Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous, élus de territoires ruraux, territoires dont vous n’avez pas le monopole de la représentation, chers collègues de l’opposition, avons choisi de promouvoir au travers de cette proposition de résolution une vision dynamique de l’égalité des territoires.
Nous voulons signifier que la dévitalisation de nos territoires n’est pas une fatalité ; elle n’est que la conséquence de l’application pendant les dix ans qui ont précédé notre arrivée aux responsabilités d’une politique de soumission au dogme selon lequel le marché serait plus efficace que la régulation des pouvoirs publics.
Je ne reviendrai pas sur le résultat d’une telle politique car tout a été dit : le constat est celui de l’oubli et de la relégation. Certains territoires sont devenus presque invisibles et cumulent des inégalités en matière d’éducation, de santé, d’emploi, de pauvreté et de sécurité.
Pour enrayer ce déclin territorial, les services publics de l’État sont l’un des principaux leviers permettant d’assurer l’égalité et la solidarité des territoires. Ils sont l’un des éléments constitutifs de notre pacte républicain. S’ils venaient à faillir, c’est l’ensemble de notre contrat social qui serait durablement affaibli.
Les territoires ruraux ont le droit de prétendre à des services publics de qualité. Or les interventions des organismes sociaux, tout comme celles des administrations publiques, sont encore trop cloisonnées. Les politiques de renforcement des méthodes d’action existantes n’ont qu’un effet modéré sur les territoires. Il faut repenser notre modèle d’aménagement du territoire.
L’avenir de la ruralité passera par la transversalité, la stratégie de coopération avec une politique de zonage permettant des politiques sociales et économiques différenciées en fonction de la fragilité des territoires, le tout porté par une intercommunalité de projets ; traiter les liens, traiter les lieux.
Les administrations locales de l’État doivent prendre toute leur place dans cette orientation et agir comme des garants apportant soutiens et conseils aux acteurs dans les territoires.
Je prendrai pour exemple les politiques sociales de lutte contre la pauvreté en milieu rural. Il y a encore peu de données exploitables sur ce sujet, en particulier pour les zones rurales isolées. Combler ce manque fait d’ailleurs partie des objectifs de la mission confiée par le Premier ministre à François Chérèque pour le suivi du plan national de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, une mission dont l’intéressé rendra les conclusions en janvier prochain.
La situation des territoires ruraux diffère selon leur degré d’enclavement, la densité et la nature de leur tissu économique ou le dynamisme de leur population. Les quelques données dont nous disposons – issues notamment du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la pauvreté en milieu rural, publié en 2009 et dont les conclusions ont été renforcées par de récentes études, notamment la contribution de Marianne Berthod-Wurmser au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – démontrent que le monde rural est devenu un espace vers lequel migrent les populations les moins favorisées des villes qui sont poussées par le coût du logement et la rareté du logement social et croient qu’elles amélioreront ainsi leur qualité de vie. Or le piège de la ruralité se referme sur ces dernières et renforce les difficultés déjà présentes sur le territoire : obstacles liés aux transports, absence ou difficulté d’accès à l’emploi et à la formation, déficience des services publics sociaux et médicaux. La boucle est bouclée.
Cette difficulté d’accès aux services sociaux et médicaux représente un vrai problème pour nos territoires. Le taux de non-recours est particulièrement important, au point que la part des prestations sociales dans les revenus des ruraux en situation de pauvreté est inférieure à celle des urbains.
L’amélioration de la coordination des acteurs sur les territoires passe nécessairement par un décloisonnement entre politique sociale et politique de santé, assorti d’un financement réel et effectif. Nous pouvons mettre en place tous les programmes régionaux d’accès à la prévention et aux soins – les PRAPS – que nous souhaitons : si ces programmes ne sont pas financés, ils ne serviront à rien.
La situation est grave. Nous avons besoin d’une approche transversale au niveau national, d’un cadre cohérent et durable ; nous avons besoin de l’État, de plus de maisons de services publics, de ressources coordonnées mieux réparties sur l’ensemble du territoire pour assurer la cohésion sociale ; traiter les liens, traiter les lieux.
Nous savons que le Gouvernement est conscient de nos difficultés. L’existence même de votre ministère, madame la ministre, le prouve et constitue à nos yeux une avancée. Nous sommes rassurés par les premières mesures du pacte rural annoncé le 19 novembre dernier. Nous espérons que nos propositions seront entendues et intégrées dans le futur projet de loi relatif à l’égalité des territoires.
La ruralité n’est pas une charge. Elle a su démontrer sa capacité à faire face avec peu malgré les difficultés de ces dernières années. Elle est porteuse d’innovation, donc d’espoir.