Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 17 décembre 2013 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

L'égalité entre les hommes et les femmes a déjà fait l'objet de plusieurs lois. Elle progresse, mais il existe encore une marge pour l'encourager. L'écart de rémunération entre les hommes et les femmes s'élève à 15 % dans le secteur privé et 20 % dans le public, et cette différence atteint 30 % pour les pensions de retraite. La pauvreté s'avère plus répandue chez les femmes, et les postes à responsabilité sont majoritairement occupés par les hommes.

Pourquoi est-ce le Sénat qui a examiné le premier ce projet de loi – comprenant cinq titres et vingt-cinq articles – plutôt que l'Assemblée nationale ? Le texte propose des actions en faveur de l'égalité professionnelle et d'un meilleur accès aux mandats électoraux et aux responsabilités, et contre les stéréotypes et les atteintes à la dignité des femmes : notre groupe partage ces objectifs.

En revanche, nous nous interrogeons sur les articles relatifs aux conséquences des séparations et des divorces, et au partage des devoirs parentaux. En effet, ces sujets, essentiels, auraient gagné à être intégrés dans une loi sur la famille.

Le titre Ier, consacré à l'égalité professionnelle, contient des avancées – actualisation du rapport de situation comparée au moment de la négociation annuelle sur les salaires dans les entreprises, accompagnement des retours de congé maternité ou sécurisation des droits des professions libérales – qui font consensus. En revanche, l'article 2 E, présenté par le Gouvernement comme une fusion de la négociation annuelle avec celle spécifique à l'égalité, complexifie le système existant.

Nos plus grandes réserves portent sur le congé parental : vous choisissez de contraindre plutôt que d'encourager et vous portez atteinte à la liberté des couples. Tout le monde ne peut – ou ne veut – prendre un congé parental de six mois. En effet, dans une famille modeste dans laquelle le père perçoit un revenu bien supérieur à celui de son épouse, un congé de six mois risque de se traduire par une baisse importante du pouvoir d'achat. Cette perte pourra également toucher les professions indépendantes ou les femmes dont le conjoint ne travaille pas depuis assez longtemps pour prétendre au complément de libre choix. Vous évoquerez certainement l'exemple du congé parental suédois – qui dure seize mois, dont douze à partager entre les parents, et qui éloigne moins longtemps les femmes de l'entreprise –, mais il représente 80 % du salaire et peut être pris jusqu'aux huit ans de l'enfant, avantages dont ne bénéficient pas les parents français.

L'article 3 interdit aux entreprises ne respectant pas l'égalité parfaite de concourir aux commandes publiques : il s'agit d'une double peine et d'un ajout de contrainte pour les entreprises, alors que celles-ci souffrent. Cela aura un impact négatif sur l'activité et sur l'emploi, notamment celui des femmes, qui risquent d'en être les premières victimes. N'est-il pas temps de cesser d'accabler les entreprises de textes, de normes et de pénalités ?

S'agissant du titre II, l'article 6 porte sur les conséquences des divorces et des séparations, et sur le recouvrement des pensions alimentaires. Il s'agit d'un vrai sujet puisque les impayés s'élèvent à 40 %. Aujourd'hui, en cas de non-acquittement d'une pension, le parent peut solliciter la CAF pour obtenir une ASF, mais il doit apporter la preuve que tout a été mis en oeuvre pour récupérer la pension. Si le parent en tort est salarié, il est relativement aisé de demander à un huissier de procéder à une retenue sur salaire, mais cela a un coût. Dans les autres cas, il s'avère difficile d'obtenir gain de cause. L'article 6 propose de donner des pouvoirs accrus aux CAF à titre expérimental, mais celles-ci ne recouvrent que 15 millions d'euros sur un total de 75 millions d'euros de créances au titre des avances sur l'ASF. L'effort de trésorerie pour la branche famille deviendra un déficit supplémentaire qui viendra s'ajouter aux 3 milliards d'euros actuels. La création d'une ASF différentielle peut apparaître séduisante, mais elle représente une dépense sur laquelle l'étude d'impact ne dit mot. Doit-on s'attendre à une nouvelle hausse des cotisations ? Nous serons donc très vigilants lors de la présentation du rapport relatif à cette expérimentation, mais cet article aurait, lui aussi, dû être inséré dans un texte sur la famille.

Le groupe UMP examinera ce texte dans un esprit d'ouverture, mais nous nous déterminerons en fonction de la prise en compte de nos remarques et de nos amendements.

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