Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 29 mai 2013 à 21h30
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Cela devrait vous permettre de réfléchir à ce que texte prétend apporter et qu’il n’apportera pas. Par l’abandon de l’alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale qui permet au garde des sceaux de dénoncer au procureur général des faits qui ne sont pas encore poursuivis, ce texte risque de conduire à un recul de l’application générale de la loi et de la protection des victimes. Je tenais à vous le dire pour vous inviter à réfléchir avant qu’il ne soit trop tard.

Ensuite, l’adoption de ce texte risque de mettre notre législation et nos pouvoirs publics, notamment le Gouvernement, dans une situation bien particulière. Personne ne peut ignorer que la révision constitutionnelle que vous nous proposez afin de modifier les dispositions relatives au Conseil supérieur de la magistrature est loin d’être acquise. Que se passera-t-il, quelle sera la situation de notre droit, de l’organisation de l’institution judiciaire si le Congrès se réunit et échoue ou si, ce qui est également possible, le Congrès ne se réunit finalement pas, et que par conséquent la réforme du CSM n’est pas adoptée, alors que la présente loi le serait ?

Vous venez d’affirmer, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que cette révision constitutionnelle et cette loi ordinaire formaient un tout. La réalité viendrait vous démentir ; ce tout serait morcelé, l’un de ses éléments, la fin des instructions individuelles du ministre aux parquets, même écrites, même versées au dossier, serait appliqué, alors que les autres dispositions que vous estimez importantes pour la cohérence de l’ensemble, et qui figurent dans la révision constitutionnelle, n’auraient pas abouti.

Cette loi, pleine de bonnes intentions mais qui peut avoir – j’espère l’avoir démontré – quelques effets pervers, risque donc de se retrouver orpheline dans un ensemble que vous avez voulu cohérent mais qui sera dépareillé. N’aurait-il pas été plus raisonnable de procéder dans un premier temps à la révision constitutionnelle et d’y ajouter ensuite, si vous le jugiez nécessaire, cette disposition par la loi ordinaire ? Vous avez tout voulu faire en même temps. Vous avez souhaité, au nom du sacro-saint respect des engagements du Président de la République, tout faire ensemble, même si cela doit conduire à un résultat disparate. Vous y avez au passage laissé quelques plumes, eu égard aux engagements pris.

Bref, ce texte, s’il n’est pas nocif dans son intention, peut avoir des effets pervers dans son application ; il n’est pas à sa place aujourd’hui dans l’ordre de notre législation. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, je crois qu’il ne faut pas l’adopter, ni même en débuter l’examen. J’espère avoir convaincu notre assemblée qu’il y avait suffisamment de matière à voter cette motion de rejet préalable. C’est ce que je vous invite à faire.

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