Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du 16 décembre 2013 à 16h00
Missions de l'Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Après de longs mois d’âpres négociations, le principe de l’aide alimentaire européenne a fini par être sauvé. Les obstacles étaient majeurs mais la ténacité des socialistes français et européens, appuyés par l’action déterminante du gouvernement français et du Président de la République, a permis cette victoire de l’expression de la solidarité européenne.

Pour autant, le combat n’est pas terminé car, si l’enveloppe budgétaire pour les sept prochaines années est d’un montant équivalent à la période 2007-2013, le FEAD aura une portée beaucoup plus large. Désormais il intervient dans l’ensemble des États membres et non plus dans les dix-neuf du PEAD. Il concernera autant l’assistance matérielle pour les personnes en situation d’extrême pauvreté que l’aide alimentaire, point d’entrée de tout parcours d’inclusion sociale.

Du coup, la dotation de chaque pays sera diminuée mécaniquement. En outre, les achats de denrées alimentaires, dont les prix subissent une forte hausse, seront assujettis au paiement de la TVA, ce qui n’était pas le cas avec le PEAD. Tous ces éléments ont réduit fortement le montant réel de la dotation. Or, les premiers chiffres de fréquentation des associations distribuant l’aide alimentaire montrent une augmentation importante des demandes pour cette campagne d’hiver. C’est pourquoi je salue le geste du Gouvernement, qui a fait voter en fin de semaine dernière un abondement exceptionnel de 7,6 millions d’euros.

Un autre point éveille cependant mon inquiétude, madame la ministre, et vous allez peut-être pouvoir nous rassurer : il s’agit du financement des épiceries sociales. En effet, une difficulté apparaît avec l’inscription dans le nouveau règlement européen, à l’article 21, du principe de gratuité des denrées distribuées. Je sais que la France était contre ce point, mais relativement isolée : il n’a donc pas pu être remis en cause.

Dès lors, les épiceries sociales ne pourraient plus prétendre au financement européen et seraient donc en péril. Or c’est un modèle pertinent, qui garantit la dignité des personnes qui les fréquentent et qui, par l’argent dégagé, finance des actions d’insertion. Pouvez-vous nous indiquer si cette question a été prise en compte dans l’abondement exceptionnel voté la semaine dernière ou si une autre solution est envisagée ?

Nous le savons, le Gouvernement n’aurait pas les moyens de mettre en place un système public d’aide alimentaire. C’est pourquoi nous devons remercier les associations pour leur travail essentiel et saluer le dévouement sans relâche des bénévoles d’un dispositif pourtant plein de paradoxes : une organisation bénévole qui doit fonctionner de manière professionnelle avec une approche entreprenariale pour répondre au mieux à la diversité des personnes touchées par la pauvreté.

Il est donc de la responsabilité de l’État d’épauler le travail des associations, pas uniquement en termes financiers, mais en recherchant également des améliorations à apporter aux nouvelles formes d’organisations possibles et aux filières d’approvisionnement. Le Gouvernement a lancé plusieurs initiatives en ce sens, d’abord en proposant un plan de lutte contre le gaspillage, puis en permettant prochainement la défiscalisation des dons en nature agricoles.

Une logique d’innovation, de mutualisation de bonnes pratiques et des moyens doit présider à l’avenir du dispositif français. C’est le cas de l’expérimentation que nous allons mener dans le département du Gers.

Un des amendements défendus par les socialistes européens portait sur l’approvisionnement alimentaire organisé en priorité avec des produits locaux et régionaux. Or l’approvisionnement direct auprès des exploitations agricoles est une pratique encore très marginale malgré des besoins immenses en produits frais.

L’incapacité actuelle de l’aide alimentaire à répondre aux besoins nutritionnels des populations en situation de précarité est donc largement responsable d’inégalités croissantes de santé constatées en France, même si les résultats de la récente étude Abena montrent une évolution positive.

Il est donc nécessaire de faire évoluer l’aide alimentaire vers un rôle d’acteur économique d’une production locale, comme le fait dans la région Midi-Pyrénées le projet de solidarité locale Uniterres porté par l’ANDES.

Le droit à l’alimentation doit s’inscrire dans une véritable dynamique de droit commun. Dans notre pays, où les valeurs de la table font partie de notre exception culturelle, il est peut-être temps d’inscrire de manière solennelle ce droit reconnu à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 mais pas encore dans notre Constitution. Car de l’alimentation et de la table découlent avant tout du lien familial, du lien social, de l’insertion et de la dignité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion