Intervention de Gilles Bourdouleix

Séance en hémicycle du 29 mai 2013 à 21h30
Attributions du garde des sceaux et du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Bourdouleix :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat sur la nature des relations entre le ministre de la justice et les magistrats du parquet, plus globalement entre l’exécutif et le judiciaire, est ancien. Déjà, en 1997, la commission Truche en avait fait l’un de ses principaux thèmes de réflexion. Le rapport de la commission de réflexion sur la justice évoquait alors la nécessité « d’éliminer tout soupçon qui affecte l’indépendance de la justice … du fait de la subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des sceaux ». Depuis, le sujet a été abordé à maintes reprises au sein de notre assemblée, notamment en 2004, lors de l’examen de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

La question s’articule autour d’un principe fondamental dans une démocratie qui se veut respectueuse de la séparation des pouvoirs : celui de l’indépendance de la justice.

De ce principe, de cette exigence, dépendent non seulement la crédibilité des institutions judiciaires, mais également la confiance que chacun de nos concitoyens place en la justice de son pays.

Or, mes chers collègues, un constat s’impose : la justification d’une intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires individuelles est contestée car pèsent sur elle les soupçons d’une éventuelle motivation politique des instructions adressées par le garde des sceaux.

En outre, les récentes décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, considérant que le procureur de la République ne peut être une autorité judiciaire en raison de son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif, ont relancé le débat sur le rôle, le statut et l’indépendance de ce parquet à la française. C’est en effet de cette subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des sceaux que découlent les soupçons pouvant affecter l’indépendance de la justice.

Ainsi, tout l’enjeu réside dans la nécessaire conciliation de deux principes, entre une organisation hiérarchique, caractéristique propre de notre système judiciaire, et la nécessité du respect de l’indépendance. D’un côté, l’article 20 de la Constitution indique que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation dans tous ses aspects. De l’autre, l’action publique est exercée par des magistrats juridiquement indépendants et théoriquement impartiaux, bien qu’ils soient hiérarchiquement subordonnés dans un système qui remonte jusqu’au garde des sceaux, membre du Gouvernement.

La suppression de la possibilité pour la chancellerie de donner des instructions individuelles aux magistrats du parquet constitue la principale proposition du texte que nous examinons aujourd’hui. L’éventuelle prohibition des instructions individuelles est effectivement au coeur du débat sur les relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il s’agit là de consacrer la volonté du législateur de garantir l’impartialité des décisions des magistrats du parquet et de mettre fin aux doutes pouvant s’insinuer dans le déroulement des procédures judiciaires.

Nous pourrions difficilement nous opposer à une telle mesure qui relève d’une intention louable et qui de plus revêt une portée symbolique forte.

En revanche, nous considérons qu’il est des moments, lorsque la sécurité de l’État est en jeu, où le garde des sceaux doit conserver la responsabilité de la cohérence de l’action publique. De ce fait, nous estimons que le ministre de la justice doit être en mesure de donner des instructions individuelles aux procureurs généraux dans les seules affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l’État.

Les infractions relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État, notamment au terrorisme, que le code pénal qualifie de "crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique", touchent à la sécurité qui est des domaines de responsabilité essentiels de l’État, dont il est inconcevable qu’il se dessaisisse. Cette exception permettrait de maintenir la régulation de l’action publique tout en écartant les risques de suspicion politique.

En outre, comme l’a prévu la commission des lois concernant les instructions générales, les instructions individuelles devraient être non seulement écrites et versées au dossier, comme le stipule le droit actuel, mais également justifiées et non confidentielles, dans un souci de transparence. Tel est le sens d’un amendement porté par les députés UDI.

Plus généralement, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’indiquer hier à propos de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la question de l’indépendance de la justice et les problématiques qui l’entourent sont vastes. Elles ne sauraient se limiter à la seule question des instructions individuelles.

Les instructions individuelles, ainsi que le rappelle l’étude d’impact, ne sont que de l’ordre d’une dizaine chaque année. En outre, la ministre de la justice a mis fin aux instructions individuelles, comme l’indique la circulaire générale du 19 septembre 2012. Il s’agit donc d’institutionnaliser une pratique dont nous savons bien qu’elle ne suffira pas à elle seule à garantir pleinement l’indépendance de la justice.

Par ailleurs, le projet ambitieux, affiché par ce projet de loi, de rénover la confiance de nos concitoyens dans leur justice, impliquerait sans doute d’entreprendre une réforme en profondeur de celle-ci.

Notre système judiciaire ne se résume pas aux relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il englobe toute une chaîne de compétences qui va de l’agent qui reçoit les justiciables à l’accueil d’un tribunal jusqu’au juge, en passant par tous les personnels de la chaîne juridique.

De même, les dysfonctionnements de la justice sont nombreux : c’est le service public de la justice lui-même qui est en cause, menacé dans sa complexité, dans une société en pleine judiciarisation.

Nous pensons néanmoins que les réponses qui sont apportées sont insuffisantes. Ce dont nous avons besoin c’est de repenser en profondeur la justice en prenant en compte l’ensemble des acteurs de notre système judiciaire et toutes les problématiques qui l’entourent, de manière à améliorer son fonctionnement et à préserver son indépendance.

Mes chers collègues, en dépit de ces réserves, le groupe UDI, dans une très large majorité votera pour ce projet de loi qui entend clarifier les rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public.

De ce principe, de cette exigence, dépendent non seulement la crédibilité des institutions judiciaires, mais également la confiance que chacun de nos concitoyens place en la justice de son pays.

Or, mes chers collègues, un constat s’impose : la justification d’une intervention du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires individuelles est contestée car pèsent sur elle les soupçons d’une éventuelle motivation politique des instructions adressées par le garde des sceaux.

En outre, les récentes décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, considérant que le procureur de la République ne peut être une autorité judiciaire en raison de son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif, ont relancé le débat sur le rôle, le statut et l’indépendance de ce parquet à la française. C’est en effet de cette subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des sceaux que découlent les soupçons pouvant affecter l’indépendance de la justice.

Ainsi, tout l’enjeu réside dans la nécessaire conciliation de deux principes, entre une organisation hiérarchique, caractéristique propre de notre système judiciaire, et la nécessité du respect de l’indépendance. D’un côté, l’article 20 de la Constitution indique que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation dans tous ses aspects. De l’autre, l’action publique est exercée par des magistrats juridiquement indépendants et théoriquement impartiaux, bien qu’ils soient hiérarchiquement subordonnés dans un système qui remonte jusqu’au garde des sceaux, membre du Gouvernement.

La suppression de la possibilité pour la chancellerie de donner des instructions individuelles aux magistrats du parquet constitue la principale proposition du texte que nous examinons aujourd’hui. L’éventuelle prohibition des instructions individuelles est effectivement au coeur du débat sur les relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il s’agit là de consacrer la volonté du législateur de garantir l’impartialité des décisions des magistrats du parquet et de mettre fin aux doutes pouvant s’insinuer dans le déroulement des procédures judiciaires.

Nous pourrions difficilement nous opposer à une telle mesure qui relève d’une intention louable et qui de plus revêt une portée symbolique forte.

En revanche, nous considérons qu’il est des moments, lorsque la sécurité de l’État est en jeu, où le garde des sceaux doit conserver la responsabilité de la cohérence de l’action publique. De ce fait, nous estimons que le ministre de la justice doit être en mesure de donner des instructions individuelles aux procureurs généraux dans les seules affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l’État.

Les infractions relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État, notamment au terrorisme, que le code pénal qualifie de "crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique", touchent à la sécurité qui est des domaines de responsabilité essentiels de l’État, dont il est inconcevable qu’il se dessaisisse. Cette exception permettrait de maintenir la régulation de l’action publique tout en écartant les risques de suspicion politique.

En outre, comme l’a prévu la commission des lois concernant les instructions générales, les instructions individuelles devraient être non seulement écrites et versées au dossier, comme le stipule le droit actuel, mais également justifiées et non confidentielles, dans un souci de transparence. Tel est le sens d’un amendement porté par les députés UDI.

Plus généralement, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’indiquer hier à propos de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la question de l’indépendance de la justice et les problématiques qui l’entourent sont vastes. Elles ne sauraient se limiter à la seule question des instructions individuelles.

Les instructions individuelles, ainsi que le rappelle l’étude d’impact, ne sont que de l’ordre d’une dizaine chaque année. En outre, la ministre de la justice a mis fin aux instructions individuelles, comme l’indique la circulaire générale du 19 septembre 2012. Il s’agit donc d’institutionnaliser une pratique dont nous savons bien qu’elle ne suffira pas à elle seule à garantir pleinement l’indépendance de la justice.

Par ailleurs, le projet ambitieux, affiché par ce projet de loi, de rénover la confiance de nos concitoyens dans leur justice, impliquerait sans doute d’entreprendre une réforme en profondeur de celle-ci.

Notre système judiciaire ne se résume pas aux relations entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. Il englobe toute une chaîne de compétences qui va de l’agent qui reçoit les justiciables à l’accueil d’un tribunal jusqu’au juge, en passant par tous les personnels de la chaîne juridique.

De même, les dysfonctionnements de la justice sont nombreux : c’est le service public de la justice lui-même qui est en cause, menacé dans sa complexité, dans une société en pleine judiciarisation.

Nous pensons néanmoins que les réponses qui sont apportées sont insuffisantes. Ce dont nous avons besoin c’est de repenser en profondeur la justice en prenant en compte l’ensemble des acteurs de notre système judiciaire et toutes les problématiques qui l’entourent, de manière à améliorer son fonctionnement et à préserver son indépendance.

Mes chers collègues, en dépit de ces réserves, le groupe UDI, dans une très large majorité votera pour ce projet de loi qui entend clarifier les rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public.

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