La question est ancienne, même si l’alternative peut être attribuée à Max Weber il y a une centaine d’années.
Depuis toujours, deux concepts s’opposent. Ou bien le mandat politique est un magistère, pour ne pas dire une magistrature, qui s’exerce librement, sans autre rémunération que l’indemnisation pour les frais exposés par l’élu : c’est, en quelque sorte, l’esprit qui a prévalu lors de la rédaction du texte instituant l’indemnité de représentation et de frais de mandat, non imposable et non soumise aux charges sociales. Ou bien le mandat politique est une fonction qui occupe beaucoup de temps, pour ne pas dire un plein-temps : c’est pourquoi nos élus reçoivent des fiches de paie et versent cotisations sociales et impôt sur le revenu ; lorsqu’ils divorcent, ils paient des pensions alimentaires et éventuellement des prestations compensatoires, en fonction du montant des indemnités auxquelles on ne devrait normalement pas toucher.
Nous n’avons jamais pu véritablement choisir entre ces deux options. C’est pourquoi le statut de l’élu a toujours été renvoyé aux calendes grecques – et ce n’est pas aujourd’hui qu’il sera adopté par notre assemblée ! En revanche, pour plaire aux élus, ces barons toujours craints de l’exécutif, on vote des textes visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Il est vrai que l’exercice est difficile. La France compte 519 417 conseillers municipaux qui exercent leur mandat gratuitement, sur tout le territoire et jusqu’au fin fond des campagnes. En face d’eux se trouvent les élus qui perçoivent une indemnité : 800 parlementaires, 36 635 maires, 1 880 conseillers régionaux, 4 042 conseillers généraux, sans oublier quelques dizaines de milliers de maires adjoints, de vice-présidents de collectivités territoriales et de conseillers délégués qui n’ont de cesse de réclamer l’écot qu’ils pourraient obtenir.
Il est vrai que les temps ont changé, et que nos élus travaillent souvent énormément – pour ne pas dire comme des chiens. Ils n’ont que peu de points communs avec les magistrats romains, édiles, questeurs, préteurs, consuls, qui attendaient de devenir propréteurs ou proconsuls pour s’indemniser sur les territoires qui leur étaient confiés, et qu’ils pillaient afin de pouvoir ainsi terminer leur carrière politique – chacun se rappelle Crassus dans le Pont-Euxin !
Il faut désormais répondre à plusieurs défis. Premièrement, il convient d’assurer l’égal accès aux fonctions électives locales, qui ne peuvent être réservées aux fonctionnaires, aux retraités et aux professions libérales. Deuxièmement, il faut assurer la parité. Troisièmement, nous devons permettre aux élus de s’investir librement dans l’exercice de leurs mandats locaux.
La proposition de loi qui nous est soumise consiste en un catalogue sympathique, qui renforcera évidemment un certain nombre de droits et garanties, et qui fera l’unanimité sur tous nos bancs.