Intervention de Jean-Yves Caullet

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire combien il a été intéressant, pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de se saisir, certes pour avis, d’une partie importante de ce projet de loi d’avenir.

En effet, la double performance que vous avez fixée comme objectif à l’agriculture, monsieur le ministre, répond tout particulièrement, du fait de l’ancrage territorial des filières agricoles et de l’approvisionnement des marchés, aux préoccupations de l’ensemble des membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce principe de la double performance trace la ligne du progrès car – Germinal Peiro l’a très bien dit, comme vous-même, monsieur le ministre – nous devons relever le défi de satisfaire les besoins alimentaires en quantité et en qualité.

Notre pays doit également retrouver la place d’excellence qu’il n’a pas complètement quittée mais qu’il pourrait assumer avec plus de force dans le domaine de l’agriculture et de ses produits transformés.

Or, le progrès n’est pas la poursuite des pratiques passées. Notre agriculture a connu, au fil des siècles, trois grandes évolutions : la concentration de la matière organique du fait de la conservation du fourrage en hiver ; la mécanisation ; le contrôle des facteurs limitants grâce à la chimie et aux moyens de lutte contre les maladies ou les ravageurs des cultures.

Ces acquis et ces compétences existent ; il ne s’agit en rien de les nier, mais on ne saurait non plus les considérer comme la seule solution. La solution réside davantage dans l’observation, la recherche, l’innovation et la diversité. En effet, l’uniformisation des modèles de production conduit inéluctablement à l’appauvrissement des capacités de réaction de nos systèmes de production face aux aléas climatiques et économiques, mais entrave aussi l’adaptation de l’agriculture paysanne, comme l’a montré l’évolution des structures. Dès lors, la diversité, la compétence, la connaissance et la mise optimale de l’écologie au service de l’agriculture sont tout l’enjeu de ce projet de loi, selon la commission du développement durable. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable à tous les articles dont elle était saisie, en particulier dans le domaine agricole et dans celui de la forêt – j’y reviendrai dans un instant, puisqu’elle était saisie du titre V dans son intégralité.

Ce progrès constitue naturellement une piste importante vers la réconciliation : il ne s’agit pas d’opposer des modèles mais de permettre leur développement simultané. Si le nécessaire contrôle des intrants azotés et des antibiotiques doit être renforcé, ce n’est pas pour contraindre mais pour améliorer l’efficacité et la performance économiques. C’est pourquoi, je le répète, notre commission a émis un avis favorable aux articles dont elle était saisie.

En écho aux propos du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, je tiens à souligner à quel point, tant pour l’agriculture que pour la foresterie, le lien entre la recherche et la formation, entre l’acquisition des compétences et leur diffusion, et l’association de l’ensemble des professionnels à l’élaboration de ce nouveau progrès sont essentiels. Il en va là encore de la place de la France, dont l’école agronomique, vétérinaire et forestière fut et demeure renommée, car cette place est désormais contestée par d’autres pays qui ont su mettre au point des systèmes performants. Nous avons là un avantage compétitif : sachons le cultiver.

J’en viens au titre V, consacré à la forêt, dont la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire était saisie dans son intégralité. Le volet forestier de ce projet de loi d’avenir, monsieur le ministre, constitue une étape clef d’un processus de modernisation et de mobilisation du secteur de la forêt et du bois en France, processus déjà engagé avec la création du comité stratégique de filière, les mesures prises en loi de finances rectificative, le « plan national bois » récemment élaboré et signé, la mobilisation de l’ensemble de la profession de l’aval à l’amont et, enfin, les récents soutiens apportés à la gestion de la forêt publique.

Aujourd’hui, ce projet de loi constitue un moment fondateur qui permet la reconnaissance effective de la multifonctionnalité de la forêt – reconnaissance qui ne consiste pas à privilégier l’une ou l’autre de ses fonctions, bien au contraire : la forêt doit tout à la fois produire du bois, garantir une biodiversité et fournir un certain nombre d’aménités sociales. Aucune de ces fonctions ne doit primer sur les autres, même si l’une ou l’autre est parfois plus développée selon les lieux. La forêt périurbaine n’est naturellement pas la même que la grande forêt de production, mais les trois fonctions sont toujours présentes. Il est très important que la loi instaure cet équilibre, car nos concitoyens ne sont pas toujours pleinement informés de la réalité forestière, l’échelle du temps de la forêt dépassant celle de la génération humaine. Nous connaissons bon nombre de situations locales où certaines protestations sont liées à l’ignorance de ce que sera demain le résultat de telle ou telle pratique forestière davantage qu’au rejet réel de l’exploitation de l’une ou l’autre des fonctions de la forêt.

La multifonctionnalité de la forêt est désormais reconnue. Le débat public, monsieur le ministre, sert à valider de manière plus ouverte des orientations nationales et régionales prises dans le cadre des plans nationaux et régionaux de la forêt et du bois. Il est institué un fonds stratégique essentiel pour donner les moyens à notre filière de retrouver l’excellence qui doit être la sienne, compte tenu de son importance économique. Je rappelle en effet que le secteur de la forêt et du bois compte autant d’emplois que le secteur de l’automobile, soit 450 000 emplois environ, et qu’il représente aussi un enjeu de commerce extérieur, de valeur ajoutée et de redressement productif qui n’échappe à personne.

Ce projet permet aussi la reconnaissance des aménités environnementales que fournit la forêt, notamment sa fonction de piège à carbone. Nous aurons l’occasion d’y revenir au fil du débat : il était capital que les fonctions de protection de la ressource en eau, de fixation du carbone et de biodiversité soient reconnues dans ce texte comme des missions essentielles de la forêt, qui peuvent générer des revenus et permettre le développement de la sylviculture.

Un certain nombre d’articles du texte prévoient d’améliorer la gestion de la faune sauvage de sorte que l’équilibre sylvo-cynégétique soit mieux établi en fonction de l’époque et des sensibilités. Autre dispositif contenu dans ce projet : le groupement d’intérêt économique et environnemental forestier, le GIEEF, pendant du modèle agricole, qui sera pour la forêt l’antichambre de la coopérative – au moins est-ce ce qui a été proposé au cours de nos travaux.

Enfin, le texte comporte toute une série de mesures simples visant à dynamiser la gestion de la forêt privée, mais aussi des mesures de consolidation et de simplification des documents de gestion, qu’il s’agisse des aménagements de la forêt publique ou des plans simples de gestion de la forêt privée.

En clair, nous avons là un outil que salue l’ensemble de la profession. Je me félicite des conditions dans lesquelles ce travail a été conduit, monsieur le ministre, tant avec vos collaborateurs et vos services qu’avec les différentes commissions saisies et avec M. le rapporteur, car toutes les auditions que nous avons tenues se sont déroulées dans un climat extrêmement constructif, partagé de surcroît par l’ensemble de la profession – laquelle s’illustre parfois par ses dissensions, mais sait se réunir autour de l’essentiel, c’est-à-dire la mobilisation de notre forêt et de la filière bois pour le climat, pour le progrès, pour l’économie et pour l’emploi.

Une fois l’étape essentielle de la loi franchie, il faudra en appliquer les orientations et poursuivre le travail en veillant notamment, monsieur le ministre, à ce que l’Europe se mobilise autour du secteur de la forêt et du bois. À l’échelle internationale, les enjeux forestiers sont importants et stratégiques et ne doivent pas nous échapper. Il faudra également que le Sommet de Paris en 2015, année du climat dans notre pays, consacre le rôle de la forêt en général. Peut-être qu’une forme de diplomatie forestière serait-elle la bienvenue pour donner un élan à cette rencontre internationale.

Pour conclure, saluons une fois de plus la mobilisation de l’ensemble de la filière autour de ce projet de loi, et gageons qu’elle ne cessera pas car, pour la forêt, il faut du temps et de la persévérance. Je cite de nouveau mes anciens maîtres : « Il n’y a pas de mauvais forestiers, il n’y a que des gens qui changent d’avis. » Je sais que nous n’en changerons pas !

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