Intervention de Sonia Lagarde

Réunion du 24 octobre 2012 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde, rapporteure pour avis :

Je présenterai, tout d'abord, les grandes lignes des crédits du programme Livre et industries culturelles. Dans un contexte budgétaire tendu, ce dernier connaît une légère diminution de ses crédits de paiement de l'ordre de - 2,5 %.

Le choix a été fait de privilégier les actions décentralisées en préservant les crédits déconcentrés.

Ce programme comprend deux actions : la première action Livre et lecture a pour objectif de favoriser le développement de la création littéraire, d'encourager la pratique de la lecture et de soutenir la chaîne du livre. Ses crédits de paiement diminuent de près de 3 %.

Le Centre national du livre (CNL) est chargé d'encourager la création, l'édition et la diffusion des oeuvres littéraires et scientifiques. À ce titre, le montant du budget pour 2012 est de 39,6 millions d'euros. Il comprend le produit de deux taxes qui lui sont affectées, une sur l'édition et l'autre sur les appareils de reprographie. À cela, s'ajoute une subvention de l'État de 2,8 millions d'euros au titre des transferts de compétence de soutien à certains organismes professionnels telle que l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC).

Pour 2013, on constate que les moyens du CNL sont réduits. En effet, les recettes issues des deux taxes ont été plafonnées à 33,3 millions d'euros ; quant à la subvention, elle ne sera pas reconduite.

L'État soutient un maillage dense de bibliothèques sur tout le territoire et joue un rôle pilote par l'intermédiaire de deux bibliothèques nationales : la Bibliothèque nationale de France (BnF) et la Bibliothèque publique d'information (BPI).

Les crédits accordés à la BnF sont en légère diminution de l'ordre de - 1,16 %. Deux opérations mobilisent les crédits de la BnF : la première consiste en la rénovation du quadrilatère Richelieu, environ 14 millions d'euros sont budgétés pour une opération estimée à 212,8 millions d'euros. Le programme Livre et industries culturelles participera à hauteur de 137,6 millions d'euros, le reste étant financé par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

La seconde opération est la numérisation des oeuvres détenues dans ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. En juillet 2012, le projet Gallica contenait 1,8 million d'ouvrages.

La BPI bénéficie d'une stabilité de sa subvention pour charges de service public qui s'élève à 7 millions d'euros. Depuis 2011, elle est engagée dans une démarche de rationalisation de ses dépenses, en réduisant ses dépenses de fonctionnement et de personnel.

La seconde action de ce programme, Industries culturelles, voit ses crédits de paiement augmenter de 6,8 %. Elle finance les politiques transversales en faveur du développement des industries culturelles, notamment le cinéma, le jeu vidéo, la musique enregistrée ainsi que la lutte contre le piratage des oeuvres culturelles en ligne, par l'intermédiaire d'une autorité publique indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

1,8 million d'euros sont consacrés à la création musicale.

Pour le cinéma, 2,6 millions d'euros permettront de numériser des salles, particulièrement en province, et à soutenir des manifestations liées au cinéma d'auteur.

Quant à la lutte contre le piratage, la subvention de la Hadopi est diminuée de 27,3 % et passe à 8 millions d'euros contre 10,3 millions d'euros en 2012. Lors de son audition, la présidente de la Haute autorité a insisté sur l'insuffisance des crédits qui lui seraient alloués pour mener à bien ses missions et qui mettrait en péril la Hadopi.

J'ai déjà proposé, lors de l'audition de la ministre de la culture et de la communication, que soient recherchés les voies et les moyens d'un financement nouveau qui viendrait compléter les fonds de l'État afin d'aider la Haute autorité à assurer pleinement ses missions. Je sais que des consultations sont en cours avec le ministère pour augmenter ses crédits. Souhaitons qu'elles aboutissent, mais cela n'empêche pas la réflexion pour 2014.

L'arrivée du numérique bouleverse l'économie de la culture, particulièrement celle du livre. C'est pourquoi j'ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à la situation de la librairie.

En premier lieu, l'achat d'un livre qui se faisait autrefois dans sa librairie de quartier ou dans une grande surface spécialisée peut désormais s'effectuer via internet, avec tout un champ des possibles, livraison à domicile, commande sans contraintes d'horaires, catalogue exhaustif.

En second lieu, le livre physique se voit concurrencé par l'émergence d'un nouveau support : le numérique.

Exercer le métier de libraire devient difficile si on y ajoute d'autres facteurs, plus structurels liés à l'augmentation de leurs charges. On peut aisément dire que la marge des libraires diminue, ce qui place beaucoup d'entre eux dans une position d'extrême fragilité.

Tout n'est pas perdu pour autant ! L'expertise, l'accueil du libraire, son professionnalisme, sa passion, la proximité physique, l'agencement des points de vente sont des atouts pour ce secteur. Grâce à sa présence, le libraire participe à l'animation culturelle des régions, particulièrement dans les zones rurales, les collectivités territoriales d'ailleurs ne s'y sont pas trompées en les soutenant. Les librairies sont un maillon indispensable d'une vie culturelle à la française.

Cependant, si la France veut garder son réseau exceptionnel de librairies de par sa densité et sa qualité, la profession doit s'adapter et les pouvoirs publics la soutenir dans cette période de transition.

Voici quelques pistes de réflexion que je développe dans mon rapport.

Il convient en premier lieu de rationaliser le dispositif de soutien pour plus d'efficacité. Comme souvent, les aides au secteur ne manquent pas mais elles sont dispersées, voire redondantes. J'ai été frappée, au cours de mes auditions, par le nombre important d'acteurs, de dispositifs et au final par le manque de lisibilité que cela provoque.

En effet, les acteurs sont multiples. Au niveau de l'État tout d'abord, le Centre national du livre et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), accordent des subventions et des prêts. L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), de son côté, apporte sa garantie aux établissements financiers pour l'octroi de prêts. Au niveau de la profession, l'ADELC a mis au point un mécanisme original, le portage d'actions pour la transmission de fonds de commerce. Enfin, les collectivités territoriales apportent elles aussi leur soutien.

On voit bien que les dispositifs foisonnent. Le libraire peut recourir à des aides pour créer ou reprendre un fonds de commerce, aménager ses locaux ou encore produire ou mettre en valeur des catalogues. Cette liste, de plus, n'est pas exhaustive !

Paradoxalement, malgré cette multitude de dispositifs, il est difficile pour un libraire d'obtenir une aide de trésorerie. C'est pourquoi la proposition développée dans le rapport de M. Bruno Parent de prélever quelques centimes supplémentaires sur toute commande d'ouvrage passée par le réseau DILICOM afin d'abonder un fonds de soutien aux librairies indépendantes me semble une piste, voire une proposition très intéressante. Cela permettrait de mettre dans la boucle du paiement la société Amazon qui propose des remises que les libraires ne peuvent pas toujours offrir, mais surtout de proposer la gratuité des frais de port comme Amazon. Or, il s'agit là de concurrence déloyale par rapport à la profession.

Face à cette multiplicité d'intervenants et de dispositifs, il est donc nécessaire de mieux coordonner ce soutien. Sans méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, une meilleure articulation entre l'action de l'État et celle des collectivités permettrait d'apporter plus de cohérence dans la distribution des aides sur tout le territoire et de dresser enfin une cartographie des points de vente.

Rationaliser, c'est aussi mieux répartir les rôles. Selon la nature de l'aide, il serait opportun d'instituer un chef de file, voire d'instituer un interlocuteur unique au travers d'une structure déjà existante car il ne s'agit pas d'en créer une.

Enfin, il va de soi qu'une évaluation et un suivi de ces aides sont devenus indispensables.

En deuxième lieu, la librairie doit redevenir un commerce rentable. Cela passe, à mon sens, par une meilleure mutualisation de la profession. Je prendrai comme exemple les négociations de taux de remise sur les commandes de livres avec les distributeurs. Si les libraires arrivaient à se constituer en associations, voire à se fédérer afin de réaliser des achats groupés auprès des distributeurs, ils pourraient peser ainsi sur leurs conditions de remise et améliorer leur marge.

Cette rentabilité passe également par une meilleure formation. Être libraire c'est faire partager sa passion des livres, mais aussi gérer un commerce. Le libraire doit s'adapter à sa zone de chalandise et s'orienter vers une stratégie de l'offre.

Enfin, est-il admissible que la loi sur le prix du livre soit détournée par des opérateurs de vente en ligne qui incluent les frais de livraison dans la réduction autorisée des 5 % ? Une vraie réflexion doit être menée sur cette loi, qui doit mériter son titre de prix unique.

En troisième lieu, le libraire doit être un acteur du numérique. Il doit s'adapter aux nouveaux modes de consommation de ses clients et développer des sites de vente en ligne ; 13 % des ventes de livres s'effectuent par ce biais. Pour un libraire indépendant, les dépenses de création et de maintenance d'un site sont substantielles, d'où la nécessité de mutualiser les coûts et de créer des sites internet collectifs. L'échec du portail « 1001.librairies.com » doit être surmonté et une alternative doit voir le jour afin d'éviter qu'une part de marché prépondérante ne soit détenue par un seul opérateur.

Le libraire doit réfléchir à la manière de proposer à ses clients le livre numérique en complément au livre papier. Cela pourrait être sous forme de bornes dans son commerce, ou par l'intermédiaire d'un catalogue de références. Éditeurs et libraires doivent travailler en bonne intelligence en augmentant le nombre d'ouvrages disponibles en format numérique sans nuire évidemment au livre physique. Cette nouvelle organisation doit répondre à l'évolution du marché mais ne doit pas se faire au détriment de l'un. Il s'agit de s'organiser pour faire face à l'évolution du marché, d'élargir l'offre, tout simplement de répondre à la demande en offrant un service supplémentaire, complémentaire.

En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du livre et des industries culturelles.

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