattheure, soit plus du double.

Au-delà des coûts de production, n’oublions pas que le parc nucléaire français a une moyenne d’âge de vingt-cinq ans. La question de la durée de vie de nos réacteurs et de son allongement de quarante à soixante ans se pose aujourd’hui. Mais à quel prix ? Voilà d’autres questions auxquelles la commission d’enquête devra apporter des réponses.

Au vu des investissements nécessaires dans les années à venir – que ce soit pour le démantèlement des centrales ou pour leur prolongation –, le coût de l’énergie électrique devrait nécessairement augmenter. D’ores et déjà, l’évaluation complémentaire de sûreté menée par l’ASN suite à la catastrophe de Fukushima est venue ajouter près de 10 milliards d’euros à la facture des opérateurs. Quand on rapporte à ce chiffre le coût d’un accident nucléaire en France, évalué entre 120 et 430 milliards d’euros par l’IRSN, on s’aperçoit que le coût global du mégawattheure, si l’on inclut une assurance liée au risque, n’est plus du tout le même.

L’occasion nous est donc donnée, à travers cette commission d’enquête, de connaître la vérité sur ces coûts, mais aussi de dépassionner un débat qui en a bien besoin. En effet, le simple fait d’utiliser le mot « nucléaire » électrise soudainement l’audience et déchaîne les passions, d’un côté comme de l’autre. Je souhaite donc que cette commission d’enquête soit un lieu d’échanges sereins. Elle devra également ouvrir des pistes de travail concernant l’élaboration de notre mix énergétique, en lien avec le projet de loi sur la transition écologique.

Mais, mes chers collègues, quel que soit le modèle que nous retiendrons, quelles que soient les orientations politiques que nous prendrons, n’oublions pas que le nucléaire aura toujours un coût. En tant que rapporteur budgétaire sur le programme 181 qui inclut les crédits dévolus à la sûreté nucléaire, j’ai estimé que la sanctuarisation des fonds alloués allait dans le bon sens. Mais j’ai également prévenu que le coût de la sûreté nucléaire risquait de s’alourdir dans les années à venir. Je serai particulièrement attentif à ce que la sûreté de nos installations soit garantie par l’indépendance financière et statutaire de l’ASN. Pour aller encore plus loin dans la transparence, j’avais même proposé que la part du nucléaire soit directement reportée sur les quittances adressées par EDF. Pourquoi serait-il naturel de faire apparaître le coût des énergies renouvelables alors que l’on tait celui du nucléaire ? Les consommateurs ont le droit de savoir ce qu’ils paient.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion