Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, nous abordons le débat sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation, la forêt, projet qui comporte également des dispositions relatives à l’outre-mer. Ce texte doit s’adresser, et telle est notre volonté, à l’ensemble des agriculteurs et des territoires qui se trouvent, aujourd’hui, selon les cas, confrontés à des difficultés, à des projets d’avenir ou à des mutations.
Ce projet de loi d’avenir résulte de la discussion qui s’est tenue à l’échelle européenne sur la réforme de la politique agricole commune. La parole de la France a été essentielle, considérant la place que notre pays a réservée au budget de la politique agricole commune dans le budget européen, et ce grâce à la réussite de la négociation conduite par le Président de la République François Hollande. La France a également pesé de tout son poids grâce aux orientations fixées dans l’accord trouvé au mois de juin dernier sur les grandes lignes de cette politique agricole commune.
Notre objectif, dont je considère qu’il a été largement partagé au niveau européen puisque nous avons abouti, était de modifier l’orientation générale donnée à la politique agricole depuis une vingtaine d’années, orientation consistant à spécialiser les régions agricoles sur notre continent, à faire des choix stratégiques de spécialisation susceptibles de conduire, dans un certain nombre d’endroits, à la disparition de productions.
L’enjeu principal était donc de maintenir la diversité des agricultures à l’échelle européenne. La France, et telle est sa caractéristique, représente à elle seule l’ensemble des agricultures de l’Europe : agriculture méditerranéenne, de montagne, de plaine, agriculture intensive, agriculture des outre-mer.
Nous avons donc, dans notre pays, un concentré de la diversité qui existe en matière d’agriculture à l’échelle européenne. La diversité était donc au coeur du débat.
Nous considérons également que l’avenir de l’agriculture passe par le maintien d’agriculteurs, de paysans et d’éleveurs. Ils sont de fait nécessaires pour pérenniser cette activité à l’échelle de notre continent et, surtout, de notre pays. Cela n’est d’ailleurs pas sans rapport avec la question, qui a été évoquée sur plusieurs de ces bancs, des projets d’investissement dans un certain nombre de filières agricoles, en particulier la production laitière.
La réforme de la politique agricole a aussi entériné un choix en faveur de ce que l’on appelle le verdissement de la politique agricole. En effet, la mutation en cours nécessite que nous soyons capables, à l’avenir, de combiner performance économique et performance écologique ; il en va de notre compétitivité, en particulier pour un grand pays agricole comme le nôtre. Diminuer le recours aux énergies fossiles, aux produits phytosanitaires et aux différents engrais, c’est améliorer les conditions de la production – je parle de leur impact sur l’environnement –, mais c’est aussi, à terme, garantir la compétitivité de la production agricole. C’est tout le sens du projet qui est en débat aujourd’hui.
Si la position de la France a été claire sur le verdissement de l’agriculture à l’échelle européenne, c’est pour faire que l’ensemble de l’Europe s’engage sur cette voie, de façon à ne pas courir, dans ce domaine, le risque – souvent relevé par nos agriculteurs – d’une distorsion de concurrence entre les pays.
Telles sont les décisions qui ont été prises au niveau européen. Une fois encore, la France a pris toute sa part dans la négociation.
Un enjeu spécifique existe pour notre pays : la diminution, voire la disparition, en de nombreux endroits, des productions animales au profit de productions végétales. Sur ce point, il y a eu un débat au niveau européen. Nous y avons pris part avec la volonté d’obtenir des aides couplées pour l’élevage, alors même que, dans les discussions qui avaient eu lieu précédemment sur ce sujet, on avait eu l’impression que le combat était considéré comme perdu. Or, nous avons non seulement forcé la Commission à changer d’approche, mais aussi obtenu un relèvement de ces aides. Pour maintenir et favoriser l’élevage, il faut des aides spécifiques. C’est tout le sens du débat qui a eu lieu sur les aides couplées – je pense en particulier à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et à l’aide aux ovins –, mais aussi au choix qui a été fait, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, de maintenir la politique de compensation de certains handicaps. Ces dispositifs nous permettent de maintenir l’agriculture sur l’ensemble de notre territoire.
Pour résumer, les principaux sujets abordés ont été les suivants : accomplir la mutation consistant à combiner économie et écologie, mais aussi faire en sorte que, au fondement de la politique agricole commune, se trouve le choix d’une agriculture s’appuyant sur les agriculteurs, les paysans et les éleveurs. C’est d’ailleurs pourquoi, sur proposition de la France, ont été mis en place les paiements redistributifs, qui consistent à verser des primes plus importantes pour les premiers hectares. Ce faisant, nous assurons la capacité de l’agriculture à maintenir l’emploi.
Ma rencontre de ce matin avec le ministre allemand de l’agriculture a marqué, sur ce point précis, une convergence majeure : l’Allemagne applique, comme la France, les paiements redistributifs. C’est un choix qui fait honneur à la stratégie que nous avons conduite, et qui témoigne du fait que la France a pesé sur les orientations de la politique agricole commune.
La loi d’avenir pour l’agriculture consiste, à partir de ces grands choix arrêtés au niveau européen, à fournir un cadre législatif permettant à nos agricultures et au secteur forestier d’assurer à la fois leur développement économique et la prise en compte de la dimension écologique de leurs activités.
Nous débattons d’ailleurs de sujets qui concernent 80 % du territoire national, puisque l’agriculture et la forêt représentent l’ensemble de ce qui n’est pas la ville. Il s’agit ici de la capacité économique à faire vivre ces territoires. Les députés ici présents ont tous, dans leur circonscription, des zones rurales ; ils n’ont parfois même que cela. Ils savent l’enjeu économique que constituent l’agriculture et la forêt pour le développement des territoires. C’est donc aussi une loi sur le développement économique de notre territoire que nous examinons aujourd’hui. Il s’agit de notre capacité à socialiser les territoires concernés, à leur ouvrir des perspectives, à faire en sorte que chacun d’entre eux soit parfaitement intégré dans la modernité et bénéficie d’un développement global sur le plan économique.
Cette loi porte sur l’agriculture en métropole et sur la forêt, mais aussi sur l’agriculture des outre-mer. Victorin Lurel a veillé à ce que, dans ce débat, nous nous fixions des objectifs précis en matière de développement des agricultures sur les marchés locaux.
Ce texte vise aussi à mieux réguler les relations commerciales. On se plaint souvent, à juste titre, de la pression qu’exerce, dans notre pays, la grande distribution sur les autres maillons de la chaîne. Il faut que nous soyons capables de créer une nouvelle forme de discussion, fondée sur des négociations ; c’est tout l’enjeu de la médiation proposée dans ce texte.
Le projet de loi aborde également la question, fondamentale, de l’enseignement et de la recherche : notre capacité à préparer l’avenir passe par l’enseignement agricole, c’est-à-dire par l’acquisition de connaissances. Il faut de surcroît faire en sorte que des agriculteurs continuent de s’installer. Or la question de l’enseignement et de la recherche est directement liée à celle de l’installation d’agriculteurs et du renouvellement des générations. Au vu de la pyramide des âges des agriculteurs français, c’est là un défi majeur. L’avenir de notre agriculture passe par de nouvelles politiques d’installation et, surtout, par une modification de l’accès au foncier et de sa maîtrise – ce sujet, je le sais, fera l’objet de longues discussions et donnera lieu à un grand nombre d’amendements. Grâce à ce texte, nous disposerons à l’avenir des outils qui permettront le renouvellement des générations d’agriculteurs.
La forêt est quant à elle un enjeu territorial, économique et écologique. Elle doit jouer tout son rôle dans le développement des territoires et le redressement productif. Tel est l’objet des débats que nous aurons sur cette question et de tous les amendements qui lui sont relatifs.
J’ai participé aux débats de la commission. Nous avons travaillé longuement pour peaufiner les propositions contenues dans le projet. Je me félicite d’ailleurs de l’esprit et de la teneur des débats.
Je me dois de rappeler les grands enjeux et les mesures emblématiques de ce texte, à commencer par la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, la mise en place du contrat de génération, permettant qu’un jeune prenne la succession d’un agriculteur plus âgé, ou encore le renforcement de la médiation commerciale. Ce texte vise en outre à mieux préserver de l’urbanisation certains espaces agricoles naturels et forestiers – c’est là un enjeu majeur pour un pays comme le nôtre. Le projet comprend aussi des nouveautés comme la mise en oeuvre des baux environnementaux. Il s’agit également de réduire les pesticides, les antibiotiques vétérinaires et, plus généralement, les intrants.
Ce texte a par ailleurs pour ambition de développer les programmes dans l’enseignement agricole, notamment pour répondre à l’enjeu de l’agro-écologie. La création d’un Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France permettra de rassembler les capacités de connaissance et de recherche qui font la force de notre pays.
Nous proposons en outre de conduire une politique forestière renouvelée, avec l’idée de mobiliser cette ressource pour en faire un atout écologique, mais aussi économique.
L’enjeu est, en somme, pour l’outre-mer comme pour la métropole, d’exploiter les potentialités liées à la diversité de nos agricultures et de notre forêt, car c’est là un élément économique fondamental. Il s’agit de développer notre capacité à créer de la valeur ajoutée et à mener une stratégie offensive, à l’échelle européenne comme à l’échelle mondiale.
Cette loi comporte trente-neuf articles. J’ai veillé personnellement à ce qu’il n’y en ait pas trop, de façon à ne pas contribuer à l’inflation législative. Cela dit, je vais finir par croire qu’un faible nombre d’articles entraîne une inflation des amendements,