Je remercie les intervenants pour leurs éclairages sur le sujet fondamental de l'aménagement du territoire et de la mondialisation. Il faut aujourd'hui retrouver un État stratège sur ces questions. Il y a à mon sens trois points importants de débat.
Le premier concerne l'évolution des flux à l'international. La France, depuis un certain temps, « décroche » sur les produits sur lesquels elle a des avantages comparatifs territoriaux parmi les plus importants. C'est extrêmement préoccupant. Ces chiffres doivent nous amener à penser à un aménagement du territoire qui revitalise nos productions, nos cultures, nos savoir-faire, tout ce qui forme et qui forge l'histoire productive de notre pays. Plusieurs études qui ont été faites sur les classes moyennes dans les pays émergents – un phénomène très important lié à la mondialisation – révèlent que, lorsqu'il est demandé de citer les pays les plus attractifs, la France, grâce à ses territoires, vient souvent en tête de classement. Il faut faire extrêmement attention demain à ne pas déserter ce qu'on ne voit plus, des avantages comparatifs qui sont dans les tréfonds de nos territoires, mais qui séduisent les nouveaux consommateurs.
Le deuxième point est relatif à la question des grands ports maritimes. Avec la globalisation, on va comptabiliser de plus en plus la valeur ajoutée, du fait de la fragmentation des systèmes de production. Vous avez cité les travaux de Suzanne Berger sur le « made in monde », qui font référence dans ce domaine. Je citerai également ceux de Pascal Lamy à l'OMC sur la comptabilisation de la valeur ajoutée. Le monde va finalement être dans ce maillage serré que vous avez évoqué, où les chaînes de valeur vont être de plus en plus serrées et de plus en plus complexes. Du coup, les entreprises en France vont être, soit dans les corridors logistiques, en capacité d'importer et d'exporter dans des containers, soit en dehors de ce réseau. On voit combien les pays d'Europe du Nord ont réussi à irriguer profondément leurs territoires à partir des grands ports maritimes. Nos hinterlands sont un grand sujet. C'est la question de la mise en relation de nos territoires avec les grands ports maritimes. Nous avons cette chance à saisir ; si on n'exploite pas notre capacité portuaire, on risque de priver nos territoires de la présence de nos entreprises dans ces chaînes de valeur internationales.
Enfin, j'évoquerai la question des échelles. Aujourd'hui, sur les régions et les métropoles, on raisonne trop en termes de réduction du « millefeuille », d'économies. Certes c'est un élément de la réflexion. Mais la vraie réflexion à mener, porte sur : quelles échelles de métropole, quelles échelles régionales ? Il ne faut pas opposer les deux univers, les zones à vocation productive et les zones à vocation tertiaire ou à valeur ajoutée, mais faire valoir leur complémentarité, les réconcilier. La compétitivité dépendra aussi de cette mise en relation. Si on veut requalifier notre vocation productive et les avantages comparatifs que j'ai évoqués, il faut rapprocher ceux-ci des métropoles.
Pour moi la vraie question n'est pas l'égalité territoriale mais l'équité territoriale : comment mettre chaque parcelle de notre territoire à une distance acceptable de la mondialisation, ce qui signifie que chaque zone productive, touristique, artisanale, industrielle, doit être proche d'une métropole connectée au monde et qui fabrique de la valeur ajoutée.