La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Turquie-France de la Grande Assemblée nationale de Turquie, conduite par son président, M. Mehmet Kasim Gülpinar.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre du travail et de l’emploi.
Monsieur le ministre, il nous faut saluer le travail que vous avez accompli pour moraliser la directive européenne sur le détachement des travailleurs, dont on connaît aujourd’hui les effets délétères de dumping social.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Je rappelle que notre commission des affaires européennes, et notamment nos collègues Guittet, Savary et Piron, avaient tiré très tôt la sonnette d’alarme.
Deux points cruciaux ont été obtenus : une liste ouverte de documents pour l’État et l’administration de contrôle qui en feront la demande, et la création d’une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre dans le secteur du BTP pour les fraudes relevant de ses sous-traitants. C’est une réelle avancée pour une Europe plus sociale, celle que souhaitent nos concitoyens.
Cependant, il restera des pans entiers d’activité qui seront toujours exploités par des damnés de la terre, dans l’agriculture, les transports ou la restauration. La France peut aller plus loin que ce premier pas européen. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Comment concrétiserez-vous ces décisions, puisque vous envisagez de doter les inspecteurs du travail de moyens supplémentaires pour renforcer leurs contrôles ?
Ces abus, qui sont une nouvelle forme d’esclavage, s’exercent en France, comme au Carré Jaude à Clermont-Ferrand, où certains salariés étaient payés moins de 3 euros de l’heure, mais aussi hors d’Europe – souvenons-nous des plus de 1 100 morts du Rana Plaza !
J’ai déposé, avec Dominique Potier et Philippe Noguès, une proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères. Comment pensez-vous, avec vos collègues Nicole Bricq et Pascal Canfin, élargir la responsabilité des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants en Europe et à l’extérieur de l’Union ?
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, je vous remercie d’attirer l’attention de l’Assemblée sur cette question très importante. L’Europe est un espace de libre circulation, c’est un de ses principes fondamentaux, mais ce ne doit pas être un espace de libre exploitation des salariés. L’Europe est un espace de libre concurrence, cela fait en effet aussi partie des principes fondamentaux de ce que nous avons voulu construire, mais ce ne doit pas être un espace de concurrence déloyale qui s’appuie sur le dumping social. Voilà la question qui était posée à l’ensemble des Européens.
Nous connaissons tous des exemples de dumping social sur le territoire français, mais c’est la même chose en Belgique, en Hollande, au Danemark, au Luxembourg, et également en Allemagne.
Il y a dans tous ces pays des situations inadmissibles, intolérables, où des salariés sont exploités dans des conditions non conformes aux grands principes des droits de l’homme. Nous ne pouvons pas non plus accepter qu’à cause du dumping social, des salariés se voient privés de leur emploi en France parce que leur entreprise a perdu un marché face à un concurrent qui a proposé un prix plus faible au donneur d’ordre, un prix trop faible.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs des groupes écologiste et RRDP.
C’est donc pour lutter efficacement contre les fraudes qu’il y avait besoin d’un accord européen, afin que dans chaque pays d’Europe, on lutte avec les mêmes armes et avec la même détermination contre des dispositifs parfois extrêmement sophistiqués qui permettent de faire écran entre le vrai responsable, l’entreprise donneuse d’ordre, et les sous-traitants qui sont à ses ordres. C’est ce qui a été décidé. Il y aura des contrôles supplémentaires, avec des moyens accrus, dans les jours qui viennent, pour l’inspection du travail et toutes les autres inspections nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
ainsi que des capacités nouvelles de mise en cause du donneur d’ordre, et aussi bien entendu une nouvelle législation en France qui vous sera proposée pour transférer ces règles très rapidement.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, cette semaine a été marquée par un mouvement de grève très suivi des professeurs de classes préparatoires aux grandes écoles, accompagnés d’un grand nombre de leurs élèves. Le fait est suffisamment rare pour qu’il attire notre attention et, je l’espère, vous interpelle.
Ces 8 000 professeurs ont souhaité très légitimement exprimer leur désaccord avec le projet par lequel vous avez relevé l’obligation réglementaire de service, ce qui revient, tous aménagements complémentaires mis à part, à baisser relativement leur salaire.
Ce choix est contraire à l’équité et ne traduit pas non plus la modernisation d’une profession réglée par des textes de 1950. C’est en vérité le fait d’une sorte de peur de l’excellence, comme si celle-ci devait nuire à l’égalité républicaine. Sous prétexte de démocratiser le système scolaire, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul ! Vous faites d’une réalité une fatalité sociale, là où vous pourriez voir des modèles de la réussite républicaine. Et vous amenez de la déception là où il y a de l’enthousiasme à enseigner.
Cette phobie d’une prétendue élite, qui, soit dit en passant, compte 30 % de boursiers, vous conduit une fois encore à opposer une France à une autre, les professeurs de l’élite aux autres, les nantis aux sacrifiés, l’université aux classes prépas, les quartiers au reste du monde…
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas reconnaître le travail de tous les enseignants là où ils sont amenés à exercer leur magistère ? Pourquoi ne pas les réconcilier plutôt que d’en stigmatiser certains ?
Alors, monsieur le ministre, même si vous avez affirmé que vous ne reculeriez pas – étonnante conception du dialogue, vous en conviendrez – que comptez-vous faire pour apaiser la colère que vous avez suscitée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je vous remercie de me permettre, une fois encore, de préciser l’objectif que nous poursuivons, et que vous souhaitiez vous-même voir poursuivre. Il s’agit de ne pas opposer la démocratisation à l’excellence, tout en étant capable de prendre en compte la nécessité de revoir les statuts de 1950, vous avez longtemps défendu cette idée, et de tenir compte des différents rapports de la Cour des comptes que vous citez souvent durant les débats parlementaires.
C’est pourquoi, il y a plusieurs semaines, j’ai ouvert une négociation avec l’ensemble de la profession enseignante sur l’ensemble des métiers, afin de revoir l’ensemble des obligations de service et de ce qui y est afférent, à savoir les situations particulières : celles des directeurs d’école, des conseillers pédagogiques, des maîtres formateurs, des professeurs des classes préparatoires.
Cette discussion se déroule depuis six semaines. Premier principe : je suis profondément attaché aux classes préparatoires.
Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Nous en avons d’ailleurs ouvert une vingtaine lors de la dernière rentrée. Deuxième principe : je reconnais le mérite, l’excellence, le dévouement des professeurs de classes préparatoires
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
comme je reconnais le dévouement de tous les professeurs.
Troisième principe : nous n’opposons jamais, comme vous venez de le faire, une catégorie de professeurs à une autre.
C’est vous qui le dites.
Enfin, je tiens à vous dire que les discussions vont se poursuivre et que nous avancerons vers l’objectif de démocratisation et d’excellence pour tous du système. Mais j’aurais aimé vous voir vous mobiliser quand on supprimait les professeurs des RASED…
…l’accueil des enfants de moins de trois ans ou les professeurs des zones d’éducation prioritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous, nous défendons tous les professeurs et nous voulons l’excellence pour tous les élèves.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre du travail et de l’emploi.
Monsieur le ministre, le 9 décembre, à l’issue de négociations longues et difficiles, les ministres du travail de l’Union européenne représentant leurs États ont trouvé un accord pour lutter contre le dumping social sur le continent. C’est un nouveau pas décisif pour la réorientation européenne voulue par le Président de la République.
Deux avancées majeures ont été obtenues par la France. Tout d’abord, la liste des documents à présenter en cas de contrôle a été considérablement renforcée et sera précisée par la loi nationale. Notre groupe déposera une proposition de loi dans ce sens dès janvier. Ensuite, la responsabilisation des entreprises ayant recours à des chaînes de sous-traitants, notamment dans le secteur du bâtiment, va permettre de considérablement limiter les abus.
La combativité et la fermeté ont porté leurs fruits. Les lignes bougent en Europe et la France est à la pointe du combat pour une construction politique plaçant les intérêts des peuples et des travailleurs d’Europe au coeur de l’agenda. Chacun devrait s’en réjouir.
Mes chers collègues, notre assemblée débattait le 2 décembre du rapport d’information sur la proposition de directive relative au détachement des travailleurs présenté par Gilles Savary. Le groupe SRC mesure donc pleinement l’ampleur des avancées du 9 décembre. Demain, la réorientation va encore s’approfondir avec l’union bancaire et la coopération renforcée créant une taxe sur les transactions financières. De toute évidence, une autre Europe est en marche, et c’est nécessaire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles leçons doivent être tirées des débats européens sur la directive sur le détachement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député Jean-Pierre Dufau, comme vous l’avez souligné, nous débattions la semaine dernière dans cet hémicycle du problème des travailleurs détachés, trop souvent exploités dans des conditions inadmissibles et contraires au droit du travail français, et j’exposais la position de la France.
C’est cette position, d’ailleurs soutenue très largement sur l’ensemble de ces bancs, qui a rassemblé une majorité de pays en Europe. Elle a même abouti à ce que des pays dont sont issus certains de ces travailleurs se placent sur des bases de régulation et de protection. En effet, les gouvernements bulgare et roumain, et aussi désormais le gouvernement polonais, trouvent inadmissible que leurs citoyens soient exploités dans des conditions contraires aux droits humains, qu’ils se sont par ailleurs engagés à faire respecter sur leur territoire.
C’est ainsi que nous avons pu progresser et que nous constatons le retour de l’Europe sociale.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Oui, ceci marque aussi le retour de l’Europe sociale et doit nous encourager, les uns et les autres, à aller plus loin encore : par exemple à faire en sorte qu’il y ait un SMIC en Europe, qu’il n’y ait pas des trous blancs sur le territoire européen, parce que cela nourrit aussi le dumping social.
Nous voyons en Allemagne se manifester une volonté commune du CDU et des sociaux-démocrates de mettre en place un SMIC, et cela nous encourage à continuer dans cette voie. Il faut un socle commun de droits minimaux en Europe.
L’Europe est un espace économique, une force économique. Mais l’Europe défend aussi des valeurs : la liberté, la démocratie, la protection des salariés contre l’exploitation. L’Europe sociale est de retour. Nous devons aller plus loin. Dès le mois de janvier, avec les propositions de loi du groupe socialiste, nous pourrons transcrire les dispositions européennes dans la loi nationale. Et c’est tant mieux !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. Ce lundi 9 décembre, les professeurs de classes préparatoires manifestaient devant le lycée Édouard Herriot, à Lyon, lycée que vous connaissez bien pour y avoir, je crois, enseigné. Ils exprimaient leur mécontentement après l’annonce des mesures les visant et le sentiment d’humiliation qui les habite à la suite de vos appréciations négatives.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les professeurs les plus touchés ne perdront pas plus de 3 à 5 % de revenus. C’est faux : une majorité de professeurs verront leur revenu amputé de 10 à 15 %. Vous avez dit que les plus jeunes professeurs gagneront avec cette réforme. C’est faux : le salaire de base étant plus faible, la part des heures supplémentaires et khôlles est nécessairement plus grande.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez dit que certains professeurs font trop d’heures supplémentaires, jusqu’à seize heures par semaine, mais, monsieur le ministre, ce sont les postes qui l’imposent. En outre, la rémunération des heures prétendument supplémentaires n’est comptabilisée ni dans le calcul de la retraite ni dans les congés maladie ou maternité et disparaît durant les mois d’été.
Monsieur le ministre, vous avez dit vouloir de la transparence, de la justice et de l’équité. Or vous n’avez discuté de rien. Est-ce de la transparence ? Vous baissez les revenus d’une catégorie de fonctionnaires dont les résultats et l’engagement sont reconnus. Est-ce de la justice ?
Monsieur le ministre, vous répandez l’idée détestable que les professeurs de classes préparatoires seraient trop payés ! Et, comble du populisme, vous justifiez cette réforme en prétendant réaffecter une partie de leurs salaires aux professeurs de ZEP. C’est de l’imposture, et vous ne trompez personne. Que recevront les profs de ZEP ? Quelques miettes !
Monsieur le ministre, vous dites vouloir conforter les classes préparatoires aux grandes écoles. Mais, bien avant votre entrée dans ce ministère, vous aviez dit votre mépris des classes préparatoires et de leur élitisme supposé.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La brutalité de vos propositions ne laisse rien présager de positif quant au rôle que vous entendez donner aux professeurs dans notre société. Une mesure ambitieuse aurait été de reconnaître la spécificité d’une catégorie de professeurs qui prépare à l’excellence, car toutes nos grandes écoles bénéficient d’une incontestable réputation sur le plan national et international.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la députée, je veux d’abord vous rassurer, parce que je sens que vous êtes inquiète pour l’avenir des classes préparatoires. Je vous le redis : nous y sommes attachés, et d’ailleurs nous en ouvrons. Vous dites que nous ne dialoguons pas avec l’ensemble des syndicats, mais l’ensemble des associations de professeurs de classes préparatoires étaient hier matin au ministère !
Ce sont des évolutions nécessaires si nous voulons mettre de la transparence et de l’équité dans ce système, y compris à l’intérieur même des classes préparatoires où, comme la Cour des comptes l’a relevé, il y a de formidables disparités. Il y a des professeurs de classes préparatoires, vous avez raison, qui font huit heures de cours avec des classes surchargées. Il y en a d’autres qui font seize heures, ce qui fait donc huit heures supplémentaires. L’argument consistant à dire qu’on doit passer de dix à huit heures de cours parce qu’on a un travail exorbitant tout en faisant huit heures supplémentaires n’est pas d’une totale cohérence, chacun en convient. Dans cette discussion générale sur les métiers, nous avons mis la question sur la table et nous allons poursuivre les échanges avec les uns et les autres, ils y sont d’ailleurs favorables.
La seule chose que je ne veux pas entendre, c’est que nous opposerions une catégorie de professeurs aux autres.
C’est vous qui colportez cette idée parce que, profondément, c’est la vôtre. Vous avez abandonné les élèves en difficulté de ce pays,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
comme l’a montré le rapport PISA, et aujourd’hui, vous voulez opposer les professeurs les uns aux autres. Même si nous n’avançons pas sur ce décret, nous poursuivrons sur l’éducation prioritaire et notre action prouvera que c’est vous, une fois de plus, qui avez menti devant la représentation nationale.
La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes à quelques jours de Noël et à vingt jours du Nouvel an.
« Oh, bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.
Nous allons bientôt nous souhaiter la bonne année, mais ce ne sera pas une bonne année pour tout le monde, notamment avec les mesures que vous avez décidé de mettre en oeuvre le 1er janvier. Cette date sera celle de la hausse généralisée de la TVA pour tous les Français.
Je vous le demande : pourquoi avez-vous décidé de cibler les actes les plus modestes de la vie quotidienne ? Pourquoi imposer une hausse de la TVA sur les déchets, l’assainissement de l’eau, les transports publics ? Pourquoi une hausse de la TVA sur les transports de malades par les ambulanciers ?
Pourquoi une hausse de la TVA sur la pratique du poney par les enfants ?
Vous avez également décidé de cibler une autre catégorie : les professions libérales. Ce sont deux millions de personnes qui créent du service, qui offrent du service à la personne, qui créent de la richesse nationale, et qui se sentent aujourd’hui victimes de brimades. Vous avez décidé de les asphyxier fiscalement, d’étatiser leur système de retraite et, maintenant vous augmentez de 40 % la cotisation foncière des entreprises. Jusqu’à quand allez-vous cibler les Français les plus entreprenants et les plus modestes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je veux profiter de cette question, monsieur le député, pour rappeler un certain nombre d’éléments qui ont échappé à votre mémoire. D’abord, si nous n’avions pas été élus au mois de mai 2012, le taux de TVA qui s’appliquerait aujourd’hui serait de 21,2 %.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Par conséquent, ce sont 13 milliards d’euros qui seraient prélevés sur les Français.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si nous n’avions pas été élus au mois de mai 2012, c’est le programme de M. Copé qui s’appliquerait, et il propose de transférer par ordonnances, en quelques semaines, près de 20 milliards d’euros des entreprises vers les ménages, à travers une augmentation de la TVA de pas moins de quatre points.
Avec des bilans pareils et des propositions de cette nature, vous devriez faire preuve d’un peu plus de modération dans la manière dont vous posez vos questions.
Vous devriez aussi avoir l’honnêteté de dire à ceux qui nous écoutent que dans le projet de loi de finances pour 2014, il y a une diminution de la TVA pour la construction de logements sociaux et pour les petites réparations. Elle bénéficiera au secteur du bâtiment et des travaux publics, parce que nous avons décidé de faire en sorte que les loyers, qui obèrent le pouvoir d’achat des Français, diminuent et que le secteur du bâtiment et des travaux publics puisse bénéficier de notre politique.
Vous auriez dû avoir l’honnêteté de dire, monsieur le député, que dans le projet de loi de finances pour 2014, il y a une diminution du taux de TVA pour la rénovation thermique, à laquelle nous avons décidé d’ailleurs d’ajouter un certain nombre de travaux. Cela bénéficiera au secteur de l’artisanat et à celui du bâtiment.
Et puisque vous parlez de fiscalité, vous auriez dû aussi avoir l’honnêteté de dire que dans le projet de loi de finances pour 2014, il y a la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, pour mettre fin aux injustices que vous avez fait subir aux Français pendant des années, une augmentation de la décote, une augmentation du plafond de référence.
Vous avez symbolisé, pendant cinq ans, l’injustice. Nous avons l’intention de faire triompher la justice fiscale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Jean-Pierre Allossery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
La cinquième édition de l’enquête PISA illustre le déclin de notre école depuis le début des années 2000. Dès son arrivée à la tête de l’État, le Président de la République a redonné la priorité à l’école. Avec votre loi de refondation de l’école de la République, vous avez lancé, monsieur le ministre, une nouvelle dynamique pour que la France ne se classe plus au dernier rang des pays européens.
Il ne s’agit plus de prendre mesure sur mesure sans repenser l’ensemble du système. De grandes réformes doivent être entreprises pour rebâtir et redresser notre système éducatif. Vous avez, entre autres, mené à bien le retour à la formation des enseignants. Vous avez consacré 24,3 millions d’euros aux besoins éducatifs particuliers et ouvert 7 000 postes supplémentaires pour le dispositif « plus de maîtres que de classes ». Toutes ces mesures favorisent la construction d’une éducation à l’égalité.
Pendant des années, les maires ont réclamé leur place dans la co-éducation des enfants. Aujourd’hui, la réforme des rythmes scolaires leur donne cette opportunité grâce aux projets éducatifs de territoire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…est sans équivoque. Près de 80 % des enfants scolarisés bénéficient des activités du temps périscolaire. Ils peuvent ainsi accéder de manière égale à de nouvelles activités et aux équipements sportifs et culturels. En outre, la rédaction du projet éducatif de territoire associe l’ensemble des acteurs de l’éducation. Ces derniers sont désormais convaincus de l’intérêt de se mobiliser tous ensemble pour garantir une cohérence éducative dans les différents temps de vie des enfants.
Monsieur le ministre, vous avez installé un comité de suivi de la réforme des rythmes à l’école primaire. Je souhaite savoir si les projets éducatifs de territoire seront un critère d’évaluation pour mesurer le redressement de notre système éducatif.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le député, vous avez raison : il ne faut pas avoir la mémoire courte.
La semaine dernière, la politique éducative, en particulier celle qui a été menée ces dix dernières années, a été évaluée de façon indépendante par l’OCDE. Le bulletin de note a été sévère : non seulement le niveau a baissé dans certaines disciplines, mais surtout l’accroissement des inégalités est sans précédent. La France est le dernier pays de l’OCDE pour ce qui est des inégalités ! Cela exige un sursaut national. C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont donné à l’école les moyens de son redressement. Mais nous n’y arriverons que si nous avons le courage de mener certaines grandes réformes.
Il s’agit d’abord, bien entendu, de la réforme de la formation initiale et continue des enseignants, que nous avons restaurée. Il s’agit ensuite de la nécessaire réforme des programmes, de la création du service public du numérique éducatif, de la reconquête du temps scolaire. Pour cela, la nation tout entière doit être capable de travailler, en impliquant les familles et les collectivités territoriales, autour des enfants. Notre nation doit faire plus et mieux pour ses enfants, si elle veut leur permettre de réussir.
Le comité de suivi s’est réuni la semaine dernière. Il a examiné les 1 000 premiers projets éducatifs de territoire. À partir de là, nous ferons un certain nombre de recommandations, pour que cette grande réforme, qui prendra du temps, permette d’améliorer le temps scolaire et d’accroître la justice pour tous les enfants de France. Songez : 30 % d’activités sportives en plus, 30 % d’activités culturelles en plus, 10 % d’activités scientifiques en plus ! Cela porte tous ses fruits !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Une nouvelle fois, les Français pourront voir, fidèles à leur histoire, qui est du côté du progrès et qui est du côté de la conservation, quand ce n’est pas carrément du côté de la conservation des privilèges.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à madame la garde des sceaux.
En 2012, pas moins de 70 000 mineurs ont été mis en cause devant le juge des enfants, comme ce mineur de 13 ans qui avait commencé sa carrière de délinquant un an plus tôt. En six mois, il a commis dix-sept vols et agressions. Placé à quatre reprises en foyer, il a fugué chaque fois et commis une série de vols. Le jour de ses 13 ans, il a été arrêté pour agression et, pour la première fois seulement, le juge des enfants a pu prononcer son placement en centre éducatif fermé !
Six mineurs sur dix récidivent. Les délinquants d’aujourd’hui récidivent d’autant plus qu’ils sont jeunes. Ces mineurs n’ont vraiment plus rien à voir avec ceux de l’après-guerre et il faut en finir avec cet anachronisme judiciaire qui fait de la sanction l’exception. C’est pourquoi votre intention de réécrire l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante suscite l’inquiétude et l’incompréhension, d’abord et avant tout de la part des victimes.
Alors que la meilleure des préventions est la certitude de la sanction, vous vous engagez dans la voie de l’absence de réponse pénale. Vous voulez en effet dissocier la culpabilité et la sanction, en reléguant l’incarcération adaptée au rang d’ultime recours. En dessous d’un certain âge, vous considérez les mineurs comme irresponsables, et les faites échapper à toute poursuite judiciaire. Vous reniez l’engagement présidentiel de doubler le nombre de centres éducatifs fermés, et décidez de ne plus faire comparaître devant les tribunaux correctionnels les mineurs auteurs d’actes passibles de plus de cinq ans de prison.
Enfin, vous privez de crédits le service citoyen pour mineur délinquant prévu par la loi Ciotti.
En France, pour être condamné, il faut avoir été présenté de nombreuses fois devant les tribunaux, sans aucune certitude que la sanction soit exécutée. Par votre réforme, vous érigez en modèle d’avenir ce qui a échoué avec les mineurs. Loin de permettre à la justice de remettre les mineurs délinquants dans le droit chemin, elle aboutira inéluctablement à une explosion de la délinquance des mineurs. Madame la garde des sceaux, allez-vous poursuivre dans la voie dangereuse du laxisme et de l’impunité généralisée ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur Philippe Goujon, vous semblez faire de la situation que vous évoquez un véritable paradigme : je vous rappelle qu’elle s’est érigée alors que vous exerciez les responsabilités !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez décrit les conditions de prise en charge de la délinquance des mineurs : cela relève également des lois que vous avez adoptées !
L’ordonnance de 1945 a été révisée à trente-six reprises. Vous le savez d’autant mieux que vous y avez pris une très large part. Vous avez prétendu rechercher l’efficacité et éradiquer la délinquance des mineurs. Or vous savez parfaitement que 80 % des mineurs ne récidivent pas lorsqu’ils sont pris en charge en milieu ouvert. Lorsqu’ils doivent être pris en charge de façon plus drastique, les juges prononcent les décisions qu’il faut.
Vous avez prétendu vouloir être efficaces. Qu’avez-vous fait ? Vous avez supprimé 632 emplois à la protection judiciaire de la jeunesse, soit une réduction des effectifs de 8 % !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez diminué le budget de la PJJ, supprimé la moitié de ses directions interrégionales et territoriales et supprimé les crédits des associations !
Mêmes mouvements.
Monsieur le député, nous voulons rendre l’ordonnance de 1945 plus lisible. Nous tenons à la spécialisation de la justice des mineurs parce que nous voulons rendre les sanctions plus efficaces, qu’il s’agisse de mesures éducatives, de sanctions éducatives ou de sanctions plus contraignantes. Contrairement à vous, nous voulons rattraper ces mineurs !
Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.
Nous mettons déjà en oeuvre des moyens pour cela.
Vous avez adopté en mars 2012 un projet de loi prévoyant qu’à partir du 1er janvier 2014 les mineurs faisant l’objet d’une mesure ou d’une sanction éducative devront être pris en charge par un éducateur dans un délai de cinq jours. Pourtant, vous avez supprimé des emplois d’éducateur ! Nous avons donc créé 205 postes d’éducateur dès 2013, de façon à permettre leur prise en charge. Nous visons l’efficacité, parce que nous voulons que les mineurs soient conscients de leurs actes, qu’ils les réparent auprès des victimes, et qu’ils respectent les règles de la société.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologisteRRDP.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Merci, monsieur le président. Ma question s’adresse à monsieur le ministre des transports. Parmi ses atouts majeurs en matière d’attractivité, la France dispose d’un réseau d’infrastructures, d’un maillage ferroviaire important, d’un opérateur public et de cheminots compétents et soucieux de l’intérêt général. Cette organisation intégrée a été un élément essentiel de notre développement économique.
C’est cette organisation que l’Europe actuelle, celle des marchands et des marchandises, tend à détruire. Nous l’avons vu avec le fret ferroviaire, aujourd’hui en déshérence. Nous risquons de le voir dans quelques années avec la libéralisation du transport des voyageurs, le fameux quatrième paquet ferroviaire, dicté par la Commission européenne.
À l’inverse, les trois organisations syndicales, représentant les trois-quarts des salariés de la SNCF et de RFF, qui appellent à cesser le travail demain, plaident pour un service public rénové, efficace, garant de tous les territoires.
Aussi, la réforme ferroviaire que vous engagez, monsieur le ministre, suscite interrogations et inquiétudes.
Face à l’accélération de la dégradation des infrastructures, aux dysfonctionnements de l’exploitation, et à la suspension de la « taxe poids lourds », il y a urgence à mettre en oeuvre une réforme ambitieuse intégrant les questions du désendettement et d’organisation du pôle ferroviaire.
Les députés du Front de gauche exigeront une véritable intégration industrielle du système ferroviaire. Il est tout à fait « eurocompatible » de replacer les infrastructures et l’exploitation sous l’égide de la seule SNCF.
Concernant le financement du système ferroviaire et la résorption progressive de la dette, qui s’élève à 40 milliards d’euros, aucune ressource nouvelle n’est proposée.
Les députés du Front de gauche vous suggèrent deux pistes : solliciter l’épargne populaire dans le cadre d’un livret vert dédié au financement des infrastructures de réseau, et mettre à contribution les sociétés d’autoroutes dont les profits sont insolents malgré la crise.
Monsieur le ministre, quels seront les choix du Gouvernement quant à nos propositions d’organisation et de financement du système ferroviaire, dont l’avenir reste dans l’affirmation du service public ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Nicolas Sansu, les cheminots exprimeront demain des préoccupations non seulement propres à l’entreprise SNCF, mais également liées à la réforme ferroviaire que nous allons engager.
Cette réforme ne concerne pas seulement la SNCF : il y aujourd’hui près de dix-huit opérateurs ferroviaires en France. Au contraire, la réforme doit redéfinir une stratégie nationale avec toutes les parties prenantes : l’État, les régions, les différents organes responsables de la politique ferroviaire, et ce sous le contrôle du Parlement, car il est temps de redonner un rôle stratégique à l’aménagement du territoire et à l’organisation du ferroviaire.
En effet, il existe aujourd’hui un système éclaté, comme le montre l’exemple de l’infrastructure – les rails, les passages à niveau, les différents échangeurs. Il faut donc éviter que, comme aujourd’hui, trois ou quatre entités – RFF, la direction de la circulation ferroviaire, SNCF INFRA – s’occupent de gérer l’ensemble. Au contraire, nous devons regrouper au sein d’un groupe public unifié la fonction d’organisation, de maintenance et de modernisation de l’infrastructure, et la deuxième mission, celle de transporteur, c’est-à-dire la SNCF « mobilité ».
Pour créer un grand groupe public, vous avez raison de dire qu’il faut maîtriser la dette, qui s’élève à 32 milliards d’euros. Elle s’accroît automatiquement d’1,5 milliards d’euros chaque année, sans compter les quatre projets de lignes à grande vitesse qui ont été engagés à crédit, ce qui porte l’endettement automatique à 3 milliards par an.
Nous avons donc réfléchi à un certain nombre de pistes : arrêter de financer les travaux à crédit, mettre en oeuvre une règle de rétablissement des grands équilibres…
…et un pacte national de l’ensemble des parties prenantes, pour stabiliser la dette. Par ailleurs, l’État sera également acteur de ce rétablissement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Merci, monsieur le président. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Je me permets d’y associer l’ensemble de mes collègues de la majorité alsacienne.
Monsieur le Premier ministre, l’Alsace aussi est en colère : abandon de la ligne ferroviaire à grande vitesse Rhin-Rhône, report sine die de l’écotaxe, tant attendue dans une région asphyxiée par le trafic de transit ;…
Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
…atermoiements au sujet du grand contournement ouest de Strasbourg ; fermeture « politique », voire politicienne, de la centrale nucléaire de Fessenheim ; tentative de remise en cause du droit local alsacien-mosellan – ce qui n’est pas sans émouvoir également nos collègues lorrains ;
Exclamations prolongées sur les mêmes bancs.
…silence du Gouvernement et de l’Élysée lors des attaques réitérées contre le siège du Parlement européen à Strasbourg ; seule région où sont programmées des fermetures de sous-préfectures – et j’en oublie certainement.
L’Alsace, malgré d’importantes difficultés économiques, contribue pourtant encore de manière très significative au produit intérieur brut national, que l’État, votre État, ne cesse d’avaler avec de plus en plus de gloutonnerie.
Terre d’innovation, où se trouve l’une des toutes premières universités françaises, avec trois prix Nobel en exercice ; terre industrielle où la qualité du travail et la tradition sont des valeurs portées par toutes les générations ; terre frontalière qui vit l’Europe au quotidien, l’Alsace porte avec fierté son bonnet bleu blanc rouge, et ne comprend pas que vous ne lui envoyiez que des signaux négatifs depuis dix-huit mois. Est-ce parce que nous sommes ancrés à droite ? Seuls des esprits peu subtils pourraient l’imaginer.
Monsieur le Premier ministre, la République française est une et indivisible et l’équité de traitement des territoires qui la composent vous oblige aujourd’hui à entendre la colère des Alsaciens. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin leur envoyer un signal positif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, oui, comme vous, nous partageons cette grande et belle idée et cette réalité de l’indivisibilité de la République.
Oui, comme vous, nous croyons en l’égalité des territoires et considérons que nos concitoyens doivent avoir l’assurance de pouvoir accéder à des services publics de qualité.
Oui, nous considérons que l’égalité territoriale permet d’offrir la même chance à nos territoires et à nos populations.
Comment pouvez-vous, madame, au lendemain du débat sur l’écotaxe, faire porter la responsabilité de sa suspension sur ce Gouvernement, alors même que vous l’avez combattue, et que vous avez remis en cause tout ce qui permet de financer les infrastructures de transport favorisant le désenclavement ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Lorsque vous êtes dans la majorité, vous assumez quelques mesures de valeur inégale mais, dans l’opposition, vous les détricotez et, n’étant pas à une contradiction près, vous empêchez ces réalisations et contrevenez aux attentes des territoires. Vous revendiquez des infrastructures, tout en attaquant ce qui peut être une force et favoriser la compétitivité et la croissance créatrice d’emplois.
Je vous rappelle tout simplement que, alors que vous n’avez pas été capables de réaliser le grand contournement de Strasbourg, ce gouvernement l’a fait, l’a signé, l’a engagé. C’est désormais une réalité, que nous assumons pleinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. La sécurité des Français est une priorité pour notre majorité. C’est une priorité budgétaire comme en témoignent la mobilisation des moyens financiers et les créations de postes dans la police et la gendarmerie. C’est aussi une priorité organisationnelle. Dès 2012, nous avons mis en place des zones de sécurité prioritaire qui permettent de concentrer les moyens dans les localités les plus en proie à la délinquance.
Le bilan des soixante-quatre ZSP mises en place est bon. La conjugaison des efforts de tous les acteurs de la chaîne pénale permet d’y faire reculer la délinquance, de démanteler les réseaux et de contribuer à restaurer la tranquillité publique à laquelle sont légitimement attachés nos concitoyens. Les députés de notre majorité tiennent à saluer la montée en puissance de ce dispositif efficace. Logiquement, nous soutenons pleinement votre décision, annoncée aujourd’hui, de créer seize nouvelles zones de sécurité prioritaire sur le territoire national.
Exclamations « Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Rennes, Caen, Villefontaine, Orléans, Reims, Forbach, Maubeuge, Lens, Lyon, Cluses, Paris, Le Havre, Torcy, Trappes, Toulon, Gonesse, Pointe-à-Pitre, Chambéry, Colombes, Valence : de nombreux bassins de vie bénéficieront de la mobilisation de nouveaux moyens. Mes chers collègues, il est déjà loin le temps où le débat sur la sécurité était instrumentalisé pour mettre tout le pays sous tension.
Ceux qui, hier, mettaient tant d’énergie à parler de la sécurité des Français n’ont pas hésité à supprimer plus de 10 000 postes dans la police et la gendarmerie lors du précédent quinquennat.
Curieux paradoxe ! Monsieur le ministre, la gauche, elle, préfère l’efficacité des actes aux proclamations inutiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Madame la députée, je n’ose vous remercier pour votre question !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez eu raison de rappeler quel a été l’engagement du Gouvernement depuis dix-huit mois. Une zone de sécurité prioritaire est créée à Rennes. J’ai annoncé ce matin, avec la Garde des sceaux, la création de quinze autres zones de sécurité prioritaire qui s’ajoutent à celle de Rennes et à l’extension de quatre dispositifs existants. C’est, en effet, un engagement du Président de la République. Nous avons créé soixante-quatre zones de sécurité prioritaire avant les annonces faites ce matin. Elles s’appuient sur la fin des suppressions de postes, comme vous l’avez souligné, et la création de 400 à 500 postes de policiers et de gendarmes par an.
Enfin, contrairement à ce qui s’est passé, ces dernières années, les budgets de fonctionnement et d’investissement de la police et de la gendarmerie sont en augmentation, même si cela reste modeste. Nous entendons lutter contre les violences, contre les trafics de drogue, contre les cambriolages, et ce grâce à une nouvelle méthode, laquelle repose sur un partenariat efficace entre les forces de l’ordre et la justice. Nous nous appuyons également sur les forces vives des territoires et, évidemment, sur les élus.
À partir des premiers bilans, nous constatons que nous avons obtenu des résultats, certes, toujours fragiles. Cela signifie que nous sommes, à Rennes comme ailleurs, sur la bonne voie, puisque le nombre de personnes mises en cause dans des affaires de trafics augmente de 38 %. Les atteintes à la tranquillité publique baissent de 11 %, les violences urbaines reculent de 27 % et les cambriolages chutent de 3 % dans les ZSP. Les résultats que je viens d’évoquer trouveront une concrétisation grâce à la mobilisation de tous. Nous devons faire de la sécurité non un sujet de discorde, mais un sujet de rassemblement. C’est ce que les Français attendent !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes RRDP et écologiste.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, le comité interministériel de la mer du 3 décembre a permis au Gouvernement d’avancer sur des dossiers importants, comme la piraterie, le transport pétrolier, la recherche marine ou encore les dispositions à venir sur les espaces maritimes. La mobilisation des milieux économiques aux dernières Assises de l’économie maritime de Montpellier, que le Premier ministre a ouvertes avec force, a été tout aussi importante. Pourtant, en dépit de votre investissement et la mobilisation de vos équipes, on ne parle de cet atout immense que sont l’économie maritime et ses perspectives considérables de développement pour la France qu’en cas d’événement social, d’événement spécial ou de crise.
Il y a aujourd’hui un manque de suivi, un manque de constance dans l’appréhension du fait maritime. Vous avez évoqué, voici quelques mois, des « causes orphelines » : le démantèlement des navires, les énergies marines, la lutte contre les pollutions marines, l’inventaire de nos ressources maritimes notamment en eaux froides… ces politiques pour lesquelles la dimension interministérielle est tellement lourde qu’elle manque souvent d’incarnation, ce qui me permet de paraphraser Henry Kissinger : « La mer…Give me a name and a phone number ! »
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
À mon sens deux écueils structurels freinent notre ambition. Premier écueil : des territoires qui manquent d’adhésion à une vision stratégique nationale. Parlementaire ultramarine pourtant très soucieuse de préserver les spécificités de mon territoire, je ne comprends pourtant pas cette résistance. Une collectivité, quelle qu’elle soit, peut et doit défendre ses intérêts, mais pas au mépris d’une ambition nationale ! Ce sont nos 564 ports que nous défendons, notre École nationale supérieure maritime, notre flotte de commerce…Ces querelles de chapelle ne nous aident pas.
Le second écueil, monsieur le ministre, au-delà de la difficulté de l’« interministérialité », est le défaut d’une administration de la mer qui puisse rassembler le monde maritime sans corporatisme et sans crise de confiance. Vous avez annoncé une délégation à la mer. Sera-t-elle en mesure de rassembler les territoires et d’aider le ministère dont vous êtes chargé à émerger ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Chère madame Girardin, oui, la France a trop longtemps tourné le dos à la mer !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Oui, la France doit relever le défi maritime ! Oui, la France doit assumer sa place de deuxième surface maritime mondiale, considérant tous les enjeux d’avenir, de croissance durable, de « croissance bleue » ! Un certain nombre de grandes mesures ont été annoncées, la semaine dernière, par M. le Premier ministre après la réunion d’un comité interministériel de la mer. Elles concernent l’efficacité économique, la défense du pavillon français. Il est nécessaire de veiller à ce que les mesures de compétitivité du pavillon puissent préparer les filières de demain.
Des mesures étaient attendues par les professionnels. Je pense notamment aux mesures de protection des navires sous pavillon français évoluant dans les zones de piraterie. Elles s’appliqueront sous l’autorité de M. le ministre de la défense. J’évoquerai également la modernisation de la flotte, l’éligibilité au grand projet d’investissements d’avenir et, notamment, les « navires du futur ». La loi de 1992 sera réformée. Les professionnels attendaient ces mesures. Cette impulsion a été donnée par le Premier ministre et par le Gouvernement. Ils ont souhaité que nous puissions, grâce à la mise en place d’une délégation à la mer, donc d’une structure administrative et politique, faire en sorte d’embrasser toutes les causes maritimes.
Nous pourrons ainsi donner des perspectives à notre politique maritime. C’est vrai pour les enjeux énergétiques, les enjeux nutritionnels, les transports maritimes et la compétitivité de nos ports. Nous sommes donc mobilisés pour que la France bénéficie de ce potentiel de croissance maritime, de croissance bleue durable et responsable !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Qui a dit « Je sais ce que je dois à la Bretagne » ? Le Président de la République, au cours d’un dîner entre amis politiques mercredi dernier au ministère de la défense,…
…dont il faut croire qu’il est devenu le siège du Parlement de Bretagne.
Les Bretons, monsieur le Premier ministre, savent quel bilan ils doivent au Président de la République et à votre majorité en seulement dix-huit mois : davantage de chômage et d’impôts et moins de pouvoir d’achat.
Sauf votre respect, ce n’est pas à coup de « chocs », de « pactes » et de « com » que vous calmerez la colère qui s’exprime chaque jour dans toutes les régions de France.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Ne voyez-vous pas que la confiance est rompue ?
Il en est ainsi par exemple de ce pacte d’avenir pour la Bretagne, qui suscite tant de critiques de toutes parts, et pour cause. C’est une compilation d’orientations nationales et régionales déjà connues, assorties de financements qui, au mieux, étaient déjà fléchés et, au pire, n’existent pas : rien sur la répartition des moyens, rien sur le calendrier de mise en oeuvre, rien sur le pilotage de l’action publique, mais, surtout, si peu de considération pour les contributions concrètes des acteurs socioprofessionnels et encore moins pour le plan ORSEC des députés UMP bretons ici présents – mais, nous, nous en avons l’habitude.
L’avis émis hier par le conseil économique et social de Bretagne devrait sonner comme un avertissement, avec une majorité d’abstentions et de votes contre. Le conseil régional se prononcera à partir de demain. Là encore, vous savez très bien qu’il n’y aura pas unanimité et, pourtant, votre venue à Rennes pour signer le fameux pacte est déjà programmée ce vendredi 13.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Cette méthode du fait accompli est vécue par les agriculteurs, les artisans, les commerçants et les salariés comme un pur déni de démocratie. Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous passer en force ou écouter mais, surtout, entendre ces forces vives qui font la richesse des territoires, proposent une vision de l’avenir et ne demandent qu’à jouer collectif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Madame la députée, vous avez interpellé le Premier ministre qui, vous l’avez noté, se rendra en Bretagne le vendredi 13.
Vous avez dit, avec force de caractère, que personne n’avait été écouté pour la préparation du pacte d’avenir. Je ne sais pas qui vous avez rencontré et avec qui vous avez discuté, mais je suis allé en Bretagne et, pendant onze heures, j’ai rencontré des agriculteurs, des chefs d’entreprise, des salariés, des syndicalistes. Quant au vote qui a eu lieu hier au conseil économique régional, vous auriez dû noter qu’il y a eu cinquante-deux voix pour, quarante-six abstentions et seize voix contre, ce qui, en démocratie, traduit une large adhésion à ce pacte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ajoute, pour que tout soit clair, que le pacte qui sera signé vendredi n’est pas un aboutissement mais un commencement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
L’avenir de la Bretagne se construira à mesure des investissements qui vont s’engager à partir de cette semaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée du commerce extérieur.
Un accord a finalement été conclu à Bali lors de la conférence ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce, un accord laborieux, à la portée limitée, mais un accord tout de même, et c’est là l’essentiel. L’absence d’accord aurait probablement porté un coup fatal à l’OMC et au multilatéralisme commercial.
C’est précisément parce que la France est attachée au multilatéralisme, c’est-à-dire à la possibilité pour chaque pays, riche ou pauvre, de faire valoir son point de vue et ses intérêts, qu’elle a soutenu ardemment cet accord par votre voix, madame la ministre. L’OMC doit redevenir l’enceinte au sein de laquelle s’élaborent les accords commerciaux.
Reste maintenant à préparer l’après-Bali, et c’est sur ce point que je veux vous interroger. Quels sont tout d’abord les domaines vers lesquels la France souhaite que s’orientent les futures négociations commerciales ? Quelles évolutions estimez-vous nécessaires dans la manière d’aborder ces négociations ? Jusqu’à présent, l’OMC s’est focalisée sur l’objectif de faciliter les échanges et, notamment, sur la question des barrières douanières, mais, aujourd’hui, c’est dans l’élaboration des normes que résident les véritables enjeux. L’OMC ne devrait-elle pas s’emparer de cette nouvelle dimension et s’engager dans cette direction ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur Caresche, vous étiez à Bali,
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
où vous représentiez avec honneur le Parlement français, et vous n’étiez pas à la plage, je peux le dire.
Sourires.
Il y a eu en effet un accord. Certains l’ont qualifié d’accord d’historique, d’autres d’accord a minima. C’était tout simplement un bon accord, parce qu’il est revenu au multilatéral. La France et l’Union européenne ont toujours défendu un tel système où tout le monde peut élaborer les règles et, surtout, les voir respecter, qu’on soit petit ou grand. Quant au fait de faciliter les échanges, cela améliore la situation de toutes les petites et moyennes entreprises. Ce ne sont pas les droits de douane qui sont en cause, ce sont les procédures douanières ; les PME du monde entier s’y retrouveront, et particulièrement les européennes.
Vous avez posé le problème de l’après-Bali. S’il y a eu un accord, c’est parce que le directeur général précédent, Pascal Lamy, avait choisi précisément un petit périmètre, et que le nouveau directeur général a fait preuve d’une grande capacité de négociation. Il se pose maintenant trois questions. D’abord, comment tenir compte de l’évolution du commerce mondial ? Les échanges Nord-Sud ne sont plus prioritaires, ce sont les échanges Sud-Sud qui se développent et il y a des écarts de richesse entre les nouvelles puissances commerciales et les pays les moins avancés. Il y a ensuite le problème de la gouvernance de l’OMC. À 160, il devient dur d’accepter le veto d’un seul pays. Enfin, nous allons travailler, Français et Européens, pour faire des propositions au G20, la présidence australienne du G20 ayant fait du commerce une priorité de son ordre du jour.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, les chiffres alarmants du chômage nous préoccupent tous. Dans le Nord-Pas-de-Calais, plus de 15 000 emplois ont disparu en un an, dont 1 600 dans l’arrondissement de Dunkerque : du jamais vu.
Ma question porte sur la situation vécue par plusieurs entreprises du littoral dunkerquois, notamment spécialisées dans l’énergie. Des salariés manifestaient hier matin leur mécontentement à l’entrée du chantier du terminal méthanier de Loon-Plage, deuxième chantier industriel français. Ils dénoncent le non-respect des engagements, pris lors de la fermeture de la raffinerie Total à Dunkerque, d’embaucher la main-d’oeuvre locale.
Ces salariés reprochent à la direction du chantier d’employer une forte proportion de travailleurs étrangers, à moindre coût : sur 1 200 salariés, 800 viendraient d’autres pays européens. Concrètement, ces salariés low cost coûteraient de 30 à 40 % moins cher que les salariés français.
Cette « délocalisation à domicile » est rendue possible par la directive européenne de 1996 sur le détachement des travailleurs. Pour nos entreprises, faire travailler des salariés français devient pénalisant !
L’accord intervenu ce lundi entre les ministres européens du travail pour renforcer les contrôles est un nouvel écran de fumée. D’une part, il est impossible de contrôler la date exacte d’entrée des travailleurs détachés, en raison de la libre circulation. D’autre part, la concurrence déloyale ne cessera pas tant que la législation autorisera le paiement des cotisations sociales dans le pays d’origine des travailleurs détachés en France.
Monsieur le Premier ministre, les salariés du Dunkerquois, comme de nombreux autres en France, souhaitent avoir les moyens de travailler sur leur territoire. Quels actes concrets peuvent-ils attendre du Gouvernement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, vous posez une question évidemment justifiée, qui correspond aux difficultés rencontrées à la fois par un territoire et par des salariés d’entreprise ou des salariés qui auraient légitimement souhaité travailler sur un grand chantier comme celui de Dunkerque.
Mettant en cause la directive dite « Détachement », vous n’avez pas manqué de rappeler la date de son adoption : 1996. Il ne vous aura pas échappé non plus que, depuis des années, la question de l’encadrement de cette directive et celle de la mise en place des moyens de lutter contre les fraudes, étaient sur la table. Sans la moindre avancée, année après année ! Le Gouvernement que vous souteniez à l’époque a été d’échec en échec.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ne venez donc pas traiter d’écran de fumée ce qui est une vraie réussite, que les plus clairvoyants sur vos bancs ont heureusement saluée ! Car on peut aussi considérer que, quand elle réussit, la France est plus forte – plus forte pour tous.
Mêmes mouvements.
Il faut maintenant passer des principes, adoptés lundi, à la réalité. Des dispositions législatives seront prises pour nous permettre de lutter contre les fraudes et le dumping social. J’attends de vous retrouver ce jour-là : nous verrons si vous voterez les dispositions proposées, en particulier par le groupe socialiste.
Je peux vous dire que tous les moyens, ceux de l’inspection du travail, de l’URSSAF, de l’inspection fiscale, de la police et de la gendarmerie, seront mobilisés pour lutter contre ces fraudes, car, oui, les salariés français ont droit au respect et, oui, il faut lutter contre le dumping social. Vous ne l’avez jamais fait : nous le faisons !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, le combat pour la transparence de la vie publique commence à prendre forme. Loin des attaques de l’opposition, le Gouvernement mène, à juste titre, une révolution pour mettre fin aux conflits d’intérêts et à tout ce qui a entaché notre vie politique. L’objectif est de faire honneur à nos concitoyennes et concitoyens qui ont perdu confiance en nous, femmes et hommes, élus de tous bords.
À cet effet, la représentation nationale a voté récemment la loi sur la transparence de la vie publique, incluant la création d’une Haute autorité. Celle-ci sera indépendante et disposera de compétences et de pouvoirs étendus. Elle pourra par exemple publier au Journal officiel tout manquement détecté et transmettre ses rapports à la justice. Les associations anti-corruption auront, de plus, un droit de saisine direct de cette Haute autorité, ce qui répond à une revendication de longue date.
L’agence Transparency International a par ailleurs salué les efforts de la France en la matière, et nous nous en félicitons.
Le Président de la République a proposé dernièrement la nomination de Jean-Louis Nadal, ancien procureur général à la Cour de cassation, pour la présidence de cette instance.
Monsieur le Premier ministre, les manquements de quelques-uns ont jeté le discrédit sur nous toutes et tous. Nous sommes fiers de votre gouvernement, qui mettra fin à toutes ces dérives.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Pouvez-vous expliquer à la représentation nationale quelles sont les missions exactes de cette Haute autorité pour la transparence de la vie publique et l’agenda de sa mise en place ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Merci, madame la députée, de cette question, pour le suivi des lois du 11 octobre 2013 qui marquent une étape décisive dans l’amélioration du dispositif français de prévention et de répression des atteintes à la probité publique. Cette démarche a le soutien des Français. Aussi, on peut espérer que la faute de quelques-uns ne jettera plus l’opprobre sur tous ceux qui exercent leurs mandats ou leurs fonctions dans le respect de la loi.
L’ambition du législateur comme du Gouvernement a d’abord été de rétablir la confiance des citoyens, et surtout de créer un garant de cette confiance : la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Je puis vous assurer que le Président de la République et le Premier ministre sont attentifs à ce que ce dispositif nouveau entre en vigueur sans délai et avec les moyens adéquats.
C’est ainsi que, ce matin même, conformément à la procédure définie à l’article 13 de notre Constitution, les deux assemblées se sont prononcées sur la candidature de M. Nadal à la présidence de cette Haute autorité. L’ensemble du collège sera par ailleurs désigné la semaine prochaine.
Avant la fin de l’année, tous les décrets seront publiés et la Haute autorité commencera de travailler. Elle pourra remplir ses fonctions de contrôle mais aussi et surtout de conseil et de pédagogie en ce qui concerne les intérêts détenus et l’évolution des patrimoines des 9 000 plus hauts responsables publics du pays, car il ne faut pas réduire son action aux seuls élus.
Ainsi, comme hier pour le Comité national d’éthique, le Gouvernement souhaite que, demain, cette Haute autorité devienne une référence pour la qualité de notre démocratie et contribue à renouer le lien de confiance entre les Français et leurs responsables publics.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Haute autorité pour la transparence de la vie publique
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de résolution de M. Denis Baupin et de plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects financiers de cette production.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, mes chers collègues, dans quelques mois, notre assemblée aura à débattre de la loi de programmation sur la transition énergétique. L’objet de cette commission d’enquête est de nous aider et de nous éclairer sur les enjeux de cette loi et ceux de la politique énergétique, et particulièrement sur les coûts de la filière la plus importante de production d’électricité en France : la filière nucléaire.
Il y a deux ans, la Cour des comptes a rendu un rapport qui a fait date sur les coûts du nucléaire. Celui-ci aura mis en évidence des éléments désormais actés, mais également bon nombre d’incertitudes sur le coût des accidents nucléaires – les chiffres publiés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire varient entre 400 et 2 000 milliards d’euros – et par voie de conséquence sur celui de l’assurance et de la prise en compte leurs conséquences, sur le coût du démantèlement – la Cour des comptes a montré que les provisions prévues en France sont largement inférieures à celles que nombre d’autres pays ont prévues à ce titre –, sur les coûts de gestion des déchets nucléaires – les évaluations pour le projet d’enfouissement CIGEO sur le futur site de Bure varient de 16 à 35 milliards d’euros, voire plus en fonction de la politique énergétique qui sera choisie –, sur le coût enfin de la filière du retraitement et de la fabrication du MOX.
Qui plus est, de nouvelles informations ont permis depuis de mettre en évidence d’autres interrogations, notamment sur le coût de la gestion proprement dite de la filière nucléaire. Le rapport de la commission de régulation de l’énergie a relevé une augmentation significative du coût de cette filière, qui s’est traduite par des augmentations tarifaires. Nous constatons d’ailleurs chaque mois, sinon presque chaque jour, une augmentation de l’indisponibilité des réacteurs nucléaires en raison du manque d’investissement de ces dernières années. Le coût de gestion ne cesse de croître. Nous savons qu’EDF a prévu des investissements significatifs : on parle d’un plan dit de « grand carénage » de près de 50 milliards d’euros. Nous ne savons pas exactement à quoi ils correspondent, mais l’autorité de sûreté nucléaire nous assure qu’ils sont nécessaires, quelles que soient les décisions prises à l’avenir sur la suite de la filière, pour que les réacteurs nucléaires puissent résister jusqu’à quarante ans… Cinquante milliards d’euros, sans compter évidemment les dépenses supplémentaires liées à l’accident de Fukushima et aux évaluations complémentaires de sûreté, à la suite desquelles l’autorité de sûreté nucléaire a émis pas moins de mille recommandations pour améliorer la sûreté des réacteurs nucléaires et des installations d’Areva. À tel point que le rapport de la commission d’enquête du Sénat, l’an passé, sur le coût de l’électricité a évalué celui de l’électricité nucléaire à environ 75 euros le mégawattheure pour ce qui est du nucléaire prolongé.
Au moment où nous allons aborder le débat relatif à la loi sur la transition énergétique, la question, légitimement, est posée : qu’allons-nous faire de cette filière nucléaire ? Certains pensent que nous pourrions nous exonérer de la transition énergétique, considérant que notre parc nucléaire est amorti et qu’il suffirait de le prolonger au-delà de quarante ans. Mais aborder la question de la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans suppose de la soumettre en premier lieu à l’Autorité de sûreté nucléaire. Or son président est très clair : aucune décision ne peut être prise aujourd’hui, rien ne peut être garanti en ce qui concerne la capacité de prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans. Cela pose des questions de sûreté sur lesquelles l’autorité de sûreté établira un référentiel en 2015. Rien ne permet donc de dire aujourd’hui, réacteur par réacteur, s’il est possible de prolonger les installations au-delà de quarante ans.
À cette première incertitude vient s’en ajouter une deuxième : à supposer que des réacteurs puissent être prolongés au-delà de quarante ans, quel en serait le coût, sachant que l’Autorité de sûreté nucléaire précise qu’ils devraient au minimum être portés à un niveau de sûreté équivalant à celui de l’EPR ? Nous avons, pour notre part, des réserves quant au niveau de sûreté de l’EPR ; quoi qu’il en soit, chacun conviendra qu’une telle opération serait particulièrement coûteuse.
Pour résumer, la prolongation des réacteurs existants est-elle possible, et si elle l’est, à quel coût ?
Mais la question se pose également pour les nouveaux réacteurs. Nous en avons un exemple en France avec l’EPR de Flamanville, dont le coût a été multiplié au moins par trois et la durée de construction par deux ; son équivalent finlandais connaît des aléas comparables. Et si nous regardons la négociation menée par EDF pour tenter d’implanter des EPR en Grande-Bretagne – sachant que cette négociation est soumise pour l’instant au contrôle de la Commission européenne dont on ne connaît pas l’avis –, il a fallu s’engager sur pas moins de 19 milliards d’euros pour deux réacteurs nucléaires, avec une garantie d’achat de l’électricité à un prix représentant à peu près le double de celui du marché actuel, et ce pendant trente-cinq ans… Autant dire des perspectives qui n’ont rien d’équivalent avec ce que l’on propose désormais dans le secteur de l’éolien, par exemple, en termes de de marché et de rentabilité.
L’objectif de cette commission d’enquête est de faire la transparence sur toutes ces questions. Personne ne peut nier la nécessité d’assurer la transparence, l’information, la vérité des prix à l’ensemble des parlementaires alors que nous allons bientôt délibérer sur cette loi. La commission d’enquête doit nous donner tous les éléments nécessaires au débat. Le mythe longtemps entretenu d’un nucléaire bon marché est aujourd’hui largement… fissuré – pour reprendre une expression bien connue dans le domaine du nucléaire. Nous avons besoin de la vérité des prix, de la transparence, de tous les éléments afin que chacun puisse mesurer, au moment où nous aurons à choisir entre la transition énergétique que nous appelons de nos voeux, que notre majorité souhaite, et la non-transition énergétique que certains voudraient peut-être promouvoir, qu’il n’y a pas d’un côté une énergie coûteuse et de l’autre une énergie qui serait gratuite, mais qu’il existe des options qui chacune ont des coûts et des conséquences. C’est en ayant une parfaite connaissance de tous ces éléments que nous pourrons prendre les meilleures décisions.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la création d’une commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects financiers de cette production, souhaitée par nos collègues écologistes. Si cette question du coût de la filière nucléaire est effectivement centrale, nous savons bien que la détermination de ces coûts se révèle très difficile. Mais ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles, nous enseigne Sénèque. Alors, osons !
En 2012, le parc nucléaire français, le deuxième plus important du monde, a produit 404,9 térawattheures d’électricité, soit près de 75 % de la production totale d’électricité. Cette production nucléaire d’électricité est réputée peu coûteuse, ce qui a favorisé une forte consommation électrique souvent au détriment de la maîtrise de l’énergie ou du développement de nouvelles sources énergétiques. Le coût du mégawattheure fait l’objet de discussions et on le dit très souvent sous-évalué. La Cour des comptes, dans le rapport cité par M. Baupin, l’évalue à 49,50 euros, mais d’autres rapports soulignent que ce chiffre est encore inférieur à la réalité, car c’est l’ensemble du coût du nucléaire qui est sous-évalué. Le journal Energy Policy a publié, le 4 décembre dernier, un article de Nicolas Boccard qui l’estime entre 83 et 117 euros du mégawattheure, soit plus du double.
Au-delà des coûts de production, n’oublions pas que le parc nucléaire français a une moyenne d’âge de vingt-cinq ans. La question de la durée de vie de nos réacteurs et de son allongement de quarante à soixante ans se pose aujourd’hui. Mais à quel prix ? Voilà d’autres questions auxquelles la commission d’enquête devra apporter des réponses.
Au vu des investissements nécessaires dans les années à venir – que ce soit pour le démantèlement des centrales ou pour leur prolongation –, le coût de l’énergie électrique devrait nécessairement augmenter. D’ores et déjà, l’évaluation complémentaire de sûreté menée par l’ASN suite à la catastrophe de Fukushima est venue ajouter près de 10 milliards d’euros à la facture des opérateurs. Quand on rapporte à ce chiffre le coût d’un accident nucléaire en France, évalué entre 120 et 430 milliards d’euros par l’IRSN, on s’aperçoit que le coût global du mégawattheure, si l’on inclut une assurance liée au risque, n’est plus du tout le même.
L’occasion nous est donc donnée, à travers cette commission d’enquête, de connaître la vérité sur ces coûts, mais aussi de dépassionner un débat qui en a bien besoin. En effet, le simple fait d’utiliser le mot « nucléaire » électrise soudainement l’audience et déchaîne les passions, d’un côté comme de l’autre. Je souhaite donc que cette commission d’enquête soit un lieu d’échanges sereins. Elle devra également ouvrir des pistes de travail concernant l’élaboration de notre mix énergétique, en lien avec le projet de loi sur la transition écologique.
Mais, mes chers collègues, quel que soit le modèle que nous retiendrons, quelles que soient les orientations politiques que nous prendrons, n’oublions pas que le nucléaire aura toujours un coût. En tant que rapporteur budgétaire sur le programme 181 qui inclut les crédits dévolus à la sûreté nucléaire, j’ai estimé que la sanctuarisation des fonds alloués allait dans le bon sens. Mais j’ai également prévenu que le coût de la sûreté nucléaire risquait de s’alourdir dans les années à venir. Je serai particulièrement attentif à ce que la sûreté de nos installations soit garantie par l’indépendance financière et statutaire de l’ASN. Pour aller encore plus loin dans la transparence, j’avais même proposé que la part du nucléaire soit directement reportée sur les quittances adressées par EDF. Pourquoi serait-il naturel de faire apparaître le coût des énergies renouvelables alors que l’on tait celui du nucléaire ? Les consommateurs ont le droit de savoir ce qu’ils paient.
Voilà ce que signifie pour nous la transparence : elle doit valoir partout. Du reste, certains acteurs incontournables le souhaitent également : ainsi l’ASN, qui organise régulièrement des consultations publiques, l’IRSN qui publie près de deux rapports par mois, mais aussi l’ANDRA, qui lance elle aussi une consultation publique.
Nos concitoyens ont le droit de savoir ; et pour ce qui nous concerne, nous avons le devoir de dire les choses. N’ayons pas peur de la transparence, de la clarté et de la vérité, et sur quelque sujet que ce soit. Soyons au contraire à l’offensive : ce sont là des exigences éthiques, au service de notre démocratie.
C’est pourquoi, mes chers collègues, les députés du groupe RRDP sont favorables à cette commission d’enquête. Cela dit, cette commission ne pourra en aucun cas se substituer à un véritable débat au Parlement portant sur la filière nucléaire dans son ensemble. C’est bien le moins que nous devions à nos concitoyens.
« Rien ne pèse tant qu’un secret », écrivait Jean de La Fontaine dans la fable intitulée « Les femmes et le secret ». Il est donc temps pour nous de donner du sens à nos décisions politiques en toute transparence, surtout en ce qui concerne la filière nucléaire. C’est la volonté des députés du groupe RRDP.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de résolution présentée par M. Denis Baupin et le groupe écologiste vise à la création d’une commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects financiers de cette production.
Nos collègues souhaitent, à travers cette commission, que notre assemblée évalue le coût de la filière nucléaire française pour l’État, les contribuables et les consommateurs, mais également les incertitudes financières pesant sur l’avenir de cette technologie. C’est là une interrogation légitime.
La Cour des comptes s’était déjà penchée en janvier 2012 sur les coûts de la filière électronucléaire, rassemblant l’essentiel des données factuelles actuellement disponibles sur les éléments qui constituent les coûts passés, présents et futurs de la production d’électricité nucléaire en France.
Ce rapport établissait deux principaux constats. D’une part, la progression des coûts de construction, lesquels ont triplé entre la construction de Fessenheim en 1978 et celle de l’EPR de Flamanville, et la progression du montant des investissements de maintenance et de sûreté. D’autre part, la Cour des comptes soulignait les incertitudes pesant sur le coût réel qui devra être supporté pour le démantèlement des installations et le traitement et la valorisation des déchets nucléaires.
Les divergences d’appréciation sont parfois frappantes : ainsi, l’enfouissement des déchets les plus dangereux ne coûterait que 14,4 milliards d’euros selon EDF, mais 36 milliards selon l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs… En outre, ces dépenses ne sont toujours pas couvertes par les industriels. Sur les 79 milliards d’euros correspondant au coût estimé du démantèlement et de la gestion des déchets, moins de la moitié est provisionnée. Surtout, les provisions d’EDF sont particulièrement vulnérables aux aléas économiques : leur pérennité est tributaire d’une rentabilité suffisante des placements financiers de l’opérateur, lesquels ont déjà beaucoup souffert de la crise économique de 2008. La prolongation des réacteurs existants est par ailleurs susceptible d’entraîner des coûts importants : selon EDF, il serait nécessaire d’investir pour cela 50 milliards d’euros sur quinze ans, voire 55 milliards si l’on intègre les dépenses prévues pour améliorer la sûreté suite à l’accident de Fukushima.
Nous savons que nos collègues écologistes entendent, avec cette commission d’enquête, faire valoir que le coût de production du nucléaire ne sera plus, demain, aussi compétitif que celui des énergies alternatives. Selon eux, le prix de production de l’électricité renouvelable serait d’ailleurs déjà inférieur, subventions déduites, à celui du nucléaire.
Nous jugeons utile de nous pencher sérieusement sur cette question. Nous soutiendrons donc la création de cette commission d’enquête.
Il est en effet indispensable de faire toute la transparence sur les coûts de l’énergie nucléaire qui représente 75 % de la production électrique de notre pays.
Cependant, la pertinence de la filière nucléaire et celle des énergies alternatives pour la production d’électricité n’est pas seulement affaire de coût. Prenons garde à ne pas nous laisser enfermer dans la seule problématique du coût dès lors que l’enjeu engage l’avenir de la planète et la réponse au problème du réchauffement climatique.
La question la plus importante s’agissant du nucléaire – l’accident de Fukushima nous le rappelle – est celle de la sécurité des installations. Il faut éviter d’exposer la population à la menace d’un accident. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il est indispensable de garantir la maîtrise publique de l’énergie.
Pour ce qui est du réchauffement climatique, force est malheureusement de constater que les énergies fossiles continuent de représenter 69 % de l’énergie finale consommée en France.
Par-delà la seule question des coûts, il va nous falloir effectuer des choix et dégager des priorités afin de composer le meilleur « mix » possible, à savoir celui qui permettra de satisfaire les besoins et de répondre simultanément aux enjeux environnementaux.
L’étude comparative des coûts, pour utile qu’elle soit, ne peut nous servir d’unique boussole, d’autant que la question du prix de l’énergie est en réalité étroitement dépendante d’un marché de l’énergie de plus en plus dérégulé. La fin des tarifs régulés au 1er janvier 2015 pour les entreprises représente de ce point de vue un grave danger ; elle met elle aussi en lumière la nécessité de mettre en oeuvre un véritable service public de l’énergie. C’est là, selon nous, un préalable aux arbitrages par ailleurs indispensables en matière de politique énergétique. Nous souhaitons que la commission d’enquête proposée par nos collègues du groupe écologiste nous donne aussi l’occasion de débattre de ces questions.
Applaudissements sur certains bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Patrice Prat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, je voudrais, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, d’une part, insister sur l’importance de créer cette commission et, d’autre part, mettre en lumière quelques points sur lesquels il conviendra d’être vigilant en ce qui concerne ses travaux futurs, aussi bien sur la forme que sur le fond.
La nécessité de cette commission d’enquête est évidente – mes prédécesseurs à cette tribune l’ont souligné. D’abord parce que nous nous devons atteindre l’objectif, fixé par le Président de la République, de réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon de 2025; ensuite parce que nous allons aborder, dans les prochains mois, le projet de loi sur la transition écologique. Il convient que la représentation nationale soit éclairée sur les enjeux. Il est également bon que le Gouvernement, pour les arbitrages futurs, puisse bénéficier d’une aide à la décision sur tout ce qui touche aux incidences financières de telle ou telle orientation.
Une commission pour quoi faire, alors que nous disposons déjà d’une littérature plutôt bien fournie – je pense aux récents rapports du Sénat et de la Cour des comptes ? Parce qu’il nous faut, sur ce sujet, un vrai débat permettant de jeter les bases d’une réflexion stratégique à long terme sur l’avenir énergétique et industriel de notre pays.
Cette commission d’enquête répond à une double exigence : exigence de transparence, n’en doutons pas, car l’ensemble des thématiques doit être examiné sans a priori ni parti pris ; exigence de pédagogie également, car le nucléaire est un sujet complexe autour duquel circulent trop d’éléments de désinformation, voire de purs fantasmes. La nécessité d’opérer un chiffrage objectif et d’examiner précisément les différents scénarios se fait donc réellement sentir.
Sans doute, sur un tel sujet, faut-il définir une méthode de travail constructive.
Il convient ainsi de conduire les débats sans posture strictement idéologique et de dédiaboliser le sujet. Le nucléaire mérite une approche pragmatique, rigoureuse, sérieuse et raisonnée.
Je constate d’ailleurs avec satisfaction que nous avons amendé le texte initial : le calcul du coût de la fermeture et du démantèlement de la centrale de Fessenheim est désormais prévu. Comme vous le voyez, il n’y a pas de sujet tabou.
Il ne s’agit pas non plus de mettre en scène inutilement une pseudo-concertation. N’instrumentalisons pas les travaux de cette commission ; ne refaisons pas le grand débat national sur la transition énergétique – il a déjà eu lieu. Souhaitons simplement que ces travaux ne parasitent pas les discussions qui auront lieu dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique.
Cette commission d’enquête doit apporter une véritable valeur ajoutée par rapport aux études déjà très étoffées déjà produites sur le sujet. Sur le fond, il faudra également veiller à inscrire ses travaux dans un cadre bien spécifique : l’État, en tant qu’actionnaire majoritaire d’EDF et d’AREVA – notamment –, est en effet concerné au premier chef.
Pour commencer, les débats doivent permettre de rappeler l’objectif du Président de la République de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2025. Rappelons que la transition énergétique sera financée en grande partie par le secteur nucléaire, qui reste le coeur de notre équilibre énergétique.
Ensuite, les enjeux multiples du nucléaire nécessitent évidemment de prendre en compte la dimension environnementale, mais surtout, par les temps qui courent, la dimension économique. Le parc nucléaire actuel produit en France une électricité à très bas prix qui non seulement est une force pour la compétitivité à l’international de nos entreprises, mais qui aide aussi à combattre la précarité énergétique des particuliers. Nous devons en être fiers.
Il faudra donc ajouter à notre réflexion des éléments pluridisciplinaires concernant notre indépendance énergétique, la création d’emplois en France, notre balance commerciale ou encore notre compétitivité. Nous souhaitons également que ne soit pas oubliée dans les travaux la question des périodes transitoires lors du remplacement du parc actuel, lequel doit se faire en symbiose avec les processus de renouvellement des usines de cycles et la gestion des déchets.
Enfin, nous serons particulièrement vigilants sur les sujets qui forment l’actualité, à savoir la prolongation de la durée de vie des centrales, mais aussi le coût du MOX. D’une manière générale, nous espérons que cette commission d’enquête sera l’occasion de tordre le cou, non seulement au mythe d’une énergie bon marché, mais aussi à celui des coûts cachés, souvent abusivement évoqués dans le but de détourner de la réalité les discours sur le nucléaire.
Les conditions sont donc réunies pour engager un débat démocratique sur ce qui constitue l’un des grands enjeux de notre législature. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen est favorable à cette proposition de résolution. Vous l’aurez compris : nous prendrons une part active aux travaux de la future commission d’enquête.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, cette proposition de résolution du groupe écologiste tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la filière nucléaire appelle plusieurs remarques.
La filière nucléaire a apporté des avantages considérables à notre pays. Elle contribue essentiellement à notre indépendance énergétique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Or le XXe siècle est confronté à un défi environnemental et à un défi énergétique sans précédents. Dans les quinze ans qui viennent, la demande mondiale en énergie va croître inéluctablement de plus de 50 %. La France se devant de garantir son indépendance énergétique, le choix du nucléaire a toujours fait consensus entre tous les Présidents de la Ve République.
La filière nucléaire apporte une réponse efficace aux défis environnemental et énergétique. Nous savons tous que l’augmentation de la consommation d’énergie liée au développement économique mondial est une menace potentielle pour l’équilibre écologique de la planète.
Une progression de la consommation principalement alimentée par le pétrole, le gaz et le charbon entraînera une augmentation considérable des émissions de gaz à effet de serre. Il faut savoir que, grâce au développement de l’industrie nucléaire française, un Français émet en moyenne près de deux fois moins de gaz à effet de serre qu’un Allemand et près de trois fois moins qu’un Américain. La production d’électricité en France n’est à l’origine que de 10 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, contre 40 % en moyenne dans les autres pays. L’arrêt du nucléaire entraînerait une augmentation de 50 % des émissions de gaz à effet de serre.
Si l’on ne veut pas du nucléaire ou des gaz de schiste, nous aurons, chers collègues, le pétrole et le charbon !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
En outre, la filière nucléaire garantit une énergie meilleur marché pour les particuliers et pour les entreprises : le prix français de l’électricité est inférieur de 40 % à la moyenne européenne. C’est autant de pouvoir d’achat en plus pour nos compatriotes ; c’est aussi l’un de nos derniers avantages en matière de compétitivité.
La filière nucléaire est une filière d’excellence technologique et économique. Sa qualité et notre savoir-faire sont reconnus dans le monde entier.
Elle est sécurisée, comme l’ont démontré les audits de sécurité réalisés après l’accident de Fukushima sous l’égide de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Cette filière emploie 120 000 personnes, 400 000 si l’on prend en compte les emplois induits et indirects. Mes chers collègues, notre filière nucléaire ne doit pas être l’otage d’accords électoraux.
Promouvoir la filière nucléaire française, c’était une des raisons du déplacement de Jean-Marc Ayrault et d’Arnaud Montebourg en Chine. Le Gouvernement se prépare d’ailleurs à porter de quarante à cinquante ans la durée de vie des centrales nucléaires françaises. Dès lors, comment comprendre le double langage du Gouvernement et de certains socialistes, favorables au développement de la filière nucléaire française mais ligotés par leur alliance privilégiée avec les Verts ?
Déjà, en 1997, le réacteur expérimental Superphénix avait été sacrifié par Lionel Jospin sur l’autel de son alliance avec les Verts. Il nous aurait pourtant donné vingt-cinq années d’avance dans le domaine énergétique.
Nous voudrions savoir, monsieur le ministre, où en est le démantèlement de ce surgénérateur, loin d’être achevé, et quel en sera le coût définitif.
Demain, la centrale de Fessenheim risque d’être sacrifiée sur le même autel de l’accord électoral passé entre les Verts et le parti socialiste. Son démantèlement serait une décision dogmatique.
Avec mes collègues Michel Sordi et Hervé Mariton, nous avons déposé une proposition de commission d’enquête sur les conséquences énergétiques, environnementales, économiques, financières et sociales d’un démantèlement de la centrale de Fessenheim, annoncé par François Hollande.
La commission d’enquête proposée aujourd’hui intègre dans son champ d’investigation la question des coûts d’un démantèlement de la centrale.
Elle devra répondre à plusieurs questions. Quelles seraient les conséquences environnementales d’un démantèlement, préfigurant une remise en cause profonde de la filière nucléaire ? Plus précisément, faudrait-il recourir à une énergie importée, produite à base d’énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre, pour répondre aux besoins de consommation électrique en Alsace ?
Quel serait le coût financier d’un démantèlement de Fessenheim ? On l’évalue d’ores et déjà à 10 milliards d’euros pour les finances publiques, alors que la dette française atteint déjà un niveau inédit en temps de paix. Tout comme on évalue le coût d’un éventuel démantèlement du parc nucléaire français que certains appellent de leurs voeux, notamment chez les Verts, à 1 000 milliards d’euros au moins, sans d’ailleurs savoir par quoi il serait remplacé ni ce qu’il en coûterait en plus.
Quelles seraient les conséquences sur l’emploi ? 2 200 emplois directs et indirects seraient menacés par la fermeture de la centrale de Fessenheim. La filière représente, je le rappelle, pas moins de 400 000 emplois directs.
Mes chers collègues, les députés du groupe UMP participeront activement aux travaux de cette commission d’enquête. Pour autant, nous ne prendrons pas part au vote d’aujourd’hui…
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Nous redoutons que les auditions des personnalités et des représentants d’institutions ne débouchent que sur un rapport à charge, qui s’en prendrait de façon dogmatique à l’un de nos fleurons nationaux !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de résolution peut sembler intéressant à première vue, puisqu’il s’agit d’évaluer précisément les coûts liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire.
Bien que notre parc reste performant, son vieillissement et la hausse du niveau des exigences en matière de sûreté de nos installations augmentent le coût déjà élevé de l’énergie nucléaire. Cela mérite effectivement d’élaborer en toute transparence une évaluation précise et prospective de ce coût pour la communauté nationale.
Mais après lecture du texte proposé par nos collègues du groupe écologiste, nous regrettons de constater que sa rédaction soit principalement à charge contre la filière nucléaire. Son exposé des motifs en est l’illustration ; à le lire, la conclusion des auteurs semble déjà prête… Nous déplorons cette présentation partiale des enjeux énergétiques essentiels qui sont devant nous. Un sujet aussi déterminant que l’avenir de notre politique énergétique mérite mieux que le débat stérile entre pro et anti-nucléaires auquel nous sommes si souvent renvoyés.
Est-ce le rôle d’une commission d’enquête parlementaire que de s’ériger en expert-comptable du nucléaire, alors même que le Sénat et la Cour des comptes ont remis récemment des rapports sur le sujet, et de nombreux organismes indépendants – l’Autorité de sûreté du nucléaire, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, la Commission de régulation de l’énergie ou le Commissariat à l’énergie atomique – ont déjà procédé à ce type d’analyses ?
Ce sujet ne pourrait-il pas être traité dans le cadre d’une mission d’information ou par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques ?
Mes chers collègues, l’évaluation précise et transparente de ces coûts est évidemment essentielle, mais il était indispensable d’étendre le champ de réflexion de la commission d’enquête aux différentes sources d’énergie susceptibles de contribuer à notre bouquet énergétique, afin de prendre en compte l’ensemble des coûts de production de l’énergie.
Au groupe UDI, nous aurions souhaité voir adopter une vision globale, ce qui nous aurait permis d’alimenter utilement le débat sur la transition énergétique. Pourquoi ne pas analyser l’impact d’une baisse progressive de la part du nucléaire sur le prix de l’électricité ? Pourquoi ne pas chercher à estimer le coût de la promesse du Président de la République de ramener la part du nucléaire à 50 % – contre 75 % aujourd’hui – à l’horizon 2025 ?
Cette question n’est pas neutre. Rappelons que cela impliquerait la fermeture d’une vingtaine de réacteurs dans les dix prochaines années. Cela a fait dire la semaine dernière à Anne Lauvergeon, qui a quelques connaissances sur le sujet, que cet engagement était totalement irréaliste et que 1’ « on ne pouvait pas se le permettre ».
Soyons clairs : nous sommes ouverts à une baisse de la part du nucléaire. Nous plaidons pour un bouquet énergétique équilibré, conformément aux objectifs que nous nous sommes fixés dans le Grenelle de l’environnement, et conformément au paquet climat énergie défini par l’Union européenne.
C’est pourquoi nous attendons avec impatience de faire valoir nos propositions dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique, que nous ne voyons toujours pas venir.
Nous aborderons cette question sans a priori idéologique, dans une démarche pragmatique, avec la volonté de concilier trois impératifs fondamentaux : préserver et garantir la plus grande indépendance énergétique possible pour notre pays ; soutenir le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité de notre économie ; accompagner l’évolution de nos modes de production, de consommation et de distribution d’énergie pour une plus grande durabilité.
Malheureusement, le champ trop limité de cette commission d’enquête ne nous permettra pas d’ouvrir cette réflexion, même si nous nous félicitons qu’il ait été élargi à l’étude des conséquences de la fermeture et du démantèlement des réacteurs, notamment de la centrale de Fessenheim.
Nous participerons aux débats de la commission, mais pour les raisons que je viens d’exposer, et face à cette occasion manquée, le groupe UDI ne peut apporter son soutien à la création de cette commission d’enquête.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.
Je rappelle qu’aux termes de l’article 141, alinéa 3, du Règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée s’y oppose, soit 347 voix. Seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.
Je mets aux voix la demande de création de la commission d’enquête.
La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.
La majorité requise pour le rejet n’étant pas atteinte, la demande de création d’une commission d’enquête est adoptée.
Vote sur la demande de création de la commission d’enquête
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (nos 1407, 1587).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures trente-huit pour le groupe SRC, dont 230 amendements restent en discussion, cinq heures quarante-neuf pour le groupe UMP dont 186 amendements restent en discussion, une heure quarante-et-une pour le groupe UDI dont 72 amendements restent en discussion, quarante-six minutes pour le groupe écologiste, dont cinquante-quatre amendements restent en discussion, quarante minutes pour le groupe RRDP dont quatorze amendements restent en discussion, cinquante minutes pour le groupe GDR dont trente amendements restent en discussion et quinze minutes pour les députés non inscrits.
J’appelle à présent, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, inscrit sur l’article 1er AA.
Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, mes chers collègues, l’article 1er AA est à l’image de tout le texte : un projet de loi grandement malmené au cours des navettes. Ces articles qui vont et viennent témoignent du manque de préparation et de l’insuffisance des consultations en amont des projets de loi qui nous sont proposés.
Votre gouvernement, madame la ministre, devient expert en matière de création de nouveaux organismes. Alors que vous nous promettiez un choc de simplification, que tout le monde attend, ainsi que la disparition des comités Théodule, trop nombreux dans notre pays, voilà que vous nous proposez une nouvelle structure : l’article 1er AA article créé le Haut conseil des territoires – qui resurgit grâce à la commission des lois de cette Assemblée, puisque le Sénat l’avait rejeté.
On peut du reste comprendre le vote du Sénat à la lecture des attributions de cet organisme : le Haut conseil des territoires, présidé par M. le Premier ministre ou, en son absence, par le ministre chargé des collectivités territoriales, peut être consulté. Il est chargé de faire des propositions et d’apporter son expertise sur tous les sujets concernant les collectivités locales. N’est-ce pas là la fonction du Sénat qui doit, lui aussi, conseiller le Gouvernement et apporter son expertise sur les collectivités locales ? Faut-il voir dans cette création un désaveu du Sénat ou un premier pas, comme certains pourraient le souhaiter, vers la suppression du bicamérisme ?
Cet article montre clairement que ce texte ne répond ni aux urgences ni au criant besoin de réformes de notre pays.
Je suis saisi de deux amendements de suppression de l’article, nos 321 et 471.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement no 321 .
Je voudrais, en ce début de débat d’amendements, louer très officiellement la qualité de dialogue de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Ayant eu l’occasion de beaucoup discuter de cet article, je retire mon amendement.
L’amendement no 321 est retiré.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 471 .
Je peux éventuellement être d’accord sur le fait que nous avons pu nouer un dialogue de qualité avec le rapporteur et la ministre, mais je ne retirerai pas pour autant mon amendement. Ainsi que M. Chevrollier l’a brillamment expliqué, les institutions françaises comptent une et une seule instance chargée de représenter les territoires : le Sénat. Ce rôle lui est reconnu par la Constitution et sa composition en découle. Cette compétence pleine et entière est partout présente et irrigue la vie de nos territoires et de nos collectivités. Le fait de considérer qu’une forme de double représentation de nos territoires pourrait jouer en quelques endroits de notre pays n’est respectueux ni du rôle du Sénat, ni du caractère plein et entier du bicamérisme ni, en fin de compte, de nos institutions. C’est la raison pour laquelle je persiste à défendre mon amendement no 471 .
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Le débat sur le Haut conseil des territoires dure depuis longtemps : il a traversé le Parlement, mais aussi les associations d’élus, unanimes à constater le manque de dialogue, en tout cas l’absence d’un véritable outil de dialogue, entre l’État, le Gouvernement en particulier, et les collectivités pour ceux qui y occupent des fonctions exécutives.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de créer une instance, le Haut conseil des territoires, présidée par le Premier ministre, qui regrouperait en son sein l’actuel comité des finances locales sous la forme d’une section spécialisée, le conseil supérieur d’évaluation des normes dont nous avons largement étendu et revalorisé les compétences à l’occasion d’une loi récente adoptée conforme, depuis, par nos amis du Sénat, et un observatoire à disposition des élus membres du Haut conseil des territoires, qui leur permettrait d’accéder à l’ensemble des données nécessaires à l’analyse des politiques et de l’action locale sans devoir en faire la demande auprès du Gouvernement – je pense en particulier aux données de la direction générale des collectivités locales.
Toutes les associations d’élus se sont accordées sur la nécessité d’installer ce Haut conseil des territoires. Sa composition est encore matière à débat, tout comme le mode de désignation de ses membres, leur nombre, l’existence ou non d’une formation restreinte, mais en tout cas, la volonté de disposer d’un Haut conseil des territoires est forte et partagée par l’ensemble des associations.
Autant de raison pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 471 .
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation, pour donner l’avis du Gouvernement.
Je tiens tout d’abord à remercier M. le député Braillard, d’avoir salué notre volonté de dialogue qui nous manifestons depuis des mois et d’avoir retiré son amendement.
Personne ne peut contester aujourd’hui la nécessité de disposer d’un lieu de dialogue. Du reste, nous pouvons nous-même constater durant nos débats que plus nous pouvons nous écouter, nous entendre, nous respecter les uns les autres, plus le dialogue en est facilité.
M. le rapporteur vient de vous l’expliquer excellemment : nous sentons depuis plusieurs mois émerger des uns et des autres des positions contrastées. Le débat doit se poursuivre et la CMP nous en fournira sans doute l’occasion ; aussi vous inviterai-je, monsieur Poisson, à retirer votre amendement, faute de quoi je serais contrainte d’émettre un avis défavorable.
J’ai bien entendu votre invitation, madame la ministre, mais ce n’est pas une pratique habituelle chez moi de retirer mes amendements… Cela étant, cette raison d’habitude mise à part, j’avoue que ni votre argumentation ni celle du rapporteur, ne m’ont convaincu. Il n’est qu’à regarder la description des compétences de ce Haut conseil dans cet article : je ne comprends toujours pas pourquoi on ne pourrait pas demander à la Haute chambre de se saisir des problèmes posés par les réglementations ou déjà en vigueur s’il faut les auditer, des préconisations relatives au fonctionnement des collectivités, ou de tout ce qui a trait aux finances locales. Toutes ces attributions me paraissent normalement relever d’une chambre parlementaire eu égard, je le répète, à son rôle constitutionnel. Non seulement cette nouvelle instance a totues chances d’être un ajout inutile, mais je crains qu’elle n’entre en concurrence avec une chambre du Parlement, ce qui ne serait pas une bonne nouvelle. Je vous sais gré de votre invitation, madame la ministre, mais je maintiens mon amendement.
L’amendement no 471 n’est pas adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 484 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement no 743 du Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement de précision vise à réorganiser la rédaction de l’article, sans conséquence sur le fond. Je sais qu’il fait l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement auquel je donne d’ores et déjà un avis favorable, tout en lui apportant une petite rectification puisqu’il faudrait remplacer « À l’alinéa 15 » par « Aux alinéas 15 et 16 » pour le rendre encore plus précis.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour donner son avis sur l’amendement no 484 rectifié et soutenir le sous-amendement no 743 .
Le sous-amendement vise simplement à remplacer le terme « représentatives » par « représentant » afin d’éviter toute confusion de nature syndicale. Sous réserve de son adoption, le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement no 484 rectifié .
Le sous-amendement no 743 est adopté.
L’amendement no 484 rectifié , sous-amendé, est adopté.
Afin de garantir que l’observatoire de la gestion publique locale, que j’évoquais en réponse à M. Poisson, sera bien au service des collectivités territoriales, l’amendement no 485 propose que le vice-président du Haut conseil des territoires, élu parmi les représentants des collectivités, en assure la présidence.
Avis favorable.
L’amendement no 485 est adopté.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement no 672 .
Cet amendement de précision vise à garantir la qualité du travail de l’observatoire de la gestion publique locale placé auprès du Haut conseil des territoires dont nous appelons la formation de nos voeux.
Je connais l’intérêt que porte Mme Appéré au bon fonctionnement de nos instances, mais son amendement est satisfait par la rédaction du projet de loi ; aussi vais-je lui demander de le retirer.
L’amendement no 672 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement no 728 .
L’amendement no 728 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er AA, amendé, est adopté.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 1er ABA.
L’article 1er AB est adopté.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 379 , tendant à rétablir l’article 1er A dont la suppression a été maintenue par la commission.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 379 est un amendement de principe essentiel, que notre groupe a souhaité déposer au début de ce texte et qui vise à reprendre deux articles adoptés en première lecture, l’un par le Sénat, l’autre par l’Assemblée nationale.
Les deux premiers alinéas adoptés par le Sénat rappellent la place absolument essentielle de la commune dans notre organisation de communes et la philosophie de ce que devrait être l’intercommunalité, c’est-à-dire une intercommunalité de projets au service des communes.
Le dernier alinéa de l’amendement reprend quant à lui le texte que l’Assemblée nationale avait adopté pour préciser que l’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle.
On m’objectera sans doute que cet amendement de principe n’a pas de portée normative…
…mais cela n’avait pas empêché l’Assemblée et le Sénat d’adopter ces trois alinéas. Nous estimons qu’il est d’autant plus important de les réintroduire que, répétons-le, le Gouvernement a fait le choix de commencer sa réforme par les métropoles alors que selon nous, il est évidemment bien plus cohérent de commencer par les fondations, autrement dit par les communes. Il est donc important d’inscrire ce rappel au début du texte de loi.
M. Dolez a apporté une partie de la réponse que je vais lui faire en reconnaissant que cet amendement introduirait des dispositions qui n’ont pas de portée normative. Je signale en outre que si un amendement a en effet été adopté par le Sénat, c’était contre l’avis de la commission des lois et du Gouvernement…
Cela ne signifie naturellement pas que le vote du Sénat est illégitime, bien au contraire ; je tenais simplement à remettre les choses dans leur contexte.
J’ajoute que les commissions des lois de l’Assemblée et du Sénat ont toutes deux jugé que ces dispositions ne pouvaient être acceptées sur le fond, et qu’elles posait aussi un problème d’ordre rédactionnel puisque, s’agissant des intercommunalités, cela revient à faire du principe de subsidiarité un principe législatif, ce qui risque de compliquer le choix des compétences confiées aux EPCI.
Les deux commissions n’avaient donc pas retenu ces dispositions, et les avaient même supprimées. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
Au fil des débats que nous avons eus depuis des semaines et même plusieurs mois, nous avons dit et redit la place privilégiée qui est celle de la commune, dont le rôle fondamental dans la coopération intercommunale fait d’ailleurs l’objet du premier article de la partie du code général des collectivités territoriales consacrée à cette coopération.
Outre que cette disposition n’aurait aucun caractère normatif, je précise que le présent projet de loi ne commence pas par affirmer le rôle de la métropole, mais par un chapitre sur la gouvernance et la place qu’occupent les uns et les autres dans l’organisation territoriale. À bien lire ces dispositions, on ne peut qu’y constater que la commune conserve une place privilégiée. C’est pourquoi je ne peux donner qu’un avis défavorable à cet amendement.
Le groupe UMP votera en faveur de cet amendement. En effet, il nous paraît important de rappeler d’emblée plusieurs éléments essentiels. J’ai bien entendu l’argument de M. le rapporteur, mais il n’est pas vraiment convaincant. Nous nous en souviendrons d’ailleurs lorsque nous examinerons la charte déontologique de l’élu dans le cadre du débat sur le statut de l’élu. Voilà en effet un cas d’école de texte dépourvu de toute portée normative. Je ne manquerai pas, à cette occasion, de me rappeler vos propos…
De surcroît, ce ne serait pas la première fois que l’Assemblée adopte des textes superfétatoires ou redondants par rapport aux codes existants.
En l’espèce, M. Dolez a parfaitement indiqué qu’il ne s’agisse pas d’autre chose qu’un rappel symbolique, ce qui ne signifie pas qu’il est inutile. Certes, il n’est pas destiné à produire des interdictions ou des mesures normatives, mais il n’en est pas moins important. C’est pourquoi le groupe UMP le votera.
J’interviendrai très rapidement, car le temps alloué à mon groupe pour ce débat est si limité que je ne saurais mener à ce sujet un long débat avec Mme la ministre. Cela étant, je ne suis pas d’accord avec son argumentation. Au contraire, rappeler dès le début du texte le rôle irremplaçable de la commune et la philosophie de l’intercommunalité aurait constitué un symbole très fort.
S’y refuser au motif que c’est implicite pose problème. Comme le démontreront mes collègues au fil du débat sur les différents articles, votre texte menace l’existence même des communes, que nous n’aurons de cesse de défendre tout au long de la discussion.
Notre assemblée défend l’idée que les communes sont au coeur de notre dispositif institutionnel, car ce fait est incontestable. Cependant, M. Dolez nous présente un amendement qui ne vise pas à affirmer un principe auquel nous croyons tous, mais à faire planer une suspicion sur les intentions de ce texte – et c’est naturellement son droit le plus strict.
Il prétend en effet qu’il faut rappeler le rôle des communes parce qu’il serait mis en cause dans le reste du texte. Au contraire, nous affirmons que les métropoles sont faites de communes, tout comme les EPCI. Je me permets de vous rappeler que nous avons eu exactement le même débat lors de l’examen de la loi Chevènement en 1999 : les mêmes forces s’élevaient alors pour annoncer que les communes seraient tuées.
Je me réjouis que vous invoquiez aujourd’hui les EPCI comme étant les gardiens de la commune. Si nous ne voulons pas voter votre amendement, ce n’est pas parce que nous ne croyons pas à la place des communes, mais parce que nous ne suspectons pas ce texte de menacer la place qu’elles occupent dans nos institutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 78 Nombre de suffrages exprimés: 78 Majorité absolue: 40 Pour l’adoption: 25 contre: 53 (L’amendement no 379 n’est pas adopté et l’article 1er A demeure supprimé.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 144 .
L’amendement no 144 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 98 vise à supprimer la clause de compétence générale des départements. Il est en effet regrettable de n’être pas allé plus loin dans la décentralisation. À l’heure où nous rajoutons de nouveaux échelons, comme la métropole, il aurait été bienvenu d’en supprimer d’autres pour répartir les conséquences de la réforme et éviter l’effet cliquet. L’expérience nous enseigne qu’il est plus simple de créer une collectivité que d’en supprimer une. À terme, la répartition des compétences entre les régions et les EPCI ou les pays, à l’exclusion des départements, nous semble inévitable ; c’est la logique de cette réforme, dont le premier pas serait d’ôter la compétence générale aux départements.
Comme en première lecture, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Chacun connaît les ambitions et le sort que M. Molac souhaite donner aux régions, et le travail qu’il accomplit en ce sens. En l’état, néanmoins, son amendement n’est pas compatible avec l’esprit du texte, ce qui explique notre avis défavorable.
Ce débat est ancien et récurrent. Dans le contexte actuel, les départements ont toute leur place parmi les territoires de proximité. Il ne serait donc pas raisonnable d’envisager aussi brutalement une disposition de cette nature, même si rien n’interdit d’y revenir peut-être un jour…
…et de réfléchir au positionnement optimal de toutes les collectivités territoriales à leur niveau respectif.
En attendant, il ne me reste d’autre solution que de vous demander de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
L’amendement no 98 n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 381 et 382 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Sur l’amendement no 381 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir les deux amendements.
L’amendement no 381 vise à supprimer l’alinéa 7 de l’article 2 et l’amendement no 382 les alinéas 11 et 15. Ils correspondent à une même démarche, le premier portant sur les départements et le second sur les régions.
Le présent chapitre est supposé rétablir la clause de compétence générale des départements et des régions, dont la suppression par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales devait prendre effet au 1er janvier 2015. Corollaire de la libre administration des collectivités territoriales, la clause de compétence générale permet à une collectivité d’agir dans tout domaine non réservé à un autre niveau de collectivité, même en l’absence de normes prévoyant leur intervention. Elle permet aux élus locaux d’être en mesure de répondre aux besoins et aux attentes variées de leur population. C’est un principe essentiel et une possibilité d’action qui différencie un administrateur gérant des prérogatives fixées dans un cadre réglementaire précis et un élu qui arrête et met en oeuvre les politiques publiques les mieux adaptées aux territoires et aux populations. Nous sommes donc satisfaits du rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions.
Cela étant, nous notons qu’en réinstaurant cette compétence, le texte qui nous est présenté tente de l’encadrer et de restreindre son champ d’application. En effet, la description des compétences essentielles qui reviennent respectivement aux départements et aux régions risque de réduire leur possibilité d’action. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer ces énumérations.
Je vous indique que sur l’amendement no 382 , je suis également saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Ces deux amendements qui, sur les départements et sur les régions respectivement, concernent le même débat, me laissent quelque peu perplexe. À mon sens, les dispositions du texte issu des travaux en commission sont plutôt de nature à en rassurer les auteurs. Le texte qui vous est proposé permet en effet de rappeler les compétences que la loi reconnaît aux départements comme aux régions, sans en ajouter ni en retrancher et sans restreindre la clause de compétence générale, contrairement à ce que vous venez de dire. Il ne s’agit que d’un rappel des compétences ; on pourrait même y voir une forme de redondance. Quoi qu’il en soit, nous ne changeons rien : nous nous contentons de rappeler les compétences des départements et des régions telles qu’elles existent et sans les modifier. La clause de compétence générale n’est aucunement remise en cause.
La commission a donc émis un avis défavorable à ces deux amendements, mais j’aurais préféré qu’ils fussent retirés, puisque l’objectif qu’ils poursuivent est entièrement satisfait par le texte de la commission.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots aux arguments qu’a si bien présentés M. le rapporteur. Le texte qui vous est soumis présente dans ses premiers articles le mode d’organisation de l’administration publique et, plus spécialement, des collectivités territoriales. Ce faisant, il reprend les dispositions qui figuraient déjà dans la loi initiale de 1982 et dans les lois suivantes concernant ce que l’on a appelé les « blocs » de compétences des collectivités territoriales – régions et départements compris. Il ne s’agit que d’une redite, qui permet de reprendre l’organisation globale de nos collectivités sur l’ensemble du territoire.
Le but de ces premiers articles est donc d’organiser les choses et de faire en sorte que s’accomplisse en tout lieu un travail cohérent de complémentarité entre les collectivités, en évitant toute superposition et toute redondance. C’est tout l’objet de cette réorganisation à laquelle le Gouvernement est particulièrement attaché. Comme le rapporteur, je me réjouirais donc que ces deux amendements soient retirés.
Madame la ministre, je prends acte de vos propos qui tendent à nous rassurer sur la clause de compétence générale. Toutefois, nous restons préoccupés par la notion de chef de file qui peut porter atteinte à cette clause. C’est pourquoi je maintiens nos amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 65 Nombre de suffrages exprimés: 65 Majorité absolue: 33 Pour l’adoption: 11 contre: 54 (L’amendement no 381 n’est pas adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 66 Nombre de suffrages exprimés: 65 Majorité absolue: 33 Pour l’adoption: 11 contre: 54 (L’amendement no 382 n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 322 et 510 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 510 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement no 746 .
La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement no 322 .
L’amendement no 322 a trait à la stratégie de développement économique et d’innovation. Comme j’ai eu l’occasion de le dire hier dans la discussion générale, l’objectif est d’assurer une complémentarité entre la métropole et la région et d’éviter toute idée de concurrence dans ce domaine dont l’importance est capitale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 510 rectifié .
L’amendement no 510 rectifié vise à compléter l’alinéa 11 en inscrivant le principe de la prise en compte de la stratégie de développement économique et d’innovation arrêtée par les métropoles et la métropole de Lyon sur leur territoire ; il s’agit en fait de rétablir une disposition adoptée par votre assemblée en première lecture, qui prévoit la prise en compte par les régions des seules stratégies de développement économique arrêtées par les métropoles situées sur leur territoire.
L’objet de cet amendement est de prévoir l’articulation entre le schéma régional et les stratégies des métropoles au plan économique. C’est un sujet que nous savons très sensible ; les régions ont eu l’occasion de nous le dire, les métropoles aussi. Il nous faut évidemment trouver une règle qui permette, comme je l’ai indiqué tout à l’heure dans ma réponse, de trouver des lieux où les différents intervenants peuvent débattre ensemble de sujets communs, tout en délimitant parfaitement les périmètres d’action des uns et des autres.
La parole est à M. Alain Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 746 à l’amendement no 510 rectifié .
Compte tenu des propos de Mme la ministre, je souhaiterais que le Gouvernement retire son amendement.Comme l’indiquait notre rapporteur, il ne s’agit ni de retirer ni d’enlever quoi que ce soit : lorsque les régions élaborent un schéma de développement économique, elles tiennent compte des avis de tous les membres : intercommunalités, communes, départements ou métropoles. Ce sont du reste les seules collectivités qui sont tenues de procéder de cette manière lorsqu’elles élaborent un schéma. Il n’y a donc pas lieu d’avoir de crainte dans ce domaine ; cela ne me semble pas être judicieux, et cela risque même d’aboutir à créer deux niveaux de concertation dans la même région.
Je vous mets en garde là-dessus, madame la ministre : vous avez dit à l’occasion d’un précédent amendement, qu’il fallait que nous ayons des blocs de compétences. Si nous continuons dans ce sens, nous risquons d’avoir des actions économiques en compétition sur des territoires de proximité, ce que nous n’avons plus depuis maintenant près de dix ans. Les taux d’aides aux entreprises font que les territoires de proximité ne sont plus en concurrence les uns avec les autres.
Imaginons qu’une métropole particulièrement riche ait envie de mettre en place un système d’aides directes aux entreprises – ce n’est pas tout à fait le cas –, un système d’aides à l’immobilier, un système d’aides au foncier franc et massif ; les délocalisations interviendront à trois ou quatre kilomètres parce qu’on offrira à une entreprise située hors de la métropole la possibilité de venir dans une métropole quasiment gratuitement. La compétition entre les territoires se joue à cinq kilomètres lorsque que vous gardez la main-d’oeuvre, ou à 10 000 kilomètres lorsque que vous cherchez de la main-d’oeuvre low cost.
Voilà pourquoi je demande au Gouvernement – je ne sais si c’est l’usage, car je suis assez nouveau dans cette assemblée – de retirer son amendement qui va à l’encontre de la clarification des compétences. Je comprends ce qu’il y a derrière, mais les région sont pour l’heure les seules collectivités à élaborer leurs schémas en tenant compte de l’avis tout le monde, quelle que soit leur sensibilité historique. Nous venons de faire l’exercice sur les programmes opérationnels européens, nous l’avons fait sur le plan régional de développement des formations, nous le faisons sur le schéma universitaire et sur le schéma économique. Il est essentiel que nous ayons, sur un territoire régional, un dispositif homogène après avoir été concerté.
Jacques Pélissard, le président de l’Assemblée des départements de France et moi-même avons eu une discussion avec le Premier ministre, en présence de Mme la ministre, pour voir comment nous pourrions, dans la période actuelle, progresser dans le sens d’une répartition claire des compétences, notamment entre l’État, la région et les départements. Prenons garde à ne pas mettre en place un système qui nous bloque ! Si nous parvenions à une répartition claire des compétences dans ce pays, non seulement cela permettrait d’élever démocratiquement la compétence de chacun des niveaux de collectivités, mais nous nous pourrions alors remettre en cause la clause générale de compétence pour les régions et les départements. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais il faudra bien y arriver un jour pour peu que les compétences soient clairement définies et les financements assurés dans ce pays.
S’agissant de la forme, la commission des lois s’est interrogée sur la rédaction de ces dispositions qui avaient été effectivement adoptées en première lecture et qu’elle a supprimées à l’occasion de la seconde lecture, estimant les termes de « prise en compte » insuffisamment normatifs et l’idée de « prise en compte des stratégies de développement économique » insuffisamment claire. Pour être tout à fait explicite, il aurait fallu renvoyer à un certain type de schéma, non à une notion aussi globale que la stratégie de développement économique de la région.
Au-delà des problèmes de forme et de sémantique, il existe aussi une réalité géographique et d’aménagement du territoire dans notre pays. J’ai vu le travail réalisé et entendu les échanges entre les présidents de grandes agglomérations – nous n’avons pas encore de métropoles, mais nous en aurons dans un futur proche –, et les présidents des régions de France. Nous avons vu apparaître au fil des débats des points d’accord qui n’existaient pas en première lecture : ainsi, les régions s’opposaient pour la plupart assez vigoureusement à l’idée que les métropoles puissent participer au capital des sociétés d’accélération du transfert de technologies. Après des discussions entre l’association des maires de grandes villes de France et l’association des régions de France, nous avons pu adopter en commission un amendement permettant aux métropoles de participer au capital des SATT dans le cadre d’un accord, d’une convention et d’un partenariat avec les régions.
Je suis convaincu que les régions ne pourront pas élaborer leur stratégie de développement économique sans tenir compte de l’action des métropoles, mais je suis tout aussi convaincu que les métropoles ne pourront pas élaborer leur stratégie de développement économique globale sans tenir compte du cadre et des orientations stratégiques des régions. Plutôt que d’arrêter un lien qui pourrait être induit ou compris – ce qui n’est pas le cas, je crois, dans votre rédaction – comme une forme de contrainte ou de hiérarchie d’une collectivité sur une autre, je préfère maintenir la rédaction de la commission, qui consiste à ne rien dire sur ce sujet et à laisser les régions et les métropoles travailler de manière intelligente ensemble. C’est la raison pour laquelle la commission a donné un avis défavorable à l’amendement de rétablissement des dispositions que présente le Gouvernement. Mais s’il venait à être retenu, le sous-amendement présenté par M. Rousset nous paraîtrait opportun.
Voilà un débat riche, qui donne lieu à de vraies questions. Je remercie tant le président de l’association des régions de France que le rapporteur pour l’éclairage qu’ils ont bien voulu apporter. Je vais maintenant exposer un peu plus longuement le point de vue du Gouvernement.
Bien entendu, le Gouvernement est le premier à l’affirmer, je l’ai dit tout à l’heure et je le redis – c’est ma conviction personnelle et c’est aussi celle de Marylise Lebranchu –, les collectivités locales ne peuvent pas continuer à ne pas vouloir travailler en bon accord et en bonne concordance. Il faut qu’elles trouvent ensemble le moyen de s’organiser.
Je voudrais insister sur le fait que, dans cet article 2 et dans ces alinéas, le rôle de chef de file de la région est précisé : c’est à elle qu’il revient de porter des stratégies dans lesquelles doivent s’intégrer les stratégies des autres collectivités locales et des autres niveaux de collectivités locales.
Cela étant, l’objectif n’est pas de mettre sous tutelle la métropole par rapport à la région, mais de faire en sorte qu’il y ait une vraie concordance de leurs actions. La métropole ne doit pas s’inscrire dans un schéma différent de celui de la région et la région ne doit pas imposer sa position sans débat initial.
J’entends vos observations, monsieur le président Rousset. Dans le cadre de la réunion que nous avons eue il y a quelques jours avec le Premier ministre, le débat que vous avez évoqué sur la clause de compétence générale pourrait à terme être rouvert. En tout cas, le Premier ministre a souligné le libre choix et la flexibilité. En attendant, le Gouvernement n’entend pas retirer son amendement, qu’il préfère à celui de M. Braillard. Mais il a bien entendu les observations des uns et des autres pour les prendre en compte dans le cadre des débats naturels qui s’instaureront entre les collectivités.
Monsieur le rapporteur, l’avis de la commission sur l’amendement de M. Braillard est-il également défavorable ?
Défavorable également, pour les mêmes raisons que celles concernant l’amendement du Gouvernement.
Nous avons ainsi l’occasion de poursuivre le débat que nous avons depuis de longs mois et qui a progressé de façon très positive sur ce que vont devenir un certain nombre d’agglomérations, autrement dit les métropoles, et les régions.
Personne ici ne peut contester que le but de tout cela n’est pas d’opposer les uns aux autres, mais de tirer vers le haut notre pays sur le plan économique et social, de le redresser dans un premier temps et, dans un deuxième temps, d’amplifier le développement. Pour cela, nous donnons un coup de pouce pour les régions, nous créons des métropoles : chacun doit pouvoir apporter, en pleine synergie, ses avantages et ses atouts respectifs.
Premier point : ce sont clairement les régions qui sont les leaders, les moteurs en matière de développement économique. Toute la charpente du texte que nous examinons est conçue dans ce sens.
Deuxième point, tout aussi net et clair : la création des métropoles, qui n’existaient pas jusqu’à présent et qui différeront sur certains aspects des communautés urbaines et des communautés d’agglomération. Tout cela a été étudié pour apporter un plus en termes de croissance.
Je le répète ici avec force : c’est dans les futures métropoles que l’on aura, et c’est une chance, les taux de croissance les plus élevés si l’on en juge par ce qui existe aujourd’hui alors même qu’elles ne disposent pas encore de ces compétences supplémentaires. Lorsque l’on constate en France des taux de croissance proches de 0 % alors qu’ils atteignent 3 % voire 4 % à Rennes ou à Grenoble, pour ne citer que quelques-unes de ces métropoles, force est d’en tenir compte pour peu que l’on entende réellement redresser économiquement notre système. Les métropoles disposeront de possibilités nouvelles, nous les avons évoquées : les sociétés de transfert de technologie, le co-pilotage des pôles de compétitivité, l’accompagnement et le soutien en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Il faut donc leur trouver la place qui correspond à ces spécificités nouvelles dans l’articulation institutionnelle que nous proposons. Il ne s’agit pas de faire de l’exégèse, mais de trouver la bonne articulation rendue nécessaire par l’avènement des métropoles.
Peut-être le terme employé dans l’amendement du Gouvernement suggère-t-il une confrontation de stratégies. Si ce n’est que cela, il suffit de trouver la formulation qui permettrait de s’entendre : en remplaçant « stratégie des métropoles » par « proposition stratégique des métropoles », nous montrerions qu’il ne s’agit pas de prendre à la lettre l’ensemble des orientations des métropoles, mais de les intégrer comme des contributions utiles à la stratégie de la région. Si tel est le souhait du Gouvernement, je le comprends.
Je ne comprends vraiment pas le sens de votre intervention, madame la ministre : j’y vois l’expression d’une méconnaissance de ce qui se passe réellement dans nos territoires, en tout cas dans ma région Rhône-Alpes. À vous entendre, il y aurait des affrontements stériles entre métropoles et conseils régionaux. Je peux vous parler de certaines expériences : nous venons d’achever un chantier extrêmement lourd, l’élaboration de la stratégie de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente, pour parler le bruxellois. Le but est d’obliger les conseils régionaux appelés à gérer des fonds européens à élaborer une telle stratégie, puis de la transmettre à l’État et à Bruxelles pour validation avant engagement de moyens extrêmement importants, en matière d’innovation en particulier.
Contrairement à l’usage qui prévalait auparavant, quel que soit le gouvernement, cette stratégie a été largement discutée avec l’ensemble des collectivités : métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération, départements. Jamais l’État ne s’était livré à un tel processus de consultation, d’élaboration et de coopération avec l’ensemble des acteurs du territoire, dans la région Rhône-Alpes comme dans toutes les régions de France ou presque.
Votre amendement, madame la ministre, jette la suspicion sur les relations entre les territoires. Vous laissez entendre qu’il pourrait exister une sorte de partition entre les régions dont il faudrait absolument prendre en compte la stratégie et celles qui ne sont pas à la hauteur pour en élaborer une. Une telle démarche pourrait vite devenir malsaine et méconnaît la réalité.
Savez-vous, madame la ministre, que la région Rhône-Alpes finance les pôles de compétitivité autant que toutes les autres collectivités réunies, conseils généraux, métropoles, agglomération, villes etc. ? Lorsque l’on traite de sujets aussi pointus et qu’il s’agit en outre de faire les fonds de tiroir, car nous sommes tous soucieux de bonne gestion de l’argent public, on n’imagine pas élaborer ou soutenir des politiques sans tenir compte des stratégies des autres ni des moyens qu’ils sont susceptibles d’apporter et qui sont essentiels : les collectivités territoriales apportent aux pôles de compétitivité autant que l’État. Votre amendement superfétatoire peut donc nous faire dériver sérieusement à l’avenir et générer de sérieuses mésententes entre les collectivités, qu’il ne s’agit pas d’opposer entre elles. Quoi qu’il en soit, il ne correspond pas à la réalité.
Je m’apprête à associer dès la semaine prochaine les métropoles et d’autres territoires à la gouvernance des fonds européens. Vous imaginez bien, madame la ministre, le malaise de autres collectivités si elles venaient à découvrir que certaines d’entre elles peuvent se prévaloir d’un statut particulier ou dérogatoire. Je vous demande donc instamment de retirer votre amendement. Sans doute cela ne se fait-il pas, mais la question est sur la sellette – et je demande la même chose à mes collègues Thierry Braillard et à Jean-Louis Touraine. Nous sommes pleinement responsables. Je préfère l’approche empreinte de sagesse adoptée par notre rapporteur et je me joindrai à lui pour repousser ces amendements, en particulier le vôtre, madame la ministre. Mieux vaut en rester là pour éviter quelques désagréments politiques.
Je précise que Gouvernement, comme tout auteur d’amendements, peut parfaitement les retirer.
La parole est à M. Paul Molac.
Je pense moi aussi que l’amendement du Gouvernement crée de la confusion, en particulier sur le rôle de la région, chargée de l’économie et de l’aménagement du territoire. Nous avons voté en commission la mise en place de la CTAP dont la mission est précisément d’élaborer des schémas régionaux selon une procédure tenant compte de tous les acteurs, comme l’a rappelé notre collègue Rousset. C’est ce que nous faisons en Bretagne depuis longtemps dans le cadre du B16. Cet amendement ne sert à rien, sinon à affaiblir la région et à créer de la confusion.
L’amendement de notre collègue Braillard me semble poser une vraie question économique. On ne doit pas y répondre en arguant d’une opposition factice entre la stratégie économique des métropoles et celle des territoires et des régions. Une métropole n’abrite pas les mêmes fonctions qu’un territoire à vocation productive : une métropole abrite des fonctions tertiaires, de la recherche, de la connexion avec la mondialisation, du développement et de la créativité ; mais dans le même temps, nous avons besoin dans nos territoires de fonctions productives amorcées par l’industrie, l’artisanat, le tourisme, etc. Le sujet n’est donc pas tant de déterminer qui a la main sur la stratégie économique, mais de dire comment les fonctions métropolitaines s’articulent avec les fonctions productives auxquelles elles fournissent un indispensable effet de levier.
Ce qui soutient, développe et renforce une économie territoriale, c’est l’enrichissement dû au fait métropolitain, à la croissance métropolitaine et aux effets de compétitivité que génère une économie métropolitaine. Comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, l’idée n’est pas de laisser chacun à sa stratégie. Peut-être l’expression « stratégie des métropoles » n’est-elle effectivement pas la bonne, car elle suggère des stratégies distinctes susceptibles de s’entrechoquer. Arrêtons de raisonner en termes de surenchère des aides et raisonnons en termes de cohérence et de convergence d’action sur des filières industrielle économiques ! Dès lors, la rédaction de l’amendement coulera de source.
Les principes fondateurs qui guident le texte tiennent en un certain nombre d’affirmations, dont deux que je retiens particulièrement.
La première est la reconnaissance du fait urbain et métropolitain et de son rôle dans la croissance de nos territoires. Les métropoles facilitent la production de richesses et affichent des taux de croissance supérieurs à ceux de l’ensemble du territoire national, ce dont tout le monde se félicite. D’ailleurs, comme l’a démontré la discussion générale, leur croissance participe de fait à la redistribution et aux solidarités nationale et régionales. Dès lors, les stratégies métropolitaines sont forcément complémentaires des stratégies régionales dès lors qu’elles ont un seul et même but : le développement économique, le redressement et l’emploi. Dès lors, on ne saurait admettre qu’un texte visant à l’affirmation des métropoles comporte un amendement qui diluerait leur responsabilité dans celle des autres collectivités : de ce point de vue, l’amendement proposé par M. Rousset ne me paraît pas proposer la formulation adéquate.
La deuxième affirmation que je retiens, c’est le principe de confiance envers les élus locaux et dans le dialogue territorial. Il existe dans chacune de nos régions et permet d’élaborer en bonne intelligence des stratégies concertées. La position de sagesse de M. le rapporteur, qui considère que la rédaction retenue par la commission des lois permet un dialogue et une prise en compte de qualité de l’ensemble des stratégies, est sans doute la meilleure. Pour ma part, j’appellerai à voter contre l’amendement du Gouvernement si Mme la ministre le maintient, mais aussi contre celui de M. Rousset au bénéfice de la rédaction défendue par la commission des lois.
Lorsque quelqu’un dit dit aussi bien, sinon mieux que vous ce que vous voulez exprimer, le mieux est de s’en remettre à ses propos : mon collègue Destot a très bien fait comprendre l’esprit de mon amendement. Je prendrai deux exemples.
Martine Aubry a annoncé hier que la métropole lilloise aura dès 2020 le très haut débit partout. La région Nord-Pas-de-Calais disposera-t-elle du très haut débit sur l’ensemble de son territoire en 2020 ? Je ne le pense pas. N’existe-t-il pas une complémentarité entre la volonté de la future métropole de Lille d’intégrer le très haut débit dans sa stratégie de développement économique, et la politique de la région qui voudra certainement investir dans le très haut débit ? À l’évidence oui : c’est exactement le sens de l’amendement que je propose.
Mon deuxième exemple est dans le prolongement de ce que disait mon collègue Gagnaire – je l’ai trouvé un peu dur, lui qui est pourtant ouvert au dialogue et à la discussion.
Sourires.
Il a parlé de la région Rhône-Alpes et des pôles de compétitivité. La région Rhône-Alpes est liée, comme chacun sait, est liée au Baden-Würtemberg. Son budget est de 3 milliards d’euros ; celui du Baden-Würtemberg est dix fois supérieur… Ce n’est pas la même catégorie de région, ce n’est pas la même vision. La mise en place des pôles de compétitivité, mon cher collègue, exige une bonne complémentarité. La métropole lyonnaise, qui dispose de plusieurs pôles de compétitivité, et la région doivent travailler en bonne intelligence : c’est précisément, là encore, l’objet de mon amendement, très similaire à celui du Gouvernement. Nous sommes en train de passer du temps à nous bloquer sur une question alors que, la discussion le montre, nous pensons tous la même chose : loin d’aller à l’encontre des pouvoirs de la région, l’idée au contraire est bien d’affirmer par le texte sa nécessaire complémentarité avec les métropoles.
Il est aussi inutile que désagréable de répéter que la commission a donné un avis défavorable à l’amendement du Gouvernement. Disons simplement qu’un débat comme celui-ci peut avoir lieu à fronts renversés : les dispositions proposées par le Gouvernement précisent que les régions doivent prendre en compte les stratégies de développement arrêtées par les métropoles, ce qui suscite débat. S’il avait proposé que les métropoles prennent en compte les stratégies de développement arrêtées par les régions, cela en aurait suscité un tout autant, mais peut-être les positions auraient été différentes selon les orateurs et leurs responsabilités.
Je retiens de cet échange certains des exemples avancés, qui sont utiles. Lorsque Thierry Braillard parle de l’association des métropoles à la gouvernance des pôles de compétitivité ou que l’on évoque la participation des métropoles au capital des sociétés d’accélération de transfert de technologies, j’y vois une volonté affirmée des régions d’associer les métropoles aux stratégies de développement économique, autrement dit un pas en leur direction. Lorsque j’entends Michel Destot, par ailleurs président de la MGVF travaillant avec les futures métropoles, dire qu’aux yeux des élus la région a clairement le chef de filat en matière économique, j’y vois aussi une volonté d’apaisement. Et lorsque je mesure le cheminement des uns vers les autres, je reste convaincu que la rédaction de la commission des lois, qui consiste à ne rien dire de plus dans un sens ou dans un autre, est la bonne.
Nous sommes tous persuadés du bénéfice qu’il y aura – pour les collectivités, mais aussi et surtout pour leurs habitants – à organiser une synergie effective entre régions et métropoles. De la même façon que nous avons eu à coeur, en plusieurs points du texte et lors des différentes lectures, de veiller à ce que les métropoles intègrent les schémas et les orientations définies par la région, il nous paraît important que, par réciprocité, dans les champs de compétences où l’action des métropoles sera déterminante – l’action économique, l’innovation, le soutien à l’enseignement supérieur –, régions et métropoles prennent en compte réciproquement les stratégies à mettre en oeuvre. J’ai bien entendu M. le rapporteur nous dire que cela va de soi, mais cela va toujours mieux en le disant.
Je veux dire à mon collègue Poisson que je ne prends pas mon inspiration chez lui…
…mais plutôt dans le dialogue que nous avons eu avec Mme la ministre, qui a repris la rédaction de mon amendement. Après un débat qui a clarifié les choses, et afin d’éviter que l’opposition ne tire parti des discussions que nous avons eues entre nous, je propose que nous retirions notre amendement au profit de celui du Gouvernement car, comme l’a dit M. Touraine, qui avait déposé un amendement identique au nôtre, il vaut mieux que les choses soient dites dans le texte. Je retire donc l’amendement no 322 et voterai l’amendement n° 510 rectifié du Gouvernement.
L’amendement no 322 est retiré.
Le sous-amendement no 746 est retiré.
L’amendement no 510 rectifié n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 383 et 543 .
Sur l’amendement no 383 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 383 .
Nous estimons que l’amendement no 383 est tout à fait essentiel, dans la mesure où il vise à garantir le principe d’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire. Pour cela, nous proposons de supprimer les alinéas 18 à 24 de l’article 2. Nous indiquerons ainsi très clairement que tout transfert ou toute délégation de compétence de l’État vers une collectivité territoriale doit demeurer du domaine de la loi, afin d’éviter l’éclatement des politiques publiques nationales et leur territorialisation, qui entraînerait illisibilité et inégalité pour nos concitoyens. Avec l’amendement n° 383 , c’est donc la garantie du principe d’égalité républicaine que nous défendons.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 543 .
Par cet amendement visant à la suppression des alinéas 18 à 24, Christian Hutin, Marie-Françoise Bechtel et moi-même souhaitons faire en sorte que ne puisse être autorisée la délégation de compétence étatique aux collectivités qui en feraient la demande, comme le prévoit l’article 2 dans sa rédaction actuelle. En effet, nous estimons important que l’organisation territoriale de la République assure, par sa nature même, l’égalité des citoyens qui y vivent et s’y déplacent…
…car chacun de nous peut être amené à se déplacer et à changer de lieu de résidence : un jour au Kremlin-Bicêtre, demain à Saint-Sauveur-de-Meilhan, à Guéret ou à Saint-Jean-de-Maurienne. La loi, qui doit être égale pour tous, doit rester lisible et compréhensible du point de vue de l’action des pouvoirs publics, en particulier de l’action de l’État.
La région, le département, la commune ou l’EPCI pourraient, dans la rédaction actuelle de l’article 2, exercer des compétences déléguées par l’État différentes d’un endroit à un autre. Ce n’est que par la dimension législative – par l’action du législateur, à qui il revient d’organiser la décentralisation – que l’on peut assurer le principe, essentiel à nos yeux, de l’égalité. On nous qualifie souvent de jacobins, mais je préfère le concept de « jacobin décentralisateur », car je prône l’organisation de la décentralisation par la loi – dont nous connaissons l’importance depuis Lacordaire.
En généralisant les conventions de délégation de l’État, le projet mettrait en place une forme de décentralisation qui résulterait de discussions et de rapports de forces locaux, conduisant à une géométrie variable et à une organisation locale, celle-là même qui prévalait avant la République. Le législateur doit renforcer le sentiment d’appartenance commune : faire du commun plutôt que favoriser l’exacerbation des différences territoriales.
Excellent, en effet, même si cela fait un peu « chevènementiste sur le retour » !
La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements – sans, je le précise, suspecter nos collègues Dolez et Laurent d’une quelconque forme de jacobinisme,…
…ni même d’un quelconque conservatisme en matière d’exercice des compétences locales. J’espère que les arguments que je vais exposer seront de nature à vous faire changer d’avis, mes chers collègues. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une décentralisation, c’est-à-dire d’un transfert de compétences, mais d’une délégation.
S’il s’agissait d’un transfert de compétences, nous pourrions nous poser les mêmes questions que vous, mais ce n’est pas le cas. Dans le cadre d’une délégation, la compétence n’est pas transférée, mais exercée par la collectivité au nom de l’État, qui garantit, sur l’ensemble du territoire, l’égalité devant le service public et face à la loi. La délégation est facultative, elle doit être demandée et n’est pas nécessairement acceptée. Contrairement au transfert, qui peut effectivement induire une géométrie variable en dépit du fait que les collectivités ne disposent pas du pouvoir normatif, dans le cas d’une délégation, l’État conserve la totalité de son pouvoir normatif.
Les amendements proposés seraient tout à fait pertinents si nous parlions de transferts de compétences impliquant une géométrie variable mais, je le répète, ce n’est pas le cas : l’article 2 ne prévoit que des délégations, s’effectuant au nom de l’État dans le respect des conditions fixées par lui et des orientations de la politique nationale.
Par ailleurs, l’idée est de faire confiance aux territoires et de leur permettre d’avancer dans le cadre de certaines politiques.
Enfin, vous avez évoqué le paysage national d’exercice des compétences. Nous pouvons nous poser la même question que celle que vous avez posée dans le cadre de paysages plus locaux. Dans un certain nombre de départements, les conseils généraux, en partenariat avec un certain nombre d’agglomérations et, plus souvent, de villes, ont fait le choix de déléguer aux villes l’exercice de certaines compétences en matière sociale – je pense notamment à l’accueil, au suivi et à l’accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux de type RSA. Cela ne change rien à la situation légale et à l’égalité devant la loi qui doit être garantie à l’ensemble des bénéficiaires du RSA sur l’ensemble du territoire. Ce n’est pas le guichet de l’instructeur qui fait la politique : il y a simplement, dans le cadre des délégations, un rapprochement et la prise en compte de certaines particularités géographiques ou urbaines. Je le répète, ce n’est pas un transfert, mais une délégation ; ce n’est pas l’abandon d’une politique par l’État, mais l’exercice de cette politique en son nom par une collectivité, dans un cadre légal qui reste celui fixé au niveau national pour l’ensemble de ses compétences. L’avis de la commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture, puisqu’il fait suite au débat sur l’expérimentation et à tous les verrous constitutionnels dont nous avons déjà parlé à cette occasion. C’est également une grande discussion que nous avons avec l’Association des régions de France. Récemment, au sujet des grandes inondations qui ont touché les Hautes-Pyrénées, Anne-Marie Escoffier et moi-même nous sommes demandé si le fait de déléguer les compétences aurait pu éviter que certains événements ne se produisent – on peut penser, par exemple, que l’alerte aurait pu être lancée plus efficacement si une délégation de compétence avait été donnée dans certains domaines comme la surveillance des débits.
Qu’il s’agisse d’une petite délégation de compétence comme celle que je viens d’évoquer ou d’une délégation plus importante, vous avez l’assurance, comme je l’ai déjà dit, que c’est toujours l’État qui est garant en droit, in fine. Même dans le cas d’un transfert de compétences, si une compétence était mal exercée – voire pas du tout – et qu’un citoyen en appelait à l’État, il obtiendrait satisfaction : je le répète, l’État est le seul garant dans notre République.
La délégation est plus souple que le transfert de compétences, qui est un mécanisme lourd impliquant le transfert de personnels et de ressources. Dans toutes les régions de France, il y a débat autour d’un certain nombre de délégations – je pense à la construction de bâtiments pour les IUT, où certaines collectivités souhaitent intervenir en dépit du fait que la loi ne le leur permet pas, ce qui les oblige à passer par le contrat de plan État-région, via le cofinancement, pour accéder à une certaine forme de compétence déléguée.
Si l’on s’en tient à ce qui s’est dit lors de la conférence territoriale de l’action publique, la délégation de compétence sera totalement encadrée, transparente et démocratique – parce qu’elle sera aussi débattue. J’estime qu’il s’agit d’une avancée intéressante et veux rappeler aux auteurs de ces amendements que, si j’ai souvent défendu l’idée qu’une compétence peut être bien exercée sur un territoire, j’ai toujours dit, en même temps, que cela n’est possible que si l’État est présent, fort, garant et protecteur, afin d’assurer l’égalité de droit des citoyens. Aujourd’hui, à l’heure où les délégations de compétences ne sont pas mises en place, il y a tout de même de grandes inégalités sur notre territoire : selon les différentes densités de population, il n’est pas toujours possible que les compétences s’exercent au meilleur niveau. En tout état de cause, je défends la délégation de compétence, en laquelle je vois un progrès pour le citoyen et un faisceau de garanties pour la République. Pour ces raisons, je suis donc défavorable aux amendements nos 383 et 543 .
Il est procédé au scrutin.
L’alinéa 6 de l’article 2 de ce projet de loi prévoit la possibilité pour l’État de consentir des délégations de compétences – nous avons largement évoqué le sujet. Cette procédure et son champ d’intervention soulèvent de nombreuses questions. La première d’entre elles fait craindre à tout le secteur de la culture une décentralisation sans la présence de l’État. Or, l’histoire a montré que toutes les décentralisations réussies, en particulier dans la culture, l’ont été grâce à l’accompagnement sur chaque parcelle du territoire de notre pays d’une politique nationale agissant comme un garant et un stimulant bénéfiques à tous.
La culture est un domaine ou les politiques ne peuvent s’exercer dans la liberté et le foisonnement que si la compétence est partagée entre toutes les collectivités, y compris l’État. C’est également un domaine qui s’est construit, en particulier depuis le milieu du XXe siècle, petit à petit, sur des financements croisés, gages de libertés, d’audaces et d’inventions. Cette richesse, construite tant par les pouvoirs publics que par les acteurs culturels et les publics, permet une harmonisation territoriale de ces politiques qu’il ne faut en aucun cas perdre.
Si l’État délègue l’une de ses compétences à une collectivité, comment ne pas craindre que là où les services déconcentrés exerçaient une fonction de régulation, la collectivité délégataire ne tente d’imposer ses orientations à d’autres collectivités ?
Au-delà de ces raisons tenant aux principes fondateurs de l’organisation des pouvoirs publics, cette disposition pourrait soulever des difficultés pratiques évidentes, notamment au regard de la mobilisation des moyens humains nécessaires à l’exercice des compétences déléguées.
Je ne reviendrai pas sur les règles statutaires qui, notamment, régissent la fonction publique sur cette question. Mais, en tout état de cause, cette disposition pourrait mettre gravement en difficulté le réseau cohérent des directions régionales des affaires culturelles, qui permet de mener une politique nationale de soutien à la culture et de contribuer à la mise en oeuvre des projets et financements croisés avec les collectivités.
Enfin, l’actuelle rédaction de ces alinéas va inéluctablement soulever des difficultés d’interprétation, notamment lorsqu’il s’agira d’examiner les décrets d’application venant définir les compétences pouvant être déléguées.
Aussi, d’un point de vue méthodologique, l’on ne peut que s’étonner de voir cette disposition s’insérer dans le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif à la libre administration de ces dernières ; l’on perçoit mal, en effet, en quoi ce texte participe, par cet alinéa, à la mise en oeuvre de ce principe.
Mais surtout, dans le domaine de l’art et de la culture, cet alinéa contrevient au principe de l’exercice d’une compétence partagée par l’ensemble des collectivités territoriales, dans le respect de la clause générale de compétence enfin rétablie par le présent projet de loi.
Pour toutes ces raisons, il semble absolument nécessaire d’exclure l’organisation et le soutien aux politiques culturelles de ce dispositif. L’art et la culture, c’est le vivre ensemble, c’est la liberté de conscience, et c’est l’essence même de la démocratie.
Je suis venu tout spécialement défendre cet amendement no 65 et tenter de convaincre notre assemblée de sa pertinence.
La France est le pays de l’exception culturelle. Nous l’avons affirmé collectivement, et même à l’unanimité de cette assemblée, au printemps dernier, lorsque la Commission européenne voulait obtenir un mandat de négociation permettant d’intégrer la culture et l’audiovisuel dans la négociation d’un nouveau traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique.
Je voudrais que, dans les discussions sur cet article 2, l’on défende l’exception culturelle pour prendre en compte l’histoire des politiques menées dans notre pays, la manière dont s’est formée et développée la décentralisation culturelle, qui a précédé, pour ne pas dire annoncé, la décentralisation institutionnelle et qui s’est faite, d’ailleurs, dans la foulée de la décentralisation théâtrale.
Nous avons souvent eu ce débat, au sein même de cet hémicycle, notamment sur la clause de compétence générale ; nous nous sommes interrogés sur la nécessité de la maintenir. Nous étions à l’époque, pour la majorité d’entre nous, dans l’opposition, et nous nous sommes opposés à cette suppression. Parallèlement, beaucoup d’élus de la majorité d’alors avaient compris l’enjeu lié au maintien de cette clause.
Je vous ai bien entendu, madame la ministre, sur les amendements précédents, rappeler qu’il ne s’agit pas de transferts de compétences mais de délégations de compétences, qui peuvent être accordées pour une période déterminée. J’ai bien entendu votre argumentation. Mais l’affaire est à mon avis importante, et la culture, je le répète, constitue une exception.
La politique menée actuellement consiste en financements croisés, dans le cadre desquels les collectivités territoriales participent, à hauteur de 70 %, au financement public de la culture. Cet équilibre précieux ne peut être maintenu que si l’État culturel l’est également.
Je pense même, d’ailleurs, qu’il doit être renforcé, car il a plutôt régressé ces dernières années. Or, l’exercice de ces délégations de compétences – dans le cadre, il est vrai, qui a été rappelé par Mme la ministre et par M. le rapporteur – conduirait inévitablement à ce que les DRAC, qui se posent déjà beaucoup de questions sur leurs missions et aussi, avouons-le, sur leurs moyens, puissent se trouver en retrait, et qui plus est en retrait définitif.
Une DRAC que l’on asséchera ne serait-ce que temporairement, pour cause de délégation de compétences, ne pourra ressusciter lorsque la délégation de compétences disparaîtra.
La décentralisation culturelle, dans un pays comme la France, ne vaut que si l’État culturel existe, non seulement au nom de l’égalité des territoires, non seulement parce que la République est une et indivisible, mais aussi parce qu’il y a une nécessité pour l’État d’exercer son contrôle scientifique.
C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que, dans cet hémicycle, une large majorité se prononce en faveur des amendements identiques que Laurent Grandguillaume et moi-même présentons pour que les délégations de compétences soient exclues du domaine culturel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Par cohérence, après m’être opposé à la suppression du principe de la délégation, vous comprendrez que je m’oppose aussi à la création d’une dérogation à ce principe.
Les arguments ont déjà été exposés : il ne s’agit pas d’un transfert mais d’une délégation. Cela reste facultatif, conventionnel, et, dans la mesure où il s’agit d’une délégation et non d’un transfert, l’ensemble des orientations, des règles législatives qui s’appliquent au secteur de la culture continueront à s’appliquer quelle que soit la collectivité – région, département ou métropole – qui aurait à exercer une compétence par délégation résultant d’une convention avec l’État. Il ne s’agit donc pas pour l’État de se donner la possibilité d’abandonner la politique culturelle sur un territoire, mais simplement de lui offrir la possibilité de s’appuyer sur les collectivités pour mettre en oeuvre cette politique, dans le respect du cadre légal, de ses objectifs, de ses orientations, sans jamais rien remettre en cause de tout cela.
Je peux comprendre certaines inquiétudes qui, me semble-t-il, sont principalement liées à la confusion entre transfert et délégation, mais aussi aux interrogations sur le devenir des personnels, et je pense ici en particulier au personnel des DRAC ; or, il n’est pas question non plus d’un transfert de ces personnels, mais, éventuellement, de leur mise à disposition : je répète que nous nous situons dans le cadre d’une délégation, non d’un transfert. À l’instant, en rejetant les amendements de M. Laurent et de M. Dolez, nous nous sommes prononcés en faveur de la possibilité d’une délégation de l’État aux collectivités locales ; de la même façon, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement, qui concerne spécifiquement le secteur culturel.
Il est vrai que, depuis quelques jours, nous parviennent moult sms et mails annonçant les conséquences dramatiques de la délégation de compétences en matière culturelle, qui se traduirait par la fermeture des DRAC. Non : il n’a jamais été question de cela et la ministre de la culture, responsable de ces administrations, y veille ; vous pouvez d’ailleurs vérifier le budget de son ministère. Tout reste donc au niveau de l’État.
À la suite du dépôt de la proposition de loi du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, trois régions françaises souhaitent assurer au nom de l’État, et par délégation —et ce ne sera possible que par délégation, à moins de modifier la Constitution ou que sais-je encore —une politique permettant de valoriser la langue régionale. C’est effectivement, aujourd’hui, une politique relevant de l’État, que l’on peut déléguer. Faut-il renoncer à déléguer une politique culturelle de ce type ? Je réponds : sûrement pas ! Voilà un exemple possible. On ira sans doute au-delà : si un certain nombre de parlementaires UMP et de personnes défendant, au Sénat, la Charte des langues et cultures régionales, l’acceptent, l’on aura enfin cette majorité nécessaire pour une ratification que l’on attend depuis longtemps. Dans ce cas, ce sera à l’État, dans telle ou telle région, de la mettre en application. On peut alors s’interroger : est-ce raisonnable ? Est-ce efficace ? Est-ce même souhaitable ?
Il faut donc faire attention : comme l’a très bien dit le rapporteur, la disposition en discussion ne consiste pas en un transfert de compétences. A Paris, dans les grandes villes et les métropoles, il n’y a pas de difficulté : les grandes scènes y sont nombreuses, la création y est facilement soutenue. Mais dans les zones où l’on parle souvent de l’accès à la culture sans pouvoir lui donner de contenu, on doit pouvoir déléguer cette dimension de la culture à une collectivité territoriale qui souhaite permettre à des créateurs de sortir de leur scène conventionnée ou subventionnée et de se rendre dans des villages, en résidence. Il s’agit bien d’une délégation de compétences, et il n’est en effet pas nécessaire qu’une direction centrale du ministère règle ce type de question.
La culture embrasse un champ extrêmement vaste. On a assisté par le passé à un transfert, celui de la compétence relative aux patrimoines. On l’a parfois beaucoup regretté, car il n’a pas été accompagné de suffisamment de moyens. Il est vrai que, dans certaines régions qui disposent d’un patrimoine considérable et de peu de moyens, les difficultés sont encore plus grandes qu’autrefois. Mais il s’agissait d’un transfert de compétences, avec transfert de personnel. Dans le présent texte, je le répète, on délègue une partie de la compétence : je ne comprends donc pas la crainte qui se manifeste. Aujourd’hui, il y a une inégalité flagrante entre les territoires, en termes d’accueil, de résidence, d’accès à la création, aux musées, au théâtre, au spectacle vivant, à la culture. C’est une compétence de l’État, oui, mais elle est partagée avec les collectivités, et nous ne sommes pas parvenus, loin s’en faut, à l’égalité des citoyens devant cette clé de l’émancipation que nous voulons tous. On peut donc monter des marches.
Je me trouvais tout à l’heure dans une toute petite commune qui a conclu une convention de délégation pour porter le spectacle vivant. Est-ce dangereux ? Je ne le crois pas. S’abrite-t-on derrière une crainte ? Oui, je le crois. Ce qu’il faut, à un moment donné, c’est avoir une vraie discussion, comme je l’ai eue avec les syndicats, et rappeler que le transfert des personnels n’est pas à l’ordre du jour ; je ne vois pas, d’ailleurs, dans quels domaines on les transférerait. Il y aura possibilité de délégation, sur tel ou tel sujet, et qui plus est après avis du représentant de l’État, ce qui fâche d’ailleurs beaucoup de présidents de régions, de métropoles et de grands maires, qui ne sont pas toujours enclins à demander une autorisation. Voilà qui pourrait être de nature à faire progresser notre discussion sur les territoires. Comme les personnels restent ceux du ministère de la culture, je ne vois pas où est le problème.
J’ai rencontré un certain nombre de créateurs qui ne sont effectivement pas tous d’accord sur le principe de la délégation, mais je pense qu’il y a un problème en droit.
J’ai choisi l’exemple des langues et cultures régionales parce que je pense qu’il s’agit d’un fait majeur pour certaines régions —pas pour toutes, même si Paris, par exemple, porte très bien les écoles Diwan. Il y a des sujets qui intéressent plus une région qu’une autre. Pourquoi ne pas offrit la possibilité d’une délégation sous le contrôle d’un État garant et protecteur ?
Au moment où nous discuterons, dans le deuxième texte, de la décentralisation et de l’exercice des compétences, il apparaîtra peut-être de manière plus évidente que les fondamentaux de notre République ne se sont jamais opposés à ce qu’une collectivité territoriale puisse recevoir délégation, à condition que l’État en demeure le garant.
Nous allons voter cet amendement, qui est, me semble-t-il, fondamental, et je dois vous dire, madame la ministre, que vous ne m’avez pas convaincu. Il y a certes Paris, mais il y a aussi la banlieue, où l’on trouve des centres dramatiques nationaux, par exemple à Nanterre – les Amandiers –, à Aubervilliers – le théâtre de la Commune – ou à Gennevilliers. Il est donc important que l’État garde sa vocation de stratège en matière d’aide à la culture et de création culturelle, ce que ne pourra peut-être pas faire, dans de bonnes conditions, la métropole. Voilà pourquoi l’amendement de M. Bloche est important ; j’espère qu’il ne le retirera pas, car nous comptons le voter des deux mains.
Je comprends bien les arguments de M. Bloche : dans l’histoire de France, l’État a joué un rôle fondamental en matière culturelle, et ce, pratiquement, depuis Louis XIV. Souvent, son action en ce domaine a été extrêmement productive pour notre pays.
Mais, aujourd’hui, la situation a tout de même considérablement évolué. Ce que je vois, en ma qualité d’administrateur d’une collectivité locale, c’est que l’État n’a guère les moyens de poursuivre son action culturelle et qu’il est obligé de s’appuyer sur les collectivités locales. La délégation est un moyen de susciter le concours de ces dernières. Je vais vous citer un exemple survenu dans mon département sous le gouvernement actuel, qui a d’ailleurs pris une décision qui, à mes yeux, était bonne. Je vais vous dire de quoi il s’agit, car si je ne me gêne pas pour critiquer le Gouvernement, je ne manque pas, en sens inverse, de lui rendre justice quand j’estime devoir le faire.
C’est le débat républicain comme on l’aime !
Dans les Hauts-de-Seine se trouve, depuis environ trente ans, une tour très spectaculaire conçue par Dubuffet. Elle appartenait à l’État, qui ne l’a jamais entretenue, que le gouvernement soit de gauche ou de droite. Moralité, ce chef-d’oeuvre de l’art contemporain est en train de tomber en ruine. La ministre de la culture, Mme Filippetti, a donc pris la décision de transférer la propriété de cette oeuvre de l’État au département, à la condition que ce dernier l’entretienne et la restaure.
Dans le cadre des débats sur la décentralisation, j’aurais pu demander que l’État fournisse au département des Hauts-de-Seine les moyens d’entretenir et de restaurer cette tour, mais je suis obligé de constater que, malgré les demandes répétées à satiété par les élus locaux depuis trente ans, l’État ne l’a jamais fait parce qu’il ne dispose pas de budget pour ce faire. Si j’avais persisté dans cette attitude, il ne fait aucun doute que la tour Dubuffet serait totalement effondrée dans une dizaine d’années. En transférant à une collectivité locale la propriété de cet élément du patrimoine national, l’État l’a sauvé ; s’il ne l’avait pas fait, la tour aurait été détruite, à terme.
Aujourd’hui, l’État a beaucoup d’ambition dans le domaine culturel : c’est très bien, et nous nous en réjouissons tous. Cependant, il n’a absolument pas les moyens financiers de ses ambitions. Ainsi, comme cela a été rappelé tout à l’heure, ce sont les collectivités qui financent environ 70 % du fait culturel dans notre pays. Il faut donc bien accepter qu’il existe des procédures permettant aux collectivités locales de prendre en main la situation.
Tout à l’heure, M. Asensi a parlé du théâtre des Amandiers. L’État intervient encore pour définir la politique de ce théâtre, qui est une scène nationale d’une très grande importance et d’une très grande qualité : il a raison, et je l’ai soutenu. Mais il ne peut choisir le directeur des Amandiers que parce qu’il contribue fortement au financement de ce théâtre. Or cette situation ne sera pas éternelle, car les moyens de la culture se réduisent à peau de chagrin, ce qui justifie la définition de procédures nouvelles.
Nous avons parfois souffert de cette exception culturelle française, car elle consistait aussi à nous nier, nous les minoritaires de la République, dans notre langue et dans notre expression culturelle. Je vous le dis quand même, mes chers collègues, parce qu’il m’est arrivé d’essuyer quelques quolibets, de droite comme de gauche, même si le climat actuel est beaucoup plus pacifié, je vous le concède.
La région est déjà la collectivité qui finance en grande partie les politiques culturelles. Par exemple, quand la région verse deux euros au CNC, l’État n’en verse qu’un. Que la région soit aujourd’hui dotée d’un certain nombre de compétences nouvelles ne me paraît donc ni injuste, ni injustifié. Grâce aux politiques menées par la région, nous avons réussi à susciter des expressions culturelles originales, issues des territoires. Parfois, effectivement, ce n’est pas la région mais, par exemple, une communauté de communes qui en est à l’origine.
Comme moi, vous avez probablement reçu des mails de représentants des régions affirmant qu’ils étaient, au contraire, tout à fait favorables à cette délégation. Quant à moi, j’ai toujours été favorable à une démocratie culturelle tenant compte de la pluralité. Or cette pluralité est dans les territoires, alors que l’on parle en général de « démocratisation culturelle » lorsque la culture part du centre et irrigue les territoires. Pour ma part, je suis plutôt partisan d’une stratégie ascendante.
Je ne voudrais pas uniquement relayer ici l’inquiétude d’un certain nombre d’organisations et syndicats, dont le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles, que vous connaissez bien, madame la ministre. Je dis mon inquiétude, partagée par nombre de députés de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, de mon groupe ou d’autres groupes ici présents.
Si nous n’adoptons pas ces amendements, nous ferons une erreur historique étant donné ce qu’est l’histoire des politiques culturelles dans notre pays,…
…et poursuivie au-delà des alternances politiques que nous avons connues.
J’aurais presque pu rebondir sur l’intervention de M. Molac, tant elle justifie l’amendement que j’ai déposé. Comment peut-on concevoir la décentralisation, notamment la décentralisation culturelle, en faisant disparaître l’acteur majeur qu’est l’État ? Voilà le risque pour la culture : mettre en oeuvre une décentralisation qui, par délégation de compétences, réduise à néant le rôle de l’État, au moins dans un certain nombre de régions. J’en connais deux qui ont cette ambition – je ne les citerai pas, pour ne pas rendre mon propos inutilement polémique –, et qui souhaitent devenir en quelque sorte « l’État » sur leur propre territoire, et cumuler leurs compétences avec celles de l’État. C’est leur droit. Mais nous sommes la représentation nationale : nous pouvons donc aussi avoir le souci de légiférer pour la nation. Il existe vingt-deux régions en France, et notamment vingt régions autres que les deux que je viens d’évoquer, où il est nécessaire que l’intérêt culturel continue à exister.
Vous avez invoqué, madame la ministre, l’argument de l’accès du plus grand nombre de nos concitoyens à la culture. Mais nous le savons bien : qu’il s’agisse de l’État ou de n’importe quel niveau de collectivités territoriales – sans doute le niveau communal est-il le plus pertinent pour permettre au plus grand nombre d’accéder à la culture –, ce n’est pas la question. Il n’est pas non plus question, d’ailleurs, de la charte des langues régionales.
Madame la ministre, je veux simplement exprimer l’espoir que cet amendement soit adopté : en ce domaine, je souhaite que l’exception culturelle perdure, et que ce qui constitue l’architecture des politiques culturelles dans notre pays depuis trente ans ne soit pas mis à bas.
Comme l’a souligné le rapporteur, l’amendement no 543 que j’ai défendu tout à l’heure proposait une démarche globale. L’adage « qui peut le plus peut le moins » s’applique parfaitement en l’espèce.
Mon amendement no 543 visait notamment le champ culturel, dont nous mesurons l’importance au regard de l’histoire et de l’exception que nous voulons sauvegarder, préserver. La politique culturelle doit rester du domaine national. Ouvrir le champ culturel à la délégation de compétences serait une grave erreur.
Cet amendement s’inscrit dans la volonté de mieux encadrer le principe de délégation, en rappelant que les compétences déléguées « ne peuvent habiliter les collectivités territoriales et les établissements publics concernés à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement ».
Même dans des domaines importants, la précision apportée par l’amendement no 486 n’est pas très utile. Cependant, si cette précision est de nature à renforcer la sérénité de nos débats, alors marchons vers la sérénité, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 486 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 487 rectifié , qui fait l’objet d’un sous-amendement no 744 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement vise à introduire, à l’alinéa 21, un renvoi au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution. Toutefois, d’un point de vue légistique, il vaut mieux énumérer les matières auxquelles il est fait référence plutôt que de renvoyer à un texte de niveau supérieur : c’est le sens du sous-amendement no 744 déposé par le Gouvernement, auquel je donne évidemment un avis favorable.
La parole est à Mme la ministre, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 487 rectifié et soutenir le sous-amendement no 744 .
Il s’agit d’un sous-amendement de précision qui conforte l’amendement du rapporteur. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement no 487 rectifié ainsi sous-amendé.
Le sous-amendement no 744 est adopté.
L’amendement no 487 rectifié , sous-amendé, est adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
Article 2
Cet amendement vise à préciser que la stratégie régionale en matière d’aménagement numérique, élaborée conjointement par les départements et la région, devient le volet spécifique « aménagement numérique » du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement no 638 .
Cet amendement est identique à celui présenté par M. Molac : il est donc défendu.
Les objectifs de ces amendements sont tout à fait louables, puisque nous les poursuivons depuis la première lecture, notamment dans une entreprise de rationalisation et de simplification des schémas. Nous nous retrouvons tous pour dire que les élus passent beaucoup trop de temps à élaborer des schémas,…
…qui viennent s’empiler et s’amonceler les uns sur les autres.
Prévoir que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique soient des volets du SRADDT élaboré par les régions nous paraît une bonne mesure. Mais il y a une difficulté technique : ces deux schémas n’ont pas les mêmes auteurs. Il nous paraît donc un peu compliqué de prévoir à ce stade la fusion de deux schémas aux auteurs différents. En revanche, j’espère que le futur rapport sur la rationalisation et la diminution du nombre de schémas, dont nous avons adopté le principe en commission, permettra de répondre à ce type de difficulté technique.
À défaut d’un retrait de ces amendements, l’avis de la commission sera donc défavorable, non pas sur le fond, mais parce que le fait que ces schémas ont des auteurs différents nous empêche de les fusionner.
Je ne ferai pas mieux que l’excellente argumentation du rapporteur. Je demande aussi le retrait de ces amendements, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
L’amendement no 638 est retiré.
L’amendement no 226 est retiré.
L’article 2 bis est adopté.
Je profiterai de mon intervention sur l’article pour défendre mes trois amendements nos 477 , 480 et 483 , dont l’esprit est très proche : cela nous laissera davantage de temps pour la suite de nos débats.
Avec cet article 3, nous abordons la répartition des compétences entre les collectivités, et en particulier la notion de chef de file. Les différents alinéas déterminent la distribution des compétences de la région et du département, dans un détail évidemment compréhensible pour un texte de cette nature.
J’opposerai plusieurs critiques à cet article. En premier lieu, la notion de chef de file est tout sauf certaine en droit. Après la première lecture et la navette avec le Sénat, j’attends encore que l’on nous explique ce que veut dire précisément « être chef de file ». Cela signifie-t-il gérer, élaborer, préparer, coordonner, décider, réglementer ? On ne le sait pas. On peut écrire « chef de file » dans un rapport ou prononcer cette expression dans une conversation à bâtons rompus, mais à l’Assemblée nationale, nous écrivons du droit : il faut donc être plus précis que cette notion qui n’a aucune assise, comme on dit au Québec, de quelque nature que ce soit.
Il convient donc de modifier cette notion : c’est la raison pour laquelle je propose d’abord, dans mon amendement no 477 , de supprimer l’article 3, qui repose sur la notion floue de chef de file et qui est irrigué tout entier par cette imprécision.
L’amendement no 483 propose, à l’alinéa 6, de substituer aux mots : « d’organiser, en qualité de chef de file », les mots : « de coordonner ». Ce dernier terme ne convient peut-être pas à l’esprit du Gouvernement, mais il a l’avantage d’être plus clair en français. Enfin, l’amendement no 480 propose de supprimer les alinéas 6 à 15, parce que nous sommes devant une vraie recentralisation régionale.
La semaine dernière, mon collègue Juanico et moi-même avons remis un rapport sur la mobilité sociale à la commission d’évaluation et de contrôle, et je suis parfaitement d’accord pour confier à la région des missions spéciales et renforcées en raison des responsabilités qui sont les siennes s’agissant des territoires. Mais si cela se fait dans le sens d’une recentralisation, d’une captation d’initiative ou de champ d’intervention au détriment des autres collectivités, nous serions là dans une authentique régression par rapport à l’organisation territoriale actuelle. Monsieur le président, vous pouvez considérer ces trois amendements comme défendus.
Pour aller à contre-courant de M. Poisson, je dirai que cet article non seulement affirme mais aussi définit le rôle de chef de file.
Cette notion a certes été beaucoup discutée et a soulevé nombre d’interrogations, mais à bien y regarder de près, ces discussions et ces interrogations relèvent souvent de considérations abstraites. Je renvoie à l’article 72 de la Constitution, qui pose le principe selon lequel « […] lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Le même article définit les conditions dans lesquelles les compétences impliquant plusieurs collectivités doivent s’exercer, et renvoie à une conférence territoriale de l’action publique la mise en oeuvre coopérationnelle. Le chef de file n’est donc pas une fonction d’autorité, mon cher collègue Poisson, ni n’a un statut décisionnaire pour le compte ou en lieu et place des autres collectivités. Il vise à donner un cadre à des projets sur un territoire pour lequel ont été définis une priorité et, déjà, en principe, un acteur responsable dudit territoire.
Je veux pour ma part, au contraire, saluer le projet de loi. Il peut apparaître au départ complexe mais, en fait, il est réaliste. L’affirmation des métropoles et des partages de compétences dans la clarté et dans la cohérence constitue une réponse aux sédimentations successives et historiques des institutions et des ressources. Contrairement à la réforme décidée sous le quinquennat précédent, où l’exclusivité de l’exercice des compétences visait à empêcher les financements croisés, ceux-ci redeviennent possibles aujourd’hui, et leur construction, pensée en amont, les rendra visibles et donc compris par nos concitoyens. Le législateur a préféré la responsabilité, l’adaptabilité et l’intelligibilité à l’interdiction.
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Je rappellerai seulement que la notion de chef de file est définie dans notre Constitution, à l’alinéa 5 de l’article 72 qui, comme l’a dit Mme Karamanli, prévoit la possibilité d’organiser les modalités de l’action commune par les collectivités territoriales ou par leurs groupements. Je précise que sa portée reste limitée puisque le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition habilitait la loi à désigner une collectivité pour organiser les modalités d’action commune de plusieurs collectivités, mais ne conférait pas à ladite collectivité un pouvoir de décision pour déterminer cette action commune. Je renvoie à sa décision du 24 juillet 2008 sur la loi relative aux contrats de partenariat.
Par conséquent, nous nous trouvons dans un cadre où il y a plusieurs principes à respecter en matière de libre administration et de non-tutelle. La jurisprudence est certes peu fournie puisqu’il ne s’agit que d’une seule décision, mais elle est importante. Elle émane en effet du Conseil constitutionnel, qui a précisé que les collectivités ne peuvent pas décider, coordonner, définir ou déterminer les priorités, mais seulement organiser les modalités de l’action commune. C’est parce que nous sommes dans ce cadre que nous avons fait le choix du chef de filât, afin d’aller vers une rationalisation et une meilleure lisibilité de l’action publique.
Il aurait fallu que vous déposiez un sous-amendement à cet effet, messieurs les députés. Monsieur Devedjian, vous êtes féru en droit, et vous savez qu’on ne reprend pas mot à mot dans une loi ce qui est déjà écrit dans une autre, surtout si c’est dans la loi fondamentale. Mais je vais essayer de vous rassurer en faisant preuve du même bel esprit républicain que vous tout à l’heure.
Lors d’un débat sur le chef de file, notion issue du fameux article de la Constitution qu’Olivier Dussopt vient d’expliquer, le Président de la République lui-même avait à l’époque écrit à l’AMF ceci : « […]il nous faut développer les outils qui permettent de renforcer la coordination entre les collectivités. C’est, par exemple, renforcer les prérogatives des collectivités que la loi désigne comme "chef de file", qui sont aujourd’hui réduites à un rôle de facilitateur, sans pouvoir de décision. C’est, aussi, avoir plus fréquemment recours à la notion d’autorité organisatrice […] » Il expliquait que l’idéal, c’était que la loi précise dans quel cas et pourquoi on choisit la notion de chef de file. Je pense que c’est une parfaite explication de l’article de la Constitution qui a été évoqué.
J’ai cru comprendre que votre avis sur mes amendements est défavorable.
Je vous remercie pour votre esprit républicain, mais avec tout le respect pour la parole des Présidents de la République en général et celle du Président Sarkozy en particulier, une lettre du chef de l’État ne vaut pas texte de loi.
Par ailleurs, l’article 72 de la Constitution précise bien qu’il convient que les collectivités locales organisent elles-mêmes les modalités de leur coopération. Il est vrai que nous aurions pu sous-amender, mais je me demande pourquoi le projet de loi utilise une notion qui est inconnue en droit au lieu de mentionner à l’article 3, par exemple : « comme c’est prévu à l’article 72 de la Constitution ». On aurait pu trouver une formulation. En l’état, je trouve tout cela très imprécis et je maintiens mes amendements.
Je vais rassurer nos collègues Devedjian et Poisson : l’alinéa 6 précise que « la région est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives […] », l’alinéa 16 reprenant les mêmes termes pour le département et l’alinéa 22 pour la commune ou l’EPCI. Nous avons repris la rédaction de l’article 72 de la Constitution et c’est en s’appuyant sur cette rédaction que le texte qualifie les collectivités de chefs de file.
L’amendement no 477 n’est pas adopté.
Je vous demande une suspension de séance, monsieur le président.
Article 3
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
L’amendement no 480 n’est pas adopté.
L’amendement no 483 n’est pas adopté.
S’agissant du statut des métropoles, il est important que la métropole n’autorise pas les agglomérations en question à piloter leur propre politique en matière d’aide aux entreprises et d’aménagement du territoire, sans tenir compte des schémas régionaux.
Prenons deux exemples : Munich, capitale de la Bavière, ne conteste aucunement la prééminence du Land, de même que Barcelone ne conteste pas celle de la Generalitat de Catalogne. Cela ne les a pas empêchées de devenir des métropoles d’envergure européenne, sans pour autant se dégager de leurs régions.
Tout à l’heure, dans ma réponse à M. Poisson, j’ai évoqué la décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2008 selon laquelle une collectivité ne peut pas prendre de décision pour les autres. Le caractère prescriptif des schémas souhaité par notre collègue Molac ayant pour conséquence d’aller à l’encontre de la décision du Conseil constitutionnel, mon avis ne peut être que défavorable.
Je signale tout de même que le schéma directeur de la région Île-de-France est prescriptif, me semble-t-il, en ce qui concerne les transports parisiens.
Puisque l’on fait souvent référence au SDRIF, je voudrais apporter une précision : il est approuvé par l’État, monsieur Molac.
L’amendement no 101 n’est pas adopté.
L’article 3 est adopté.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 493 .
Avec cette conférence territoriale de l’action publique, nous sommes face à un dispositif dont je peine, ainsi que mes collègues cosignataires, à percevoir l’utilité réelle. C’est la raison pour laquelle nous proposons tout simplement de supprimer cet article.
Je répondrai en deux points.
D’abord, je rappelle qu’entre la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture et celle que la commission des lois vous propose aujourd’hui sur la conférence territoriale de l’action publique, nous avons inversé la logique.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, nous avions initialement prévu que l’article 3 déterminerait les chefs de file, que l’article 4 mettrait en place les CTAP, leur mode de fonctionnement et leurs objectifs, en particulier les conventions d’exercice partagé des compétences, et que l’article 5 s’attacherait aux conséquences financières pour les collectivités refusant de souscrire aux conventions, sachant que ce refus ne leur interdisait pas d’agir du fait de la libre administration et de la clause de compétence générale, mais les privait de certains financements.
À la suite de discussions, notamment avec nos amis sénateurs, nous avons considéré que cela pouvait être vu comme un peu trop difficile et trop rugueux par certaines collectivités, et qu’il valait mieux recourir à l’incitation.
C’est pourquoi, dans l’article 3 que nous venons d’adopter, il est désormais prévu que les collectivités maîtres d’ouvrage d’opérations doivent apporter un financement minimum de 40 % du total du projet.
Dans l’article 4, nous proposons que cette règle d’un financement minimal à 40 % soit remplacée par une règle à 20 % pour les collectivités qui souscrivent aux conventions d’exercice partagé. Les collectivités ont donc un véritable intérêt à souscrire à ces conventions d’exercice partagé, à rationaliser l’exercice de leurs compétences et à être ainsi plus efficaces dans l’action publique.
Au-delà de cette inversion de la logique, nous défendons le principe de l’existence même des CTAP, pour deux raisons.
La première, c’est que nous faisons confiance aux élus locaux et aux collectivités pour organiser ensemble les modalités de leur action sur les compétences qui sont partagées et ainsi aller vers de la rationalisation.
C’est un point important : plutôt que de spécialiser les compétences et enfermer les collectivités dans certaines compétences, nous avons fait le choix de la clause de compétence générale, et donc de la confiance, pour permettre aux collectivités, territoire par territoire, région par région, de s’organiser librement.
Nous le faisons aussi pour une deuxième raison : cette idée d’une conférence territoriale de l’action publique, avec des prérogatives plus importantes que les conférences régionales des exécutifs qui existent actuellement et qu’elles vont remplacer, est née parce que de tels lieux de débats sont demandés depuis très longtemps.
Ils sont demandés dans différents rapports parlementaires, notamment à l’initiative de sénateurs tels qu’Alain Richard, Edmond Hervé, Jacqueline Gourault ou encore à Yves Krattinger, et plus récemment dans l’étude annuelle du Conseil d’État de 2013 qui rappelait : « L’usage des schémas qui semble avoir longtemps été consensuel suscite aujourd’hui des réticences marquées. »
Le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative en témoigne, en appelant à mettre de l’ordre au pays des schémas.
Il apparaît donc très souhaitable de définir une méthode permettant d’apprécier l’opportunité de la création de nouveaux schémas mais surtout d’envisager des pistes de rationalisation et ainsi d’organiser une action partenariale au niveau des territoires.
C’est vraiment dans cet esprit, en nous appuyant sur les travaux de l’étude annuelle du Conseil d’État de cette année et sur les différents rapports qui ont été rendus par nos collègues ici et particulièrement au Sénat, que nous voulons mettre en place ces conférences territoriales de l’action publique pour ces conventions d’exercice partagé, pour la rationalisation et aussi en les invitant à mutualiser au mieux les moyens dont elles disposent pour l’action publique.
L’avis est donc évidemment défavorable pour tous les amendements de suppression des CTAP.
Le rapporteur a très bien défendu un avis que je partage. J’ajoute que dans son dernier rapport, le Conseil d’État utilise une notion qui nous a beaucoup intéressés, celle du droit souple : comment rationaliser, simplifier, clarifier ? Cette proposition lui semble être un moyen d’y parvenir. On lit dans ce rapport : « Rationaliser le recours aux schémas et documents de programmation est important aujourd’hui. Il apparaît souhaitable d’enrayer la multiplication des schémas sectoriels ». Je partage cet avis et nous sommes nombreux dans ce cas.
Et de poursuivre : « Il apparaît souhaitable de définir une méthode permettant d’apprécier l’opportunité de la création de nouveaux schémas ainsi que d’envisager des pistes de rationalisation. Celles-ci peuvent notamment consister à regrouper plusieurs schémas dans un document plus synthétique, assurer l’implication des principales parties », etc.
Où le faire ? Dans quelle instance avoir ce débat que le Conseil d’État nous propose de populariser auprès de chaque entité, sinon au sein d’une conférence territoriale de l’action publique ?
L’avantage est de répondre à l’inquiétude soulevée par les chefs de file, qui s’est exprimée tout à l’heure. Pour reprendre l’exemple de la délégation de compétences – nous en avons parlé ensemble tout à l’heure, en disant qu’elle pourrait aussi concerner le domaine de la culture –, où discute-t-on pour déterminer qui fait quoi et avec quel type de moyens ? L’idée que nous portons depuis longtemps est sans doute complexe à expliquer. Cela vaut cependant le coup de perdre un peu de temps à une discussion entre les exécutifs pour que, par la suite, pendant tout un mandat, chacun sache qui fait quoi, où et avec quel type de moyens.
Je pense vraiment que c’est un lieu de concertation qui nous permettra, en plus, comme je l’avais dit dans mon propos liminaire, de répondre à ce qui va forcément se produire. Le monde change vite, le monde des relations, bien sûr, mais aussi la technologie. Il y a quelques années personne n’aurait eu besoin de discuter de la compétence numérique. Il est clair que, à l’avenir, d’autres types de compétences apparaîtront. Faudra-t-il, chaque fois, refaire une loi, repartir des chefs de file, repartir des schémas, des compétences ? Non. Peut-être qu’on pourra se dire que ce nouvel objet peut être discuté au sein de la conférence territoriale de l’action publique, pour qu’on trouve une solution. C’est seulement si on n’y trouve pas de solution qu’on en appellera à un nouveau véhicule législatif.
Ce qui m’a toujours frappée, à propos de la décentralisation, des transferts de compétences, des délégations dont on vient de parler, c’est le nombre de lois qui se succèdent, c’est la difficulté que rencontre chacun pour s’y retrouver au fil du temps. Chaque fois qu’on ouvre le champ de la loi, on ouvre le champ de l’attente et, dans un monde qui va vite, ce n’est peut-être pas une bonne solution.
Si j’y contribue largement, j’espère, monsieur Devedjian, que c’est plutôt avec cette notion de droit souple. Cela implique un texte complexe, mais le Conseil d’État nous donne raison. Une fois que nous aurons institué cette nouvelle ère du contrat, alors nous aurons moins de lois à porter.
Je suis donc défavorable à toutes les suppressions possibles et imaginables de la CTAP.
Je comprends l’intention. Il s’agit de faire en sorte que les collectivités territoriales ou locales se parlent ou échangent. J’observe d’abord qu’il y a de très nombreuses procédures de consultation obligatoires dans la préparation d’un certain nombre de schémas directeurs, de plans, à commencer par l’urbanisme. Les conseils régionaux, les conseils généraux sollicitent assez volontiers les communes établies sur leur territoire ou les informent assez volontiers de leurs projets. Dans ce monde, nous ne sommes pas chacun dans notre coin, un peu comme des alpinistes qui se retrouvent au sommet d’une cheminée de volcan si tout va bien et si tout le monde marche à la même vitesse. Ce n’est pas ça, quand même, l’organisation du territoire aujourd’hui. Dieu merci, nous sommes assez grands, les uns et les autres, pour prendre la décision d’échanger, de parler.
En plus, je constate que le conseil prévu ne rendrait que des avis. Paradoxalement, vous souhaitez une instance pour que les gens se parlent, qu’ils donnent un avis qui n’obligera personne, par définition, puisqu’un avis n’oblige personne.
Je ne vois franchement pas comment continuer de justifier cette instance compliquée, qui engendrera des frais supplémentaires, des difficultés d’organisation. Je ne vois pas, encore une fois, la valeur ajoutée de ce dispositif. Inciter des élus à se parler ? Ils le font beaucoup. Échanger ? Ils le font beaucoup. S’écrire ? Bref, tout cela existe déjà. Je ne comprends donc toujours pas, madame la ministre, monsieur le rapporteur, malgré vos explications et votre diligence, les raisons pour lesquelles vous maintenez cet article.
L’amendement no 493 n’est pas adopté.
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l’amendement no 42 .
Cet amendement vise à compléter l’alinéa 3 de l’article 4 par la phrase suivante : « [La CTAP] débat chaque année des questions relatives au développement culturel, en présence du représentant de l’État dans la région. » Je le rappelle, l’objectif de la CTAP est de permettre un exercice concerté des compétences, et nous sommes tout à fait favorables à ce qu’elle fixe elle-même son ordre du jour. Chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’une instance de dialogue qui réunisse l’État et les collectivités afin de permettre une meilleure coordination et une plus grande lisibilité des interventions.
La CTAP culture est réclamée par un grand nombre d’acteurs culturels, mais aussi par un grand nombre d’élus chargés de ces questions. C’est un rendez-vous important pour irriguer nos territoires d’arts et de spectacles avec un objectif de continuité de l’État et d’accès du plus grand nombre à la culture.
C’est un amendement dont on comprend le sens et la portée, qui fait le lien avec le débat que nous avons eu tout à l’heure. D’autres demandes ont été exprimées : une CTAP spécifique pour la question de l’eau ; une CTAP spécifique pour la question des zones de montagne. Je pense qu’il serait peut-être imprudent que la loi prévoie des formations spécialisées, dans chacune des CTAP, pour chacune des thématiques.
En revanche, si notre collègue Piron, auteur de l’amendement no 146 , ou l’un des cosignataires de celui-ci, ne nous rejoint pas au moment de son appel, je le reprendrai en tant que rapporteur, puisqu’il a eu un avis favorable de la commission. Son objet est de permettre aux CTAP de mettre en place des formations spécialisées, à leur convenance, pour étudier plus précisément certaines compétences. Je vous demande donc, monsieur Travert, de retirer cet amendement, et nous pourrons nous rallier bientôt à l’amendement no 146 .
L’amendement no 42 est retiré.
En réalité, cet amendement est un hommage à Gaston Defferre. Il est effectivement écrit, dans la loi du 2 mars 1982, qu’il n’y a pas de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, et, d’après les chroniqueurs, c’est Gaston Defferre lui-même qui l’a souhaité. C’est la raison pour laquelle il nous semble naturel que cette conférence territoriale maintenue, puisque les amendements de suppression n’ont pas été adoptés, désigne son président en son sein, tout simplement, comme le font toutes les assemblées, comme nos prédécesseurs glorieux l’ont fait ici même, lors du serment du jeu de paume. Pourquoi forcer le président du conseil régional à être président de cette conférence ? Je pense que c’est complètement contraire à la loi de décentralisation de 1982.
J’ajoute d’ailleurs que Mme Appéré a déposé un amendement voisin à propos de l’outre-mer. Appliquons donc au territoire métropolitain ce que Mme Appéré veut pour l’outre-mer. C’est cela aussi, l’unité et l’indivisibilité de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 499 .
Nous avons eu ce débat en commission, ainsi qu’en première lecture. Le principal argument d’un certain nombre d’opposants à la création de la CTAP était qu’il ne fallait pas créer une structure politique supplémentaire, un Sénat territorial ou régional, qui aurait été consacré à des débats politiques partisans, territoriaux, sur les politiques publiques. C’est avec cette idée et cet objectif que nous avons supprimé l’idée même d’adopter, dans les CTAP, les conventions d’exercice partagé, ou d’adopter ou rejeter des amendements à ces conventions, pour éviter que ne se forment des majorités ou des minorités.
Nous considérons que le président de la région doit automatiquement être le président de la CTAP pour deux raisons.
La première, en cohérence avec ce que je viens de dire, c’est d’éviter que l’élection d’un président ne forme une majorité ou une minorité, ce qui donnerait un caractère extrêmement politique à la CTAP.
La deuxième, c’est que, par ses fonctions, par les structures dont il dispose, le président du conseil régional est celui qui a une vue et une action sur l’ensemble de la région. En outre, de manière arithmétique, il sera forcément minoritaire, dans la CTAP, qui comptera généralement un président de région et plusieurs présidents de département, à quelques exceptions près, outre-mer.
L’avis est donc défavorable. Nous souhaitons le maintien d’une présidence automatique des CTAP par les présidents de région.
Vous parliez tout à l’heure de complexité et de difficulté. L’idée est bien d’avoir une conférence raisonnable et raisonnée. La régionalisation de l’action publique n’exclut pas l’esprit républicain.
Il y a effectivement un seul président de région et quelques présidents de département. Il s’agit de répartir le plus tôt possible les compétences. On a souvent parlé, par exemple, de la question de l’immobilier d’entreprise. Si on commence par un débat sur la présidence – qui peut échouer, on ne sait jamais – avant de pouvoir se demander qui prendra en charge l’immobilier industriel, l’immobilier d’entreprise, l’artisanat ou les TPE, je crains, effectivement, une complexité forte et des difficultés dans la mise en place de la conférence.
Il s’agit d’un esprit républicain partagé, d’une volonté de rationaliser, de simplifier, de clarifier et, au fond, le seul qui soit seul, passez-moi l’expression, c’est le président du conseil régional, sauf dans certains territoires à propos desquels on pourrait nous rétorquer qu’il y a une seule métropole. Il nous semble qu’il vaut mieux avoir comme président un président de conseil régional qui représente, lui, tout le territoire et qui est responsable du schéma régional.
Je parle des amendements nos 352 et 499 et seulement d’eux, monsieur Devedjian. Il y a un président de région, et un seul, tandis qu’il y a des présidents de département et des présidents de communautés d’agglomération : vous savez qu’en outre-mer ce n’est pas toujours ainsi. Nous y reviendrons tout à l’heure, dans un microdébat sur l’amendement de Mme Appéré.
C’est curieux, cette manière d’envisager les discussions qui se tiendront dans ces CTAP ! Imaginer une seule seconde que, entre élus locaux, ou territoriaux, si vous préférez, qui président des exécutifs – puisque l’ensemble des exécutifs seront représentés dans cette assemblée, si j’en crois les alinéas qui portent sur sa composition –, imaginer une seule seconde, donc, que l’on puisse avoir des débats d’une autre nature que politique,…
…c’est avoir une confiance un peu exagérée dans la capacité de rationalité des élus que nous sommes.
Très franchement, si on ne commence pas assez rapidement à parler d’influence d’un territoire sur un autre, de compétition, bref, de choses dont nous traitons à peu près tous les jours, là où nous sommes, les uns et les autres…Il n’y a pas de raisons particulières de considérer que la constitution de la CTAP serait parée d’une vertu juridique qui la préserverait de tels errements.
En outre, dans la mesure où vous n’avez pas décidé de confier à la région des pouvoirs spécifiques – vous avez renoncé à la réforme des collectivités de 2010, vous n’avez pas voulu répartir précisément les compétences des uns et des autres –, je ne vois pas pourquoi le président de région, automatiquement, présiderait une CTAP dans laquelle on parle de tout, de tous les territoires, de toutes les compétences et de toutes les articulations.
Certes, le rôle de ces assemblées sera consultatif, et on pourra considérer que, comme elles sont saisies pour avis, le fait que le président de la région les préside n’implique pas une tutelle d’une collectivité sur une autre. Mais enfin, même si c’est pour avis, ces travaux ne seront pas neutres. J’observe d’ailleurs qu’une question est posée sur la publicité de ces travaux, parce qu’il faudra quand même que nous puissions en être informés, les uns et les autres, de manière assez précise.
Pour toutes ces raisons, je soutiens ces amendements d’Hervé Gaymard et de nos collègues du groupe UMP. Compte tenu du fait qu’elle sera éminemment politique ou ne sera pas, il nous paraît très important que cette assemblée puisse choisir son président comme elle le souhaite.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement no 640 .
Je ne m’attendais pas à ce que cet amendement ait un tel succès. Je voulais simplement soulever la question spécifique de territoires et départements d’outre-mer qui sont en fait des régions mono-départementales. Il nous semblait compliqué, dès lors, de procéder systématiquement à la désignation du président de région.
Cependant, cet amendement pose des problèmes rédactionnels certains. Je ne voudrais pas qu’il puisse illustrer le propos de M. Gaymard puisque notre conviction est précisément que le président du conseil régional doit être le président de la CTAP. Je le réaffirme, mais je retire cet amendement.
L’amendement no 640 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 146 de M. Piron, que la commission a repris.
Je reprends volontiers à mon compte cet amendement de M. Piron. Il a pour objet d’inscrire dans la loi que les CTAP peuvent – c’est une liberté qui leur est offerte, non une obligation – installer des formations spécialisées et thématiques.
Excusez-moi, monsieur le président, je croyais que M. le rapporteur reprenait l’amendement no 640 de Mme Appéré.
Non, madame la ministre, M. le rapporteur reprend l’amendement no 146 de M. Piron.
Oui, monsieur Devedjian, je vous accorde que cela aurait en effet été très drôle.
J’aurais préféré que l’amendement no 146 de M. Piron, qu’a présenté M. Dussopt, soit retiré. S’il n’est pas retiré, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 146 est adopté.
Cet amendement vise à supprimer la phrase de l’article 4 prévoyant que le préfet peut assister à toutes les séances de la conférence territoriale de l’action publique. Si la participation du préfet est légitime pour tout ce qui concerne l’action de l’État et les délégations de compétence, lui permettre de participer à toutes les séances qui ne traitent que des questions de coordination entre collectivités ne me paraît pas nécessaire.
J’ajoute qu’en règle générale c’est le président d’une assemblée qui décide des personnes invitées aux séances de cette assemblée, ce ne sont pas elles qui s’invitent.
Cet amendement a été évoqué en commission, monsieur le président. Comme alors, mon avis est défavorable. Il me paraît important que l’État puisse être présent. En effet, dans une assemblée composée de responsables éminemment politiques, les questions relatives aux délégations de compétence peuvent à tout moment être évoquées, non pas selon un clivage partisan, mais du point de vue de la politique générale.
Il y a cinq minutes la CTAP n’était absolument pas politique, voilà qu’elle le devient !
L’amendement no 213 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement no 639 .
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Nous n’en voyons pas le sens, dans la mesure où le CESER a vraiment son rôle à jouer. En revanche, la CTAP peut inviter un ou des représentants du CESER, comme d’autres organismes.
L’amendement no 639 est retiré.
L’article 4, amendé, est adopté.
Les collectivités territoriales sont actuellement peu investies dans les gares publiques routières, du fait de la multiplicité des acteurs qui peuvent en prendre la responsabilité. Cet amendement vise à clarifier ces compétences et à identifier l’autorité organisatrice de transport compétente sur chaque gare publique routière, à l’aide du schéma régional d’intermodalité.
L’amendement de M. Molac prévoit de manière très précise que le conseil général détermine l’autorité organisatrice pour chacune des gares routières. Il ne nous paraît pas vraiment satisfaisant de laisser une collectivité – quand bien même ce serait la région, chère à M. Molac – le soin de déterminer quelle collectivité serait compétente pour une gare publique routière. L’avis de la commission est donc défavorable.
Après avoir entendu les arguments développés par M. le rapporteur, je crois que M. Molac va retirer son amendement. En effet, nous sommes confrontés là à une difficulté relative à l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre.
Je retire cet amendement. Permettez-moi simplement de rappeler que c’est justement la région qui est chargée de l’intermodalité. Ma proposition ne me paraissait donc pas incohérente !
L’amendement no 102 est retiré.
Cet amendement apporte plus de précision quant à l’approbation des schémas régionaux d’intermodalité par les autorités organisatrices de la mobilité. Il est logique qu’une majorité des agglomérations ayant l’obligation d’élaborer un plan de déplacement urbain soit en accord avec le contenu des SRI, qui sont des documents prescriptifs vis-à-vis des plans de déplacement urbain, les PDU.
La parole est à Mme Estelle Grelier, pour soutenir l’amendement no 514 .
La commission a rendu un avis défavorable sur ces deux amendements, considérant que cette condition de majorité supplémentaire peut rendre encore plus difficile l’adoption du schéma régional de l’intermodalité.
Cet amendement vise à compléter l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme en ce qui concerne la nécessaire compatibilité des schémas de cohérence territoriale, les SCOT – ou, en l’absence de SCOT, des plans locaux d’urbanisme – avec les schémas régionaux de l’intermodalité.
Il s’agit en fait de donner un caractère prescriptif au schéma régional de l’intermodalité. Nous revenons ainsi au débat que nous avons eu tout à l’heure à propos de la tutelle et du principe de libre administration. L’avis de la commission est donc défavorable.
Même avis que le rapporteur, monsieur le président : défavorable, à défaut de retrait.
L’amendement no 453 est retiré.
L’article 8 bis est adopté.
L’article 9 bis A est adopté.
Cet amendement vise à redéfinir le découpage d’un certain nombre de régions ou de départements. Les conditions de quorum des référendums pour la modification de la carte administrative de la France doivent être assouplies. L’application des règles de quorum actuelles peut conduire à imposer un quorum inaccessible : on l’a vu, par exemple, en Alsace. On a pu constater que nos concitoyens s’intéressent malheureusement peu à ces consultations, même s’ils déclarent en approuver le principe. Ces modifications sont pourtant souhaitables au regard de la complexité de l’organisation territoriale et de l’absence de caractère démocratique de certains découpages.
Par ailleurs, il convient de remédier à un conflit de rédaction. Il ne peut être interdit à la collectivité d’organiser un référendum sur la modification de ses limites pendant la période même d’une campagne organisée sur le fondement du dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, qui a précisément pour objet la modification de limites territoriales.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 355 et 356 .
L’amendement no 355 , dont nous avons déjà débattu en commission, part d’un constat paradoxal. D’une part, le présent projet de loi envisage la création de métropoles par décret, pour les métropoles de droit commun, quand les conditions objectives fixées par la loi, notamment en matière de population, seront réunies. D’autre part, suite à un amendement adopté par le Sénat à l’occasion de l’examen de la loi de 2010, quand des collectivités territoriales veulent s’unir, elles doivent passer par un processus assez long : les assemblées concernées doivent d’abord délibérer, puis un référendum doit être organisé un an avant les prochaines élections. Ce référendum est soumis à une condition de participation minimale.
Il nous semble donc qu’il y a deux poids deux mesures. D’un côté, on crée des entités considérables par décret, sans consulter les populations, et de l’autre, même des petites communes qui voudraient s’unir devraient passer par cette procédure compliquée – je connais un cas de ce type dans mon département. De deux choses l’une : soit des référendums pour tout le monde, soit pour personne !
Je pense que cet article, s’il était adopté en l’état, entraînerait une rupture d’égalité. J’ai cru comprendre, après le débat de ce projet de loi en première lecture, que le Gouvernement ne souhaite pas qu’il y ait des référendums pour la création des métropoles. Il me semble donc logique qu’il n’y ait pas non plus de référendum quand des collectivités territoriales veulent se regrouper. Comme on le sait, cela pourrait simplifier grandement l’organisation territoriale de notre pays, sur la base de la volonté des assemblées délibérantes.
Ce débat est éminemment complexe, car il touche aussi à la question du contrôle démocratique que les électeurs souhaitent légitimement exercer sur les limites des collectivités territoriales, leurs compétences, leurs regroupements, et l’avenir des territoires dans lesquels ils vivent. Deux points ressortent des débats qui ont eu lieu en première lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, des discussions et des échanges que nous avons pu avoir, et des auditions que nous avons réalisées. Ces points justifient l’avis favorable donné à des amendements du groupe socialiste lors de leur examen par la commission, puis à d’autres amendements que la commission a examinés lors de la réunion qu’elle a tenue en application de l’article 88 du règlement. Ces amendements sont de deux natures.
Premier point : le fait que certaines régions de notre pays sont de trop petites tailles, et qu’il faut favoriser leur fusion, est un constat partagé. C’est pour cela que la commission a adopté un amendement de Mme Appéré, précisant que dans le cas de régions – contiguës, évidemment –, l’organisation d’un référendum ne serait plus obligatoire. Le débat se pose dans des termes différents pour les départements, car de nombreux représentants de ces collectivités sont assez hostiles à ce que les fusions de départements soient exemptées de référendum. En ce qui concerne les communes, le cas de figure est tout à fait différent : c’est plutôt la formule des communes nouvelles qu’il faut privilégier. Cela nous écarte de la question du référendum.
La question du référendum se pose dans le cas d’une fusion de régions ou de départements, c’est-à-dire entre collectivités appartenant à la même strate, mais aussi dans le cas d’une fusion entre région et départements – l’exemple le plus récent, non abouti, étant celui de l’Alsace –, ou encore dans le cas du rattachement d’un département à une région contiguë –, ce qui pose la question de l’accord de la région délaissée. Lors de l’examen du texte en commission, il y a maintenant une quinzaine de jours, et lors de la réunion tenue en application de l’article 88 du règlement, la commission n’a donné un avis favorable qu’à deux types d’amendements. D’une part, un amendement de Nathalie Appéré a été intégré au texte que nous examinons : il supprime l’obligation de tenue d’un référendum pour les fusions de régions, et uniquement de régions.
D’autre part, un avis favorable a été donné aux amendements qui abaissent à 10 % du collège d’élus le nombre de signataires minimum pour obliger l’inscription à l’ordre du jour d’une collectivité. Un avis défavorable a été donné à tous les autres amendements : à ceux qui visent à supprimer la condition de référendum pour les fusions de départements ou d’autres collectivités, ou pour les rattachements de collectivités à une collectivité voisine – notamment d’un département à une région voisine –, et à ceux qui visent à modifier les seuils de participation exigés pour qu’un référendum soit valable. J’aurai certainement l’occasion de la redire à l’occasion de l’examen de ces différents amendements, mais permettez-moi de répéter la position de la commission. La commission a approuvé la suppression du référendum pour les fusions de régions, et uniquement de régions. À présent, je ne donnerai un avis favorable qu’aux cinq ou six amendements qui abaissent à 10 % du nombre d’élus d’une assemblée le seuil pour obtenir une inscription à l’ordre du jour de cette assemblée.
Je comptais intervenir sur l’ensemble des amendements en discussion commune, mais M. le rapporteur vient d’énoncer les excellents arguments de la commission des lois. Or les arguments du Gouvernement sont les mêmes. Je suivrai donc l’avis de M. rapporteur sur ces différents amendements, qui reflète le travail accompli par la commission des lois.
J’ajouterai juste un élément à propos des fusions entre régions et départements. Il a souvent été question de ce sujet : ce n’est pas récent. Je pense notamment à des régions qui ont quasiment le même nom et qui, pour des raisons qui tiennent à l’histoire, ne sont pas unies, mais pourraient l’être un jour.
Pour ce qui concerne les départements, dans un débat précédent, le ministre de l’intérieur avait insisté, à juste titre, sur la question de la proximité. À mon avis, tous les ministres de l’intérieur, et ce de façon transpartisane, ont eu la même vision des choses : le rôle des régions est de s’occuper de la stratégie de développement, et elles ont besoin pour cela d’une certaine hauteur de vue, tandis que le rôle des départements – je comprends que vous vouliez les supprimer, mais pour l’instant, ils sont encore là… –, c’est de s’occuper de la proximité. J’en ai d’ailleurs débattu dans d’autres instances avec des personnes dont certaines sont présentes dans cet hémicycle. Il est très compliqué d’éloigner certaines politiques, comme l’action sociale, de la population.
Je le répète, je suivrai l’avis du rapporteur. Les amendements que je voulais développer étaient quasiment identiques aux siens.
Je constate que le débat s’engage en réalité sur tous les amendements traitant du même sujet, et pas seulement sur ces quatre amendements en dicussion commune.
Afin de bien me faire comprendre, je vais prendre l’exemple d’une fusion de la région Bretagne et des Pays de la Loire ; je veux bien mettre dans la même région Brest et Le Mans, mais je ne suis pas sûr que cela soit une bonne solution. Il y a évidemment d’autres propositions possibles, par exemple celle consistant à réviser les limites du département de Loire-Atlantique, où se situe le château des ducs de Bretagne, pour qu’il soit dans la région Bretagne – pour l’instant, il n’y est pas.
Par ailleurs, nous pouvons également redécouper toute cette région de l’Ouest, car cela arrangera effectivement les deux Normandies, qui pourront éventuellement pouvoir fusionner plus facilement.
En ce qui concerne le redécoupage de l’Ouest pour aboutir à un ensemble plus cohérent, avec l’Orléanais par exemple, ou tout simplement la Vendée, qui retrouve son Poitou, qu’elle n’aurait jamais dû quitter, il sera rendu impossible par des conditions de référendum qui sont quand même très difficiles à remplir.
En effet, l’exemple de l’Alsace montre que cela ne passionne pas forcément les habitants. Par ailleurs, les Alsaciens ont voté contre la fusion parce que le département du Haut-Rhin avait peur que Colmar ne soit plus chef-lieu de département. L’important me semblait pourtant être ailleurs.
C’est pourquoi je maintiendrai un certain nombre de mes amendements.
Le débat qui s’engage ici est évidemment très important, car il pose le problème de la place du citoyen dans l’organisation territoriale de la République. Il est vrai que nous sommes confrontés à de grands bouleversements : des métropoles de droit commun pourront être créées par décret, sans que les citoyens ne soient consultés. Évidemment, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la réponse apportée.
Pour notre part, nous pensons que, dans tous les cas de figure, devant des changements aussi essentiels qui toucheront à l’organisation même de la République et qui auront des conséquences au quotidien sur la vie de nos communes, de nos départements, et donc sur les services rendus à nos concitoyens, l’organisation de la consultation des citoyens par un référendum doit être obligatoire.
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu, à la faveur de cette discussion, qu’il y aurait un recul supplémentaire, puisque la fusion de régions pourra être réalisée sans consultation des citoyens.
Je ne veux pas être plus long, mais c’est pour nous un point dur. Nous constatons, à cette occasion, que le grand absent de cette loi, comme de celles qui sont annoncées,…
…ce sera le citoyen. Nous sommes, nous, pour la consultation des citoyens à toutes les occasions.
Première remarque : les propos de M. Molac fleurent bon les provinces de l’ancienne France, ce qui est d’ailleurs tout à fait instructif et intéressant.
Deuxième remarque : s’agissant de l’organisation de nos collectivités territoriales, le référendum ne fait pas du tout partie de notre tradition juridique puisque, avant l’amendement Charasse de 2010, il n’a jamais été prévu d’organiser des référendums pour que les collectivités s’organisent comme elles l’entendent.
Ne disons donc pas qu’en la matière, le référendum fait partie de la tradition juridique française, car ce n’est pas vrai.
Troisième remarque : avec ce que fait le Gouvernement, et que le rapporteur accepte, et avec les amendements qui ont été acceptés, nous sommes désormais dans une France à trois vitesses.
D’abord, on a l’hypothèse des métropoles de droit commun, créées par décret, sans référendum ou consultation d’autres instances. Peut-être seront-elles consultées, mais, de toute manière, quoi qu’elles disent, le Gouvernement peut…
…ou doit, par décret, créer les métropoles. Personne n’a rien à dire, cela se fait par décret.
Deuxième cas de figure : les régions. Depuis que l’amendement de Mme Appéré a été adopté, les régions peuvent fusionner si les deux organismes le souhaitent, sans référendum.
Enfin, il y a tous les autres, les laissés-pour-compte, qui, eux, doivent passer par cette procédure extrêmement compliquée.
Donc, je vous le dis, mes chers collègues, ce système est complètement boiteux, et la loi est mal écrite.
Je ne sais pas ce que le Conseil constitutionnel trouvera à redire à nos débats quand la loi sera déférée, mais nous avons là un vrai motif d’inconstitutionnalité. Il faut être cohérent ! Il y a une incohérence totale dans le dispositif que vous avez voté et que vous nous recommandez de voter, monsieur le rapporteur. Nous sommes là pour écrire la loi et faire du droit.
Enfin, j’ajoute quelques mots en réponse à Mme Lebranchu : vous avez avancé un argument qui n’est pas juridique. Vous dites que les régions s’occupent de haute stratégie et qu’elles n’ont pas besoin de proximité avec le peuple. Merci pour les élus régionaux !
Vous dites que les départements, à l’inverse, sont plus proches du terrain. C’est donc un argument politique. Il se trouve que je ne le partage pas, mais je note que c’est un argument politique : vous n’avez pas d’argument juridique. Je ne vois pas pourquoi on aurait trois poids, trois mesures. Auparavant, c’était deux poids, deux mesures, mais désormais on en est à trois poids, trois mesures.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter mon amendement.
Pour le compte rendu, je veux préciser le dernier argument, qui est effectivement politique – je l’admets. Je répète que les régions sont un échelon stratégique – c’est ainsi qu’elles ont été créées et définies – qui doit avoir, bien sûr, une hauteur de vue, et un poids le plus important possible à l’échelle européenne. Cela ne dépend pas uniquement de leur taille. C’est un des éléments qui ont fait que certaines régions ont été scindées par l’histoire. En tout cas, à l’heure où je vous parle, dans les régions concernées, certains n’ont pas du tout envie de se regrouper. Je dis simplement que cela devrait être possible, si cela était proposé.
En revanche, j’ai dit tout à l’heure que les départements n’ont de sens – et vos arguments sont compréhensibles, puisque vous demandez la suppression des départements –…
Je retire ce que je viens de dire, pardonnez-moi, monsieur Gaymard. Les départements n’ont de sens, disais-je, que s’ils restent un échelon de proximité. Si certains d’entre eux se regroupent de façon volontaire, sans intervention du législateur, sans consultation des électeurs, cela pourrait être un facteur de déséquilibre au sein de certaines régions, vous le savez. Nous pouvons prendre l’exemple de la région Centre.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas de modification de l’article 9 bis B, sauf éventuellement pour inscrire ces questions à l’ordre du jour des assemblées des collectivités concernées, à la demande d’un groupe d’élus. Les modifications de quorum viendraient de toute façon vider de leur substance le principe même d’une consultation – vous en conviendrez.
Je veux terminer en répondant à vos propos sur les métropoles. Dans trois cas, à Paris, Lyon et Marseille, nous modifions un statut particulier. La loi modifie une loi qui définissait un statut particulier. Nous redéfinissons un statut particulier, et cela doit relever de la loi.
Ensuite, s’agissant des métropoles de droit commun, si vous suiviez votre propre raisonnement, vous devriez dire que la loi – amendement Pélissard compris – qui a demandé aux préfets, au nom de l’État, de réécrire la carte des intercommunalités, était absolument insupportable.
En effet, quand je vous parle de métropole de droit commun, je parle d’EPCI et de demande de réécriture de périmètres d’EPCI – car les métropoles de droit commun ne sont pas autres choses que des établissements publics intercommunaux.
En prenant mes fonctions, j’ai eu à porter la fin de la réécriture des schémas départementaux de coopération intercommunale, qui portaient réécriture du périmètre des EPCI dans un certain nombre de départements. Les choses n’ont d’ailleurs pas été simples, monsieur Gaymard. Vous n’avez pas, alors, demandé de consultations, ni quoi que ce soit !
Quel est le lien ? Il s’agit du même type d’institutions et nous parlons ici de la même demande de réécriture, par la loi, de périmètres d’EPCI. Je pense que ce n’est pas du tout de même nature qu’une région ou un département. Sinon, il y avait un problème dès le schéma départemental de coopération intercommunale. Or, vous ne nous l’avez jamais dit.
Non ! C’est vous qui avez voté la loi, je vous le rappelle.
Je souhaite simplement répondre à la question de constitutionnalité soulevée tout à l’heure par M. Gaymard. L’article 72-1 de la Constitution prévoit que la création d’une collectivité territoriale à statut particulier, la modification de son organisation, ou les modifications territoriales des collectivités peuvent faire l’objet d’une consultation référendaire.
Il n’y a aucune obligation et, en cela, je souscris à vos propos indiquant que le référendum n’est pas une tradition de la Ve République. En revanche, comme la Constitution prévoit qu’il peut être fait appel à une consultation référendaire, il ne sera pas interdit aux régions qui le souhaiteraient de l’organiser. Cette possibilité ouverte par la Constitution, qui n’oblige et n’interdit pas, répond à votre préoccupation sur la constitutionnalité.
Deux mots. Premièrement, comme notre collègue Hervé Gaymard, nous appelons à la cohérence…
…mais nous n’en tirons pas la même conclusion. Pour nous, la cohérence, c’est la consultation du peuple dans tous les cas de figure.
Deuxièmement, je voudrais dire à Mme la ministre que ce qu’elle a dit tout à l’heure m’inquiète. En effet, comme l’a dit le rapporteur, l’amendement de Mme Appéré supprime l’obligation du recours au référendum en cas de fusion des régions. Dans votre argumentaire en réponse à notre collègue Gaymard, vous vous êtes livrée à un plaidoyer pour les régions en indiquant qu’elles devaient être suffisamment importantes pour peser à l’échelle européenne. On comprend bien que supprimer l’obligation du recours au référendum en cas de fusion de régions laisse présager, à terme, un bouleversement de la carte régionale. C’est un bouleversement de plus de notre organisation territoriale.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron