Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 11 décembre 2013 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • attractivité
  • carte
  • espace
  • mondialisation
  • pôle
  • échelle

La réunion

Source

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a organisé une table ronde sur l'impact de la mondialisation sur les territoires, avec la participation de M. Éric Delzant, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale et M. Michel Ruffin, chef du service « intelligence territoriale » à la DATAR, M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et M. Pierre Veltz, président-directeur général de l'Établissement public Paris-Saclay.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, Messieurs, la commission du développement durable, est compétente en matière d'aménagement du territoire, dont l'expression figure dans sa dénomination. Pour répondre à la demande d'un grand nombre de nos collègues, nous allons prolonger les tables rondes que nous avons déjà organisées sur les enjeux de l'aménagement du territoire, par les thèmes suivants : l'impact de la mondialisation sur les territoires, thème de la réunion d'aujourd'hui ; les conséquences de la transition écologique et agricole sur les paysages et les territoires, thème de la prochaine table ronde qui aura lieu le 22 janvier 2014 ; et ultérieurement, les relations entre territoires urbains et péri-urbains.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Eric Delzant, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, M. Michel Ruffin, chef du service « Intelligence territoriale » de la DATAR, M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), et M. Pierre Veltz, président-directeur général de l'Établissement public Paris-Saclay.

Après avoir évoqué les questions relatives à la gouvernance et aux transports lors des précédentes tables rondes, nous mettrons davantage l'accent aujourd'hui sur les questions économiques, l'emploi, la recherche et l'innovation, et l'attractivité de nos territoires.

J'indique que les travaux de notre table ronde ne pourront se prolonger au-delà de deux heures, puisque nous devrons ensuite céder la place à une audition du ministre de la Défense par trois commissions, et qu'une réunion de la mission d'information sur l'écotaxe poids lourds aura lieu à 11 heures 30 pour auditionner M. Frédéric Cuvillier.

Permalien
éric Delzant, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes sensibles à votre invitation. Nous sommes venus au titre de la DATAR et du futur Commissariat général à l'égalité des territoires, dont la préfiguration s'achèvera à la fin du premier trimestre 2014. La question de la place des territoires français dans la mondialisation doit s'apprécier à l'aune d'une politique publique que le Gouvernement souhaite mener, la politique d'égalité des territoires. Je souhaite vous démontrer qu'elle n'est pas antinomique avec la politique d'attractivité de ces mêmes territoires. Il y a simplement une articulation à trouver entre ces deux démarches pour qu'il n'y ait pas des « perdants » et des « gagnants » de l'attractivité, pour ne pas creuser l'écart de manière insupportable.

L'exposé que je vais vous présenter résulte de la réflexion de la DATAR sur ces sujets, réflexion qui est toujours collective, et qui comportera plusieurs messages : les territoires français connaissent des degrés d'ouverture variables à la mondialisation ; la mondialisation renforce le processus de métropolisation ; elle transforme le rapport des entreprises au territoire, puisqu'il y a plus de mobilités, des attentes nouvelles et plus diversifiées ; la mondialisation fragilise principalement les territoires d'industrie traditionnelle avec une population peu qualifiée ; enfin, elle se traduit par des crises à grande échelle qui impactent certains territoires plus que d'autres. Je m'appuierai sur plusieurs cartes qui vont vous être présentées.

La mondialisation résulte de choix institutionnels et économiques, et d'évolutions technologiques. Face à l'explosion du commerce mondial, qui s'explique en partie par la fragmentation du processus de production – ce qu'on appelle la division verticale du travail, d'une spécialisation des pays par filières ou par produits, on est passés à une spécialisation par stade du processus productif. Les territoires participent aujourd'hui d'un système mondialisé, qui les place dans des situations d'interdépendance de toutes natures – économique, sociale, culturelle, environnementale, migratoire, sanitaire – et à toutes les échelles, et qui les place dans des situations de concurrence pour accueillir les entreprises dans un contexte de mobilité croissante et de polarisation géographique des activités.

La première carte illustre les degrés d'ouverture variables et en même temps l'inégale attractivité des territoires. Il s'agit tout d'abord de la représentation cartographique de la part de l'emploi salarié dans les établissements d'entreprises contrôlées par des groupes internationaux en 2010 – plus la zone est foncée, plus cette part est élevée –, et, d'autre part, de la carte de la part de l'emploi salarié dans les établissements d'entreprises contrôlées par des groupes étrangers en 2010.

Un quart des salariés, hors administrations et secteur de la défense, travaillent dans des entreprises contrôlées par des groupes internationaux, mais ceci constitue une moyenne, la proportion est très variable selon les territoires. Il y a évidemment une concentration dans la région Île-de-France, dans les grandes métropoles, au nord d'une ligne allant de la Bretagne à la région Rhône-Alpes avec quelques cas particuliers dont le plus notable est celui de la région toulousaine.

Les entreprises étrangères implantées en France emploient 2 millions de personnes, soit 13 % de la population salariée. Elles assurent un tiers des exportations françaises et réalisent 20 % du total de la recherche-développement des entreprises en France. Comme le montre la deuxième carte, ces emplois se concentrent dans le quart nord-est, avec une intensité particulière en Alsace, à Toulouse avec le cas particulier d'EADS, et dans une moindre mesure en Rhône-Alpes. On a donc une attractivité différenciée de ces territoires qui s'explique principalement par la nature des activités qui y sont implantées et par la surreprésentation industrielle.

La carte suivante, issue du travail de la DATAR « Territoires 2040 », illustre les degrés d'ouverture variable au rayonnement international. L'insertion dans la mondialisation peut prendre des formes différenciées et plus ou moins intenses, notamment par le commerce international – on voit les régions exportatrices nettes et les régions importatrices –, mais aussi par les infrastructures de transport à grande vitesse, et par l'attractivité touristique, représentée ici par la concentration des restaurants étoilés, facteur très important d'activité touristique.

Sans surprise, on constate que les espaces métropolitains et frontaliers sont les plus intégrés : la moitié nord de la France et Rhône-Alpes. On observe ainsi une forte cohérence entre cette carte et la première.

La troisième carte permet de constater que la mondialisation renforce le phénomène de métropolisation. Nous y voyons la concentration progressive des emplois dans les principales zones métropolitaines, ce qui ne vous étonnera évidemment pas. Dans un contexte de mobilité et de complexité croissantes des activités économiques, les métropoles constituent des points d'ancrage, des « hubs », nécessaires. Les métropoles peuvent alors s'appréhender comme des réducteurs d'incertitude et comme des connecteurs à d'autres territoires, proches ou lointains.

Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, je souligne que je vous livre des constats, et non des appréciations. Nous constatons des faits. Il appartient ensuite aux politiques publiques d'agir sur ces faits.

Les deux cartes suivantes illustrent le renforcement, par la mondialisation, du phénomène de métropolisation. Là encore, c'est un constat. Ce phénomène va de pair avec le développement de la péri-urbanisation, et la concentration des revenus et des populations des catégories supérieures, mais aussi d'emplois peu qualifiés, dans les espaces métropolitains. Les populations d'ouvriers et d'employés se concentrent dans les espaces péri-urbains. On assiste ainsi à une différenciation fonctionnelle croissante des territoires, reproduisant à grande échelle des phénomènes déjà observés de longue date à l'échelle des villes.

La carte suivante montre que la mondialisation modifie les logiques de localisation des entreprises et leur rapport au territoire. Les critères de localisation des entreprises évoluent et se diversifient selon leur secteur d'activité, leur nature, leur taille, leur ancienneté. La mondialisation peut aussi se traduire par des relocalisations. Ainsi, la concurrence par les seuls coûts de production est plus ou moins déterminante selon la nature des productions et le type de consommateur visé, et ce d'autant plus que la délocalisation génère un certain nombre de coûts cachés, liés à l'évolution des parités monétaires et des coûts de transport, à la reprise des malfaçons, au surstockage, aux risques de péremption d'une partie des produits, aux aléas de livraison, aux difficultés de développement de nouveaux projets, etc. On l'a récemment constaté pour un certain nombre de grandes entreprises.

Cela signifie aussi que le degré de spécialisation des territoires, la nature plus ou moins délocalisable des activités qui y sont implantées, les compétences qui s'y exercent, peuvent produire des différences importantes. De ce point de vue, l'étude conduite conjointement par la DATAR et la DGCIS sur les relocalisations industrielles amène à identifier six types de zones d'emploi, qui connaissent des degrés d'ouverture au monde et des types de fragilités différents : les zones les plus dynamiques ou les plus résilientes sont les zones dites « de performance extérieure » et les zones servicielles urbaines, qui concentrent l'essentiel des relocalisations.

Sur la carte suivante, on observe que la mondialisation fragilise principalement les territoires d'industrie traditionnelle avec une population peu qualifiée. Dans l'étude DATAR-DGCIS précitée, c'est représenté par un coefficient de vulnérabilité face aux délocalisations industrielles par zone d'emploi. Les territoires les plus fragiles sont mono-industriels etou à l'écart des villes. Chaque zone d'emploi fait l'objet d'une analyse multicritères s'appuyant sur des variables de vulnérabilité, et des variables d'opportunité et de résilience.

Les deux cartes suivantes montrent que la mondialisation se traduit aussi par des crises à grande échelle qui impactent certains territoires plus que d'autres. On en vient ainsi clairement au problème de l'accroissement des inégalités territoriales.

Quand on analyse l'impact de la crise de 2008 sur le marché du travail, la seule différence entre la carte précédente et celle de la variation du taux de chômage entre fin 2007 et fin 2012 porte sur les régions Limousin et Languedoc-Roussillon, peu sujettes au risque de délocalisation du fait de la faiblesse de leur tissu industriel, mais affectées par une hausse sensible du taux de chômage du fait d'autres facteurs. Entre fin 2007 et fin 2012 la France a perdu 400 000 emplois, soit – 1,5 %. Cette variation est relativement modeste comparée à d'autres États de la zone euro, mais a eu des effets importants en termes de progression du taux de chômage, dans un pays où la population active continue d'augmenter et où certaines régions connaissent une croissance démographique plus rapide que celle de l'emploi.

En outre, la crise a frappé inégalement les secteurs d'activité, avec un fort impact sur l'emploi industriel, renforçant sensiblement les écarts entre territoires. Les zones ayant le mieux résisté se caractérisent par une surreprésentation des emplois de cadres, et correspondent pour la plupart aux espaces métropolitains. Évidemment, les choses peuvent avoir évolué depuis fin 2012, on voit notamment comment la région toulousaine est aujourd'hui affectée par la crise de certains secteurs industriels qui paraissaient pourtant bien résister jusqu'alors.

La carte du chômage et de son évolution depuis 2007 fait ainsi apparaître un choc qui aggrave significativement la situation du quart nord-est du pays et du grand bassin parisien, hors Île-de-France bien sûr. Ces territoires avaient déjà un taux de chômage élevé et une économie fragilisée. Des pertes d'emploi se poursuivent dans ce que l'on appelle la « diagonale aride » qui relie la Lorraine à l'Aquitaine. Ces pertes d'emploi ne conduisent toutefois pas à des taux de chômage très élevés, compte tenu de la faible densité de population, du poids des retraités et de la part importante des emplois publics existants. D'autre part, des créations d'emplois insuffisantes ne permettent pas de faire face à une demande qui augmente rapidement pour des raisons démographiques, notamment dans le Languedoc-Roussillon.

Par contre les activités de services, concentrées pour la plupart dans les espaces métropolitains, ont connu un ralentissement ou un léger repli suivi d'une rapide reprise. C'est un effet qui est particulièrement net dans la zone centrale de l'Île-de-France.

La dernière carte montre que la mondialisation se traduit aussi par des crises à grande échelle qui impactent certains territoires plus que d'autres. Je prends appui sur les travaux de Laurent Davezies dans son livre « La crise qui vient » pour indiquer que la crise a surtout rendu plus manifestes les fragilités préexistantes et les disparités des modèles de développement. On voit ainsi apparaître « quatre » France : une France productive qui va bien, essentiellement métropolitaine, regroupant 40 % de la population et réalisant 80 % du PIB ; une France « non marchande » – par la surreprésentation des retraités et des emplois publics – et dynamique, regroupant aussi 40 % de la population, surtout dans l'ouest et le sud ; une France productive en déclin, avec 10 % de la population, essentiellement dans les territoires industriels du nord-est ; enfin une France « non marchande en difficulté », avec 10 % de la population, vivant pour l'essentiel de revenus sociaux dans d'anciens territoires industriels.

En citant les travaux de Laurent Davezies, je ne fais pas de lui l'unique voix de la DATAR ou du futur Commissariat général. Je propose d'ailleurs que dans celui-ci soit constitué un Conseil scientifique de l'égalité des territoires réunissant les grands experts de ces questions, puisque l'on constate aujourd'hui que ceux-ci ont malheureusement tendance à s'exprimer à l'extérieur de la DATAR – ce qui est leur choix et leur droit. Je souhaite que le Commissariat général devienne ou redevienne un lieu où se confrontent les opinions. De la même manière, je souhaite qu'en son sein il y ait un Conseil d'orientation où les associations d'élus pourront s'exprimer sur la stratégie de la politique d'égalité des territoires.

En conclusion, il faut forcément relativiser l'impact de la mondialisation, c'est le sens des différentes cartes que je vous ai présentées : elle renforce des disparités préexistantes plus qu'elle ne les crée ; elle accélère des mutations préexistantes comme le recul de l'emploi industriel et l'attractivité des espaces métropolitains.

D'autre part, on peut penser qu'on ne reviendra pas massivement en arrière, mais qu'en revanche il n'est pas possible de dire que l'on ne peut pas agir. C'est le sens d'une politique d'égalité des territoires que nous souhaitons mettre en avant et que nous souhaitons mener. Nous devons évidemment essayer de trouver les voies et moyens d'agir dans ce cadre-là, notamment pour mettre en capacité les territoires pour innover, diversifier les moteurs économiques territoriaux, optimiser les écosystèmes économiques locaux, notamment en pensant le développement métropolitain de manière systémique.

Il y a un très gros travail à faire sur la complémentarité rural-urbain, pour arrêter d'opposer « monde rural » et « monde urbain ». Il faut aussi développer des politiques d'innovation prenant en compte toutes les formes d'innovation dans les territoires, y compris dans les territoires à faible densité. Cela doit amener également à promouvoir la diversité des modèles de développement en fonction des potentialités de chaque territoire.

Il est nécessaire d'optimiser les dispositifs locaux d'accompagnement des entreprises : face à une multitude d'acteurs institutionnels à toutes les échelles (agences de développement, autorités consulaires, collectivités, structures nationales), il y a un véritable enjeu de simplification et de mise en réseau. Il faut aider les territoires à travailler en mode « projet », à avoir des projets de développement cohérents, pensés à la bonne échelle, avec le travail conjoint des acteurs publics et privés.

Enfin il faut travailler à mesurer plus objectivement le degré d'ouverture au monde et la compétitivité, par une meilleure connaissance statistique mais aussi par la définition d'indicateurs nouveaux de spécialisation économique, de cartographie des compétences ou encore de cohésion sociale.

Permalien
David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux, AFII

Je vais donc compléter les propos du préfet Eric Delzant. Je rappelle à titre liminaire que la DATAR exerce, avec le ministère de l'économie et des finances, la tutelle sur notre établissement public.

Permalien
éric Delzant, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale

Une tutelle bienveillante et attentive…

Permalien
David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux, AFII

Tout à fait. Notre agence dispose de 150 agents et d'un petit réseau à l'étranger, au sein de nos ambassades. Nous oeuvrons en faveur de la politique d'égalité des territoires, et, plus largement, à la création d'emplois, au travers de l'accueil des investissements étrangers. Nous concentrons tous nos efforts sur la valeur ajoutée qui peut être créée dans les territoires, au moyen de l'accompagnement de projets d'investissement.

Pour quelle raison ? Principalement parce que les enjeux économiques sont élevés : dans notre pays, 20 000 entreprises sous contrôle étranger emploient 2 millions de personnes et contribuent – dans la proportion d'un tiers – à nos exportations ainsi que, de façon non négligeable, aux activités de recherche & développement. Ces entreprises se caractérisent par une forte proportion de très grandes entreprises – de plus de 5 000 salariés – et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui comptent entre 250 et 5 000 salariés. Cela explique leur forte contribution à nos exportations et à notre effort de recherche, bref, leur contribution au renforcement du tissu d'entreprises de notre pays. Il s'agit de structures aguerries à l'international : leur implantation en France en témoigne.

Un point sur la diversité des territoires : ces projets d'implantation émanant d'entreprises étrangères se répartissent sur tout le territoire, avec un phénomène de concentration que vous connaissez. Bien que deux régions – Île-de-France et Rhône-Alpes – accueillent la moitié des nouveaux investissements créateurs d'emplois, les autres sont capables, année par année, d'accueillir de tels projets. Durant les cinq dernières années, les études que nous avons menées montrent une relative stabilité de ce phénomène de concentration autour des trois principales régions d'accueil.

Prenons l'emploi : les entreprises étrangères y contribuent, de façon plus élevée que la moyenne nationale, mais la situation reste contrastée selon les territoires. Dans certains d'entre eux, comme l'Alsace, 25 % des emplois – et 60 % des exportations – restent assurées par ces entreprises implantées. La présence de ces investissements y joue donc un rôle extrêmement important.

Les agents de l'AFII en poste au sein de nos ambassades et de notre réseau consulaire ont pour mission d'entrer au contact avec ces entreprises étrangères susceptibles de s'implanter en France et en Europe, et de rester à leur écoute. Nous ne disposons en revanche d'aucun moyen humain dans l'hexagone, où nous nous appuyons sur les Agences régionales de développement économique (ARDE), avec lesquelles nous avons noué au fil des ans un partenariat très étroit. Ces agences nous permettent d'avoir des relations avec les autres agences de niveau infra-régional, c'est-à-dire les agences de développement économique des grandes métropoles ou des départements.

Ce dispositif public très intégré contribue à la politique d'égalité des territoires de deux manières. Il nous permet d'abord d'apporter à tous les territoires quels qu'ils soient une information pertinente sur les possibilités ou les opportunités d'investissement en France que nous détectons à l'étranger. Nos équipes se trouvent en contact régulier avec plus de 5 000 entreprises, ce qui nous permet d'identifier environ 1 000 projets d'investissement, créateurs d'emplois et susceptibles de s'installer un jour en France, par an.

Dans un environnement concurrentiel, nous mettons ensuite tout en oeuvre pour convaincre l'investisseur d'opter pour le site France, et avec le territoire concerné nous organisons l'accompagnement du projet, et ce jusqu'à la décision finale. Ce partenariat s'avère nécessaire, car l'investisseur en question ayant reçu, en réponse à la marque d'intérêt qu'il a manifestée auprès de nous, des offres territoriales françaises, il va décider de venir un jour visiter les sites potentiels et rencontrer les responsables au niveau local ou national. Ce partage d'information est organisé de façon extrêmement construite, car nous disposons d'une base de données partagée, accessible aux territoires. Nous procédons chaque semaine à une mise à jour de l'information sur les nouveaux projets : ainsi chaque région, chaque territoire peut déterminer s'il souhaite soumettre une offre territoriale au bénéfice de l'investisseur potentiel.

Nous faisons plus que cela : nous avons ouvert il y a plusieurs années le réseau de l'AFII à l'étranger aux collectivités locales qui souhaitent réaliser elles-mêmes des actions de prospection afin de rencontrer à l'étranger des investisseurs potentiels. Chaque année, nous organisons hors de nos frontières une cinquantaine de missions de prospection qui réunissent, dans la phase de préparation et de réalisation, les agents des agences territoriales de développement économique, ainsi que ceux de l'AFII.

Nous avons également décidé de procéder, depuis – et avec – les territoires à un travail d'identification des entreprises étrangères non encore implantées en France. Cela permet à tel ou tel territoire de cibler l'entreprise qu'il souhaiterait convaincre de venir s'implanter, en raison du caractère jugé stratégique de son activité, dans son espace. C'est un chantier que nous menons avec les différentes régions françaises, afin d'identifier plusieurs centaines d'entreprises, qui, à partir de ce moment-là, feront l'objet d'une action de prospection, préparée avec les territoires. De cette façon, lors de notre premier contact avec ces entreprises, nous sommes déjà en mesure de lui proposer une ou plusieurs offres territoriales déjà prêtes.

Nous avons également, avec le soutien de la DATAR et en collaboration avec les agences régionales de développement économique, récemment publié un annuaire qui présente un double intérêt. Il offre d'abord une information extrêmement précieuse sur l'attractivité de chacune des régions françaises, avec des éléments très précis sur les atouts de chaque région, en particulier la présence d'entreprises d'excellence et de pôles de compétitivité, et sur les priorités stratégiques du développement économique. Il s'agit d'un outil d'information que nos équipes à l'étranger utilisent, mais qui illustre cette politique d'égalité des territoires, puisque chaque région y dispose de deux pages pour se présenter. Nous y voyons là un symbole.

Nous travaillons donc de façon extrêmement étroite et coordonnée avec les territoires.

Pour terminer, je voudrais partager avec vous quelques axes de réflexion relatifs à l'environnement très concurrentiel dans lequel nous évoluons. Nous sommes bien évidemment conscients des enjeux, en termes d'emploi, de notre action. Il faut garder à l'esprit que ces enjeux revêtent une importance comparable dans d'autres pays européens, ce qui explique qu'ils aient mis en place des moyens publics importants pour attirer les investissements créateurs d'emplois.

Nous considérons aujourd'hui qu'il n'y a plus de projets « captifs ». Un projet d'extension d'une capacité productive existante en France était auparavant appréhendé comme captif, et ne requérant donc guère de mobilisation de notre part. Cette situation appartient au passé. Qu'il s'agisse de création d'activités nouvelles ou d'extension de capacités existantes, tous les projets sont aujourd'hui discutés et nous les considérons tous comme sous forte concurrence. Nous en voulons pour preuve le fait que, dans les phases de restructuration, les groupes sont amenés à prendre leurs décisions concernant les pays où ils fermeront des unités, ou simplement « réduiront la voilure ». Instruits par l'expérience, nous sommes maintenant convaincus que nous devons être mobilisés, à l'échelle territoriale comme à l'échelle nationale, sur tous les projets, y compris les simples extensions.

Les investissements de pérennisation et de modernisation, qui conduisent à consolider l'existant, sont également extrêmement importants, et nous accentuons, avec les territoires, le suivi des groupes déjà implantés de façon à anticiper les difficultés et à les accompagner dans ces phases éventuelles d'incertitude.

Pour finir, nous accordons, ensemble, avec les territoires, une attention nouvelle aux projets à forte valeur ajoutée. Nous ne délaissons pas les projets dans les secteurs traditionnels, mais nous considérons que dans certains domaines les enjeux sont stratégiques, c'est le cas en particulier de l'innovation et de la recherche et développement. La France a accru son attractivité en cette matière dans la période récente, pour les entreprises qui veulent développer leurs activités de R&D en Europe, et donc dans notre pays. Le crédit impôt recherche et la dynamique des pôles de compétitivité n'y sont pas étrangers.

Autre enjeu stratégique, l'attraction etou le maintien en France des centres de décision, et singulièrement des quartiers généraux. En période de crise économique et de restructurations, il est essentiel que les centres de décision en Europe soient positionnés en France et que ceux qui y sont y demeurent.

Permalien
Pierre Veltz, président-directeur général de l'établissement public Paris-Saclay

Monsieur le président, je m'interroge sur le titre auquel je suis votre invité ce jour : est-ce au titre de personne en charge du projet Paris-Saclay ou bien à celui d'un observateur de longue date du territoire français ?

Permalien
Pierre Veltz, président-directeur général de l'établissement public Paris-Saclay

Je vais centrer mon propos sur des remarques d'ordre général et je pourrai répondre dans le débat à des questions sur le projet Saclay, emblématique de ce dont vient de parler l'ambassadeur David Sappia, à savoir l'impérieuse nécessité pour notre pays de garder des pôles de recherche puissants et reconnus à l'échelle mondiale. L'essentiel a déjà été dit par les orateurs précédents, aussi je concentrerai mon propos sur trois points essentiels.

Le premier est qu'il nous faut tous être bien conscients du fait que la mondialisation elle-même a profondément changé de nature au cours des 15-20 dernières années : d'une mondialisation « de grande maille », nous sommes passés aujourd'hui à une mondialisation « à haute résolution » ou « à grain fin », qui met en concurrence non plus les États ou les régions, mais les sites eux-mêmes, voire des groupes d'activités. C'est un changement majeur. Concrètement, la décomposition des circuits de production des objets, qu'ils soient simples ou complexes, montre une répartition entre 10 à 15 sites répartis à l'échelle mondiale, d'une manière mouvante, qui plus est, au gré des décisions des entreprises parties prenantes de la chaîne. Nous sommes entrés dans l'ère du « made in monde », qui transforme profondément les modalités de concurrence : elle se fait aujourd'hui non plus à travers les produits, mais à travers les tâches, on le voit très bien dans le secteur tertiaire, c'est l'exemple de la comptabilité transférée.

Je tire trois conclusions de ce changement de nature.

Il faudrait tout d'abord compléter le raisonnement classique du commerce extérieur par un raisonnement sur la valeur ajoutée, même si nous ne disposons pas des outils statistiques pour le faire aisément. Les résultats seraient très différents. Le commerce extérieur est devenu un commerce de composants, entre des intermédiaires dans la chaîne de valeur. L'exemple des produits Apple – si je peux ici citer une marque – est éclairant à cet égard. Si l'on regarde la répartition des emplois, un petit tiers est fixé aux États-Unis, ce sont les emplois de conception, de marketing, de direction, etc. Le reste se trouve à l'étranger, notamment en Chine, dans ces entreprises géantes comme Foxconn. Si l'on s'intéresse maintenant à la répartition de la valeur ajoutée ou bien des salaires, le tableau est alors bien différent, puisque l'essentiel des profits et des salaires sont aux États-Unis, la Chine ne comptant alors plus que pour quelques pour cent dans cette répartition. C'est donc bien en termes de valeur ajoutée qu'il faut raisonner.

Ensuite, contrairement à ce l'on dit souvent, il nous faut garder dans notre pays les emplois délocalisables. Certes, le développement des emplois non délocalisables procure une base de stabilité pour nos territoires. Mais la prospérité future d'un pays est liée à sa capacité à garder les emplois délocalisables. Certains économistes ont construit des modèles qui mettent en évidence que les emplois « nomades » alimentent les emplois « sédentaires ».

Enfin, du point de vue des territoires, l'incertitude croît. Alors que les crises des années soixante, 70 et des années 80 s'étaient traduites par des restructurations touchant solidairement et massivement des régions entières, des secteurs industriels entiers, aujourd'hui la crise affecte beaucoup de points diffus, de façon aléatoire, y compris parfois des sites bénéficiaires, car l'arbitrage se fait au niveau mondial. Lorsqu'elle affecte des petites villes etou des bassins d'emploi restreints, l'effet démultiplicateur est ravageur, comme dans l'Est ou le Nord de la France. Lorsque le même phénomène affecte un tissu métropolitain, un marché du travail plus large permet d'absorber le choc plus facilement.

La gestion territoriale se transforme ainsi de plus en plus en une gestion des risques, une capacité à anticiper, car les crises sont plus difficiles à traiter une fois qu'elles ont éclaté. C'est facile à dire, difficile à réaliser, me direz-vous. J'en conviens, mais il faut avoir conscience que notre « gestion de crise industrielle » n'est pas optimale.

Deuxièmement, cela a été dit par le Délégué Eric Delzant, il est certain que la mondialisation renforce aujourd'hui les pôles métropolitains. Mais je souhaite apporter la précision suivante : ce renforcement se fait de façon différentielle. Le sujet de l'Île-de-France, c'est d'être un hub à l'échelle mondiale. Pour les métropoles de second rang, qui sont les plus dynamiques en France aujourd'hui, c'est d'être positionnées dans un des systèmes qui débordent à l'international.

Le Délégué a fait référence aux travaux de mon collègue et ami Laurent Davezies, la carte que ce dernier a publiée récemment dans le journal Le Monde montre bien que, depuis le point culminant de la crise, les emplois qui se sont le mieux maintenus sont les emplois métropolitains. C'est un renversement historique. Les métropoles étant plus ouvertes sur l'international, les mouvements économiques affectant leur environnement étaient traditionnellement accentués, à la hausse comme à la baisse, comme on l'a constaté lors de la crise des années 1993-1995 par exemple. On s'attendait donc à ce que la crise en cours frappe plus durement les métropoles que les autres tissus, « préservés », plus isolés. Or c'est le contraire qui s'est produit, et l'on constate ce même phénomène aux États-Unis ou en Allemagne, même si ce pays est moins touché. Je crois que nous sommes entrés dans une phase où les économies sont plus structurellement métropolitaines.

Troisième constat, l'ambassadeur David Appia a évoqué le sujet fondamental de l'attractivité de notre territoire pour les capitaux. Je pense qu'il y a aussi un autre sujet majeur, c'est notre attractivité pour les personnes et pour les talents. Plus l'on monte dans l'échelle de la sophistication, de la technologie, mais cela est vrai aussi à d'autres niveaux, plus il est fondamental de savoir autant attirer et retenir les femmes et les hommes que savoir attirer et retenir les capitaux. On a cru pendant longtemps que la mobilité des capitaux primait, les entreprises prenant des décisions de localisation, et les salariés suivant. Ce raisonnement perdure d'ailleurs majoritairement chez les économistes, à tort. Aujourd'hui on a le sentiment inverse : les gens ne vont pas là où les entreprises ont décidé d'aller, mais, et de plus en plus, les entreprises vont là où les gens ont décidé de résider. C'est très net dans la haute technologie, des travaux internationaux le démontrent, ce qui est déterminant, c'est le choix des individus, en particulier des individus les plus porteurs de qualifications.

De ce point de vue-là – et nous pourrons en reparler à propos de Saclay si vous le désirez, dans le débat – il faut être conscient du fait que la France est moyennement bien placée. Contrairement à ce qui se dit parfois, nous savons retenir nos talents, nos ingénieurs, etc… même si certains d'entre eux partent – et c'est très bien ainsi, il ne faut pas être malthusien –, mais nous sommes moins bons pour attirer les talents du reste du monde. Or il existe un marché mondial des gens les plus qualifiés, alimenté par les Asiatiques en particulier (Inde, Chine), et dont le seul bénéficiaire net aujourd'hui, massivement, reste les États-Unis. L'Europe, la France en particulier, sont « survolées ». Dans les grands campus américains, la science américaine, la technologie américaine, sont initiées majoritairement par des étrangers. Plus de 50 % des start-ups de la Silicon Valley sont créés par des étrangers au sens fort, c'est-à-dire des personnes nées à l'étranger et ayant émigré.

C'est pour ce pays à la fois une fragilité, mais aussi le signe de sa capacité d'attraction, qu'aujourd'hui nous n'avons pas, pour différentes raisons : nous ne sommes pas « dans les radars » de ces personnes mobiles, notre système universitaire est trop fragmenté. C'est pour nous une perte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il nous reste une heure de débat, je vais me tourner vers les parlementaires puisque, outre les intervenants des groupes, quatorze députés souhaitent s'adresser à nos invités, qui nous font l'amitié d'être à nos côtés ce matin. Il est important que ces derniers puissent répondre aux questions qui leur seront posées. Aussi je vous demande à tous d'être le plus concis possible. Je vais maintenant donner successivement la parole à chaque orateur désigné par son groupe, en commençant par M. Alain Calmette, pour le groupe SRC.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie nos intervenants de ce jour pour leur éclairage très intéressant sur la vision de l'attractivité de la France et l'impact de la mondialisation sur les territoires. Lorsque l'on mentionne ce sujet, on pense immédiatement mondialisation et métropoles. Certes, nous avons besoin d'agglomérations de taille critique pour peser dans le concert international. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, en cours de discussion dans notre assemblée, donne un statut particulier à Paris, Lyon et Marseille, et un statut de métropole aux autres grandes villes, et propose une réponse institutionnelle prenant en compte certes diversité. Certes, elle brise le tabou de l'organisation uniforme des territoires, mais elle permet à ces métropoles de trouver leurs forces dans la compétition mondiale, plutôt que dans le seul territoire national.

Il n'y a que quelques villes capables en France de jouer dans ce concert, peut-être une dizaine ; se pose alors la question de savoir que faire du territoire par rapport à cette compétition. Le raisonnement classique, et dominant aujourd'hui, c'est celui qui repose, à partir de l'affirmation des métropoles, sur un « scénario d'entraînement », tant du pays en général que des territoires interstitiels. C'est la thèse de Laurent Davezies, dont le nom a d'ailleurs été cité, qui nous dit que les 6 plus grandes métropoles contribuent à 41 % du PIB et donc entraînent le reste du pays.

Je crois pour ma part que ce scénario n'est pas vérifié pour l'instant. Les inégalités territoriales non seulement persistent mais s'aggravent, en raison de la concentration des financements sur quelques pôles, de la compétition entre les territoires comme moteur de la compétitivité nationale, et du retrait de l'État des enjeux de solidarité territoriale, qui fait des collectivités territoriales des prestataires des politiques nationales.

Comment enrayer ce processus qui a pour conséquence que la mondialisation creuse les inégalités territoriales, au lieu de les réduire? Les politiques publiques doivent profiter des effets bénéfiques de la mondialisation pour en répartir les fruits de la meilleure façon possible. À cet égard, une « politique des liens » rendant systématique la coopération entre les territoires et incitant au partage des stratégies d'aménagement et de développement portées autour de chaque agglomération, pourrait être une proposition.

Le Gouvernement propose un cadre de négociation, qui pourrait être les conférences territoriales de l'action publique, débouchant sur des conventions territoriales pour expérimenter des coopérations ville-campagne pour des actions concrètes de réciprocité territoriale, tout en reconnaissant les spécificités du monde rural avec sa faible densité, sa vocation productive et agricole, ses enjeux paysagers et environnementaux. La capacité à construire des accords stratégiques entre territoires, sous le pilotage de l'État, me semble être l'un des moteurs possibles de l'égalité des territoires, et en tout cas l'un des outils de redistribution territoriale des richesses induites par la mondialisation.

Je ne crois pas, vous l'aurez compris, au scénario de l'entraînement de l'ensemble du pays par le développement des métropoles. Quelle est la position de la DATAR sur ce scénario, qui semble partagé par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective dans sa vision de la France à 10 ans ? Des politiques publiques ambitieuses de répartition territoriale des richesses induites par la mondialisation me semblent être un scénario préférable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En vous écoutant, j'ai l'agréable impression de ne pas vieillir, puisque je possède deux ouvrages de M. Olivier Guichard, datant respectivement de 1967 et de 1977, qui montrent que certaines cartes n'ont guère évolué, pas plus que certains diagnostics. On parlait déjà de métropoles d'équilibre en 1967. Le diagnostic est bien fait en France. Ce qui pose problème, c'est l'anticipation et l'action. Nous avons une France à plusieurs vitesses, avec les pôles urbains, le littoral, et le « désert français ». Il y a quelques exceptions, avec des politiques locales fortes, souvent de conseils généraux – on peut citer la Vendée, la Loire-Atlantique, l'Alsace, d'autres départements qui savent s'investir dans les énergies renouvelables, mais tout cela fait beaucoup d'inégalités entre territoires.

Pour les PME et PMI implantées dans les territoires ruraux, sans vouloir remettre en cause le principe d'universalité de l'impôt, se posent les questions de la formation, du coût du travail et de la fiscalité.

Ma question porte sur quelque chose qui n'a pas été abordé par les intervenants : les territoires maritimes. La France a la deuxième zone économique exclusive mondiale. On assiste actuellement à une mondialisation de l'économie maritime, des mers et des océans, notamment en ce qui concerne les sous-sols. Nous serions bien inspirés de jouer le coup d'après, en termes de moyens océanographiques : nous avons à faire face à un vieillissement de notre flotte. J'appelle à prendre en compte le rapport du Sénat de 2012 sur la maritimisation. On voit bien que l'avenir économique de notre pays ne se joue pas que sur terre. Certains pays comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine l'ont bien compris.

Je conclurai par cette phrase prononcée par le général de Gaulle à Brest en 1969 : « L'activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche de l'exploitation de la mer, et naturellement les ambitions des États chercheront à la dominer pour en contrôler les ressources. »

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie les intervenants pour leurs éclairages sur le sujet fondamental de l'aménagement du territoire et de la mondialisation. Il faut aujourd'hui retrouver un État stratège sur ces questions. Il y a à mon sens trois points importants de débat.

Le premier concerne l'évolution des flux à l'international. La France, depuis un certain temps, « décroche » sur les produits sur lesquels elle a des avantages comparatifs territoriaux parmi les plus importants. C'est extrêmement préoccupant. Ces chiffres doivent nous amener à penser à un aménagement du territoire qui revitalise nos productions, nos cultures, nos savoir-faire, tout ce qui forme et qui forge l'histoire productive de notre pays. Plusieurs études qui ont été faites sur les classes moyennes dans les pays émergents – un phénomène très important lié à la mondialisation – révèlent que, lorsqu'il est demandé de citer les pays les plus attractifs, la France, grâce à ses territoires, vient souvent en tête de classement. Il faut faire extrêmement attention demain à ne pas déserter ce qu'on ne voit plus, des avantages comparatifs qui sont dans les tréfonds de nos territoires, mais qui séduisent les nouveaux consommateurs.

Le deuxième point est relatif à la question des grands ports maritimes. Avec la globalisation, on va comptabiliser de plus en plus la valeur ajoutée, du fait de la fragmentation des systèmes de production. Vous avez cité les travaux de Suzanne Berger sur le « made in monde », qui font référence dans ce domaine. Je citerai également ceux de Pascal Lamy à l'OMC sur la comptabilisation de la valeur ajoutée. Le monde va finalement être dans ce maillage serré que vous avez évoqué, où les chaînes de valeur vont être de plus en plus serrées et de plus en plus complexes. Du coup, les entreprises en France vont être, soit dans les corridors logistiques, en capacité d'importer et d'exporter dans des containers, soit en dehors de ce réseau. On voit combien les pays d'Europe du Nord ont réussi à irriguer profondément leurs territoires à partir des grands ports maritimes. Nos hinterlands sont un grand sujet. C'est la question de la mise en relation de nos territoires avec les grands ports maritimes. Nous avons cette chance à saisir ; si on n'exploite pas notre capacité portuaire, on risque de priver nos territoires de la présence de nos entreprises dans ces chaînes de valeur internationales.

Enfin, j'évoquerai la question des échelles. Aujourd'hui, sur les régions et les métropoles, on raisonne trop en termes de réduction du « millefeuille », d'économies. Certes c'est un élément de la réflexion. Mais la vraie réflexion à mener, porte sur : quelles échelles de métropole, quelles échelles régionales ? Il ne faut pas opposer les deux univers, les zones à vocation productive et les zones à vocation tertiaire ou à valeur ajoutée, mais faire valoir leur complémentarité, les réconcilier. La compétitivité dépendra aussi de cette mise en relation. Si on veut requalifier notre vocation productive et les avantages comparatifs que j'ai évoqués, il faut rapprocher ceux-ci des métropoles.

Pour moi la vraie question n'est pas l'égalité territoriale mais l'équité territoriale : comment mettre chaque parcelle de notre territoire à une distance acceptable de la mondialisation, ce qui signifie que chaque zone productive, touristique, artisanale, industrielle, doit être proche d'une métropole connectée au monde et qui fabrique de la valeur ajoutée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La mondialisation a un impact incontestable et fort sur les territoires, cela a été dit. Par le perpétuel mouvement qui la caractérise, elle les installe dans un équilibre précaire.

Cette déferlante a produit des ravages dans les régions, les villes, les zones rurales – je pense, en France à l'abandon du charbon et du textile dans le Nord-Pas-de-Calais, l'abandon de la sidérurgie dans la même région et en Lorraine. La fermeture d'une grande entreprise déstabilise souvent l'ensemble du bassin d'emploi. Les territoires traditionnels et historiques d'implantation industrielle ont beaucoup souffert, et pas seulement dans les usines dépassées technologiquement : chaque jour on nous annonce des fermetures de sites et des plans sociaux dans des industries de pointe. Ce ne sont pas uniquement les canards boiteux qui s'en vont, ce sont aussi de beaux canards avec de beaux foies gras. (Sourires)

Les conséquences, ce sont le chômage, très au-dessus de la moyenne nationale dans ces zones, de grandes difficultés à rebondir, des disparités accrues entre les territoires. Certains espaces sont marginalisés dès lors qu'ils ne parviennent pas à capter les flux qui les traversent, sont frappés par des délocalisations ou sont des zones rurales. On crée ainsi des territoires à deux vitesses.

Autre conséquence, à l'échelle de l'Europe et du monde, le dumping social, avec la mise en concurrence des mains-d'oeuvre et des États. La course à l'abaissement du coût du travail est l'un des ressorts essentiels de la mondialisation, avec, d'un côté, dans les pays développés, des milliers d'emplois sous pression pour l'abandon des acquis sociaux, et de l'autre, dans les pays émergents, des salariés qui perçoivent des salaires dérisoires qui leur permettent tout juste de survivre.

La mondialisation débridée installe une anarchie dangereuse dès lors qu'elle n'est pas régulée, que le pouvoir des États diminue, que s'effacent les barrières douanières au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. La pensée libérale, qui considère que le marché doit être laissé à son libre cours, est la pensée dominante qui préside aux destinées du monde. Il est temps que les peuples et les États reprennent la main pour faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers, qui sont aujourd'hui ceux de la finance transnationale. Nous avons besoin aujourd'hui d'une solidarité entre territoires, de protection aussi, mais cela ne peut découler que d'une volonté politique claire, d'une impulsion à l'échelle européenne pour privilégier, sur la mise en concurrence, les échanges entre États et le développement de leurs atouts. Nous en sommes loin aujourd'hui, il y a pourtant urgence.

Une dernière chose et ce sera ma conclusion, cette concentration des activités au niveau des métropoles est complètement contradictoire avec l'exigence de développement durable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au nom du groupe écologiste, je souhaiterais dire que les présentations des intervenants ont permis de mettre à mal quelques-uns des a priori que nous avons sur l'impact de la mondialisation sur les territoires.

La France s'urbanise, effet de sa démographie positive. Elle possède aussi des territoires plus ruraux, d'une richesse naturelle extrêmement puissante. Comment garder l'équilibre dans cette France à plusieurs vitesses ? Il nous faut avoir une approche novatrice.

Je vous poserai deux questions. Tout d'abord, quelle est votre approche de la notion très intéressante de « métapole » forgée par François Ascher dans les années 90, qui aborde le lien entre des pôles urbains polynucléaires et les grands espaces ruraux interliés, et qui permet donc un équilibre entre espace urbain et espaces ruraux ? La métropole Aix-Marseille-Provence, qui est très différente des autres métropoles, mixe des espaces urbains et des espaces ruraux entre les différents pôles, et elle semble correspondre à cette « métapole ».

Ma deuxième question porte sur les ressources, à l'heure où la Chine lance un plan d'urgence pour 262 villes, dont certaines voient leur modèle de développement économique décliner brutalement, voire s'effondrer, car elles n'ont plus accès aux ressources qui le sous-tend. N'est-il donc pas nécessaire, comme l'a annoncé le Président de la République l'été dernier dans le cadre de la « Vision de la France en 2025 », de repenser notre modèle de développement à l'aune de l'économie circulaire, qui est une économie ancrée sur l'utilisation des ressources propres du territoire, fondée sur la préservation des ressources et leur optimisation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au-delà des diagnostics et des projections, il y a la réalité : la mondialisation est un modèle en crise, comme le montrent aujourd'hui les chiffres du chômage, les plans sociaux en France et à l'étranger (celui d'EADS est le dernier en date), les déficits, la dette, etc.

Il nous faut changer de modèle, de paradigme puisque c'est l'expression à la mode, car les mutations entraînées par cette mondialisation débridée se font au détriment des personnes, de leur environnement, et des espaces interstitiels, au profit, d'abord, de la grande finance. La situation des travailleurs détachés est l'expression la plus logique et la plus criante de la mondialisation, avec en point d'orgue la « directive Bolkestein ». Je tiens à saluer les avancées arrachées par le Gouvernement pour préserver notre modèle social.

Monsieur le préfet Delzant, appeler à un processus de polarisation spatiale des territoires, c'est en fait négliger les territoires ruraux au profit des espaces métropolisés. Si comme vous l'indiquez, les dynamiques globales métropolitaines sont inéluctables et s'imposent à nous, malgré nous, l'aménagement équilibré de notre territoire n'est-il donc pas condamné à l'échec ? Les perdants seront plus nombreux que les gagnants : quel est alors l'avenir que vous dessinez pour les espaces ruraux, comme le sud de l'Aisne que je représente ?

Beaucoup de territoires subissent les conséquences de la disparition des services publics de proximité, et du nomadisme des entreprises. J'ai en tête l'exemple du groupe Andros dans ma circonscription, qui ferme une entité pourtant rentable dans un territoire rural. Comment alors dans ces conditions envisager un « rattrapage » des territoires non métropolitains ?

Je m'interroge sur votre capacité à concilier des logiques contradictoires : je participerai cet après-midi au « Cinquième rendez-vous de l'intelligence locale », dont le mot d'ordre est à l'exact opposé de ce que vous venez de nous présenter. Leur perspective est bien celle de la démondialisation, or vous en conclurez les travaux après nous avoir ce matin vanté la perspective de la mondialisation.

Concernant Saclay, comment et par quels indicateurs évaluez-vous votre capacité à renouveler l'industrie française et européenne ? Paris-Saclay est-il un isolat ou bien est-il connecté à l'ensemble de son territoire, du territoire français ? Quels sont les moyens disponibles pour essaimer les fruits de vos avancées dans les territoires ruraux voisins et dans le reste du pays ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quatorze orateurs sont inscrits dans la discussion. Aussi je vous demande de faire preuve de concision.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que la question du territoire est un enjeu majeur dans notre société, les inégalités ne cessent de se creuser entre zones urbaines et zones rurales, et les territoires ne sont en rien égaux face à la mondialisation. Comment alors parvenir à générer en leur sein ces « capacités de résilience territoriale » pour permettre à ces territoires ruraux de retrouver ou simplement maintenir les bases de leur développement?

À mon sens, les territoires ruraux sont les lieux où s'organise la résistance passive à la mondialisation, qui lisse les cultures et les traditions. On le voit avec l'engouement pour l'agriculture biologique, les circuits courts, etc. Il faut donner à ces territoires et aux populations qui y vivent les moyens de répondre aux enjeux de développement et d'emploi, je pense en particulier à la gestion foncière et au désenclavement.

Par conséquence, j'ai deux questions. Faut-il une discrimination positive pour les territoires ruraux, notamment les plus fragiles ? Comment, à l'image de ce qui se fait pour l'urbain avec les métropoles, structurer le rural ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes questions s'adressent à M. David Appia. La première concerne l'attractivité des régions. Lorsque vos bureaux à l'étranger détectent de nouvelles activités, quelle action peuvent-ils avoir pour les transférer en France, et en particulier sollicitent-ils les régions pour ce faire ? Deuxièmement, le niveau des charges en France n'est-il pas un élément de blocage à l'installation d'entreprises étrangères ? Enfin, lorsque nous aidons une entreprise étrangère à s'installer en France, quelles sont les contreparties demandées en échange de cette aide, en particulier quelles règles doit-elle accepter de respecter ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le monde rural fait face à une nouvelle adaptation de grande ampleur, analogue à celle entraînée par la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle.

Si, au début des années 1990, il était encore inenvisageable de développer le monde rural sans une agriculture forte, « territoire rural » n'est plus aujourd'hui synonyme de territoire agricole. De plus, les petites entreprises y ont perdu du terrain face aux grands groupes qui délocalisent leur production. Lorsque les entreprises quittent ces territoires, ce sont aussi les infrastructures de services et de commerce qui les désertent aussi. Or la population résidentielle revient dans ces espaces.

Il faut donc prendre en compte tous ces facteurs dans une politique globale d'aménagement du territoire. Monsieur le préfet Eric Delzant, quelle est votre vision des perspectives pour les néo-ruraux dans l'optique du programme « Territoires 2040 » ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour accompagner l'intégration des territoires dans la mondialisation, depuis une quinzaine d'années, la France développe une politique des pôles. Elle recentre les interventions publiques autour des « pôles de compétitivité » et de l'affirmation des métropoles, qui fait l'objet du projet de loi de décentralisation en cours d'examen. Dans ce cadre, le problème devient celui des territoires « décrocheurs », ceux qui se situent à l'écart des flux d'intégration liés à la mondialisation.

On voit bien qu'il y a en France une volonté de donner une gouvernance adaptée à la métropolisation. Mais que fait-on des territoires « à côté » ? J'adhère à la position de Jean-Christophe Fromantin qui dit qu'il faut faire en sorte que plus aucune parcelle du territoire ne soit à une distance déraisonnable de la mondialisation. Ce que nous recherchons au fond, c'est un équilibre des pôles, entre les métropoles et les pôles territoriaux, et l'interaction entre eux. Quelle est donc l'organisation territoriale souhaitable ? Quel acte de décentralisation serait, selon vous, nécessaire ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La mondialisation est un mot qui inquiète les Français, notamment ceux des territoires ruraux. Or la DATAR constate que la mondialisation se déploie par et pour l'urbanisation, et que les territoires ruraux sont « des survivances très artificiellement entretenues ». Faut-il inévitablement dénaturer nos territoires ruraux pour entrer dans la mondialisation ? Ces territoires disposent de nombreux atouts, avec leurs populations, leurs forces vives, leurs savoir-faire, leur cadre de vie, et aussi, comme dans mon département de la Mayenne, un certain équilibre. Avec des investissements dans les infrastructures de transport, dans le très haut débit et dans la téléphonie mobile, ces territoires peuvent pleinement s'intégrer dans l'économie mondialisée. C'est d'ailleurs déjà le cas de certains d'entre eux. La politique d'égalité des territoires ne doit pas oublier la ruralité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'économie s'installe maintenant où sont les hommes quand, dans le passé, les hommes suivaient l'économie. La mondialisation et le fait métropolitain conglomèrent les richesses dans des territoires exigus, avec tous les inconvénients que cela implique d'ailleurs. D'autres espaces, dits interstitiels, vivent un véritable décrochage qui aggrave bien souvent des faiblesses naturellement présentes. Je suis élu d'un centre-bourg de l'Aisne qui supporte ces charges de centralité et qui subit aussi les effets de seuil inhérents à sa situation. Éloi Laurent a fait un travail considérable pour rendre à cette catégorie d'agglomérations la place qui doit être la leur.

Nous examinons cette semaine en deuxième lecture le projet de loi sur les métropoles. Je crois que celles-ci ne pourront rayonner que si les territoires alentour tirent bénéfice de leur activité. Avec quels moyens pouvons-nous travailler à des projets d'avenir ? Comment intégrer les territoires ruraux dans la mondialisation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis que l'on parle de mondialisation et de territoires, les réponses sont toujours les mêmes : il faut grandir – on parle aujourd'hui de métropoles – et il faut miser sur les technologies innovantes. Mon département, le Jura, invalide cette analyse : c'est un espace rural qui s'appuie sur un savoir-faire pratiquement ancestral – bois, lunetterie, mécanique, agro-alimentaire. Il est pourtant très exportateur.

L'État ne doit pas forcément développer des entreprises venues d'ailleurs. Il doit permettre à tous de structurer des tissus industriels et productifs endogènes. Pour cela, il faut une égalité des chances entre les territoires. Trois secteurs me semblent primordiaux : les infrastructures de transport, les réseaux de communication et la formation des habitants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les missions de l'Agence française pour les investissements internationaux regroupent la promotion de la France auprès des milieux d'affaires et la prospection de projets productifs étrangers. Elle recherche aussi des repreneurs hors de nos frontières pour les sites en difficulté. En dépit de la crise économique, le nombre de projets étrangers accueillis en France entre 2008 et 2012 s'est maintenu à un niveau élevé, bien que le nombre d'emplois afférents accuse une diminution significative.

Pourriez-vous nous faire part des liens de l'Agence avec les collectivités territoriales et les agences locales de développement dans l'exercice de ses activités ? Quels seraient les éléments à améliorer pour renforcer l'attractivité internationale des territoires ?

L'AFII s'est fixée pour objectif d'accompagner chaque année au moins trois cents projets d'investissement sur la période 2012-2014, de façon à sauvegarder douze à quatorze mille emplois. Cette ambition est-elle accessible aujourd'hui ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai beaucoup apprécié les exposés qui nous ont été présentés, mais je peine à dégager une stratégie d'ensemble. Chacun admet désormais la « géolocalisation », l'idée que les entreprises gagnent des parts de marché quand elles s'intègrent dans leur territoire. Les politiques menées depuis 2005, avec en fer-de-lance les pôles de compétitivité et les investissements d'avenir, sont donc pertinentes.

Comment évaluer la qualité et l'efficience de la dépense publique dans le soutien aux entreprises ? Disposez-vous d'indicateurs de performance sur les politiques publiques susceptibles d'accentuer leur intégration locale ? Surtout, comment cesser de juxtaposer des visions cloisonnées, tracées sans consultation des entreprises et des entrepreneurs, alors qu'ils sont pourtant les premiers à la manoeuvre ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis élue d'un territoire qui résiste bien à la crise et dont les entreprises ont relevé le défi de la mondialisation. Tourner le dos à la réalité ne permet pas de s'y confronter efficacement. Au contraire, la France doit le reconnaître comme un fait objectif. Les territoires n'ont pas forcément les capacités d'ingénierie et de prévision pour apporter les solutions adéquates. En outre, il est difficile de dépasser l'opposition entre ville et campagne alors que la solution réside probablement dans l'interdépendance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle différence établir entre mondialisation, globalisation et Union européenne ? En effet, nos déficits commerciaux résultent principalement des échanges avec nos voisins alors que l'imaginaire collectif semble focalisé sur les pays d'autres continents.

Il me semble que le ratio entre emplois relocalisés et délocalisés s'établit à un pour dix. Confirmez-vous ?

Je ne pense pas qu'un territoire puisse être compétitif si la Nation ne l'est pas. Le taux de marge des entreprises françaises est de 27 % ; il atteint 41 % outre-Rhin. Ces chiffres sont éloquents.

Je tiens l'aménagement économique du territoire pour une fiction. Nous sommes déjà heureux si des entreprises s'installent dans notre pays ; comment imaginer d'orienter leur choix d'implantation ? Je crois à l'équité des territoires : leur accessibilité, la réduction de la fracture numérique, la santé publique partout et pour tous sont les déterminants primordiaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les interventions liminaires ont montré que les populations pensent peut-être à l'échelle globale, mais qu'elles vivent encore dans un territoire clairement délimité. Chacun s'accorde sur les pôles de compétitivité, les quartiers d'affaires et l'attractivité des villes mondiales. Pour autant, comment associer au quotidien l'ensemble des acteurs, notamment les plus marginalisés, à la définition des stratégies locales d'insertion dans la mondialisation ?

Permalien
éric Delzant, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale

Je veux remercier chacun des parlementaires, dont les interventions éclairent les débats. Mon propos liminaire était volontairement concis ; je suis ravi d'avoir l'occasion de développer devant vous la vision politique du Gouvernement à la disposition duquel je suis placé.

Les discussions ont beaucoup mentionné le fait métropolitain : celui-ci se distingue de la métropole en tant qu'institution ; c'est un fait objectif qu'on ne peut nier, dont on doit reconnaître les effets positifs comme négatifs, même si les politiques publiques doivent maximiser les premiers et minimiser les seconds.

Il est possible de relier les développements territoriaux entre eux à travers les pôles métropolitains. En tant que préfet de la région Auvergne, j'ai favorisé la constitution d'un pôle métropolitain autour de Clermont-Ferrand pour faire fonctionner entre elles des zones rurales et des territoires urbains – y compris des villes moyennes. En outre, le législateur est en train d'inscrire dans la loi les pôles territoriaux d'équilibre. Ce sont autant de formules pour créer du lien et éviter d'opposer les espaces entre eux.

Le plus important est de développer les capacités et les potentiels qui existent partout : dans des métropoles, dans des villes moyennes, dans des petits villages. La politique d'égalité des territoires doit y concourir. Je récuse d'ailleurs la notion d'équité territoriale car je crois qu'existent des inégalités fondamentales, y compris dans les réseaux et dans l'accès au soin, que l'action publique doit contribuer à réduire.

La diversité des territoires paraît s'accroître. Il n'y a plus une mais des ruralités, qui ne se ressemblent pas, qui sont même parfois concernées par le fait urbain, du fait de la croissance démographique : ce sont les territoires dits « périphériques », comme par exemple l'Oise et l'Aisne. L'opposition entre urbain et rural a donc perdu de sa pertinence, et les réponses doivent être différenciées. Cela requiert un effort d'innovation.

Le Premier ministre a annoncé devant le Congrès des maires une politique d'ingénierie territoriale et de développement des capacités de logement dans les bourgs-centres. C'est une des situations spécifiques appelant des réponses spécifiques, qui entre dans la logique d'égalité des territoires qui est celle du Gouvernement.

Permalien
David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux, AFII

À la question de savoir si le poids des charges sociales bloque aujourd'hui les décisions d'investissement en France, je répondrai par la négative. Au cours de la période récente, nous avons enregistré en moyenne 700 décisions nouvelles d'investissement étranger par an, créatrices de 25 000 à 30 000 emplois. Lorsqu'il procède à ses choix de localisation, l'investisseur se fonde sur un grand nombre de paramètres, parmi lesquels le coût du travail figure au côté de la productivité horaire, la qualité des infrastructures, le dynamisme du marché ou encore la localisation du site projeté.

Dans ce cadre, la France bénéficie d'atouts multiples, qui compensent certains éléments moins favorables. Une étude publiée régulièrement par le cabinet KPMG, portant sur les coûts d'implantation et d'exploitation dans différents pays, classe toujours la France à une excellente position au sein de l'OCDE.

L'attractivité de notre pays, mesurée par les investissements étrangers créateurs d'emploi, demeure solide. Au sein de l'Union européenne, notre pays occupe la première place pour ce qui concerne la logistique et les activités industrielles. Selon le cabinet Ernst & Young, la France était même, en 2012, la première destination européenne pour les investissements créateurs d'emploi portés par des entreprises américaines. Il n'en demeure pas moins que 2013 s'annonce comme une année de tassement des intentions d'investissement. Si les chiffres définitifs ne sont pas encore connus, je note qu'en moyenne, douze entreprises étrangères décident chaque semaine d'investir dans notre pays.

Dans le respect des règles de l'Union européenne, nous soutenons de tels investissements dans le cadre de zones à finalité régionale, avec l'appui de la DATAR. En 2012, les nouveaux projets qui se sont portés en France ont d'ailleurs concerné, pour 20 % d'entre eux, de telles zones.

Outre la promotion, la prospection et l'accompagnement, l'agence contribue à la recherche de repreneurs pour des sites en difficultés. Depuis 2008, nous sommes très régulièrement sollicités à cette fin et avons, plus d'une centaine de fois, approché des entreprises étrangères pour leur proposer de telles reprises, permettant la préservation de centaines d'emplois.

La coopération avec les agences régionales de développement économique s'est récemment renforcée et structurée. La signature de conventions renouvelées avec chacune de ces agences est actuellement en cours, qui doit permettre de renforcer les synergies et d'améliorer l'efficacité du système de soutien à nos entreprises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie l'ensemble des participants à la table ronde pour la qualité de leurs présentations et l'intérêt des échanges avec les membres de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Compte tenu des contraintes horaires, je prie M. Pierre Veltz de nous excuser car il ne pourra pas répondre aux questions qui le concernaient directement.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 11 décembre 2013 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Luc Moudenc, M. Yves Nicolin, M. Philippe Noguès, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal

Excusés. - M. Denis Baupin, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Sophie Errante, M. Christian Jacob, M. Olivier Marleix, M. Franck Marlin, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville