Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 19 décembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Ce deuxième budget du quinquennat de François Hollande est celui des illusions perdues, de la poursuite des hausses massives et injustes des impôts sur les ménages et de l’insuffisante réduction des dépenses publiques du fait de l’absence des grandes réformes structurelles dont notre pays a besoin. Ces réformes sont la condition sine qua non d’une réduction forte des dépenses publiques.

Tout d’abord, monsieur le ministre, vous augmentez massivement, en 2014 comme en 2013, les impôts et les cotisations sociales qui pèsent les ménages. L’an dernier, vous aviez essayé de faire croire que seuls les riches paieraient la note et que neuf contribuables sur dix ne seraient pas concernés par les augmentations d’impôts, comme l’avait promis le Premier ministre le 27 septembre 2012. Cet automne, les Français ont découvert qu’il s’agissait d’un mensonge : ce sont les classes moyennes qui auront payé en 2013 l’essentiel des 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages.

Ainsi, monsieur le ministre, 73 % des Français et 49 % de vos propres électeurs pensent que votre politique fiscale demande surtout des efforts aux classes moyennes. Et ils ont raison ! Votre politique a d’ailleurs gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages, notamment modestes. En effet, le pouvoir d’achat moyen par ménage en France aura baissé de 1,5 % en 2013, pour la première fois depuis quarante ans. Et ce mouvement va se poursuivre en 2014, à hauteur d’1 % supplémentaire environ.

Pour 2014, la pause fiscale promise, certes « à terme », par le Président de la République se fait toujours attendre. Ce sont en effet 12 milliards d’euros d’impôts et de cotisations sociales supplémentaires que les ménages français devront payer en 2014, la plus lourde contribution étant supportée par les familles avec enfants.

La mesure la plus antisociale mise en oeuvre par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances est incontestablement la fiscalisation des majorations versées aux personnes ayant eu ou ayant élevé des enfants. C’est un scandale. Un véritable scandale. Oser imposer des femmes veuves, qui ont eu cinq enfants, qui ont consacré une partie de leur vie à les élever et qui perçoivent des pensions très faibles, parce qu’elles ont renoncé à des droits propres ! C’était cela, l’esprit de l’exonération de l’impôt sur le revenu ! Vous n’avez même pas prévu un abattement, tout y passe ! Vous verrez le résultat à l’automne prochain : 3,8 millions de familles sont concernées et il semble que près de 1 million de familles doivent devenir imposables de ce fait – nous attendons toujours le chiffre définitif.

La deuxième mesure la plus antisociale est la fiscalisation des cotisations patronales sur les complémentaires santé. Là encore, vous désespérez les entreprises qui ont fait des efforts, dans le cadre d’un dialogue social avec leurs syndicats, pour améliorer la couverture sociale. Quelle est donc la logique de cette mesure ?

Par ailleurs, la nouvelle réduction du plafond du quotient familial pose une question, monsieur le ministre, à laquelle aucun des membres du Gouvernement n’a voulu répondre : jusqu’où irez-vous ? Voulez-vous même sa suppression ? Je vous annonce qu’avec nos collègues de l’UMP, nous allons saisir le Conseil constitutionnel de cette question.

En effet, dès lors que le peuple français a choisi, dans la totalité de ses composantes, le quotient familial, nous ne pouvons pas le détruire en l’abaissant constamment de 500 euros par an. Au rythme actuel, il aura disparu dans trois ans. C’est donc le système même de l’impôt sur le revenu à la française que vous êtes en train de remettre en cause.

Enfin, dès le 1er janvier, à la suite des augmentations des taux de TVA, les tarifs des transports publics de voyageurs, ceux de la RATP et de la SNCF par exemple, augmenteront de 3 %, tout comme ceux des ordures ménagères et de tous les biens et services taxés au taux intermédiaire. Vous avez même renoncé à ramener le taux réduit de 5,5 à 5 %.

Ces excès fiscaux entraînent une chute des recettes fiscales, notamment en matière de TVA, du fait du développement de nouvelles formes d’économie, que l’on peut qualifier de diverses : location des logements et des voitures sur internet, troc, travail illégal, et beaucoup d’autres formes de transactions sur lesquelles nous avons attiré votre attention, monsieur le ministre.

L’augmentation des taux de TVA au 1er janvier va accroître l’incitation à développer ces différentes formes d’économie souterraine. La baisse du taux de TVA n’est donc pas du tout liée, comme l’a écrit le rapporteur général dans son rapport, à une évolution de la structure des taux : il s’agit d’une évolution structurelle. Tant qu’on ne reviendra pas à des taux plus raisonnables, l’assiette de la TVA se réduira.

Par ailleurs, la politique que vous menez à l’égard des entreprises s’inspire du tango argentin. En 2013, vous avez accablé les entreprises françaises de près de 14 milliards de hausses d’impôts et de cotisations sociales, aboutissant à ce qu’elles aient le taux de marge le plus bas depuis 1986, et surtout le plus faible de toute l’Europe. En parallèle, vous les privez des 13 milliards d’allégements de charges prévus par la TVA compétitivité.

En 2014, changement de pied : vous essayez, enfin, à travers le crédit d’impôt compétitivité emploi, d’abaisser les charges des entreprises de 9,7 milliards d’euros par un mécanisme mal ciblé et difficilement compréhensible.

Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ce que vous aviez dit, lorsque vous étiez dans l’opposition, contre la TVA sociale, vieille idée défendue par les centristes, qui a fini par percer. Vous vous y êtes ralliés, mais sans trop vouloir le dire, sous la forme du CICE, qui vous pose des tas de problèmes. J’étais d’ailleurs hier avec le ministre de l’agriculture à l’assemblée générale de la fédération des coopératives, et j’ai pu constater que leur problème n’était toujours pas résolu. Le Premier ministre et le ministre eux-mêmes ne savent plus comment s’en sortir. Vous auriez choisi le système préconisé par les centristes depuis toujours, vous n’auriez pas ces difficultés car les coopératives auraient bénéficié du dispositif comme tous les autres.

Or, simultanément, et en substitution à un impôt mort-né, la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, vous portez le taux de l’impôt sur les sociétés à 38 % pour les entreprises réalisant plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui rapportera 2,5 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, du moins l’espérez-vous. Nous affichons le taux le plus élevé des pays d’Europe, qui eux maintiennent le taux de leur impôt sur les sociétés, voire le font baisser. Certains d’entre eux en sont à 12 %. Notre taux d’impôt sur les sociétés est donc trois fois supérieur au plus bas constaté en Europe, et 60 % supérieur à la moyenne européenne !

Vous aviez même inventé un nouvel impôt, cette taxe sur l’excédent brut d’exploitation, qui aboutissait à une vraie aberration économique : décourager l’investissement et taxer les entreprises déficitaires. C’est quand même formidable ! Aussi, l’absence de confiance des responsables des entreprises dans la politique économique suivie, les taux excessifs d’impôt sur les sociétés et plus largement une politique hostile aux entreprises expliquent la réduction du produit de l’IS, qui est non pas conjoncturelle mais structurelle, notamment dans les groupes internationaux.

Comment pouvez-vous encore espérer inverser la courbe du chômage ? Comment voulez-vous redonner confiance aux entreprises, notamment aux filiales de groupes étrangers ? Méditons sur l’article publié hier dans Les Échos, signé par cinquante responsables de filiales françaises de grands groupes internationaux, qui écrivent : « depuis quelques années, nous avons de plus en plus de mal à convaincre » nos maisons mères de faire le choix « d’investir et de créer des emplois » dans notre pays. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont eux ! Hélas, ils représentent plus du quart de l’industrie française.

Monsieur le ministre, vous avez commencé un petit peu, par petites touches, à infléchir votre politique. Il faudrait l’inverser radicalement ! Expliquez-nous comment vous allez redonner espoir aux chefs d’entreprise ? Les investissements productifs, selon vos propres prévisions, continuent à chuter ! Comment voulez-vous redressez ce pays sans un redémarrage de l’investissement ? Pour cela, il faut augmenter les marges des entreprises ! Or, le CICE, qui va dans la bonne direction, est un outil tout à fait incomplet.

Par ailleurs, je voudrais développer une troisième idée.

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