Intervention de Antoine Herth

Réunion du 12 décembre 2013 à 21h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

C'est un choix de société que propose le Gouvernement en déchargeant, par cet article 22, le ministre de l'agriculture et la direction générale de l'alimentation de la responsabilité qui est actuellement la leur de signer les autorisations de mises sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes après avoir pris connaissance des avis de l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cette dernière, désormais chargée d'analyser les risques potentiels et de délivrer les autorisations de mises sur le marché, sera juge et partie. Alors que, en répondant tout à l'heure à Mme Allain, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous feriez le nécessaire pour développer les produits de bio-contrôle, ce qui est reconnaître en creux que vous avez un rôle à jouer dans la diffusion des produits phytosanitaires, le Gouvernement nous explique par cet article qu'il n'en est rien et que tout cela sera du ressort d'une agence, comme il en va pour les médicaments destinés à la consommation humaine.

C'est faire l'impasse sur la dispersion des produits phytosanitaires dans l'environnement, qui impose une analyse du risque systémique – et l'on sait la sensibilité de la population à ce sujet. Si, à l'époque où la question s'est posée, le ministre de l'agriculture n'avait pas demandé un moratoire, les OGM seraient dispersés partout sur notre territoire, puisque les agences compétentes les considéraient sans risque. Le ministre a bel et bien un rôle à jouer, et il est expressément prévu par la réglementation européenne : l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) n'est-elle pas tenue, après avoir analysé les nouvelles molécules, de renvoyer la décision d'autorisation de mise sur le marché aux États membres ? La nouvelle réglementation communautaire a créé trois zones et la France, classée dans la zone Sud, est très sollicitée pour procéder à ces analyses pour le compte de l'Espagne et de l'Italie, ces pays ayant la faculté de décider in fine s'ils acceptent ou non que les nouvelles molécules soient diffusées sur leur territoire. La présomption d'une décision politique en bout de chaîne est manifeste.

Je ne comprends pas que vous entrepreniez, au détour d'un article d'une loi d'orientation par ailleurs pleine d'intérêt, de vous dessaisir de la responsabilité qui vous est dévolue, au risque de lourdes conséquences. Comment l'ANSES, dont nous connaissons le budget, pourra-t-elle, sans moyens supplémentaires, se préoccuper des particularités de l'Outre-mer ? Qui sera à l'écoute du terrain ? Qui décidera des usages orphelins ? Qui donnera les dérogations nécessaires pour faire face à l'urgence quand apparaîtra un nouveau ravageur ?

Cet article organise un transfert de responsabilité majeur ; c'est, de loin, le sujet politique le plus important du texte.

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