Intervention de Delphine Batho

Séance en hémicycle du 8 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Je veux saluer à sa juste valeur ce changement. Et je veux rappeler la définition que donnait Pierre Rabhi, un des pionniers de ce concept : « L’agroécologie est une technique inspirée des lois de la nature. Elle considère que la pratique agricole ne doit pas se cantonner à une technique, mais envisager l’ensemble du milieu dans lequel elle s’inscrit (). Il s’agit simplement de mettre les acquis de la modernité au service d’un projet humain. »

L’agroécologie, c’est exactement l’inverse d’un retour en arrière. C’est la mobilisation des connaissances agronomiques les plus modernes au service de la réussite économique. L’agroécologie, c’est exactement l’inverse d’un carcan, d’une contrainte, d’une rigidité supplémentaire. Où avez-vous vu, chers collègues de l’opposition, que la loi imposait à qui que ce soit de créer un GIEE ? C’est un choix positif. Et cette dimension est essentielle pour entraîner l’adhésion du monde agricole.

Vous avez eu l’intelligence, monsieur le ministre, de concevoir l’agroécologie non pas comme un modèle unique s’imposant d’en haut, mais comme une dynamique qui va partir du terrain, de la base, des projets collectifs des agriculteurs. C’est le développement des circuits courts et de l’agroforesterie, c’est un travail des sols qui respecte la structure et la vitalité de la terre, c’est la lutte contre l’uniformisation avec un haut niveau de diversité des systèmes.

La loi donne des outils. Ensuite, tout restera à faire. Et vous savez l’attente que suscitent les moyens qui accompagneront la création des GIEE, notamment les nouvelles MAE systèmes.

Pourrait-on d’ores et déjà se passer d’un ordre public environnemental et d’un certain nombre de normes ? Malheureusement pas encore parce que la mutation de l’agroécologie est loin d’être accomplie. Souvenons-nous, pour ne prendre que ces deux chiffres, que 93 % des fleuves et rivières sont contaminés par les pesticides et 55 % du territoire est classé en zone vulnérable aux nitrates d’origine agricole.

Cette situation ne permet pas à mes yeux de baisser la garde. Autant je suis pour la modernisation du droit de l’environnement, autant je suis contre son démantèlement. Nous avons déjà eu ce débat : je désapprouve l’intensification sans contrôle des élevages porcins. Il y avait d’autres moyens de rendre plus efficaces et plus rapides les procédures liées aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Le passage à l’azote total est certes une avancée importante, mais nous devons clairement fixer l’objectif de réduire les apports d’azote. Ce sera le seul moyen de convaincre la Commission européenne de notre capacité à passer à une obligation de résultat plutôt que de moyens, c’est-à-dire à faire reconnaître une logique agronomique plutôt qu’une approche purement réglementaire.

De la même façon, je n’approuve pas la relance des projets de retenues de substitution, particulièrement inadaptés dans les départements confrontés à des déficits structurels. Dans la bataille pour la qualité de l’eau, nous devrions mobiliser bien davantage encore l’agriculture biologique. La progression de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique est structurelle : elle atteint 8 % par an. Et nous sommes nombreux, me semble-t-il, à souhaiter que les consommateurs de notre pays puissent trouver sur les étals des produits bio « production de France » et au lieu des seules productions de nos voisins européens. Vous savez, monsieur le ministre, l’attente née des déclinaisons pratiques du plan « Ambition bio ».

Pour terminer, je voudrais souligner deux avancées extrêmement importantes.

La première, c’est l’engagement de l’agriculture française dans la transition énergétique. J’ai toujours pensé que cet aspect pouvait être déterminant pour la politique énergétique de la France, particulièrement dans le cas du biogaz et de la chaleur renouvelable, mais aussi pour le lien entre la société et les agriculteurs et l’amélioration des revenus agricoles. J’étais étonnée d’entendre hier certains collègues de l’opposition dénoncer, à juste titre, les délais d’instruction des dossiers pour la création de système de méthanisation alors que jamais, pendant les dix ans qui ont précédé, ils n’ont levé le petit doigt pour développer la méthanisation en France !

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