Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 16 décembre 2013 à 16h00
Consommation — Article 19 octies

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Permettez-moi de consacrer un petit peu de temps à cet amendement no 526 rectifié , car il vise à réformer l’assurance emprunteur et pourrait, s’il était adopté aujourd’hui, entraîner une évolution importante en la matière.

Le Gouvernement s’était beaucoup entendu reprocher de laisser le choix de la date de résiliation des assurances multirisque habitation et automobile, et de remettre en cause un modèle économique en s’attaquant au marché des assurances, sans aller au bout de cette démarche en traitant le dossier de l’assurance emprunteur.

En réalité, nous ne voulions pas agir sans disposer de l’expertise indispensable à la mise en oeuvre d’une réforme qui soit soutenable et ne mette pas en cause la mutualisation des risques, s’agissant notamment de l’assurance emprunteur.

Nos réflexions sont aujourd’hui arrivées à maturité et je souhaite ainsi commenter les dispositions proposées par cet amendement no 526 rectifié .

Il s’agit d’un enjeu important pour nos concitoyens, puisque plus de huit millions de ménages ont un emprunt immobilier en cours. L’assurance emprunteur, si elle bénéficie d’une attention parfois moins grande de la part de l’emprunteur que le taux de son crédit, représente néanmoins une part substantielle du coût total du crédit : entre 10 % et 20 % en moyenne et jusqu’à un tiers.

Le Gouvernement s’était engagé en première lecture à vous remettre un rapport sur la question de l’assurance emprunteur et la part de l’assurance emprunteur dans le coût global du crédit immobilier. L’objectif de ce rapport était d’examiner l’impact et les moyens d’une éventuelle généralisation de la substitution d’assurance emprunteur au cours de la vie du prêt et d’évaluer les effets potentiels pour l’ensemble des assurés.

Pierre Moscovici et moi-même avons confié une mission à l’inspection générale des finances, l’IGF, sur ce sujet. Nous avons rendu publiques les conclusions de cette mission, il y a maintenant une dizaine de jours.

Le rapport de l’IGF confirme que le marché de l’assurance emprunteur est caractérisé par un niveau de rémunération de l’assureur et du distributeur, le plus souvent le banquier, très important.

Qu’il s’agisse des contrats distribués par les banques ou des contrats dits alternatifs proposés par des assureurs, la rémunération du distributeur et de l’assureur représente – j’insiste sur ce point – plus de 50 % du montant des primes versées par l’emprunteur. C’est là, à nos yeux, le signe d’une concurrence insuffisante.

Par ailleurs, l’inspection générale des finances met en évidence une segmentation plus importante de la tarification des contrats alternatifs par rapport aux contrats proposés par les établissements bancaires. Si les contrats bancaires voient leur tarification augmenter en fonction de l’âge de l’assuré, celle-ci ne dépend pas de la catégorie socio-professionnelle de l’emprunteur ou du fait qu’il soit fumeur ou non.

Les contrats alternatifs présentent, quant à eux, une segmentation plus importante en fonction de l’âge, de la catégorie socio-professionnelle, du fait que l’emprunteur soit fumeur, ou d’autres critères encore.

Un jeune cadre non-fumeur bénéficiera par exemple en moyenne d’un tarif plus faible auprès d’un assureur alternatif. Au contraire, un emprunteur plus âgé, surtout s’il est ouvrier, bénéficiera en moyenne d’un tarif plus avantageux en adhérant à un contrat bancaire.

Ainsi, s’il est nécessaire d’introduire plus de concurrence sur ce marché pour faire baisser les tarifs, un alignement du marché sur la segmentation pratiquée par les assureurs alternatifs, telle qu’elle résulterait de la mise en oeuvre d’un droit de substitution tout au long du prêt, n’est pas souhaitable car cela se ferait au détriment des plus âgés et des moins aisés et pourrait même conduire à exclure les profils les plus risqués de l’accès au crédit.

Il y a donc un équilibre à trouver. C’est l’objet de l’amendement du Gouvernement. L’IGF propose d’introduire un droit de substitution pour l’emprunteur d’un contrat d’assurance par un autre contrat présentant des garanties équivalentes. Ce droit de substitution s’étendrait sur une période de trois mois à compter de la signature de l’achat du bien immobilier.

Une telle fenêtre de substitution sera, selon l’IGF, de nature à exercer une pression concurrentielle à la baisse sur les tarifs, sans pour autant conduire à une démutualisation excessive qui nuirait aux emprunteurs les plus fragiles.

Le principe d’une fenêtre de substitution limitée dans le temps nous semble, à Pierre Moscovici et à moi-même, la solution à adopter. Il s’agit ainsi de tenir compte des difficultés que peut rencontrer l’emprunteur lorsqu’il négocie son prêt pour, dans le même temps, négocier son assurance.

En effet, lorsqu’il négocie son prêt, l’emprunteur se concentre sur le montant du capital emprunté et sur le taux appliqué, non sur le montant de l’assurance. Nous avons donc voulu que l’emprunteur puisse disposer d’une fenêtre de substitution lui permettant de substituer à l’assurance emprunteur, qui n’a pas véritablement été négociée, une nouvelle assurance, choisie plus librement une fois le prêt signé.

Nous proposons que la durée de cette fenêtre ne soit pas trop courte – à cet égard, nous jugeons insuffisante la durée de trois mois proposée par l’IGF. Nous proposons une durée de douze mois afin de faire réellement jouer la concurrence et baisser le coût de l’assurance emprunteur qui, je le rappelle, peut représenter jusqu’à un tiers du coût du crédit. Il s’agit donc d’une mesure extrêmement importante.

Le Gouvernement a également souhaité, à travers cet amendement, reconnaître que, s’il existe un droit de résiliation applicable au contrat d’assurance emprunteur au-delà de la période de douze mois, le fait d’accepter ou non la substitution du contrat d’assurance par un contrat présentant des garanties équivalentes relève quant à lui de la liberté contractuelle entre le prêteur et l’emprunteur.

C’est donc au contrat de prêt d’indiquer si cette faculté de substitution existe en cas de résiliation du contrat d’assurance et d’en préciser les modalités. Il s’agit ainsi de clarifier un point sur lequel les interprétations des acteurs du marché ont beaucoup divergé ces dernières années.

Enfin, cet amendement introduit des avancées très substantielles pour les emprunteurs : les garanties et surtout la tarification des contrats ne pourront pas évoluer au cours du contrat sans l’accord de l’emprunteur. Par ailleurs, l’assureur ne pourra résilier le contrat pour cause d’aggravation du risque, notamment d’aggravation de l’état de santé.

Il s’agit là de mesures protectrices du consommateur, de nature à assurer que l’augmentation de la concurrence générée par le nouveau droit de substitution ne se fasse pas au détriment des plus fragiles.

Vous l’aurez compris, cette fenêtre va permettre à l’emprunteur de véritablement évaluer le coût réel de l’assurance à laquelle il est obligé de souscrire, et qui est une vraie protection pour le consommateur, puisqu’elle permettra d’éviter, dans le cas d’une défaillance ou d’un décès de l’emprunteur, que se reporte sur son épouse ou son époux les charges de cet emprunt.

Cette fenêtre de substitution fera baisser le coût de l’assurance en permettant au consommateur de faire jouer la concurrence entre un assureur alternatif et la banque auprès de laquelle il a souscrit le prêt immobilier. Comme vous le savez, le secteur bancaire est réservé sur cette mesure, mais celui des assurances y est plutôt favorable.

Pour autant, nous ne voulions pas que la remise en cause du modèle existant, induite par cette fenêtre, se fasse au détriment de la mutualisation des risques et aboutisse à l’exclusion des populations les plus fragiles du bénéfice de ces assurances.

Nous avons atteint un équilibre. Il s’agit d’une mesure importante qui, je l’espère, sera soutenue par l’ensemble de la représentation nationale car elle améliorera le pouvoir d’achat des Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion