La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Yves Nicolin.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Il est intéressant de relire les voeux du Président Hollande aux Français pour 2013 afin d’éclairer la sincérité de ses voeux pour 2014.
Rires sur les bancs du groupe UMP.
Pour 2013, le Président promettait le rétablissement des comptes publics, un pacte de compétitivité pour les entreprises et l’inversion, à la fin de 2013, de la courbe du chômage.
Vous avez échoué sur tous ces sujets.
En ce qui concerne d’abord le déficit, vous vous étiez engagés, en 2013, à le ramener à 3 % du PIB. Or il sera de 4,1 %, malgré les 50 milliards d’impôts nouveaux votés par votre majorité – du jamais vu ! Le Président Hollande a, sur ce premier point, trompé les Français.
Le pacte de compétitivité, ensuite, est un flop retentissant qui oblige le Président à promettre un nouveau pacte pour 2014. Après le pacte de compétitivité version 2013, voici celui de responsabilité avec les entreprises pour 2014. Quelle fuite en avant ! Sur ce deuxième point, votre gouvernement trompe une nouvelle fois les Français.
Le seul point positif des voeux du Président aura été sa prise de conscience – tardive – du ras-le-bol fiscal qu’il impose à notre pays depuis dix-huit mois. Mais quelle est la crédibilité de cette prise de conscience ? C’est un Président dépassé par les événements qui improvise à vingt heures le 31 décembre une promesse de baisse de la pression fiscale, tandis que, de son côté, à zéro heure une minute, le 1er janvier, votre gouvernement engage le prélèvement de 12 milliards supplémentaires sur les ménages de France, avec la hausse de la TVA – que vous combattiez pourtant hier –, des cotisations retraite et de l’impôt sur le revenu.
Quant à l’inversion de la courbe du chômage, vous vous êtes enferrés dans une promesse qui vous conduit à nier la réalité que les Français constatent malheureusement chaque jour dans leur famille.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous sortir de votre déni de réalité et avouer aux Français votre échec ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Monsieur le député, vous avez parlé à juste titre de crédibilité. Je pense que vous faisiez allusion à l’opposition, laquelle est bien incapable de faire la moindre proposition.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est pourtant vrai : M. Copé a annoncé il y a quelque temps, pour améliorer la situation de notre pays, une baisse des dépenses publiques de 130 milliards…
…sans jamais nous dire exactement de quoi il s’agissait, comme s’il existait une méthode miracle pour baisser la dépense publique.
Nous, monsieur Nicolin, nous ne nous contentons pas de paroles ; nous agissons. Je vous renvoie, puisque vous semblez découvrir des choses nouvelles, à ma déclaration de politique générale de juillet 2012.
J’avais, sans complaisance, dressé un tableau de la situation dont nous avions alors hérité, c’est-à-dire une France endettée, un déficit public considérable, mais aussi des services publics en jachère, des réformes jamais engagées, des inégalités qui n’avaient cessé de croître et la perte d’influence politique de la France. Voilà la situation que nous avons trouvée. L’engagement que j’avais pris était de travailler au redressement de la France. Ce redressement est en marche.
Le Président de la République n’a pas dit autre chose le 31 décembre. Il faut amplifier et accélérer ce redressement, ce qui suppose de réduire notre déficit et de diminuer la dépense publique pour retrouver des marges de manoeuvre permettant de réaliser des investissements d’avenir, d’investir dans l’éducation et dans la formation, tout en poursuivant et en gagnant la bataille de la croissance et de l’emploi, en France et en Europe. C’est ce chantier qui nous conduit à proposer aux acteurs économiques et sociaux un nouveau pacte, un pacte d’avenir et de responsabilité. La semaine prochaine, le Président de la République dira aux Français son ambition et sa méthode, mais tel est bien l’enjeu pour l’avenir de la France.
Vous pouvez vous livrer autant que vous voulez au « Hollande bashing » ou au « Ayrault bashing », mais il y a un « bashing » que je n’accepte pas : c’est celui auquel vous soumettez la France. J’aimerais que, de temps en temps, mesdames et messieurs les députés de la droite ultra-conservatrice, vous ayez un peu envie de défendre notre pays et que vous disiez que la France est, non pas le problème, mais la solution.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La solution, c’est de réformer notre modèle social et républicain, non pour le détruire, mais pour lui donner un avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que nous examinons depuis hier à l’Assemblée nationale, constituera, à n’en pas douter, un acte fort pour l’agriculture française.
Ce projet marque un coup d’arrêt à la vision libérale qui s’est progressivement installée dans le monde agricole. Cet acte fondateur n’est pas sans rappeler les premières lois d’orientation agricole de 1960 et de 1962, qui fixaient un cap à notre agriculture et précisaient le modèle d’exploitation permettant à la France d’assurer son indépendance alimentaire et de développer au mieux sa capacité exportatrice.
L’interventionnisme de l’État, qui était alors la règle, s’est essoufflé. Parallèlement, notre modèle agricole s’est épuisé, aux dépens de nos agriculteurs, qui ont vu leur nombre diminuer sans interruption. La loi de 2006 a marqué un virage libéral assumé, compromettant notre modèle historique.
Autant la poursuite d’un libéralisme économique sans borne est toujours sujette à débat dans cette enceinte, autant la protection et l’adaptation de notre modèle agricole devrait, sans dogmatisme, faire consensus.
La préservation de la ressource qu’est la terre, les activités économiques qu’elle supporte et les enjeux en termes d’emploi et d’aménagement du territoire doivent constituer les fondements d’une nouvelle politique agricole.
Votre vision et votre ténacité vous ont permis de mener à bien les négociations de la PAC 2014-2020 et d’obtenir un infléchissement des positions européennes pour réorienter les aides agricoles. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, en quoi la loi que vous portez répond aux attentes du monde agricole et de la société tout entière ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le président, monsieur le député, un débat est engagé sur l’avenir de l’agriculture, et vous y participez comme d’autres.
Vous avez évoqué notamment la réforme de la PAC, une grande réforme à l’échelle européenne, qui a permis de redéfinir les objectifs de l’agriculture. Les aides spécifiques pour l’élevage tendaient à disparaître ; l’idée d’inverser cette tendance a primé. L’environnement était placé sous la responsabilité des États membres ; cette ligne a été abandonnée, l’environnement devenant un choix européen. Enfin, le choix a été fait de la redistribution, avec l’application des paiements redistributifs. L’Allemagne, dont le ministre de l’agriculture est membre de la CSU, a annoncé qu’elle mettrait en oeuvre elle aussi les paiements redistributifs pour les plus petites exploitations. Il existe donc une droite progressiste en Europe !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Vous avez cité certaines lois. Je voudrais, me tournant vers l’un de mes prédécesseurs, rappeler ce qui s’est passé pour le foncier agricole, lorsque la loi de 2006 a libéralisé ce domaine. Nous avons, quant à nous, choisi de réhabiliter le rôle et la place des SAFER, essentielles pour assurer le renouvellement et l’accès des jeunes au foncier agricole.
Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ce sont là les deux éléments majeurs du débat en cours pour l’avenir des agriculteurs de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Le 17 décembre, le tribunal correctionnel de Roanne a relaxé cinq syndicalistes, poursuivis pour avoir refusé un prélèvement d’ADN. Le tribunal a estimé que ce prélèvement n’avait pas lieu d’être. Le procureur de Lyon vient d’interjeter appel de cette décision de relaxe.
Ces militants avaient été condamnés, mais dispensés de peine, pour avoir inscrit des tags sur un mur, en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites en 2010. Ils avaient ensuite refusé le prélèvement d’ADN en mai 2013.
Les prélèvements d’ADN sont devenus une pratique courante à l’encontre de militants, sans que leur justification paraisse fondée ou légitime.
Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.
Depuis sa création en 1998, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, plus connu sous le nom de FNAEG, n’a cessé de prendre de l’ampleur. Au 1erseptembre 2012, environ deux millions d’empreintes y figuraient. Cette extension du fichage génétique et l’évolution des pratiques soulèvent, à juste titre, des interrogations et des oppositions.
La question se pose de la destruction des empreintes des personnes pour lesquelles la justice a prononcé un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, et qui ne sont ni condamnées ni mises en cause dans une autre affaire.
Par ailleurs, différentes études scientifiques démontrent que les segments prélevés peuvent désormais révéler, grâce aux progrès scientifiques, des informations sur les personnes allant au-delà des besoins d’une enquête.
L’extension du fichier, au départ réservé aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles, a créé une situation inédite : militants politiques et syndicaux y sont aujourd’hui fichés. Enfin, refuser de se soumettre au prélèvement peut être puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Ce fichage fait régulièrement l’objet de controverses. Madame la ministre, les syndicalistes, les militants associatifs ou les faucheurs d’OGM, pas plus, d’ailleurs, que les militants opposés à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, n’ont leur place dans ce fichier.
N’est-il pas temps d’agir et de réformer ce fichier afin d’éviter que l’action politique, associative ou syndicale ne soit mise sur le même plan que les délits et les crimes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous comprendrez aisément que je ne peux m’exprimer sur la procédure en cours.
En 1998, Élisabeth Guigou, alors ministre de la justice, a souhaité la création d’un fichier automatisé d’empreintes génétiques afin de lutter contre les délinquants sexuels. Ce fichier s’est avéré un instrument opérationnel très efficace pour les enquêtes de la police judiciaire. Il a été élargi aux crimes contre les personnes en 2001.
En 2003, une nouvelle incrimination autorisant le prélèvement d’empreintes a été introduite, celle de dégradation.
La préoccupation que vous venez d’exprimer est largement partagée. Des dispositions ont été prévues dans la proposition de loi sur l’amnistie sociale, que l’Assemblée a examinée.
Par ailleurs, il existe deux jurisprudences, l’une, d’avril 2013, de la Cour européenne des droits de l’homme, l’autre, du Conseil constitutionnel, qui, saisi d’une question préalable de constitutionnalité, a émis une réserve d’interprétation. Les deux instances ont mis en cause les conditions de conservation de ces données – de vingt-cinq à quarante ans – et de suppression des informations, dont la garantie leur semble aussi bien théorique qu’illusoire.
Nous travaillons avec les parlementaires pour ajuster la loi et avec le ministère de l’intérieur pour prendre en considération ces éléments et modifier aussi bien le fichier des empreintes digitales que celui des empreintes génétiques.
Je ne pense pas que qui que ce soit ici ait l’idée de confondre les militants politiques et syndicaux avec des criminels sexuels…
La justice est armée pour répondre aux pratiques non conformes à la loi de militants politiques ou syndicaux. Il n’y a pas lieu de créer un amalgame. Nous ferons en sorte de concilier la protection des libertés individuelles et l’efficacité des enquêtes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, les gendarmes et les policiers sur le terrain sont de plus en plus désabusés face au sentiment d’impunité des délinquants qu’ils tentent d’appréhender. Les réactions des populations sont de plus en plus vives, vous le savez. Le développement de la délinquance touche maintenant les campagnes. Les maisons isolées comme les fermes deviennent la cible privilégiée d’individus et de bandes organisées.
La politique pénale que votre Gouvernement a mise en place est clairement sur la sellette.
Ce sentiment est dorénavant partagé au plus haut niveau par la hiérarchie. Le 18 décembre dernier, le général Bertrand Soubelet, numéro trois de la gendarmerie nationale, dressait devant la commission parlementaire de « lutte contre l’insécurité » un constat sévère et alarmant sur l’insécurité dans notre pays : le nombre des personnes mises en cause augmente mais celui des placements sous écrou baisse de 33 % ; 65 % des cambrioleurs interpellés dans les Bouches-du-Rhône sont à nouveau dans la nature ; on prendrait plus soin des auteurs de troubles que des victimes et le doublement des effectifs de gendarmes ne changerait rien.
Si le mot « impunité » n’a pas été lâché, c’est tout comme !
Ma question est très simple : la réponse pénale est-elle, comme le suggère ce haut gradé, décalée ? Si c’est le cas, ainsi que tout le monde le pense, quand engagerez-vous enfin la politique pénale vraiment adaptée sans laquelle la délinquance ne cessera d’augmenter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Bertrand Pancher, vous essayez de faire un mauvais usage de la déclaration d’un général. La police et la gendarmerie accomplissent un travail d’une très grande qualité, de même que l’institution judiciaire. Ce travail, impulsé par le ministre de l’intérieur et moi-même, se révèle particulièrement efficace sur le terrain car nous sommes soucieux d’assurer la sécurité des Français.
Je vois au contraire, dans ces éléments que vous avez retenus de la déclaration du général, une mise en cause très claire de la politique pénale conduite ces dernières années, …
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…. qui s’appuyait sur toute une série de lois contradictoires et de procédures qui ne sont ni efficaces, ni opérationnelles. J’y vois encore un vibrant plaidoyer pour une politique pénale telle que nous l’avons conçue et telle que nous réussirons à la mettre en oeuvre, une fois que nous aurons fait adopter notre projet de loi de prévention de la récidive, d’individualisation de la peine et d’efficacité de la sanction. Cette politique vise à assurer la sécurité des Français.
J’en viens aux victimes dont vous n’avez pas dit un mot, ce qui peut se comprendre quand on sait que, lors du précédent quinquennat, si vous avez fortement instrumentalisé les victimes et oublié, durant deux années, de réunir le conseil national d’aide aux victimes. Vous n’avez créé que cinquante bureaux d’aide aux victimes sur trois ans alors que nous en avons ouvert cent en une seule année.
Nous avons augmenté de 25 % le budget d’aide aux victimes et encore de 9 % cette année. Surtout, nous travaillons avec le conseil national d’aide aux victimes que nous avons déjà réuni deux fois, dont nous modifions la composition et qui inspire notre politique pénale. La politique pénale que vous critiquez, monsieur le député, a été écrite à plusieurs mains. Nous avons bien évidemment consulté les forces de police et de gendarmerie, les associations de victimes, toutes les organisations professionnelles de la justice. Ce travail viendra devant le Parlement et je vous invite à y prendre votre part !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’intérieur, madame la garde des sceaux, je pense que vous n’avez pas compris la question de mon collègue, aussi vais-je la répéter.
Le 18 décembre dernier, lors de son audition devant la commission de lutte contre l’insécurité, le général Soubelet, numéro trois de la gendarmerie, a déploré que les délinquants « profitent du système » et qu’ils soient mieux protégés que les victimes.
« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.
Les mesures que vous mettez en place aggravent la récidive et favorisent le sentiment d’impunité. Quelle naïveté, monsieur le ministre, quelle inconséquence de penser que libérer les délinquants et vider les prisons va rendre notre pays plus sûr !
Quand on sait que 65 % des cambrioleurs interpellés dans les Bouches-du-Rhône en novembre 2013 sont dans la nature deux mois après, on peut légitimement douter des capacités de ce Gouvernement à assurer la sécurité de nos concitoyens !
Au lieu de vous attaquer aux délinquants, vous stigmatisez les policiers et les gendarmes qui doivent désormais porter un matricule à sept chiffres.
Cette mesure risque d’être un facteur de déstabilisation des policiers, notamment dans les quartiers sensibles où l’on déplore une montée des violences contre les forces de l’ordre.
Dans une période budgétaire tendue, est-il vraiment nécessaire de dépenser des centaines de milliers d’euros pour fabriquer et distribuer des matricules ? Cet argent ne devrait-il pas être utilisé pour moderniser les véhicules qui affichent plus de 200 000 kilomètres au compteur ou pour rénover les commissariats délabrés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nos policiers et nos gendarmes exercent un métier difficile et dangereux. De nombreuses contraintes pèsent déjà sur eux car ils appartiennent à l’administration la plus contrôlée de France. Ils rendent déjà des comptes et quand ils fautent, ils sont sanctionnés.
Vous déclarez ne tolérer aucun manquement au port du matricule. On préférait que vous n’ayez aucune tolérance pour les délinquants ou les profanateurs de lieux de culte ! Monsieur le ministre, cessez de stigmatiser les forces de l’ordre, revenez sur cette mesure inutilement vexatoire et employez enfin votre énergie à faire baisser les chiffres de la délinquance !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Dino Cinieri, ceux qui ont stigmatisé la police et la gendarmerie sont ceux qui ont supprimé en cinq ans 13 700 postes de policiers et de gendarmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Ceux qui ont stigmatisé la police et la gendarmerie sont ceux qui ont réduit le budget de fonctionnement et d’investissement de la police et de la gendarmerie de près de 18 % entre 2007 et 2012. C’est vous, qui êtes aujourd’hui dans l’opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ceux qui ont stigmatisé la police et la gendarmerie sont ceux qui n’ont eu de cesse d’opposer les forces de l’ordre à la justice. Ceux qui ont stigmatisé la police et la gendarmerie sont ceux qui ont créé les conditions de tension entre les forces de l’ordre et la population.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Parce que nous voulons, conformément à l’engagement du Président de la République, faire de la sécurité la priorité des Français, nous avons mis un terme aux suppressions de postes, nous remplaçons tous les départs à la retraite, nous créons 400 à 500 postes de policiers et de gendarmes par an. Même si, bien sûr, on voudrait toujours plus de moyens, vous ne pouvez nier que nous en donnons : pour la première fois, le budget de fonctionnement de la police et de la gendarmerie augmente.
J’ai visité les commissariats de Livry-Gargan et d’Aulnay il y a trois jours. Vous devriez avoir honte de l’état dans lequel vous avez laissé une grande partie des brigades de gendarmerie et des commissariats de ce pays.
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. -Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous voulons donner les moyens aux policiers et aux gendarmes d’entretenir des relations apaisées avec la population car une relation de confiance entre les citoyens et les forces de l’ordre rendra le travail de ces dernières plus efficace.
Avec Christiane Taubira, nous voulons faire en sorte que la chaîne pénale soit efficace car je vous rappelle que jusqu’à présent, ce sont vos lois qui s’appliquent, pas celles de cette majorité. La loi qui sera bientôt discutée au Parlement vise à lutter contre la récidive. Nous, nous sommes efficaces alors que vous n’avez pas été à la hauteur des préoccupations des Français !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RRDP. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’environnement, les fêtes de fin d’année n’ont pas été très joyeuses pour la plupart des sinistrés victimes des inondations. C’est vrai dans ma circonscription, à Quimperlé, comme dans d’autres villes du Finistère telles que Quimper, Châteaulin et Morlaix, et dans bien d’autres lieux de Bretagne où les crues ont eu des conséquences catastrophiques. Le Gouvernement a d’ailleurs pu les mesurer puisque plusieurs ministres ont très rapidement effectué des visites fort appréciées sur place.
Le moment est venu de tirer les conséquences de ces intempéries et de s’interroger. Tout d’abord, le système d’alerte a connu des dysfonctionnements initiaux qui l’ont empêché de mesurer la vitesse et l’ampleur des crues. La fermeture de centres météo n’y est peut-être pas étrangère : il serait souhaitable d’en tirer les conséquences.
Ensuite, toutes les autorités ministérielles qui nous ont rendu visite ont annoncé que l’état de catastrophe naturelle serait déclaré. Très bien, mais toute la question est de savoir quand ! Il importe désormais aux citoyens, aux commerçants et à toutes les entreprises qui ont subi de graves préjudices de savoir s’il est ou non possible d’activer des mécanismes tels que le FISAC ou d’autres aides exceptionnelles pour leur permettre de faire face à la situation.
Enfin, les villes qui ont été touchées et qui, pour la plupart, avaient effectué des travaux importants et onéreux afin d’éviter ces inondations, savent que la prévention passe par des aménagements légers en amont. Or, les petites communes rurales de l’amont n’ont les moyens ni techniques, ni juridiques, ni financiers d’agir en ce sens. Peut-on mobiliser les services d’agences publiques comme l’Agence de l’eau afin de résoudre l’ensemble de ces problèmes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Les inondations qui ont touché la Bretagne nous rappellent la nécessité d’agir pour réduire la vulnérabilité de nos territoires face à ces phénomènes. À la lumière de cette expérience, le Gouvernement est décidé à améliorer la rapidité de son système d’alerte, l’efficacité de sa réponse et la coordination avec les communes concernées.
Dès demain, à la demande du Premier ministre, nous serons avec M. le ministre de l’intérieur – qui s’était déjà rendu sur place dès le 27 décembre dernier – de nouveau en Bretagne pour rencontrer les élus et les services chargés de la gestion de ces crises. C’est ensemble que nous progresserons.
En ce moment, nous recevons chaque jour la visite d’un ministre en Bretagne ! Il nous faudrait plutôt des actes…
S’agissant de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les arrêtés seront signés la semaine prochaine et ouvriront droit aux procédures d’indemnisation.
Quant à la réduction à la source des risques d’inondation, les parlementaires y ont déjà contribué en votant la création d’une compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations dans le cadre de la loi sur les métropoles.
Comme il l’a fait depuis le début des intempéries en Bretagne et à La Réunion, le Gouvernement restera mobilisé aux côtés des collectivités, notamment des petites communes, qui pourront bénéficier du fonds de prévention des risques naturels majeurs pour réaliser leurs projets de prévention.
Les événements qui se sont déroulés en Bretagne doivent être analysés, monsieur le député. Ce qui peut être amélioré doit l’être. Je ne voudrais pourtant pas oublier de saluer la mobilisation des fonctionnaires – agents de l’État, agents d’ERDF, agents des ministères de l’écologie et de l’intérieur – qui, en ces circonstances, ont fait honneur au service public et, d’une certaine façon, à la République !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Depuis la mi-décembre, monsieur le ministre du travail, vous vous félicitez du projet d’accord relatif à la formation professionnelle auquel a abouti la négociation ouverte en septembre par le Gouvernement. Si cet accord comporte quelques avancées, il n’en est pas moins décevant pour les demandeurs de stage en formation professionnelle, qu’il s’agisse de contrats d’alternance, de professionnalisation ou d’apprentissage.
Ils rencontrent des difficultés croissantes pour décrocher des stages, pourtant indispensables à la validation de leur formation. Ces difficultés tiennent à la crise, aux fermetures de sites et à la réduction de l’activité économique ; mais la conjoncture n’explique pas tout ! On observe en effet une réticence croissante des employeurs à accepter les stagiaires de la formation professionnelle, alors même que leur activité le leur permettrait.
Ce problème est exacerbé dans les outre-mer, notamment en Martinique où les publics concernés, ayant entamé la partie théorique de leur formation, ne peuvent la mener à terme faute d’avoir trouvé une entreprise d’accueil avant la date butoir. De nombreux jeunes précédemment en situation de décrochage, qui ont eu le courage de rebâtir un projet professionnel, sombrent dans l’angoisse et le sentiment de l’échec face au rejet systématique de leurs demandes ou, pire encore, à l’absence de réponse de certaines entreprises. Ils cèdent alors au découragement et retournent dans la rue, où l’oisiveté et la marginalisation les guettent.
Dans un contexte de pénurie d’emplois, les dispositifs existants ne sont pas suffisamment incitatifs. Quels moyens concrets entendez-vous déployer, monsieur le ministre, pour que la politique en matière de formation soit en adéquation avec les perspectives d’avenir que nos jeunes sont en droit d’attendre ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Je vous remercie, monsieur le député, pour cette question qui souligne les avancées que représentent la négociation et, je l’espère, le texte relatif à la formation professionnelle et à l’alternance dont l’Assemblée sera saisie dans quelques semaines. Je vous remercie également de rappeler certains des obstacles auxquels nous devons nous attaquer pour que l’alternance ne soit pas une simple déclaration de volonté, y compris de la part du patronat, mais qu’elle devienne une réalité en permettant l’accueil effectif dans les entreprises et les services concernés des personnes qui ont besoin de ces stages, qu’il s’agisse de formation professionnelle, de contrats de professionnalisation ou d’apprentissage.
Les avancées – nous y reviendrons longuement – de cette négociation et du texte que je vous proposerai bientôt se résument ainsi : davantage d’argent pour ceux qui ont davantage besoin de formation, c’est-à-dire les jeunes dont la formation est insuffisante pour trouver un emploi, les chômeurs qui ont besoin de cette formation supplémentaire pour occuper un emploi, mais aussi ceux qui, dans les entreprises, se trouvent aux niveaux les plus faibles et sont souvent les premières victimes des restructurations.
Il faut pourtant pouvoir trouver des stages et des entreprises qui accueillent les stagiaires en question. À cet égard, il est vrai que nous rencontrons les uns et les autres un certain nombre de difficultés. Sur ce point, je ferai deux réponses. Tout d’abord, je veux que le pacte de responsabilité s’impose aussi aux entreprises qui nous demandent à raison le développement de l’alternance : en contrepartie, elles doivent déployer les capacités d’accueil des jeunes et des moins jeunes qui ont besoin d’une formation. Ensuite, le Premier ministre a demandé que nous ouvrions plus largement les collectivités locales et les administrations de l’État pour y accueillir aussi des apprentis. Je suis persuadé que dans les DOM, et dans votre île en particulier, monsieur le député, cela permettra d’offrir de nouvelles possibilités de formation aux jeunes !
Applaudissements sur plusieurs bancs du bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur Valls, vous devriez faire preuve de plus de modestie face à l’explosion de la délinquance qui frappe les Français depuis votre arrivée place Beauvau.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier ministre, nos soldats accomplissent un travail admirable depuis maintenant plusieurs semaines à Bangui, mais ils sont les seuls soldats européens à patrouiller pour tenter de rétablir le calme dans ce pays.
Les troupes africaines présentes sont contestées par une partie de la population quand elles ne se combattent pas entre elles. La situation est extrêmement tendue pour nos forces, qui font face à une instabilité qui se développe en l’absence de solution politique.
Les députés du groupe UMP ont demandé la constitution d’une mission d’information au sujet de l’opération Sangaris. À la surprise générale, cette demande a été rejetée par les présidents des commissions de la défense nationale et des affaires étrangères.
La mission d’information parlementaire au sujet de l’opération Serval au Mali s’est parfaitement bien déroulée. Quelles sont les raisons qui justifient, de la part de l’actuelle majorité, un tel refus pour l’opération en cours en Centrafrique ? Si la décision d’intervenir à Bangui afin d’éviter un bain de sang est justifiée, elle n’empêche pas pour autant de répondre à un certain nombre de questions complexes.
Pourquoi la communauté internationale a-t-elle attendu un an avant d’intervenir, laissant ainsi prospérer les massacres à l’encontre des chrétiens perpétrés par des milices islamistes venues du nord ?
Où sont les renforts militaires de l’Union européenne annoncés en décembre dernier par le ministre des affaires étrangères ?
Quelles sont les solutions politiques étudiées pour sortir de cette situation qui pourrait se révéler extrêmement dangereuse pour la sécurité de nos troupes ?
Quel est le coût de cette opération mandatée par l’ONU, mais payée par les seuls contribuables Français ?
À ce jour, 2500 hommes sont encore engagés au Mali. Comment nos armées pourront-elles mener à bien cette mission avec une loi de programmation militaire qui réduit leurs moyens ?
Ces questions, monsieur le Premier ministre, sont d’importance et justifient la constitution d’une mission d’information parlementaire.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Il serait temps pour la majorité de ne pas entraver la constitution de cette mission, sauf à vouloir remettre en cause le soutien apporté à l’intervention en Centrafrique le 5 décembre dernier par notre assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, il y a beaucoup de choses dans votre question.
S’agissant de l’information, le Gouvernement et les commissions compétentes, c’est-à-dire la commission des affaires étrangères et la commission de la défense, à travers leurs présidents, sont, bien sûr, parfaitement d’accord pour donner toutes les informations. Le ministre de la défense et moi-même nous sommes rendus à plusieurs reprises devant ces commissions et le Premier ministre a reçu à Matignon les principaux responsables du Parlement.
Votre demande porte sur une question bien spécifique qui est, si ma mémoire est exacte, la possibilité de constituer une mission d’information, en application du quatrième alinéa de l’article 145 du règlement de votre assemblée. Il se trouve que les autres procédures permettent parfaitement de répondre à votre demande et permettent aussi, le cas échéant, à des parlementaires de se rendre en Centrafrique. Dans ces circonstances, la Conférence des présidents n’a pas estimé nécessaire d’avoir recours à l’article 145.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Sur le fond – et c’est là l’essentiel –, il y a exactement un mois, il y avait en Centrafrique un risque imminent d’embrasement et de désastre humanitaire. Dans ces circonstances, la question posée aux autorités françaises était de savoir si nous allions détourner le regard, laisser passer les massacres en sifflotant, ou intervenir.
Le Président de la République a pris ses responsabilités en envoyant là-bas 1 600 hommes et nous assumons cette décision.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
L’intervention, complétée par la présence, à terme, de 6 000 Africains, a un triple but : sécuritaire, humanitaire et de transition politique. Demain, aura lieu à N’Djamena une réunion sur toutes ces questions. Le Gouvernement français est à votre disposition, mais il assume ses responsabilités. Dans le monde entier, on applaudit ce que fait la France. Je ne voudrais pas que ce soit en France que ce soit contesté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe RRDP.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez fait de la lutte contre le décrochage scolaire une de vos priorités, conformément aux engagements pris par le Président de la République de réduire de moitié le nombre de décrocheurs sur la durée du mandat. Cette priorité est directement liée à la question de l’emploi. Chaque année, ce sont en effet 150 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans qui sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ils se retrouvent ainsi sans emploi dans sept cas sur dix. Et ce sont ces décrocheurs qui alimentent le stock des 500 000 jeunes sans emploi, auquel s’est attaqué le ministre Michel Sapin par une politique volontariste qui se situe nécessairement en aval.
En amont, c’est bien à l’école que se situe le besoin d’agir. Nous savons que les 20 % d’élèves qui quittent le primaire sans avoir acquis les fondamentaux sont les futurs absentéistes au collège, et donc, les futurs décrocheurs.
Leur situation n’est pourtant pas une fatalité, et c’est ce que vous avez montré, monsieur le ministre, avec votre plan contre le décrochage, lequel vise à la fois à prévenir la sortie du système scolaire et à favoriser le retour en formation des jeunes qui ont déjà décroché.
Dès décembre 2012, vous avez pris des mesures fortes dont la mise en place du dispositif Formation Qualification Emploi – le FOQUALE. L’objectif était de faire revenir 20 000 décrocheurs dans un parcours de formation qualifiante en 2013 : cet objectif est aujourd’hui non seulement atteint, mais dépassé, puisque 34 000 jeunes ont pu bénéficier, soit d’une formation diplômante, soit d’une prise en charge dans le cadre du service civique. J’ai pu observer dans l’Aisne, département parmi les plus touchés de France, la qualité et la pertinence de ce dispositif qui s’adresse à 2 777 élèves.
À l’heure où vos services font le bilan de cette action de lutte contre le décrochage, pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, quelles premières conclusions vous tirez de la mise en oeuvre de ce dispositif, qu’il s’agisse des moyens mis en oeuvre ou de la nature des actions entreprises ? Confirmez-vous que ce dispositif sera prolongé en 2014, voire au-delà ?
Madame la députée, le décrochage, qui concerne 150 000 jeunes, soit 25 % d’une classe d’âge, pose un problème à chacun de ces jeunes. Ce sont, la plupart du temps, des destins brisés, surtout dans un pays où il y a un lien plus étroit qu’ailleurs entre la qualification, le diplôme et l’insertion professionnelle. Mais le décrochage pose également question à la nation tout entière.
Sur la base des plates-formes mises en place par la majorité précédente, 360 plates-formes qui ont fait un travail extrêmement utile, nous avons en décembre 2012, avec Martin Hirsch et la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, décidé de mettre en place un réseau FOQUALE, comme vous l’avez rappelé, qui permet à chaque jeune identifié de trouver une solution individuelle.
Sur la base de ce travail, les premiers résultats sont encourageants. Nous avions fixé, pour la première année, un objectif de 20 000. Il est dépassé : ce sont 20 000 jeunes directement dans les établissements de l’éducation nationale, 3 000 dans l’Agence du service civique, et plus de 10 000 actuellement pris en charge par la mission de lutte contre le décrochage.
Cela montre, et c’est important, surtout pour tous ceux qui se sont engagés – les collectivités locales, les associations et leurs nombreux bénévoles, les différents services de l’État – que lorsqu’on est dans la continuité de politiques publiques intelligentes et volontaires, lorsqu’on accepte de s’ouvrir et de faire travailler tout le monde, lorsqu’on est sur des vrais sujets qui concernent l’intérêt national et la cause d’un certain nombre de jeunes, nous pouvons réussir.
Les politiques éducatives, je le dis souvent, sont des politiques de long terme, mais nous marquons ainsi que nous pouvons avoir des résultats. Ce matin, François Chérèque s’est engagé pour l’année qui vient, au nom de l’Agence du service civique, à fixer un objectif de 5 000 jeunes. J’ai fixé pour l’éducation nationale un objectif de 25 000. Je suis sûr que nous y arriverons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.
La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je rappelle tout d’abord à M. le ministre des affaires étrangères que la demande du groupe UMP découle de la situation exceptionnelle que connaît la République Centrafricaine, dont la représentation nationale dans son ensemble a vocation à être informée.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
J’en viens à présent à ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. Nous examinons cette semaine, monsieur le ministre, le texte relatif à l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt. D’avenir il n’a en fait que le nom. Les enjeux sont connus : la compétitivité de la ferme France et les bonnes pratiques environnementales.
Vous avez décidé en octobre dernier, par arrêté ministériel, la mise en place d’un cinquième plan national sur les nitrates. On peut légitimement se demander si vous avez engagé une concertation avec les acteurs, locaux en particulier. Manifestement, la réponse est non. Avez-vous pris en compte les résultats prometteurs mesurés depuis dix ans sur le terrain par les DREAL ? La réponse est encore non. Vous êtes-vous penché sur les pratiques en vigueur dans d’autres pays européens, vous qui parliez à l’instant d’agriculture en Europe ? Le cas des Pays-Bas démontre incontestablement que vous n’avez pas emprunté le même chemin.
Vous avez défini un plan d’action sans concertation, ce dont vous n’avez sans doute pas mesuré les conséquences. C’en est même à se demander, monsieur le ministre, si vous avez examiné la topographie de notre pays.
En effet, l’examen de certaines régions de notre pays montre que les pentes de 10 % voire 20 % y sont extrêmement nombreuses. En fin de compte, votre arrêté se résume une fois de plus à l’interdiction et la restriction, c’est-à-dire à une sorte de gigantesque empêchement de travailler et donc une menace pour les emplois afférents. Pour les filières d’élevage, cela constitue un handicap extrêmement lourd !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Je vous rappelle tout d’abord, madame la députée, que la France est en contentieux avec les autorités européennes à propos des nitrates.
Je tiens à informer la représentation nationale que l’arrêté sur lequel il nous a fallu travailler en vue de le corriger a été signé le 11 février 2011, par le gouvernement précédent.
S’il nous a fallu travailler en concertation, c’est pour améliorer ce qui avait été décidé sous la contrainte de la Cour de justice européenne.
Vous affirmez que je ne connais pas la topographie, madame la députée. Je l’ai pourtant parfaitement prise en compte, en particulier dans votre région pour les épandages d’azote, ce dont les professionnels se sont félicités.
De même, j’ai pris en compte des éléments que vous n’aviez pas intégrés, par exemple le stockage en plein champ des fumiers pailleux, qui a cours en Allemagne. Comme vous le voyez, le Gouvernement, sur la base d’un arrêté signé antérieurement, a amélioré la situation des agriculteurs de France !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif et porte sur la situation critique de la papeterie Stora Enso de Corbehem, dans le Pas-de-Calais, et de ses 350 salariés. L’une des plus grandes usines papetières françaises est aujourd’hui menacée de fermeture pure et simple. L’annonce en a été faite lundi dernier à l’issue d’un comité d’entreprise dont la réunion a été obtenue par les organisations syndicales. C’est l’épilogue douloureux de quatorze mois d’attente, d’espoirs et de déceptions endurés par les salariés de l’usine. Je m’associe d’ailleurs au combat qu’ils mènent avec responsabilité, compte tenu de leur détresse et de leur exaspération compréhensible, afin de médiatiser le sort fait à l’usine à laquelle ils tiennent.
Celle-ci dispose de nombreux atouts, pour le présent comme pour l’avenir, en particulier des salariés au savoir-faire pointu et une position géographique à proximité des grands axes de circulation et de trafic de marchandises avec l’Europe du Nord. De surcroît, elle possède un outil productif majeur, la fameuse machine 5 qui coûta plus d’un milliard de francs lors de sa construction et que les professionnels de la filière considèrent comme neuve. Les salariés et leurs familles, ainsi que les élus locaux et les habitants du Nord-Pas-de-Calais, ne peuvent accepter avec résignation la fermeture de ce fleuron industriel.
Nous entendons nous battre pour en éviter la fermeture, qui nuirait à la filière papetière et serait vécue comme une catastrophe sociale supplémentaire dans un territoire déjà fortement sinistré. Mes questions sont donc simples, monsieur le ministre. Comment le Gouvernement compte-t-il témoigner sa solidarité aux salariés ? Comment l’État compte-t-il accompagner les repreneurs potentiels et assurer la pérennité de l’usine ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il s’agit, monsieur le député Jean-Jacques Cottel, d’un dossier que le Gouvernement suit de très près. La filière papetière, en France et plus généralement en Europe, est aujourd’hui en grave difficulté et le site de Corbehem n’est pas le premier confronté à ce genre de problème. Le groupe finlandais Stora Enso a pris la décision de fermer l’ensemble des sites européens qui perdent de l’argent, dont fait partie selon eux l’usine de Corbehem. Je me dois d’indiquer qu’ils ont fermé des sites en Finlande même et licencié 2 500 salariés en Europe.
Quelle a été l’attitude du Gouvernement et de mon ministère en particulier ? Elle a consisté à demander à Stora Enso de maintenir toute possibilité de reprise, d’en assurer la recherche continuelle et de s’engager à la soutenir, y compris financièrement. De notre côté, mes équipes et moi-même avons fait en sorte d’élargir la prospection à l’échelle mondiale. À l’issue d’un an de travail, nous avons demandé au groupe papetier de continuer la prospection, mais nous ne disposons pas d’une offre de reprise crédible.
En effet, l’entreprise doit être recapitalisée et restructurée. En dépit de la modernité de ses machines, l’unité productive de Corbehem perd douze millions d’euros par an. Un investisseur éventuel devra faire en sorte de rétablir la rentabilité de l’activité. L’État, pour sa part, est prêt à accompagner, dans le cadre des mesures de résistance économique, tout investisseur crédible qui apporterait des éléments de capitalisation et de soutien financier. À ce jour, nous n’en avons rencontré aucun, mais nous continuons à y travailler et vous tiendrons informé des prochains développements, monsieur le député, ainsi que les salariés du département que vous représentez.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Lors de ses voeux aux Français, le Président de la République a appelé à une baisse des dépenses des collectivités locales et à une clarification de leurs compétences. Le propos est cocasse, quand votre gouvernement impose des dépenses considérables aux communes avec la pseudo-réforme des rythmes scolaires.
Le propos est également décalé, quand votre gouvernement complexifie encore le mille-feuille territorial avec des métropoles et des conférences territoriales en tous sens ! Il l’est davantage encore, quand votre gouvernement invente ce scrutin ubuesque pour les conseillers départementaux, avec pour conséquence concrète, dans le département des Yvelines par exemple, une augmentation du nombre de conseillers départementaux !
Vous avez ainsi entrepris le plus grand charcutage électoral qu’aient jamais connu les territoires ruraux, dont la représentation est mise à mal par vos calculs politiciens. Nul besoin, pour réaliser ces travaux, d’une commission nationale indépendante, comme cela avait été le cas pour les redécoupages législatifs de 1986 ou 2009. Non, il vous suffisait de laisser faire le meilleur ouvrier de France en charcutage électoral, votre ministre de l’intérieur qui, tout en se drapant dans la posture martiale de défenseur de l’État de droit, défend d’abord les intérêts du PS quand votre politique les met en danger !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Mais la France réagit ! Habitants et élus des territoires ruraux grondent. Des départements ruraux de tous bords politiques ont rejeté vos projets de redécoupage. Même des départements urbains, comme la Seine-Saint-Denis socialiste, chère au président Bartolone, montrent leur désaccord. Ce matin, le département des Yvelines vient à son tour de refuser votre découpage, votant une contreproposition avec l’appui d’une partie de la gauche !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, quand arrêterez-vous de malmener la France rurale qui ne demande qu’une chose : le respect de ses spécificités, de ses bassins de vie et de son identité ? Quand entendrez-vous le discours du Président de la République – dans sa version de janvier 2014 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, respectez un peu les charcutiers, qui exercent une noble profession et qui, à chaque fois que vous prononcez leur nom, s’indignent de votre attitude à leur égard.
Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe SRC.
Nous avons souhaité changer le mode de scrutin pour les élections départementales pour une raison très simple, à savoir le respect de l’engagement pris de supprimer le conseiller territorial, qui aurait porté un coup fatal aux départements et aux territoires ruraux.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons voulu mettre en place un système qui permette le respect de deux principes essentiels. Le premier est le rééquilibrage démographique, que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont rappelé en permanence.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le deuxième principe, auquel vous vous opposez sans vouloir l’avouer, est celui de la parité. Alors qu’il y a aujourd’hui 13,5 % de femmes au sein des conseils généraux, grâce au nouveau mode de scrutin, il y en aura 50 %.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La méthode que nous avons adoptée permet de concilier le respect de ces deux principes fondamentaux avec celui de la réalité de nos territoires dans toutes leurs spécificités, qu’il s’agisse des territoires ruraux, des montagnes, du littoral ou des îles. La plupart des cantons n’avaient pas évolué depuis deux siècles.
On peut considérer qu’il y a eu des évolutions démographiques et que désormais, quoi que vous en pensiez, les femmes ont vocation à trouver leur place dans la vie politique
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour le reste, les projets sont soumis aux conseils généraux qui donnent leur avis ; c’est ensuite le Conseil d’État qui, après examen, publie les décrets. C’est aussi simple que cela et vous devrez vous y faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sophie Dessus, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation, depuis la rentrée scolaire, je porte peine, comme on dit chez nous, pour mes collègues situés à droite de l’hémicycle : je les sens perturbés, angoissés au point de vous poser, semaine après semaine, toujours les mêmes questions : comment appliquer les nouveaux rythmes scolaires ? Le coût sera-t-il supportable pour les communes ? Nos petits ne seront-ils pas trop fatigués ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La seule réponse à ce désarroi, c’est que le vrai problème de l’école, celui que nous nous devons de résoudre, n’est pas là ! Si, hier, l’école de la République a offert à tous les enfants, y compris ceux des milieux les plus défavorisés, le moyen d’accéder aux plus hautes responsabilités, aujourd’hui, la société a tellement changé que le beau rêve d’hommes et de femmes que l’école rendrait libres et égaux est à réenchanter.
Dès que la classe est finie, il y a les enfants dont les parents s’occupent, ceux qui les emmènent à la bibliothèque, au cinéma, au concert, au musée, ceux qui leur apprennent à aimer leur pays et sa culture. Et puis il y a tous les autres, ceux dont les parents n’ont pas les moyens de jouer ce rôle, et qui n’ont pour tout horizon que TF1 et Coca-Cola !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Face à cette injustice, les nouveaux rythmes scolaires sont là pour rétablir l’égalité des chances, à la campagne comme en ville. Et ce n’est pas si compliqué à mettre en place : quelques séances de travail réunissant élus, enseignants, parents, et surtout le monde associatif, dont chacune de nos communes rurales est si riche, suffisent à préparer un projet où culture, sciences et savoir se mêlent à la création.
Et ce n’est pas un coût, c’est un investissement !
Que pèsent quelques dizaines de mètres de bitume face aux citoyens de la France de demain ? Qui hésiterait à offrir à ses enfants ce que nos parents nous ont offert : l’accession au savoir, qui seul permet de résister à l’obscurantisme ?
Si, malgré tout cela, certains d’entre vous ont encore quelques inquiétudes, notre rôle à nous est de vous aider à en faire autant !
Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, une politique publique qui réussit, c’est une politique capable d’impliquer l’ensemble des acteurs
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Dans le domaine de l’éducation nationale, il faut bien mesurer que la situation où se trouve notre pays, révélée par l’enquête PISA et rappelée par Mme Bechtel il y a quelques instants – je pense notamment aux 150 000 élèves décrocheurs – appelle un sursaut de tous, de la bonne volonté, une certaine élévation et, sans doute, parfois un peu de générosité et d’intelligence.
Oui, nous avons à refonder le système éducatif français, ce qui suppose de grandes réformes : la priorité au primaire, la création de postes, la réforme de la formation des enseignants et des programmes – cette dernière réforme étant déjà engagée –, sans oublier l’introduction du numérique et du meilleur temps scolaire pour les élèves. C’est ce que permettent le retour à la semaine de quatre jours et demi et l’instauration de la journée raccourcie, qui permet de renouer avec une grande ambition républicaine, celle de l’école de Jules Ferry, qui voulait que chaque enfant, quel que soit son milieu d’origine, puisse avoir accès au meilleur de la culture.
La loi de refondation que vous avez votée prévoit que chaque enfant de France pourra bénéficier du parcours d’éducation artistique et culturel. Parmi les nouvelles activités proposées après le temps de scolarité obligatoire, 30 % sont consacrées à des activités culturelles ; un million d’enfants en ont déjà profité. C’est un grand progrès, surtout pour les enfants qui n’y avaient pas accès, d’autant plus qu’aujourd’hui ces activités peuvent être gratuites.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Meilleur temps scolaire, meilleur accès à la culture, au sport et aux loisirs après la classe, c’est là une grande réforme de progrès social. Elle doit impliquer tous ceux qui veulent la réussite de nos enfants et donc, demain, celle du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.
Rythmes scolaires
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
En vous posant cette question, monsieur le ministre de l’éducation nationale, je me fais la porte-parole d’une grande majorité de familles, de chefs d’établissement, d’enseignants et d’une immense majorité de maires de France, dont certains sont issus de votre majorité.
Vous demeurez sourd aux difficultés réelles et multiples rencontrées sur le terrain dans la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires. C’est un peu facile de publier un décret au lieu de passer par la loi afin d’éviter le contrôle du Conseil constitutionnel,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP
puis de ne pas assumer les conséquences de ses décisions.
Le groupe UMP s’oppose à cette réforme, dont il n’a toujours pas été prouvé qu’elle était dans l’intérêt de nos enfants. Nous dénonçons la tutelle et la pression exercées par le ministère sur les communes qui n’auront d’autres choix que d’augmenter les impôts au moment même où le Gouvernement baisse drastiquement les dotations aux collectivités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
À l’heure où le Président de la République, pompier pyromane, prétend pouvoir maîtriser la dépense publique, le Gouvernement crée ex nihilo près d’1,5 milliard d’euros de charges supplémentaires : 500 millions d’euros pour l’État, 600 millions d’euros pour les collectivités et 250 millions d’euros pour les caisses d’allocations familiales. Tels sont les chiffres que vous m’avez vous-même communiqués en réponse à une question écrite que je vous avais posée. Vous auriez pu y ajouter la facture à la charge des parents, car la gratuité des activités périscolaires est un leurre.
À l’impossible nul n’est tenu, monsieur le ministre. Et plutôt que de brocarder les maires qui, de bonne foi, n’y arrivent pas, plutôt que de les accuser de désobéissance civique, vous seriez mieux inspiré de ne pas vous obstiner.
Ma question est directe : quand peut-on espérer que le changement aura lieu ? Nous attendons au minimum un moratoire sur la réforme,…
…au mieux la liberté laissée aux municipalités et, dans l’idéal, l’abrogation de votre décret.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la députée, je ne sais pas pourquoi vous voulez que nous procédions par la loi, puisque celle-ci dispose que, en dehors de la fixation du nombre de semaines de vacances par an, l’organisation du temps scolaire relève du domaine réglementaire. C’est d’ailleurs par un décret que M. Xavier Darcos, soutenu par votre majorité, avait décidé de passer à la semaine de quatre jours, un mode d’organisation unique au monde et au sujet duquel tous vos ministres et l’ensemble de votre groupe parlementaire avaient déclaré par la suite qu’il s’agissait d’une très mauvaise décision sur laquelle il fallait revenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je ne comprends pas non plus pourquoi vous contestez aujourd’hui une réforme que vous avez vous-mêmes appelée de vos voeux, au travers de rapports parlementaires ou de prises de position de la part de votre gouvernement lorsque vous étiez majoritaires.
Sur cette question d’intérêt national, comme sur d’autres sujets, il serait plus obligeant de chercher le consensus si nous voulons que les élèves et, plus largement, notre pays, soient en capacité de réussir.
Jamais dans l’histoire de la République un décret n’a laissé autant de liberté aux collectivités locales pour participer à la définition des politiques publiques et à l’aménagement du temps scolaire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Jamais dans l’histoire de la République les activités périscolaires n’avaient été promues et financées par l’État.
Pourquoi toutes ces contrevérités ? Pourquoi êtes-vous tant en contradiction avec vous-mêmes ? Quel intérêt défendez-vous dans cette affaire ? Cette réforme doit se faire parce que nous devons améliorer la réussite scolaire des élèves, parce que nous devons lutter contre les inégalités, parce que nous aimons notre pays. Et sur cette réforme, nous devons pouvoir nous rassembler.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances et concerne les emprunts dits toxiques contractés par de trop nombreuses collectivités territoriales.
Il y a quelques mois, dans l’hiver d’une année révolue, nous nous félicitions de l’adoption d’un texte attendu et nécessaire qui visait à mieux séparer les activités bancaires et à moraliser la finance.
Il y a quelques semaines, le Gouvernement inscrivait, à l’article 60 du projet de loi de finances pour 2014, des dispositions qui faisaient de l’État le protecteur des banques contre certaines actions judiciaires engagées par des collectivités ayant contracté à leur insu des emprunts toxiques. Étaient ainsi validés les contrats d’emprunts bancaires ne faisant pas mention du taux effectif global ou TEG, et étaient aussi diminuées les sanctions encourues en cas de TEG erroné, alors même que le tribunal de grande instance de Nanterre, dans une récente décision particulièrement équilibrée dans sa rédaction, avait considéré que l’absence d’un TEG dans le contrat de crédit invalidait en partie l’accord passé entre une collectivité et un établissement de crédit.
Cette concession de l’État aux banques n’avait alors pas échappé au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, qui avait déposé deux amendements de suppression des paragraphes II et III de l’article. Je les avais défendus en répétant qu’il me paraissait tout à fait surprenant de vouloir changer les règles alors que les contrats avaient déjà été signés. J’ai également déploré que ces mesures soient généralisées à l’ensemble des personnes morales, c’est-à-dire applicables non plus seulement aux collectivités mais aussi aux entreprises et aux banques étrangères, qui avaient inondé d’emprunts toxiques le marché français.
Il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision relative à la loi de finances pour 2014. Le 29 décembre 2013, les deux dispositions que j’ai rappelées ont ainsi été censurées, sur la base des mêmes motifs que ceux qu’avait défendus le groupe RRDP.
Mes questions seront donc les suivantes, monsieur le ministre. Premièrement, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que vous ne reviendrez pas sur la décision du Conseil constitutionnel ? Deuxièmement, travaillez-vous à une solution qui préserve et mette en oeuvre rapidement le fonds de soutien aux collectivités, afin de diminuer le risque de contentieux sans exonérer les banques du coût de l’aléa moral ? Troisièmement, poursuivez-vous la nécessaire concertation entre l’État et les collectivités, notamment au sujet du taux qui sera appliqué pour doter ce fonds et qui doit être proportionné à la réalité de la situation ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.
Monsieur le député Joël Giraud, comme vous le savez, le Gouvernement a trouvé à son arrivée aux affaires le lourd dossier des prêts dits toxiques. Il s’est très vite attelé à la recherche de solutions, non seulement pour la situation liée aux emprunts, mais aussi pour répondre au problème plus général du financement des collectivités territoriales.
Concernant le financement, le Gouvernement a mis en place des outils pérennes pour pallier les défaillances qui avaient pu être observées. Je pense notamment à la Société de financement local, la SFIL, et au travail mené avec la Banque postale. Toutes les collectivités peuvent aujourd’hui trouver un financement à des taux raisonnables.
Sur les prêts dits toxiques, après un premier fonds de soutien créé en 2012, un fonds bien plus large, qui sera doté de 100 millions d’euros par an pendant quinze ans, a été mis en place par la loi de finances pour 2014 et validé par le Conseil constitutionnel. Je m’en félicite, et je pense que vous aussi. C’est en effet une des pierres angulaires du dispositif. Comme vous le soulignez, cela permettra d’aider les collectivités territoriales à gérer au mieux les contentieux, leur permettant de préserver leurs intérêts.
Notre dispositif reposait également sur des dispositions visant à sécuriser les prêts, dans le but, non pas d’aider les banques, comme vous l’avez dit, car ce n’est pas mon intention – et d’ailleurs, dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, les prêts toxiques ont été interdits –, mais de préserver les finances publiques, notamment la SFIL, la Banque postale et ce qui a pris la suite de DEXIA.
Ce dispositif faisait l’objet d’un accord avec les collectivités territoriales dans le cadre d’un pacte de confiance, ce qui est essentiel. Il était encadré et ne revenait pas sur la faculté des collectivités de mener des contentieux. Le Conseil constitutionnel a, pour des raisons assez formelles, annulé ces dispositions. Le Gouvernement proposera les dispositions législatives les plus adaptées pour tenir pleinement compte de cette décision. Une fois encore, il n’est dans mon intention ni de protéger les banques ni de revenir sur cette décision, mais d’agir dans le sens de l’intérêt des collectivités territoriales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Emprunts toxiques des collectivités territoriales
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1548, 1639, 1604, 1614).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures quarante et une minutes pour le groupe SRC, dont deux cent quarante-cinq amendements sont en discussion, dix heures quarante-sept minutes pour le groupe UMP, dont sept cent soixante et un amendements sont en discussion, deux heures vingt-sept minutes pour le groupe UDI, dont cent vingt-neuf amendements sont en discussion, une heure trente-trois minutes pour le groupe écologiste, dont cent dix amendements sont en discussion, une heure dix-sept minutes pour le groupe RRDP, dont trente et un amendements sont en discussion, une heure dix-sept minutes pour le groupe GDR, dont cent un amendements sont en discussion, et vingt-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, l’Assemblée a continué d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, chers collègues, à la reprise de la discussion générale sur cette loi d’avenir, je veux souligner combien la priorité nouvelle donnée à l’élevage est attendue dans les territoires ruraux – attendue et espérée.
Dans les Deux-Sèvres, département qui concentre la moitié de l’élevage de la région Poitou-Charentes, le nombre d’exploitations a diminué de 30% en dix ans et de 42% s’agissant des petites exploitations. Dans le même temps, la surface moyenne a augmenté de 38% et 15% des prairies permanentes qui ont disparu au niveau national sont situées dans le département des Deux-Sèvres.
J’entendais hier un ancien ministre de l’agriculture se plaindre du déclassement de l’agriculture française dans la compétition mondiale. Mais ce déclassement, c’est le bilan de la politique menée ces dix dernières années ! Et j’ai été surprise de ne pas entendre un mot sur la crise de l’élevage dans l’intervention de Bruno Le Maire.
Des collègues de l’opposition nous disent que la priorité pour eux, c’est l’agro-industrie. Mais sans apport de matière, sans élevage, il n’y a pas d’industrie agroalimentaire.
L’industrie agroalimentaire deux-sévrienne, qui est un fleuron national, est menacée par la diminution des productions laitières, notamment de lait de chèvre dont le département est le premier producteur national. Et pour ce qui est du lait de vache, le Poitou-Charentes a perdu 6% de ses éleveurs en un an, soit l’équivalent de la production d’une coopérative.
Pour commencer, je veux donc saluer, monsieur le ministre, votre travail et vos efforts pour la réforme de la PAC. Le maintien d’une politique agricole commune n’était pas acquis pour la France. Elle est réorientée vers l’élevage, en particulier avec le paiement redistributif pour les cinquante-deux premiers hectares, même si je regrette que le scénario 3 sur la convergence à 100% des aides n’ait pas été retenu.
Je veux ensuite saluer cette loi d’avenir qui représente une rupture dans les orientations de la politique agricole. Il faut faire preuve de beaucoup d’aveuglement pour ne pas voir que la perte de compétitivité de l’agriculture française est liée à l’épuisement d’un modèle : celui d’une fuite en avant vers l’agrandissement, avec toujours moins d’emplois agricoles, moins de valeur ajoutée, moins de revenus, plus de pesticides, plus de pollutions, moins de biodiversité.
Pour la première fois, un ministre de l’agriculture reprend à son compte le concept d’agroécologie et en fait l’objectif central et cohérent de l’ensemble de sa politique.
Je veux saluer à sa juste valeur ce changement. Et je veux rappeler la définition que donnait Pierre Rabhi, un des pionniers de ce concept : « L’agroécologie est une technique inspirée des lois de la nature. Elle considère que la pratique agricole ne doit pas se cantonner à une technique, mais envisager l’ensemble du milieu dans lequel elle s’inscrit (…). Il s’agit simplement de mettre les acquis de la modernité au service d’un projet humain. »
L’agroécologie, c’est exactement l’inverse d’un retour en arrière. C’est la mobilisation des connaissances agronomiques les plus modernes au service de la réussite économique. L’agroécologie, c’est exactement l’inverse d’un carcan, d’une contrainte, d’une rigidité supplémentaire. Où avez-vous vu, chers collègues de l’opposition, que la loi imposait à qui que ce soit de créer un GIEE ? C’est un choix positif. Et cette dimension est essentielle pour entraîner l’adhésion du monde agricole.
Vous avez eu l’intelligence, monsieur le ministre, de concevoir l’agroécologie non pas comme un modèle unique s’imposant d’en haut, mais comme une dynamique qui va partir du terrain, de la base, des projets collectifs des agriculteurs. C’est le développement des circuits courts et de l’agroforesterie, c’est un travail des sols qui respecte la structure et la vitalité de la terre, c’est la lutte contre l’uniformisation avec un haut niveau de diversité des systèmes.
La loi donne des outils. Ensuite, tout restera à faire. Et vous savez l’attente que suscitent les moyens qui accompagneront la création des GIEE, notamment les nouvelles MAE systèmes.
Pourrait-on d’ores et déjà se passer d’un ordre public environnemental et d’un certain nombre de normes ? Malheureusement pas encore parce que la mutation de l’agroécologie est loin d’être accomplie. Souvenons-nous, pour ne prendre que ces deux chiffres, que 93 % des fleuves et rivières sont contaminés par les pesticides et 55 % du territoire est classé en zone vulnérable aux nitrates d’origine agricole.
Cette situation ne permet pas à mes yeux de baisser la garde. Autant je suis pour la modernisation du droit de l’environnement, autant je suis contre son démantèlement. Nous avons déjà eu ce débat : je désapprouve l’intensification sans contrôle des élevages porcins. Il y avait d’autres moyens de rendre plus efficaces et plus rapides les procédures liées aux installations classées pour la protection de l’environnement.
Le passage à l’azote total est certes une avancée importante, mais nous devons clairement fixer l’objectif de réduire les apports d’azote. Ce sera le seul moyen de convaincre la Commission européenne de notre capacité à passer à une obligation de résultat plutôt que de moyens, c’est-à-dire à faire reconnaître une logique agronomique plutôt qu’une approche purement réglementaire.
De la même façon, je n’approuve pas la relance des projets de retenues de substitution, particulièrement inadaptés dans les départements confrontés à des déficits structurels. Dans la bataille pour la qualité de l’eau, nous devrions mobiliser bien davantage encore l’agriculture biologique. La progression de la consommation de produits issus de l’agriculture biologique est structurelle : elle atteint 8 % par an. Et nous sommes nombreux, me semble-t-il, à souhaiter que les consommateurs de notre pays puissent trouver sur les étals des produits bio « production de France » et au lieu des seules productions de nos voisins européens. Vous savez, monsieur le ministre, l’attente née des déclinaisons pratiques du plan « Ambition bio ».
Pour terminer, je voudrais souligner deux avancées extrêmement importantes.
La première, c’est l’engagement de l’agriculture française dans la transition énergétique. J’ai toujours pensé que cet aspect pouvait être déterminant pour la politique énergétique de la France, particulièrement dans le cas du biogaz et de la chaleur renouvelable, mais aussi pour le lien entre la société et les agriculteurs et l’amélioration des revenus agricoles. J’étais étonnée d’entendre hier certains collègues de l’opposition dénoncer, à juste titre, les délais d’instruction des dossiers pour la création de système de méthanisation alors que jamais, pendant les dix ans qui ont précédé, ils n’ont levé le petit doigt pour développer la méthanisation en France !
En effet !
La commission des affaires économiques a voté, sur ma proposition, un amendement visant à inscrire la transition énergétique dans les objectifs de la politique agricole. Nous savons que nous devons définir en matière de méthanisation un modèle à la française afin d’éviter certaines dérives comme celle de la ferme dite des mille vaches ou, chez nos voisins, des plantations de maïs pour alimenter aux méthaniseurs. L’agriculture ne doit pas avoir comme finalité première la production d’énergie, sous peine d’entraîner des concurrences d’usages comme nous en avons connues avec les agrocarburants. La production énergétique doit être conçue dans un but de complément de revenus et comme un moyen de valoriser certains sous-produits dans une logique d’économie circulaire – ce terme figurera d’ailleurs pour la première fois dans la loi française, grâce à cet amendement.
Pour ce qui est des pesticides, le projet de loi comporte des avancées importantes sur les procédures, la publicité et le contrôle. Mais nous restons dépendants d’études menées par les industriels eux-mêmes. À cet égard, la question des moyens d’études et de contrôle concrets dévolus à l’ANSES est absolument essentielle. C’est un chantier prioritaire.
Il faut souligner les décisions courageuses que vous avez prises, monsieur le ministre, en matière de néonicotinoïdes, notamment l’interdiction du pesticide Cruiser. Je souhaite que nous persévérions dans cette voie en interdisant toutes les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens. C’est le sens de l’appel initié par notre collègue Gérard Bapt, que je salue. Je souhaite que la crise sanitaire provoquée par les pesticides mobilise également Mme la ministre de la santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, je crains que le projet de loi que nous examinons ne soit malheureusement déjà dépassé. Il ne répond pas aux attentes des agriculteurs. Au mieux, il ne sert à rien, parfois même il rend la situation plus complexe alors que nos agriculteurs doivent déjà faire face, en plus des problèmes d’installation et de distorsion de concurrence, à la suspicion permanente de certaines administrations.
Je voudrais revenir sur trois questions essentielles à mes yeux auxquelles vous apporterez, je l’espère, des réponses car votre texte ne semble pas les aborder ou les résoudre.
La première question concerne les aides aux zones intermédiaires. En France, environ deuxmillions d’hectares sont concernés, dont environ 300 000 en Côte-d’Or. Vous connaissez la demande spécifique de notre département, clairement justifiée: il nous sera difficile de produire demain avec 180 euros par hectare après avoir subi une baisse de 50 % de ces aides lors des cinq dernières années. À moins de 200 euros par hectare, c’est totalement impossible : il faut trouver des solutions pour amortir le choc de la nouvelle réforme de la PAC.
Outre les contraintes environnementales qu’elle implique, une mesure agroenvironnementale n’est pas forcément ce qui convient le mieux : une aide additionnelle serait sans doute préférable. Plusieurs curseurs peuvent être utilisés pour cette aide spécifique : une convergence nationale, une aide verte identique sur tout le territoire, une limitation des prélèvements pour les cinquante premiers hectares.
En ce qui concerne l’orientation, peut-être faudrait-il envisager une rotation allégée avec les protéagineux ou les légumineuses : cela permettrait de diminuer la fertilisation azotée sans avoir à supporter de contingences supplémentaires telles que celles qui sont proposées dans les MAE au niveau national.
Une solution doit impérativement être trouvée pour le deuxième pilier : outre un dossier fléché pour les zones intermédiaires, il faudrait une aide spécifique avec un cahier des charges spécialisé pour les zones concernées. À cela s’ajoute la nécessité de reconnaître les salariés comme actifs dans la réforme. C’est une demande récurrente, vous le savez.
Ma deuxième question concerne les AOC.
À la faveur des discussions en commission des affaires économiques, il a été ajouté un article 10 bis qui créée un article L. 643-3-1 du code rural. Le Gouvernement a déposé trois amendements sur ce nouvel article, dont deux posent problème.
En l’état actuel du droit, il existe une possibilité, en amont de l’enregistrement d’une marque, de faire de simples observations, malheureusement celles-ci ne sont pas toujours suivies par l’INPI. Les organismes de protection des AOC et IGP n’ont alors pas d’autre choix que de former devant le juge un recours en annulation de la marque. Dès lors qu’il y a un risque pour une AOP ou une IGP d’atteinte à son nom, à sa notoriété, à son image ou à sa réputation, les organismes chargés de la protection de ces signes doivent pouvoir s’opposer à l’enregistrement de la marque. S’opposer ne signifie pas nécessairement que l’on empêchera l’enregistrement de la marque, mais cela permet d’engager un débat dans le cadre d’une procédure administrative moins lourde qu’un contentieux. Par ailleurs, la procédure d’opposition n’est pas gratuite puisqu’elle donne lieu au paiement d’une redevance de 310 euros.
J’en viens à ma troisième question : l’élevage. C’est un secteur essentiel ; c’est même une des priorités de votre loi, dites-vous. En tous cas, je le souhaite, car les producteurs de viande bovine sont dans une situation économique extrêmement préoccupante. Les éleveurs subissent la concurrence déloyale de viandes d’importation produites selon des normes et à des coûts très éloignés de la réalité française. Leurs revenus ont été inférieurs de 40% à la moyenne nationale agricole lors des trois dernières années et n’ont pu assurer le minimum nécessaire pour eux et leurs familles. Les mesures de prêts de trésorerie qui leur ont été proposées jusqu’à présent pour faire face à la crise ont été des faux-semblants, qui n’ont fait que repousser les échéances et aggraver l’endettement.
Aujourd’hui, il faut impérativement adopter une autre perspective avec une mesure d’allégement des charges financières d’emprunt qui restaure effectivement la situation de ces exploitations, en prenant le temps nécessaire. Les éleveurs demandent ainsi aux pouvoirs publics de mobiliser les dispositifs nécessaires à une année blanche pour les annuités d’emprunt. Nous aimerions savoir quelle est la réponse à cette demande récurrente. De l’autre côté, la revalorisation de 20 % du prix à la production est vitale pour rééquilibrer la rentabilité du secteur, compte tenu de la réalité des coûts de production.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces enjeux et aux attentes d’une agriculture aujourd’hui très fragilisée.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
À ce stade de la discussion, et en réponse aux critiques formulées ces dernières heures, je souhaite réaffirmer la juste articulation entre la renégociation de la politique agricole commune, dans laquelle vous avez joué un rôle important, monsieur le ministre, et le renforcement de notre politique agricole nationale grâce à ce texte.
J’aborderai, pour ma part, plus particulièrement l’enseignement agricole et la forêt.
La France dispose depuis longtemps d’un enseignement agricole dont la grande qualité tient pour une part à son rattachement à un ministère technique, à la pluralité de ses missions, à son maillage territorial, à la diversité de ses établissements et surtout à la dynamique d’innovation dont il est depuis longtemps porteur. Cette qualité constitue, il faut le dire, un atout de première force pour l’ensemble de l’agriculture française et pour son devenir.
Le Gouvernement a fixé de nouveaux objectifs qui ont été pleinement traduits dans ce texte et confortés en commission : je pense au renforcement des premiers cycles et des cycles supérieurs de formation jusqu’à la recherche ou à la double performance économique et écologique que les jeunes agriculteurs doivent poursuivre pour positionner l’agriculture dans la transition énergétique. Nous avons renforcé en commission la capacité de l’enseignement agricole à devenir un facteur de promotion sociale grâce notamment au dispositif d’acquisition progressive des diplômes. Nous avons également amélioré le pilotage de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole de notre pays, sa lisibilité sur le plan national et son attractivité internationale. Quant à la création de l’IAVF, qui rassemblera les douze écoles sous tutelle du ministre de l’agriculture, c’est une mesure qui va dans le sens de la clarification. Elle nécessitera certainement de prévoir une évaluation au terme de plusieurs mois de fonctionnement.
Nous investissons donc dans l’intelligence, avec un marqueur social plus affirmé et une considération agroécologique très largement renforcée.
Pour ce qui est de la forêt, je me félicite de la place qui lui est réservée dans ce projet de loi, en tant qu’élue d’une région, le Sud-Ouest, et d’une circonscription, le Médoc, où nous ne faisons pas seulement du vin : la sylviculture y est également importante.
Je ne vais pas rappeler ici la place de la forêt en Europe ni son poids socio-économique ; cela a déjà été fait. J’aimerais souligner que le programme national de la forêt et du bois prévu par le texte et décliné au plan régional facilitera le renouvellement de la forêt et la valorisation de la ressource. Reconnaître d’intérêt général la captation du carbone par le bois et ses produits dérivés est essentiel pour conforter le rôle économique et environnemental de la forêt tant publique que privée.
Saluons aussi la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois dont il conviendra certainement, monsieur le ministre, de mieux adapter la logique des sources de financement.
Si l’on ajoute à cela la création du compte d’investissement forestier et d’assurance dans le cadre de la loi de finances rectificative, on mesure votre volontarisme et celui de notre majorité en faveur de la filière forêt-bois – volontarisme salué, rappelons-le, par la majorité des professionnels.
Enfin, je voudrais souligner le maintien des codes de bonnes pratiques sylvicoles, sous certaines conditions, ainsi que l’assouplissement des conditions de création d’un GIEE forêt. Ces deux dispositions, fruit du travail en commission, sont importantes, car elles permettront aux propriétaires d’opter pour le dispositif le plus adéquat.
Je pense très sincèrement que la forêt française est désormais mieux réhabilitée dans son rôle économique sans remise en cause, bien au contraire, de ses qualités environnementales. À cet égard, je rappelle que nous devrons trouver une solution viable concernant la vente des quotas carbone au niveau européen. Ce travail devra être engagé rapidement, avec l’appui du Parlement, afin de trouver un dispositif adapté.
Je conclurai en rappelant que la construction d’un projet de loi d’avenir pour l’agriculture est toujours complexe. Ce texte mérite encore quelques ajustements, mais il parvient à donner une vision moderne et prospective incluant les enjeux agricoles de demain. Il impulse une nouvelle dynamique et de nouveaux moyens de développement pour le bon positionnement de l’agriculture française.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ainsi que je l’ai souligné en commission du développement durable le 4 décembre dernier, ce projet de loi souffre d’un manque d’ambition certain. Le fameux bon sens paysan aurait dû présider à l’élaboration des mesures proposées, et le côté humain de l’agriculture n’aurait pas dû être oublié. Or ce texte ne traduit aucune vision économique de l’agriculture française, alors que nos agriculteurs veulent et doivent pouvoir vivre de leur travail. Le terme même de compétitivité est absent, alors qu’il est essentiel. Être agriculteur, c’est exercer un métier difficile, tributaire non seulement des éléments naturels et de l’environnement, mais aussi de l’économie de marché. Et comme tout métier, il doit au minimum apporter un revenu suffisant pour vivre.
Pourtant, les agriculteurs souhaitent être impliqués dans la modernisation de notre agriculture. Cela nécessite l’organisation de filières de qualité, mises en place en concertation avec les agriculteurs, qui doivent en outre participer à l’innovation.
N’oublions pas que la majeure partie de nos 490 000 exploitations sont encore des petites unités. C’est le cas notamment en moyenne montagne, comme dans mon département de la Haute-Loire. Ces petites exploitations permettent le maintien de l’activité dans nos territoires ruraux et contribuent largement à l’entretien des espaces, et par conséquent au maintien de la vie.
Il faut donner à l’exploitant les moyens de maîtriser la chaîne producteur-consommateur. Cette maîtrise passe par la limitation des intermédiaires et par le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face aux acheteurs. L’agriculteur pourra ainsi vivre de son travail, mieux rémunéré, avec des produits valorisés et sans augmentation de coût pour le consommateur. Votre texte ne va pas assez loin dans ce domaine.
Par ailleurs, on l’a dit, de nombreuses dispositions nouvelles vont venir compliquer le quotidien de la profession. Le montage flou et complexe des groupements d’intérêt économique et environnemental en est un bel exemple : leur mise en place pratique et leur fonctionnement sont renvoyés à des décrets, sans certitude de concertation avec les professionnels concernés. De même, la transmission de données et l’augmentation du nombre des déclarations obligatoires renforceront la lourdeur administrative. Enfin, la multiplication des contrôles et de normes souvent plus sévères que les normes européennes, qu’elles soient environnementales ou administratives, risque d’entraver le fonctionnement des exploitations et de créer des distorsions de concurrence.
Ajoutons que le manque de concertation avec les professionnels concernés est flagrant.
Le concept d’agro-écologie, par exemple, crée le soupçon sur la capacité et la volonté des agriculteurs de respecter le développement durable.
Il faut également assurer le renouvellement des générations et favoriser l’installation des jeunes par des aides à plusieurs niveaux : aides financières, aides à la formation, notamment par le renforcement de l’enseignement agricole, aides administratives, et surtout régulation des transactions foncières. Pour maintenir et créer l’envie de s’installer, il faut impérativement baisser les charges des exploitations. Le régime des non salariés agricoles mérite également d’évoluer, afin de faciliter le développement d’activités complémentaires.
Alors que vous souhaitez définir les grands principes régissant l’agriculture pour l’avenir, l’élevage a été oublié.
Absolument pas !
Pourtant, au sommet de l’élevage en octobre 2013 à Cournon-d’Auvergne, le Président de la République avait souligné, lors de ses annonces sur la PAC, la nécessité de soutenir en priorité l’élevage.
Enfin, il est dommage que les recommandations du Conseil économique, social et environnemental et des syndicats de propriétaires n’aient pas été suivies en ce qui concerne l’organisation et la gestion de la forêt. Apparemment, aucune évaluation n’a été réalisée sur les suites à donner aux programmes pluriannuels régionaux de développement forestier, qui commençaient à porter leurs fruits.
Les orientations de la politique forestière doivent s’inscrire dans la durée parce que le cycle forestier nécessite du temps ; or la durée des programmes proposés sur dix ans me semble très insuffisante.
Je remarque enfin que vous prévoyez d’ores et déjà de régler par ordonnances nombre de problèmes pratiques. Est-ce la conséquence de votre manque d’anticipation ? Là encore, la vision d’avenir n’est pas évidente… Ce projet de loi n’est pas assez ambitieux : en l’état, il ne semble pas tenir compte des futures orientations de la PAC, et ne met pas notre agriculture dans une perspective de croissance durable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Derrière des titres ronflants – loi pour la refondation de l’école, loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové –, le Gouvernement et ses ministres tentent de camoufler leur incapacité à faire face aux difficultés économiques de notre pays, aux difficultés des citoyennes et citoyens français. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ne fait pas exception.
Et pourtant, nos agriculteurs ont plus que jamais besoin d’être accompagnés et soutenus. C’est dans nos exploitations agricoles que se situent la base de notre production ainsi que l’élevage – Mme Batho le rappelait il y a quelques instants. Nous en sommes pleinement conscients : ce sont nos agriculteurs qui nourrissent la population.
Rompre cette production, c’est remettre en cause tant l’activité de nutrition que l’ensemble de la chaîne économique qui en dépend ; c’est remettre en cause notre industrie agroalimentaire qui, vous le savez, monsieur le ministre, souffre cruellement.
Les objectifs annoncés dans votre texte ne me paraissent pas de nature à lutter efficacement contre les causes de la crise que nous connaissons.
Il y a encore une dizaine d’années, la France était numéro deux sur la scène internationale pour sa filière agricole.
Il y a dix ans !
Il y a dix ans, en effet. Or elle se classe aujourd’hui en cinquième position, après l’Allemagne, les Pays-Bas, le Brésil et les États-Unis.
Depuis 1999, cinq textes ont déjà été consacrés à l’agriculture. Nous le savons pourtant, ce sont les grandes lois structurantes qui ont permis de bâtir l’agriculture d’aujourd’hui. Ces lois structurantes étaient le fruit d’une confiance réciproque entre le général de Gaulle et les représentants agricoles, souvent de fortes personnalités – étant Breton, je n’hésite pas à rappeler ici la mémoire d’Alexis Gourvennec.
Monsieur le ministre, ma conviction est que ce sont les professionnels qui perçoivent le mieux les nécessaires adaptations à la réussite de leur métier, et non les penseurs écologistes ou les technocrates. Cette présomption de culpabilité pesant sur la productivité agricole et agroalimentaire n’est plus supportable. Cette présomption de culpabilité, ce manque d’ambition pour notre agriculture, cette complexification à outrance des prescriptions risquent de déstabiliser davantage ce secteur.
Quelques sujets peuvent cependant retenir mon attention : les dispositions relatives à la régulation, où des besoins nouveaux se font sentir ; la contractualisation, pour laquelle les dispositions prises par le précédent gouvernement doivent effectivement évoluer afin de mettre un terme à certaines dérives et de pallier les difficultés de mise en application dans les exploitations…
De même, la généralisation des procédures de médiation me paraît aller dans le bon sens, car elle est de nature à favoriser une meilleure répartition du risque lié à la volatilité des prix entre tous les maillons de la chaîne, du producteur au consommateur, via le distributeur.
Il ne faudrait cependant pas que cette obligation devienne un facteur de blocage alors que la spécificité des produits agricoles et alimentaires, notamment leur caractère périssable, exige de trouver rapidement une solution lorsque survient un litige. À ce titre, je déposerai un amendement visant à fixer dans la loi un délai maximum pour que le médiateur rende sa délibération.
La question du foncier est également un point sur lequel nous pouvons nous retrouver, puisque nous constatons sur le terrain des tensions considérables. En Bretagne, par exemple, où la pression foncière est grandissante et la réglementation souvent excessive, notamment en zones littorales, comme dans ma circonscription de Saint-Malo et Dinard, les agriculteurs ont besoin de terres pour pouvoir produire. C’est tout le sens de l’amendement que j’ai déposé à l’article 12.
De même, les dispositions proposées pour la protection de la forêt me paraissent de nature à garantir son renouvellement ainsi que la pérennisation de la production de bois.
Malheureusement, si certains points peuvent être salués, un grand nombre d’autres sujets restent sans réponse. À titre d’exemple, au fil des semaines, les normes exigées pour les installations classées pour la protection de l’environnement n’ont cessé de se renforcer, contrairement à ce que promettait le Premier ministre en Bretagne le 12 septembre dernier. Le décret tant attendu sur ces installations classées vient de sortir et, comme nous l’a reconnu Bruno Le Maire hier soir, il va dans le bon sens. Mais il reste encore beaucoup à faire, et la complexité de la loi que vous nous proposez aujourd’hui me paraît aller dans le sens d’un véritable choc de complexification.
Le groupement d’intérêt économique et environnemental en est selon moi la démonstration. Je souhaite que nos débats permettent de m’éclairer et d’éclairer les agriculteurs sur son utilité. S’il s’agit de faciliter le développement de la méthanisation dans nos exploitations, des mesures simples de raccourcissement des délais d’instruction des dossiers auraient aussi bien permis de parvenir à ce but.
Je rappelle, comme d’autres l’ont fait avant moi, qu’il faut parfois deux ans en France pour faire aboutir l’instruction d’un dossier. C’est là délai insupportable pour nos agriculteurs qui doivent faire face à la concurrence des pays européens non soumis à ces contraintes. Pour ce qui me concerne, je suis convaincu qu’il faut aussi regarder vers l’avenir, et non se contenter d’examiner les dix dernières années : nous devons nous efforcer d’avancer et de trouver les bonnes solutions.
Votre action, monsieur le ministre, me donne l’impression qu’à chaque fois que vous nous proposez une simplification, vos alliés écologistes vont à l’encontre,…
Mais non !
…provoquant ainsi l’exaspération de la profession agricole, l’immobilisme de l’action gouvernementale et la sclérose de notre économie. Pourtant nos agriculteurs ont besoin de se moderniser, tout en tenant compte d’un environnement qu’ils connaissent et respectent depuis toujours.
Cette loi est donc une occasion ratée de travailler plus en profondeur l’ensemble des pistes visant à une simplification administrative de nos différentes réglementations.
Ce texte n’apporte pas non plus de réponse convaincante au déséquilibre des relations commerciales. Il ne contient aucune disposition visant à lutter contre le dumping social dans un cadre européen et international de plus en plus libéralisé.
L’agriculture française est riche de sa diversité, riche de territoires, d’hommes et de femmes, de climats et de modes de productions. Elle est également diversifiée dans sa composition, où, à côté d’exploitations de grande taille, de petits agriculteurs contribuent, grâce à la qualité et à la diversité de leur production, au dynamisme de notre agriculture et créent de nombreux emplois.
Je crains malheureusement que votre projet oublie ces petits producteurs qui maillent nos territoires ruraux. Dans l’ouest de la France, notre agriculture est souvent organisée autour de deux types de production. C’est leur diversité qui façonne nos territoires.
Je m’interroge sur la pérennité de ces petites exploitations, cette agriculture différente et rentable qui maintient une biodiversité, un réservoir d’emplois et qui fait la force de notre agriculture. Notre tissu rural, déjà touché par un taux de suicides record, a besoin de lisibilité et d’encouragements.
Face à ce constat, votre texte aurait dû rappeler la contribution de l’agriculture à la politique de l’emploi et sa participation positive à la balance commerciale. La sphère agricole et agroalimentaire représente 12,5 milliards d’excédent net à l’exportation, alors que la France a enregistré un déficit de 80 milliards d’euros en 2012. En Bretagne, première région agroalimentaire de France, l’agriculture représente 9,13 milliards de chiffre d’affaires et 56 000 actifs permanents.
Censé bâtir l’avenir, votre projet de loi passe à côté de cette occasion et je crains que son manque d’ambition complique plutôt l’avenir de nos agriculteurs. Je souhaite que la discussion à venir nous permette de le faire évoluer et d’envoyer ainsi un véritable signe de confiance au monde rural.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, il est bien peu question des agricultrices dans ce texte de loi et c’est fort dommage.
C’est juste.
C’est pourquoi je leur consacrerai mon temps de discussion générale.
Dire que les femmes occupent une place déterminante dans l’agriculture est une évidence, sous toutes les latitudes et de tout temps. Quiconque a grandi à la campagne connaît nombre d’exemples de ces femmes admirables de courage et d’abnégation, en charge des tâches domestiques et agricoles telles que l’éducation des enfants, souvent nombreux il y a encore une ou deux générations, l’entretien de la maison et du potager, les soins au bétail et parfois l’engagement associatif, professionnel ou non, ainsi que le soin apporté aux anciens.
Ce modèle de vie n’est pas si éloigné de nous, comme l’a montré la remarquable étude Femmes de Fermes réalisée par la sociologue Marie-Anne Dalem et mise en scène par le théâtre Alizé, portant sur un échantillon de population d’agricultrices du Haut-Doubs, la plupart habitées par une grande passion pour leur travail et livrant d’émouvants témoignages.
Comme hier, et peut-être davantage encore aujourd’hui, les femmes contribuent de façon significative à l’activité agricole, qu’elles soient chefs d’exploitation ou co-exploitantes, salariées, ou conjointes collaboratrices. Un quart des chefs d’exploitation en France sont des femmes, 40 % de la population salariée est féminine, 30 % des nouveaux installés sont des femmes. Les jeunes exploitantes sont beaucoup plus souvent diplômées du supérieur que leurs homologues masculins ; elles n’hésitent plus à conduire un tracteur ou une moissonneuse-batteuse ; elles progressent en nombre dans les effectifs de l’enseignement agricole. Certaines d’entre elles ont pris d’éminentes fonctions et se sont imposées comme des dirigeantes de premier plan, comme Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA ou hier Jeannette Gros, présidente nationale de la MSA, qui a créé les premières maisons d’accueil rural pour personnes âgées, les MARPA.
L’étude sur la place des femmes dans le monde agricole conduite par le centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture confirme cette place indiscutable : « Plus autonomes, mieux formées, plus visibles, les femmes ont consolidé leur place dans le monde agricole, où plus aucune carrière ne leur est inaccessible. Certains sociologues estiment même qu’elles vont dans les années à venir accélérer la modernisation du secteur et son ouverture sur le reste de la société. » Malgré ces évolutions encourageantes et prometteuses, et alors que votre Gouvernement est si attaché à promouvoir l’égalité et la parité, vous ne devriez pas être indifférent, monsieur le ministre, à la nécessité de faire progresser ces valeurs, bien que votre loi n’en dise rien.
En effet, il y a encore à faire pour les agricultrices car des problèmes persistent.
Majoritairement, les femmes s’installent plus tardivement quand elles succèdent à un mari qui part à la retraite : 29 % seulement des installés de moins de quarante ans sont des femmes, 71 % pour les hommes. C’est donc un choix de seconde main, si je puis dire. La surface agricole utile des exploitations tenues par des femmes est en moyenne de trente-huit hectares, contre cinquante-deux pour les hommes. Les revenus sont plus bas, l’accès au foncier, au crédit, à la formation continue est plus difficile, les carrières sont souvent incomplètes, les pensions plus faibles, les temps partiels plus nombreux, les femmes sont encore trop peu présentes dans les organisations agricoles où les postes, certes plus nombreux qu’autrefois, sont insuffisamment pourvus. Les femmes héritent moins que les hommes de l’exploitation familiale. Elles sont également moins bien assurées : une enquête de la MSA, à la fin de l’année 2011, a montré qu’un grand nombre de conjoints, souvent essentiellement des femmes, ne bénéficiaient d’aucun des trois statuts leur ouvrant l’accès à un certain nombre de droits. Et que dire de quelques préjugés persistants ? Toutes les chefs d’exploitation vous rapporteront la question que leur posent invariablement les intervenants extérieurs de l’exploitation : « Il est où, le patron ? »
Tout cela explique sans doute pourquoi, ici ou là, des initiatives, colloques, groupes de parole ont permis d’exprimer les difficultés pour les agricultrices de faire reconnaître leur rôle et leurs qualifications professionnelles. J’en citerai deux exemples : l’opération conduite dans le Gers à l’initiative de la MSA sur le thème « Femmes en milieu rural : du stéréotype à la réalité, quels écarts ? » et une autre, appelée FARAH – « Femmes en agriculture responsables et autonomes en complémentarité avec les hommes » –, originale car transfrontalière avec des actions menées dans le cadre d’un réseau d’échanges transfrontaliers, dans le Haut-Doubs dont je suis l’élue.
Vous le voyez, monsieur le ministre, la question est riche et il est très regrettable que votre loi n’en dise rien : tout au plus quelques lignes dans l’étude d’impact, même pas dans le corps du texte. Rien, pas une ligne consacrée à une initiative, une proposition qui pourrait améliorer leur reconnaissance, comme l’ont fait vos prédécesseurs qui ont initié des réformes essentielles pour les agricultrices. Je les rappelle pour mémoire : 1985, création des EARL ; 1999, création du statut de conjoint collaborateur ; 2005, ouverture de ce statut aux pacsés et concubins ; 2008, même durée de congé maternité que pour le régime général ; 2010, création du GAEC entre époux. Autant d’avancées majeures.
Et réforme du mode de scrutin des chambres d’agriculture, avec la parité !
C’est très bien, mais tous les postes ne sont pas pourvus, monsieur le ministre. Il y a encore des obstacles intérieurs, il faut s’emparer du problème.
Des questions demeurent, qui auraient dû requérir votre attention et susciter des propositions, par exemple pour favoriser l’installation des femmes, encourager leurs projets, améliorer leur réussite dans les établissements d’enseignement agricole où elles sont les premières concernées par l’échec, améliorer enfin la reconnaissance des droits économiques et sociaux, notamment l’accès aux aides européennes. La question de la transparence reste entière, particulièrement dans les GAEC entre époux.
Comment une loi peut-elle se prétendre d’avenir, monsieur le ministre, en faisant le silence complet sur la situation des agricultrices ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, refondation de l’école de la République, sécurisation de l’emploi, avenir de l’agriculture : des projets de lois aux titres racoleurs, mais qui passent à côté des vrais sujets et des préoccupations quotidiennes des Français.
L’agriculture française est en perte de compétitivité ; malheureusement, le mot « compétitivité » ne figure à aucun moment de votre texte.
Après la suppression des baisses de charges instaurées par le précédent gouvernement, la diminution des crédits budgétaires à l’installation, à la modernisation des exploitations, vous imposez des réglementations et des contraintes sans cesse plus lourdes et plus complexes. Est-ce bien là le meilleur moyen pour permettre à nos agriculteurs de répondre aux enjeux du XXIe siècle ? Si nous voulons redevenir une puissance agricole de premier plan, il faut remettre notre agriculture au coeur de notre pacte social, car la diversité de nos territoires, de nos productions, la qualité et le savoir-faire de notre agriculture sont une des très grandes richesses de la France.
L’article 1er du projet de loi affiche vos ambitions. Mais dans sa version initiale, la montagne est absente. C’est révélateur, c’est un aveu. La montagne, pourtant, c’est un cinquième de notre territoire national et 8,5 millions d’habitants. L’agriculture est le fondement de la société rurale de montagne.
Elle y joue un rôle primordial dans la préservation et l’entretien de notre territoire et son poids économique est important. Il ne faut pas oublier, monsieur le ministre, qu’il n’y a pas que l’agriculture de plaine dans notre pays. Le monde paysan ne s’arrête pas aux frontières de la Mayenne.
Moi, c’est la Sarthe !
Cela confirme une nouvelle fois le désintérêt de votre gouvernement pour les territoires de montagne dans sa politique générale.
C’est vrai pour la loi de refondation de l’école. C’est encore vrai pour la loi sur le redécoupage électoral.
Fort heureusement, la commission des affaires économiques a su réparer cet oubli – il est vrai que son président, M. François Brottes, est un montagnard. Elle a permis que soient intégrées, à la suite des spécificités des outre-mer, les spécificités des zones de montagne ainsi que la prise en compte de l’élevage et du pastoralisme dans la politique d’aménagement rural.
Pour maintenir une activité agricole compétitive et dynamique dans les territoires de montagne, les agriculteurs misent en particulier sur la transformation à la ferme et la commercialisation en circuit court. En Haute-Savoie, plus de 40 % des exploitations proposent au moins un produit sous signe de qualité ; mais aujourd’hui les propositions de la Commission européenne sur l’usage du label « produit de montagne » aboutiraient à l’accorder à des produits qui n’ont rien de montagnard.
C’est un vrai problème, je vous remercie de le reconnaître. Ces propositions mettent en péril le maintien dans ces territoires fragiles d’activités économiques viables et pérennes. Mais elles trompent également les consommateurs qui attendent une sécurisation des produits qu’ils achètent. Alors, monsieur le ministre, ne laissez pas faire, s’il vous plaît. Nous comptons sur vous, les montagnards comptent sur vous.
Il ne faut pas non plus laisser nos éleveurs dans l’inquiétude lorsqu’une maladie grave propagée par une espèce animale protégée vient menacer la survie de l’ensemble d’un troupeau. Il n’est pas normal, monsieur le ministre, compte tenu des graves risques sanitaires encourus, d’attendre dix-huit mois entre l’apparition d’un foyer de brucellose et l’arrêté autorisant l’abattage partiel des bouquetins infectés. L’article 18 du projet de loi portant sur l’extension des mesures de police sanitaire aux animaux de la faune sauvage permettra-t-il une décision plus rapide ? Je le souhaite, mais je n’en suis pas certaine ; j’ai lu votre projet de loi avec attention, mais je n’ai pas la réponse.
Et puis, bien sûr, il y a la question de la forêt. Pour maintenir une activité agricole compétitive et dynamique en zone de montagne, il faut également valoriser notre patrimoine forestier. La forêt, vous le savez tous ici, joue un rôle de protection contre les dangers naturels – éboulements, avalanches, érosion des sols – qu’il ne faut pas négliger compte tenu des dégâts matériels et humains qu’ils peuvent causer. La forêt, avec l’élevage, est source de création d’activités et d’emplois non délocalisables ; rappelons que cela représente, en Haute-Savoie, plus de 5 000 emplois. Par ailleurs, l’article 29 de votre projet de loi met en place des programmes régionaux de la forêt et du bois. Dans quels délais seront-ils opérationnels ?
Enfin, pour maintenir une activité agricole compétitive et dynamique dans nos territoires de montagne, il faut favoriser le renouvellement des générations d’agriculteurs, assurer la formation continue des agriculteurs et valoriser l’enseignement agricole. Là encore, on ne peut que déplorer l’absence de mesures tangibles. Quelles actions concrètes allez-vous mener, au-delà des déclarations d’intention, pour favoriser l’acquisition et la transmission de terres agricoles dans nos zones où, certes, la pression foncière est très forte ?
S’agissant de la formation, je regrette que le texte ne se penche pas davantage sur la formation continue, alors que les besoins des exploitants agricoles et de leurs salariés sont croissants. Nos collègues de la majorité eux-mêmes l’ont relevé. Quant à l’enseignement agricole, enseignement d’affection, car c’est un métier qu’on aime profondément, il doit être valorisé dès le collège. Il est impératif, monsieur le ministre, de maintenir les classes de troisième et de quatrième de l’enseignement agricole. Faut-il rappeler que les agriculteurs ont un niveau de formation supérieur à la moyenne de la population française ?
On pourrait dire bien d’autres choses encore, mais concluons. Dans « agro-écologie », il y a « agriculture », « agriculteurs ». Les agriculteurs, vous le savez, sont passionnés par leur métier, où qu’ils soient. Mais surtout, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’ils doivent pouvoir vivre de leur métier. Là encore, il faut prendre la mesure de la difficulté et de l’urgence.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, j’aimerais vous faire entrer avec moi dans l’univers paysan, trop souvent absent de cet hémicycle,…
…hormis, bien sûr, ce temps fort. Moi-même formé par l’alternance dans les maisons familiales rurales,…
…je parlerai surtout ici de la formation, en me prévalant de ma double appartenance, puisque je suis tout à la fois agriculteur actif dans une petite commune rurale et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Agro-écologie et formation ne sont pas dissociables, bien au contraire. Elles sont deux composantes essentielles de ce projet de loi. Les dispositions qui s’y réfèrent dans ce texte ne viennent pas de nulle part. Elles se fondent sur une histoire ; d’autres l’ont dit avant moi. Je pense notamment à Bernard Lambert, député paysan de ma circonscription dans les années soixante, qui fut quelques années plus tard à l’origine de la Confédération paysanne. Certes, les termes employés n’étaient pas les mêmes, mais l’idée d’une agriculture tout à la fois performante et respectueuse de l’environnement et des hommes a existé, en phase avec les demandes de production de la société d’alors.
Le projet de loi s’inscrit dans cette continuité. Aussi, pour relever les défis que nous connaissions hier et anticiper l’avenir, agissons aujourd’hui. Tout comme l’agriculture a besoin de paysans, l’agro-écologie a besoin d’hommes et de femmes dotés d’un bagage éducatif solide.
C’est tout l’enjeu du titre IV, consacré à la formation et la recherche dans les domaines agricoles et forestiers. Celles-ci doivent répondre à l’ensemble des besoins de la chaîne économique, de la production à la commercialisation en passant par la transformation. Former aux métiers agricoles dans toute leur diversité, c’est ce que demandaient les paysans hier ; c’est ce que vous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, avec l’agro-écologie.
Pour cela, vous avez fait appel aux ressources existantes, en lançant au printemps dernier une large concertation sur l’avenir de l’enseignement agricole. Cette démarche, très appréciée, a largement nourri le texte final. Vous avez su faire confiance au milieu agricole et à ses acteurs. Vous ne vous êtes pas contenté de les consulter : vous les avez écoutés. Je tenais à le souligner et à vous en féliciter.
Un des ateliers de la concertation portait sur le « produire autrement ». C’est un des enjeux forts de la formation que nous voulons offrir aux agriculteurs de notre pays, déjà installés ou en devenir. Produire autrement, c’est produire mieux, sur des exploitations à taille humaine, en phase avec leur environnement social, économique et sociétal, des exploitations maîtrisées et maîtrisables, en un mot durables.
Je sais d’expérience que le métier d’agriculteur, qui nécessite de comprendre le vivant et la nature, ne peut pas s’apprendre seulement dans les livres, mais sur le terrain et en exploitation de stages. La formation par alternance doit donc être la priorité.
De plus, l’ambition pour la recherche est réaffirmée avec, entre autres, la création de l’Institut agronomique et vétérinaire de France. Permettez-moi d’insister sur ce point. À l’heure actuelle, si les aléas climatiques, sanitaires, phytosanitaires et environnementaux sont relativement bien assurés dans le secteur agricole, il en va tout autrement des risques liés aux méthodes innovantes en agriculture. Je pense au réseau Sentinelles de la terre et au biocontrôle assuré dans ma circonscription par la coopérative Terrena. Ce réseau rassemble des agriculteurs volontaires pour expérimenter, dans leurs exploitations, des technologies et méthodes qui optimisent les rendements en utilisant moins de chimie, moins d’eau ou moins d’énergie fossile.
Comme eux, nombreux sont les agriculteurs prêts à faire évoluer leurs pratiques de culture et d’élevage, au profit de l’environnement.
Or ces nouvelles pratiques agricoles, moins bien maîtrisées que les techniques traditionnelles, sont par nature porteuses de risques techniques et économiques. Et, faute de recul, les organismes classiques refusent de les assurer, ce qui les rend difficilement supportables par les agriculteurs. Concrètement, si les coûts d’expérimentation peuvent bénéficier, dans certains cas, des aides à la recherche et développement, la traduction financière des risques associés pour les agriculteurs n’est ensuite pas prise en compte. Cela a pour effet de limiter les innovations, comme l’a noté Mme Guillou dans son rapport sur l’agro-écologie.
Comme je l’ai l’indiqué, le titre IV de ce projet de loi contient des dispositions pour encourager la recherche, mais il est possible, à mon sens, de l’enrichir encore sur le sujet que je viens de développer. J’aurai, au cours de la discussion qui s’annonce, l’occasion de défendre un amendement proposant une ébauche de solution pour compenser les surcoûts induits par les risques. En deux mots, il s’agit d’étudier la pertinence de la création d’une nouvelle section au sein du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Cette branche serait destinée à sécuriser l’expérimentation, l’innovation et l’apprentissage de nouvelles techniques par les agriculteurs, notamment dans le cadre des GIEE, afin de contribuer de façon dynamique à l’évolution des pratiques agricoles.
Je ne serai pas plus long, car les orateurs comme les amendements sont nombreux sur ce texte : preuve, s’il en fallait, que l’agriculture et les paysans, essentiels pour nourrir les hommes et entretenir l’espace, demeurent plus que jamais un sujet d’actualité.
Alors, monsieur le ministre, vous avez raison : en passant de l’agro-industrie défendue par l’opposition à l’agro-écologie soutenue par la majorité,…
…vous mettrez fin à cette hémorragie que représente la disparition programmée des agriculteurs en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt devrait être un texte essentiel pour la filière agricole française, d’autant qu’il intervient alors qu’ont été définies les nouvelles modalités d’application de la politique agricole commune.
L’exposé des motifs de la loi est ambitieux, puisqu’il assigne notamment comme objectifs de permettre à l’agriculture française de « relever le défi de la compétitivité pour conserver une place de premier plan au niveau international et contribuer au développement productif de la France ». On ne peut que souscrire à une telle ambition, tant nous constatons la perte d’influence de notre agriculture sur la scène européenne et mondiale.
Cependant, cet espoir, monsieur le ministre, est très vite déçu. En effet, à la lecture de ce projet de loi, il faut bien se résoudre au constat que ses dispositions ne sont pas de nature à garantir l’avenir de notre agriculture. Bien plus que la compétitivité, ce projet de loi s’attache en effet à développer le concept d’agro-écologie, en imposant de nouvelles dispositions qui présupposent qu’actuellement, les agriculteurs n’intègrent pas le développement durable dans leur activité.
Ces professionnels de la filière agricole ne sont en aucune manière hostiles au fait de concilier performance économique et performance environnementale, à partir du moment où la rentabilité de leurs activités et les perspectives de croissance sont réellement un préalable. Or, ce texte n’apporte pas de réponse sur des points fondamentaux ayant trait à la compétitivité des filières.
C’est le cas face au dumping social pratiqué par certains de nos voisins européens, qui appelle un accompagnement des exploitations et entreprises françaises. Aussi l’allègement des charges sociales sur les salariés permanents est-il une priorité absolue, en attendant une harmonisation des règles sociales au sein de l’Union européenne.
Le secteur agricole est particulièrement exposé à la problématique des salariés dits « détachés ». J’ai pu constater, dans une commune d’une centaine d’habitants de ma circonscription, deux recours à la main-d’oeuvre étrangère, faute de trouver des candidatures de nationaux disposés à rester plus d’une semaine dans l’exploitation.
De la même manière, pour rendre nos filières agricoles pleinement compétitives, il convient de mettre un terme aux distorsions de concurrence intracommunautaires relatives aux normes. Que ce soit en matière d’installations classées, d’utilisation de produits phytosanitaires ou de médicaments vétérinaires, la priorité doit être donnée à l’élaboration et au contrôle du respect de normes européennes, plutôt que d’avoir recours au principe de subsidiarité qui crée de réels déséquilibres dans les contraintes imposées aux professionnels.
Le projet de loi contient cependant des propositions positives, monsieur le ministre : la qualification et la notion de transparence des GAEC, le renforcement du rôle de médiateur des relations commerciales agricoles, l’amélioration de la gouvernance des coopératives, les mesures de protection des terres agricoles et le renforcement des SAFER. Dans ce dernier cas, si la SAFER dispose dorénavant d’une information sur tous les mouvements de parts sociales, il aurait été utile d’aller plus loin en lui conférant un réel pouvoir d’intervention, afin de lui permettre de lutter efficacement contre les montages sociétaires et les agrandissements hors contrôle.
Le texte comporte également des mesures qui méritent des approfondissements et certaines qui suscitent de réelles réserves. C’est ainsi que la question du statut n’est traitée que sous l’angle social. C’est encore le cas du groupement d’intérêt économique et environnemental : si l’agro-écologie peut conduire à des expérimentations intéressantes, elle ne peut constituer l’unique socle de la politique de développement agricole et de financement de l’agriculture.
Assurer la transition de l’agriculture vers des systèmes à la fois plus compétitifs et plus vertueux sur le plan écologique suppose de renforcer les dispositifs de recherche et d’expérimentation, d’accélérer l’innovation dans les filières, tout en les croisant avec les besoins et les initiatives locales.
La réforme envisagée des interprofessions risque d’avoir des conséquences lourdes sur le financement des actions de recherche et d’expérimentation, de promotion, de connaissance des marchés, indispensables pour l’avenir des productions agricoles et des filières.
Le texte prévoit également de remplacer le schéma directeur départemental des structures agricoles par un schéma directeur à l’échelle régionale. Cette disposition ne me semble pas appropriée, car les exploitations présentent des particularités et des spécificités d’un département à un autre.
De même, un aspect positif de ce texte aurait été d’élargir la cessibilité du bail rural : pour l’heure, le bail rural n’est cessible que dans un cadre familial. Cette incessibilité des baux n’est pas favorable à l’installation de jeunes agriculteurs hors cadre familial et donc au renouvellement des générations d’agriculteurs.
Pour conclure, la richesse de l’agriculture française, ce sont les agricultrices et les agriculteurs, monsieur le ministre, qui s’impliquent pleinement dans leur métier, qui sont des chefs d’entreprise, qui prennent des risques pour développer leur activité et générer de la croissance. C’est sur eux que la politique agricole française doit s’appuyer. Il ne s’agit pas de fermer l’accès au métier ou de se refermer sur soi, bien au contraire : c’est à travers une agriculture professionnelle que nous pourrons offrir des perspectives aux jeunes en termes de revenu, mais aussi de qualité de vie. C’est à travers une agriculture professionnelle que nous atteindrons les objectifs de double performance économique et environnementale. C’est à travers une agriculture professionnelle que nous contribuerons au rayonnement de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le sujet : clairement, nos agriculteurs sont inquiets. Leur avenir est sombre, leurs revenus baissent, les perspectives sont peu encourageantes et certains de vos dispositifs se révèlent totalement inapplicables – je pense au crédit d’impôt compétitivité-emploi en matière agricole, sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de vous interroger.
Je ne voudrais pas dire que votre projet n’est d’avenir que de nom, mais au contraire essayer de voir avec vous comment nous pourrions essayer d’avancer, car nous le savons tous, le défi du XXIe siècle sera celui de l’alimentation. Dans ce domaine, notre pays a une carte à jouer, une carte importante : produire bien, produire mieux, c’est clairement notre mission. Nous étions jusqu’alors la deuxième puissance agricole mondiale. Nous le savons, nous devons faire face au développement de la Chine, du Brésil, de la Russie ou de l’Afrique du Sud. Les enjeux sont considérables.
Votre réponse est un texte qui, incontestablement, accroît une fois de plus les contraintes administratives plutôt que de renforcer la compétitivité. Un texte qui ne répond pas au défi du développement durable, mais alourdit les obligations.
La discussion en commission des affaires économiques a cependant permis quelques avancées : je vais commencer par les souligner et les saluer.
La première porte sur la protection des IGP et des AOP, afin de permettre l’élargissement du droit d’opposition. Nous avions eu ce débat déjà dans l’hémicycle en examinant le projet de loi sur la consommation.
En revanche, monsieur le ministre, je regrette vraiment que vous repreniez quelque part cette avancée par deux amendements sur le nouvel article 10 bis : l’amendement no 1715 , qui restreint le droit d’opposition pour les appellations d’origine et indications géographiques aux seuls produits similaires, et l’amendement no 1672 qui intègre au code de la propriété intellectuelle l’ouverture du droit d’opposition au seul directeur de l’INAO, la restriction du droit d’opposition à l’encontre des marques et l’obligation d’une prise en charge financière des coûts de la procédure par l’INAO. Un pas d’un côté, un recul de l’autre : on finit par se dire qu’après avoir fait preuve d’ouverture, vous restreignez très concrètement la portée du dispositif. C’est franchement dommage.
Autre bonne nouvelle – espérons qu’elle le restera jusqu’à l’adoption finale du texte –, la dispense du passage par les organismes stockeurs pour les céréaliers associés à un GIEE a été supprimé. Cette disposition, en contradiction avec les objectifs de transparence et de connaissance de la production et des marchés, aurait eu pour conséquence une désorganisation du marché des céréales. C’est donc un point important.
Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas saisi l’occasion de ce texte pour revenir sur un sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de vous interroger tout à l’heure : la fameuse directive « Nitrates ». Car les choses ne se sont pas améliorées pour les agriculteurs, et je vais vous le démontrer. Effectivement, un effort a été fait pour la viticulture…
Ah ! Tout de même !
Si !
La question qui, concrètement, pose difficulté aux agriculteurs – nous pourrons les rencontrer ensemble si vous le voulez –, c’est l’interdiction d’épandage sur les pentes à 20 %. Dans la région Champagne-Ardenne, que vous connaissez bien, le vignoble représente 30 000 hectares. Or les terres concernées par votre cinquième plan national représentent précisément 30 000 hectares… Je vous invite à venir vous en rendre compte sur place avec moi, monsieur le ministre.
Quand vous voudrez !
Ce sera avec grand plaisir : je serai ravie de vous accueillir en Champagne-Ardenne. Il ne s’agit pas de jouer à vrai ou faux : nous avons des exploitations dont la pérennité est menacée, tout simplement parce que plus de la moitié de leurs terres sont sur des pentes à 20 %.
Au demeurant, cette affaire est doublement problématique.
Nous sommes tous d’accord pour dire que, depuis dix ans, les choses ont considérablement avancé. Les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement constatent d’ailleurs une amélioration de la qualité de l’eau et ont publié les résultats des études réalisées. En revanche, le taux d’azote reste à peu près à 20 % alors que, dans le même temps, le taux de protéine du blé et des autres céréales devient plus faible, ce qui entraîne des conséquences non négligeables à l’export.
La Chine notamment commence à refuser la livraison de certains de nos blés dont elle juge le taux de protéines trop faible. Il y a donc bel et bien d’un côté un enjeu environnemental et, de l’autre côté, un enjeu quant à la qualité des produits de la « Ferme France ». Cela mérite que nous y travaillions ensemble.
Connaissant votre engagement sur ce sujet, je suis certaine que nous trouverons un chemin.
Regardons également, vous y avez fait allusion, ce qu’il en est dans les autres pays européens. Regardons par exemple ce qui a été fait aux Pays-Bas où des solutions ont été trouvées. Vous savez que des ateliers d’élevage sont clairement menacés à l’avenir…
Eh oui !
Bien sûr, les Pays-Bas sont plats, mais vous savez aussi que leur gouvernement a fait des choix financiers, et que le vôtre n’a pas souhaité faire les mêmes. Il faut avoir le courage de le reconnaître !
De quels choix parlez-vous ?
Votre texte affiche comme ambition le rétablissement d’un équilibre dans le cadre des relations commerciales et notamment le renforcement du poids des fournisseurs face aux distributeurs. Voilà qui nous interpelle, monsieur le ministre : il y a moins d’un mois – le 17 décembre, me semble-t-il –, nous étions réunis dans cet hémicycle avec votre collègue M. Hamon : il nous présentait un texte sur la consommation qui faisait déjà état de la volonté de rétablir un équilibre dans les relations entre fournisseurs et distributeurs.
En effet.
Croyez-vous si peu aux solutions proposées par le texte de votre collègue au point de vous sentir obligé, moins d’un mois, de nous soumettre d’autres dispositions dans le présent projet ! Il y a de quoi se demander comment les choses se passent au sein du Gouvernement !
Je terminerai en évoquant le rôle majeur des coopératives. Votre texte comporte à cet égard des éléments qui nous inquiètent. Je reviens sur l’article 6 et sur la clause « miroir » pour les coopératives agricoles, plusieurs arguments de fond militant en faveur de ses alinéas 11 et 12.
Rappelons que la relation entre le coopérateur et sa coopérative est une association, non une relation de simple fournisseur.
Si cette relation est banalisée, cela contribuera au brouillage de l’identité des coopératives agricoles et de leurs rôles spécifiques dans les territoires.
Je peux le faire et je l’ai déjà fait, monsieur le rapporteur.
La gouvernance sera brouillée : parce qu’ils sont associés, les agriculteurs élisent leurs administrateurs sur le fondement de la règle « une personne,une voix » et peuvent les révoquer chaque année.
Dans le cadre de ce mandat, les administrateurs prennent les décisions en matière de gestion de la rémunération des apports des associés-coopérateurs au mieux de leurs intérêts et en prenant bien sûr en compte les variables de hausse et de baisse des prix sur les marchés.
En indiquant dans le texte issu de la commission que ces paramètres seront arrêtés par l’AG ordinaire – donc, annuelle – et en donnant deux mois au conseil d’administration pour se prononcer sur les paramètres de hausse ou de baisse des prix qu’il entend utiliser,…
En effet.
…on introduit une incohérence, car ce délai n’est tout simplement pas adapté aux cycles de hausse ou de baisse des prix.
Si.
Ou bien il est trop court, ou bien il est trop éloigné des variations constatées.
Pas du tout, monsieur le rapporteur. On pourrait trouver des avancées pour améliorer l’information des associés-coopérateurs en précisant que le rapport de gestion annuelle doit contenir des éléments d’information sur la construction des prix rémunérant les apports des adhérents. C’est cela, la vraie question : la rémunération de leurs apports. Regardons comment il est possible d’avancer là-dessus.
Eh bien voilà !
Vous proposez par ailleurs la mise en place de contractualisation des filières. Ce sujet nous revient de texte en texte : nous en avons notamment débattu dans le projet de loi relatif à la consommation. Nous constatons aujourd’hui qu’il est urgent de mener une concertation entre les différents acteurs et leurs représentants pour faire émerger, non un modèle unique, non une contrainte administrative supplémentaire, mais une vraie philosophie des relations commerciales.
Vous proposez enfin la mise en place d’un médiateur des relations commerciales agricoles pour redonner du souffle aux filières d’élevage notamment. Cela étant, on peut s’interroger sur ses pouvoirs et les moyens qui lui seront accordés, tant de détails qui laissent planer un doute quant à l’effectivité de son action.
Comme plusieurs de mes collègues, je pense que la ferme France n’a franchement pas besoin d’un texte de plus.
Elle a besoin d’actions concrètes qui permettent à chacun d’exercer son métier. Il est temps de passer de la défiance à la confiance. L’agriculture reste l’un des fondements partagé de notre patrimoine national, un secteur qui mérite tout notre engagement tant il nous oblige.
Je retiens avec plaisir, monsieur le ministre, que vous êtes disposé à venir en personne sur le terrain afin que nous puissions parler nitrates ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre pays s’est longtemps singularisé par la place prépondérante et déterminante de notre agriculture, fleuron de notre économie. Les femmes et les hommes qui ont permis à notre économie de se hisser à ce niveau de professionnalisme sont des exemples à travers toute l’Europe et dans le monde entier.
Quoi que puissent en penser les écologistes, après la révolution industrielle et celle de la production, le monde agricole a répondu présent à l’évolution durable à laquelle nous aspirons tous. Mais, pour s’en convaincre, il faut savoir aller à la rencontre de celles et ceux qui font notre agriculture, celles et ceux qui quotidiennement travaillent le sol de France, remplissent nos silos et font tourner notre industrie agro-alimentaire.
J’étais la semaine dernière en compagnie de jeunes agriculteurs du Loiret pour examiner ce projet de loi, tout comme j’ai participé comme chaque année en cette période aux assemblées cantonales des syndicats agricoles. Je vous invite à faire de même : vous pourrez ainsi constater le fossé, si ce n’est le gouffre, qui sépare nos productions législatives et réglementaires des attentes du monde agricole.
À poursuivre dans cette voie, qu’adviendra-t-il si vous persistez à vous fendre de mots et à ignorer la réalité de nos campagnes ?
Non, monsieur le ministre, ce projet de loi n’est pas celui de l’avenir de l’agriculture française. Ce texte fourre-tout ne servira au mieux qu’à contraindre davantage encore les conditions d’existence du monde agricole.
Là où il nous faudrait du pragmatisme, de la flexibilité, les moyens de retrouver de la compétitivité face à la concurrence mondiale et européenne exacerbée, vous ne faites que resserrer l’étau des contraintes. S’il y a une loi dont notre agriculture a besoin, aujourd’hui et pour demain, ce serait une loi sur le bon sens agricole, débarrassée de toute doctrine. Monsieur le ministre, il manque à votre loi l’essence même de ce qui a fait l’essor de notre pays et celui de nos campagnes : le bon sens paysan.
Comme tous les élus des champs, je suis pragmatique ; comme à mon habitude, je vais vous donner des exemples issus de notre Beauce qui montrent ce que votre projet de loi ne manquera pas d’entretenir.
Je visitai dernièrement une exploitation reprise par un jeune agriculteur dont les terres se situent en bordure d’une autoroute construite récemment sous le label écologique, si bien que les accotements sont envahis par les chardons qui, comme chacun doit le savoir, sont un fléau environnemental. Las de voir ses champs envahis, notre jeune agriculteur a pris le taureau par les cornes et traite désormais ses champs mais, aussi, les accotements de l’autoroute grâce à un aménagement astucieux de son matériel de traitement pour passer au- dessus des clôtures.
Le problème des chardons est donc résolu, à ses frais, mais demain viendra celui de la justification auprès de notre administration. Comment en effet justifier un tel emploi de produit phytosanitaire très encadré et contingenté ? Inutile de tenter d’expliquer le pourquoi du comment : les formulaires administratifs ne possèdent pas de rubrique « bon sens ».
Autre sujet récurrent : celui des CIPAN, cultures intermédiaires pièges à nitrates. Inexorablement cette affaire est remise sur le tapis chaque année et chaque année votre administration, monsieur le ministre, ressort invariablement ses directives en imposant une date butoir alors que nous savons tous que la nature n’a jamais répondu à des calendriers administratifs. Quand, monsieur le ministre, se limitera t-on à fixer une période et non plus une date couperet ? Ne croyez-vous pas que nos agriculteurs sont au moins aussi attachés à la qualité de leur sol que l’administration ?
Pour clore ce bref témoignage de la réalité de nos campagnes, je citerai un agriculteur qui me faisait part de sa vie quotidienne.
Il se souvenait que, lorsqu’il était jeune et qu’il travaillait aux côtés de son père, la conversation portait chaque matin sur le travail du jour, les cultures à surveiller ou les interventions susceptibles de s’imposer selon les conditions météo et l’état du sol. Depuis quelques années, ses pensées du matin ne sont plus les mêmes. Les priorités ont changé : désormais, la question que cet agriculteur se pose chaque matin, c’est celle de savoir quelle démarche administrative il a pu oublier, risquant de le mettre en défaut face aux diverses administrations qui ne manqueront pas de venir le contrôler.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
N’a t-il pas omis de renseigner le formulaire adéquat ? Le bidon de produits phyto utilisé hier a t-il été rangé sur la bonne étagère et suivant la bonne date de péremption ? Voilà mesdames, messieurs, la réalité de nos agriculteurs d’aujourd’hui qui découle de nos lois !
Celle-ci, hélas, suivra la même logique.
J’aurais pu aborder d’autres sujets : ainsi celui des coopératives promises à de nouvelles contraintes de gouvernance alors qu’elles ont démontré au fil des ans à quel point elles constituent une organisation économique pertinente. J’aurais pu également aborder le sujet de l’enseignement agricole : un syndicat pourtant proche de votre sensibilité a remarqué que votre projet de loi était à cet égard une coquille vide.
Mais je m’en tiendrai là car, au final, ce texte ne répond pas aux attentes des agriculteurs. Son seul objectif sera de permettre au thème de l’agriculture d’être abordé une fois au cours de cette législature.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’examen du projet de loi qui a débuté hier soir à l’Assemblée nationale, un double constat s’impose.
Pour commencer, le monde agricole n’était pas forcément demandeur d’une telle loi.
Il attendait en revanche beaucoup du Gouvernement pour défendre ses intérêts à Bruxelles dans le cadre de la révision de la PAC pour la période 2014-2020.
Eh oui !
Nous l’avons fait !
C’est ce que la France a fait entre 2008 et 2014, lorsque mon excellent collègue Bruno Le Maire était en charge de ces questions. Or, visiblement, de nombreuses inquiétudes se font jour devant ce qui apparaît comme une renationalisation de notre politique agricole.
Vient ensuite une grande déception, car ce projet de loi ne contient pas de réelle ambition, ni sur la stratégie d’avenir de l’agriculture française ni sur sa capacité à rester compétitive dans un marché globalisé et de plus en plus concurrentiel. Il est illusoire de penser que les mesures que vous proposez, monsieur le ministre, permettront de soutenir efficacement notre modèle agricole afin qu’il ne subisse pas le même sort malheureux que nos industries.
Au contraire, de nombreuses dispositions viendront compliquer encore plus le quotidien de nos agriculteurs qui croulent déjà sous la paperasse administrative. Quid de la performance économique de notre agriculture face à nos voisins européens et plus largement aux marchés émergents ? Quid de la recherche et de l’innovation dans un domaine aussi stratégique que l’agro-alimentaire ? Quid de notre stratégie d’investissement et de développement pour les prochaines décennies afin de sauver un modèle agricole qui se meurt aujourd’hui faute de vision globale ?
Maintenir une agriculture économiquement robuste et créatrice d’emplois, c’est avant tout lui donner les moyens de créer de la valeur ajoutée.
Eh oui !
En zone périurbaine et tout particulièrement en région Île-de-France, l’agriculture perd non seulement son potentiel de terres cultivables en raison de l’étalement urbain, mais également une part importante de son environnement économique et industriel : industries de première transformation – laiteries, sucreries, abattoirs, coopératives, différents fournisseurs, concessionnaires de matériels, etc.
Si les agriculteurs sont indemnisés individuellement en réparation du préjudice subi du fait de la perte d’emprises, quels moyens mettons-nous en oeuvre pour moderniser et développer notre industrie agroalimentaire en intégrant l’ensemble des maillons de la chaîne, des producteurs aux consommateurs ?
Je vous invite, monsieur le ministre, à vous pencher sur la proposition, formulée par la chambre interdépartementale d’agriculture d’Ile-de-France, de créer un fonds de compensation abondé par une taxe de 1 % du prix d’acquisition de terrains nus rendus constructibles, qui serait payée par les acquéreurs.
Cette contribution, dans les régions périurbaines où la pression foncière est très forte, permettrait d’aider à la création de nouvelles filières, de prendre des participations dans des entreprises de transformation, de mettre en place de nouveaux modes de commercialisation, de développer de nouvelles unités de transformation, en d’autres termes, de créer de la richesse et de l’emploi.
Si nos industries agro-alimentaires comptent quelques grandes entreprises, elles s’articulent pour l’essentiel autour de très nombreuses PME, souvent de petite taille.
Les pertes de parts de marché subies au cours des dernières années, notamment dans les industries du lait et de la viande, témoignent cependant des faiblesses inhérentes à ce modèle. Nos principaux partenaires de l’Union européenne, tels que l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Danemark, ont opté pour des entreprises de grande taille, qui développent des stratégies offensives sur l’ensemble du marché européen. Il est vraiment très regrettable que le texte que vous nous proposez n’offre aucune réponse à ces réalités économiques qui menacent l’équilibre de notre agriculture.
Les agriculteurs français font malheureusement chaque jour l’expérience amère de ces réalités et je ne peux m’empêcher de penser à ces drames humains qui font trop souvent la une de nos journaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt marque une étape importante pour toute l’économie agricole, qui irrigue l’ensemble de nos territoires.
À entendre les réactions des différents acteurs concernés par ce texte de loi et par ses effets attendus, à les écouter dans leur diversité et dans les souhaits qu’ils expriment, il me semble, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous avez trouvé l’équilibre permettant d’engager notre agriculture vers un avenir qui assurera les conditions de son nouveau développement.
À travers les objectifs que vous avez fixés, en particulier à l’article 1er, vous engagez notre production agricole dans une transition indispensable pour assurer son développement et sa compétitivité, tout en définissant un modèle plus respectueux de l’environnement.
Le texte fait une large place à l’objectif premier de la production agricole, l’alimentation, en insistant sur la sécurité sanitaire, la qualité, la quantité et le coût maîtrisé des productions. Qui plus est, cette démarche s’inscrit dans la volonté de développer de la valeur ajoutée par un ancrage territorial, qui tienne compte de la spécificité des territoires.
Je tiens également à souligner la cohérence de votre démarche globale. Ce texte accompagne la réorientation de la politique agricole commune, que vous avez initiée pour engager un rééquilibrage entre les différentes productions, en soutenant particulièrement l’élevage.
Ce texte affirme également le caractère familial de nos exploitations agricoles, à travers les différents statuts qui permettent d’en sécuriser le modèle. Pour cela, il est bien entendu nécessaire de donner la priorité à l’installation des jeunes agriculteurs, que ce soit dans le cadre familial ou en dehors de celui-ci, mais aussi à la transmission des exploitations, dont le modèle économique évolutif peut assurer la pérennité. Compte tenu des évolutions démographiques, les questions d’installation et de transmission constitueront, nous le savons, un enjeu fondamental dans les toutes prochaines années dans beaucoup de nos territoires. La maîtrise du foncier à travers le rôle renforcé des SAFER est aussi à souligner.
Ce texte de loi définit également une priorité fondamentale pour nos modèles de production : leur mutation vers l’agro-écologie. Ce système, qui va redonner ses lettres de noblesse à notre agriculture, doit prendre en compte, pour garantir son développement, la nécessité d’être compétitive, tout en respectant ces facteurs essentiels que sont la nature, la biodiversité et l’environnement.
La priorité donnée à la formation et à la recherche est une condition indispensable à cette évolution, par la dynamique qu’elles sont l’une et l’autre en mesure de créer. La production agricole, avec l’ensemble des activités situées en amont et en aval, constituent souvent le principal maillage économique de beaucoup de nos territoires. Dans la période de transition économique que nous vivons, l’agriculture peut également s’inscrire dans la dynamique de la transition énergétique. Je pense en particulier au développement de la méthanisation, qui peut fédérer des acteurs locaux avec un triple objectif : la production d’énergie renouvelable, l’optimisation agronomique à travers des intrants biologiques et la valorisation de déchets fermentescibles.
Nous pourrions multiplier les exemples, par exemple dans la filière bois : ils montrent qu’il est nécessaire de mobiliser tous les acteurs concernés de nos territoires. C’est là un facteur indispensable à la mise en oeuvre et à la réussite des objectifs qui ont été affichés.
C’est ainsi que le mouvement coopératif, très présent sous toutes ses formes en agriculture – et je pense notamment au réseau local des coopératives d’utilisation de matériel agricole – doit être un acteur important au côté des collectivités locales et des structures professionnelles, pour mettre en oeuvre cette nouvelle politique et en assurer le succès. Nous pouvons également compter sur cette formule nouvelle que constituent les groupements d’intérêt économique et environnemental.
Il sera également nécessaire de créer des systèmes d’évaluation, afin de vérifier, sur toutes les questions abordées dans ce projet de loi, si les objectifs qui ont été définis de manière précise ont bien été respectés. Cette évaluation devra également intégrer les principes de réorientation de la PAC, afin de vérifier si, en termes de cohérence et d’objectifs poursuivis, les résultats sont là aussi au rendez-vous – je pense aux zones intermédiaires d’élevage où s’expriment actuellement quelques inquiétudes.
En tout état de cause, les objectifs affichés de ce projet de loi, additionnées aux nouvelles orientations de la PAC, apportent une vision et définissent un cap…
…que les différents acteurs de notre agriculture doivent poursuivre. C’est la condition indispensable pour garantir tout à la fois son développement et la pérennité d’un modèle adapté à la spécificité de nos territoires.
Le philosophe Alain disait que : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. » Avec ce projet de loi, nous avons tous de fortes raisons d’être optimistes pour l’avenir de notre agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est le cinquième du genre consacré à l’agriculture depuis 1999. Croyez-vous qu’une telle prolifération, source à l’évidence d’insécurité législative et de logorrhée réglementaire, soit la réponse qu’attendent les agriculteurs, ces centaines de paysans français confrontés à une compétition européenne et internationale de plus en plus rude ?
Ce projet n’apparaît ni utile ni nécessaire à l’heure actuelle. Il l’est d’autant moins qu’il procède de grandes déclarations de principe, dont votre gouvernement est coutumier, plutôt que d’engagements concrets, dont l’agriculture française a tant besoin aujourd’hui.
Sans vouloir critiquer l’action du rapporteur, M. Germinal Peiro, que je salue et auquel je reconnais une certaine volonté de faire, je ne peux être d’accord ni sur les orientations de ce texte ni sur les mesures proposées.
Ce texte n’a en effet d’avenir que le nom. Il a pour ambition de repeindre l’agriculture en vert en développant le nouveau concept d’agro-écologie. Il impose des contraintes nouvelles, alors que tous les agriculteurs demandent des allégements. La création d’un nouveau type de groupement, le GIEE, la généralisation du bail environnemental et la réforme du contrôle des structures vont faire peser des contraintes supplémentaires sur les agriculteurs.
Avec Bruno Le Maire, nous vous demandons au contraire de prendre l’engagement que toutes les normes environnementales adoptées en France correspondent désormais strictement aux textes européens. Notre agriculture ne peut plus subir de distorsions de concurrence. Nous vous demandons de simplifier le droit des installations classées et tout ce qui concerne l’eau, notamment l’usage des rases, comme chez moi en Lozère, et celui des drainages, qui est beaucoup trop complexe.
Nous demandons également que l’administration française, plus particulièrement celle de l’agriculture et celle de l’écologie, accompagne les agriculteurs en leur simplifiant la vie…
…au lieu de les enquiquiner à longueur de temps.
Nous vous demandons d’exiger de vos administrations que les agriculteurs ne soient plus considérés comme des suspects permanents, mais comme des acteurs actifs engagés et responsables. Chez moi, en Lozère, pays d’élevage de montagne, on crève des contrôles et de la paperasserie. Monsieur le ministre, je le dis publiquement devant la représentation parlementaire : aucune loi n’est nécessaire en la matière. Il suffit seulement d’une volonté politique.
Nous souhaitons également que vous rétablissiez la baisse des charges dans le secteur agricole, que vous avez malheureusement supprimée.
Mais non !
Nous demandons la mise en place d’une véritable contractualisation dans le secteur laitier, seule réponse à la fin des quotas et à la concurrence européenne.
Par ailleurs, je regrette profondément, monsieur le ministre, que ce texte ait dû être examiné dans la précipitation, compte tenu des délais et de la date limite de dépôt des amendements fixé au 3 janvier, en pleine période de vacances, avec un débat en séance publique le 7 janvier. Encore un sujet crucial traité à la va-vite !
Le rapporteur a rappelé que 1 431 amendements avaient été déposés devant la commission des affaires économiques fin décembre et qu’après examen de la recevabilité au titre de l’article 40, pas moins de 1 300 amendements ont été soumis, à la va-vite, au vote de la commission. Pensez-vous qu’on puisse faire un travail sérieux dans de telles circonstances ?
Vous n’êtes pas sérieux !
Tout cela n’est qu’un travail bâclé, un écran de fumée destiné à montrer que le Gouvernement s’occupe de l’agriculture, et ce – comme par hasard ! – juste avant les municipales et le Salon de l’agriculture.
Cela me fait penser au bouclier rural, inventé juste avant les cantonales de 2011. Et que dire de la résolution pipeau sur la ruralité, ce catalogue stupide élaboré par le groupe socialiste il y a quinze jours !
Ces sujets, du reste, ont déjà fait l’objet d’un débat parlementaire. Ce texte n’est qu’un recueil de bonnes intentions, qui ne définit aucune ambition pour l’agriculture française et n’est pas à la hauteur des attentes. Pire, aucune mesure ne permet de mettre fin à la concurrence déloyale en Europe, principale préoccupation des agriculteurs aujourd’hui, ni à lutter contre le dumping social ou fiscal.
Aucune mesure ne permet à ce secteur de premier plan pour notre pays de se moderniser, d’innover, de développer son activité et de décrocher des parts de marché à l’étranger.
Au contraire, de nombreuses dispositions vont complexifier durablement le quotidien de la profession : transmission de données et augmentation du nombre de déclarations ; réforme du fonctionnement des interprofessions, qui risque de conduire à des blocages au niveau de la prise de décision ; modification des critères relatifs au contrôle des structures et à l’assujettissement au régime des non-salariés agricoles….
Depuis dix-huit mois, le Gouvernement et la majorité mettent à mal ce secteur : suppression de la TVA compétitivité, baisse significative des crédits budgétaires en lois de finances, hausse des charges.
Avec le groupe UMP, nous avons déposé un certain nombre d’amendements qui pourraient permettre quelques avancées en matière d’installation, de préservation du foncier et d’allégement des normes. Encore faudrait-il que votre gouvernement soit sensible à de tels sujets. La philosophie globale de votre texte ne traduisant aucune vision économique de l’agriculture, je doute beaucoup du résultat de nos débats parlementaires.
Pour finir sur une note locale, je dirai un mot de la Lozère. On m’y réclame le financement des petites chambres d’agriculture, des efforts sur le développement rural et sur l’installation des jeunes, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels sur tout le département, le plan bâtiment, des simplifications de la législation sur l’eau… On est bien loin, me semble-t-il, de vos préoccupations.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, au milieu des années cinquante, l’agriculture, l’industrie et les services occupaient un nombre égal d’actifs en France, autour de 5 millions chacun.
On compte aujourd’hui moins de 500 000 exploitations agricoles et près d’un million d’actifs. Le paysage a bien changé : les exploitants actuels sont de véritables chefs d’entreprise, de nouvelles formes juridiques sont apparues, la superficie moyenne des exploitations a nettement augmenté. Par ailleurs, 100 000 conjointes d’exploitants ne travaillent plus à la ferme.
Le métier d’agriculteur s’est, de fait, considérablement transformé. Mais il reste hautement dépendant : de la météo d’abord, et on n’y peut pas grand-chose ; de la législation ensuite, qui est de notre responsabilité ; de la demande alimentaire mondiale, enfin, avec une population à nourrir qui va atteindre les 9 milliards d’individus – une véritable opportunité à saisir.
Rappelons encore que la France est le premier producteur agricole en Europe. L’agriculture et l’agroalimentaire sont à l’origine d’un excédent de la balance commerciale de plus de 10 milliards d’euros. Nous tenons donc là une pépite, à condition d’en être conscients et de soutenir ceux à qui nous la devons.
Il s’agit d’abord de trouver les bons remèdes à de vrais défis. Les prix des matières premières fluctuent et, sans la régulation qui s’impose, le revenu des agriculteurs avec eux. Les relations avec les transformateurs et la grande distribution se tendent, alors qu’ils sont les éléments d’une chaîne et que leurs destins sont liés. Les distorsions de concurrence entre les pays de l’Union européenne pénalisent les filières françaises et provoquent un rejet de l’Europe, qui pourrait se traduire dangereusement dans les urnes le 25 mai.
Quelle profession accepterait d’être ainsi soumise à tous ces aléas et rapports de force quotidiens ?
Et pourtant, c’est bien l’agriculture qui nourrit le monde. Elle doit par conséquent faire l’objet de toute notre attention.
Dans ce contexte, quel est le rôle du législateur ? D’abord de tenir un langage de vérité. Il y a consensus entre nous, me semble-t-il, sur l’exigence d’un développement agricole durable, qui soit à la fois économique, social et environnemental. Mais nous divergeons manifestement sur la manière de le mettre en oeuvre. Comment permettre aux agriculteurs d’avoir une visibilité dans le temps, de conforter leurs productions, d’asseoir leurs revenus et de faire vivre leurs familles comme tout un chacun, et en toute liberté ?
Ce qu’il faut à l’agriculture française, c’est moins une énième loi qu’une véritable stratégie d’avenir pour accompagner les changements profonds nés de la nouvelle PAC, de la fin des quotas laitiers, de l’évolution des habitudes de consommations et des modes de vie. Or le texte que nous examinons souffre d’une absence de vision et risque fort de rester sourd aux attentes exprimées par les agriculteurs, auxquels j’associerai les pêcheurs, terriblement absents de ce texte de loi.
Ils apprécieront. À ce propos, monsieur le ministre, pourriez-vous m’expliquer pourquoi la pêche ne fait plus partie du portefeuille du ministre de l’agriculture ?
Je vous l’expliquerai.
Quelles sont-elles les attentes de nos agriculteurs ? Ce sont celles de tous les chefs d’entreprise de France : un soutien à la compétitivité des exploitations, qui passe par la baisse des coûts de production, des impôts et autres taxes,et aussi par un volontarisme beaucoup plus affirmé pour convaincre nos partenaires européens de la nécessité d’harmoniser les règles du jeu. Mais pour cela, il faut être écouté et respecté en Europe et donc engager les réformes économiques, sociales et fiscales qui se font toujours attendre chez nous.
Il faut enfin accepter de traiter la question de l’écologie avec moins d’idéologie et plus de pragmatisme. Tous les agriculteurs ont intérêt à produire en respectant l’environnement.
Leurs terres sont leur outil de travail, leur patrimoine. Ils n’ont pas attendu l’apparition du concept d’agro-écologie dans le langage courant et dans le pacte pour la Bretagne pour faire évoluer leurs pratiques et innover, quand ils n’en sont pas empêchés par l’administration. Je pense aux agriculteurs qui voudraient se lancer dans la méthanisation. Dans les discours, pas de problème ! Dans les faits, là où en Allemagne, il faut quelques mois pour mener à bien un projet, il faut plusieurs années chez nous.
Nous devons rattraper le temps perdu !
Parmi les demandes récurrentes des agriculteurs, il y a aussi le soutien à l’installation et à la transmission, la préservation du foncier agricole, l’organisation des producteurs et des marchés et enfin, priorité des priorités, la simplification administrative.
Monsieur le ministre, si je puis me permettre, faites preuve de davantage d’autorité sur votre administration et accordez vos violons avec celle de l’environnement ! La question du rôle à venir de vos services respectifs est clairement posée, puisque cette loi est assortie d’une quinzaine d’ordonnances et probablement d’une multitude de décrets, ce qui revient à nous demander de signer un chèque en blanc.
En définitive, cette loi répond-elle à toutes les demandes des agriculteurs de France ? Il est permis d’en douter, à en juger par le contenu des auditions que nous avons conduites et par le nombre impressionnant d’amendements qui nous ont été proposés par les représentants des filières ou les organisations agricoles elles-mêmes, quelles que soient leurs sensibilités. Près de 1 500 amendements ont été déposés, et pas uniquement par l’UMP monsieur le ministre, par les députés de votre majorité également.
Ils sont turbulents !
Tous ces jeunes passionnés qui ont fait le choix de l’agriculture représentent l’avenir. J’en rencontre énormément dans ma circonscription, l’Ille-et-Vilaine étant comme chacun sait un département d’élevage et d’excellence où le nombre d’installations continue d’augmenter chaque année. Tous ces jeunes ne sont d’ailleurs pas tous issus du monde agricole, d’où l’importance de l’orientation et de la formation professionnelle.
Ils veulent juste, comme n’importe quel jeune, exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. C’est pourtant le risque de cette loi, qui n’a pas attendu d’être votée pour être déjà critiquée de toutes parts.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, l’agriculture française vit un réel paradoxe : au moment où la demande alimentaire explose dans le monde, au moment où nos concitoyens se retrouvent sur l’exigence de qualité, de sécurité et de traçabilité alimentaire, au moment où l’alimentation constitue une composante essentielle de notre souveraineté nationale, au moment enfin où les agriculteurs ont démontré leur formidable capacité d’innovation et de productivité, notre modèle agricole se fragilise. Et cette fragilisation conduit malheureusement beaucoup trop de nos agriculteurs au découragement.
Ils pouvaient attendre beaucoup de votre ministère et de cette loi, mais aujourd’hui nous nous trouvons face à un texte qui ne redonne pas véritablement confiance à la France agricole quant à sa capacité d’être productive, compétitive, dans un monde particulièrement concurrentiel.
Je voudrais rapidement développer quatre points.
Premièrement, les enjeux. Ils ont été répétés à cette tribune et vous les connaissez : il faut en finir avec l’accumulation des contraintes techniques, sanitaires et environnementales. Cette inflation bureaucratique sans fin a depuis longtemps dépassé le cadre raisonnable de la gestion des exploitations. Les normes ont un coût, direct et indirect, et elles ont désormais pris une importance considérable. La question est simple, monsieur le ministre : êtes-vous décidé à respecter le cadre européen en termes de normes, et à ne pas en ajouter encore de nouvelles à la gestion de nos exploitations ?
Je l’ai fait !
Deuxième question essentielle, la terre. C’est l’outil de base, dont la disparition trop rapide risque de constituer la première atteinte à l’environnement, en particulier à des régions comme la mienne, la Normandie et le Pays d’Auge, où les conflits d’usage sont poussés à l’extrême. Personnellement, je n’oppose pas l’environnement et la production agricole. La disparition des exploitations serait la première atteinte à l’environnement.
Or force malheureusement est de constater que les efforts et les cadres de référence pour préserver l’outil agricole ne suffisent pas. L’Irlande et le Canada ont pris des mesures drastiques. Dans les zones de production à haute valeur ajoutée, pas uniquement les AOP ou les AOC, mais dans les zones où il y a véritablement un enjeu agricole d’intérêt national, il faut que nous ayons des mesures de classement, à l’image de ce que nous faisons pour les territoires naturels ou littoraux.
Il y a un intérêt national, un enjeu d’intérêt général. Les commissions départementales doivent avoir des compétences renforcées, mais plus encore, il faut créer une véritable gouvernance territoriale au niveau départemental, qui associe toutes les administrations de l’État. La simple référence à l’agriculture ne suffit pas : comme l’a dit à l’instant Mme Le Callennec, il faut que les administrations en charge de l’environnement travaillent beaucoup plus avec l’agriculture sur le terrain pour préserver l’outil agricole.
Je souhaiterais également que les SAFER puissent bénéficier de pouvoirs renforcés, notamment vis-à-vis des agrandissements hors de contrôle afin que leur action soit véritablement efficace, notamment en faveur des jeunes agriculteurs, qui doivent dorénavant être les premiers bénéficiaires des politiques publiques.
J’insiste sur le caractère irréversible de l’artificialisation des terres : lorsque des territoires entiers sont artificialisés, il n’y aura pas de retour possible. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve ni ce que sera l’agriculture dans cinquante ans ; ce que nous savons en revanche, c’est qu’elle dépendra de ce que nous déciderons aujourd’hui ensemble.
Troisième élément sur lequel je souhaite intervenir, le revenu agricole. Dans les régions d’élevage, la contractualisation est certes le modèle de référence, mais il faut impérativement veiller à ce que l’équilibre soit bien respecté, et qu’il n’y ait pas de distorsion au détriment des producteurs. Or c’est précisément là qu’il peut y avoir un risque, monsieur le ministre ; j’aimerais que vous nous précisiez les mécanismes de surveillance qui permettront de garantir ce respect de la contractualisation et des intérêts des producteurs.
Enfin, je voudrais tout simplement insister sur la reconnaissance et la considération que nous devons à l’agriculture. Nous qui sommes particulièrement sensibilisés sur ces bancs, nous répétons que l’agriculture est une force pour la France. Il s’agit d’hommes et de femmes particulièrement dévoués et attachés à leurs exploitations. Il faut, comme tous les secteurs économiques l’exigent, baisser les charges et faire en sorte que les conditions d’exploitation deviennent acceptables, vivables.
Quelles que soient nos carrières ou notre situation sociale, nous avons souvent des origines agricoles. Je peux attester qu’aujourd’hui, une foule de jeunes sont parfaitement capables de prendre la relève, de faire de la France le pays de référence, et probablement l’un des pays les plus compétitifs dans le monde. Aidez-les, écoutez-les, et faites en sorte que cette loi soit une véritable opportunité. Les amendements que nous défendrons y concourront ; je vous demande de leur accorder toute l’attention qu’ils méritent. La situation est grave pour beaucoup d’agriculteurs en France ; ils nous écoutent.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Sourires
le premier devoir d’un gouvernement, c’est d’assurer la souveraineté de la nation pour que le peuple français reste un peuple souverain, libre de prendre ses décisions, libre de tracer son avenir sans contraintes. Au moment où nous nous apprêtons à célébrer les sacrifices de la paysannerie dans les tranchées de Verdun, sur le front de l’Ouest mais aussi dans l’armée d’Orient, que beaucoup oublient ici, il est bon et juste de se souvenir qu’il n’est pas de grand pays, pas de grande nation, pas de peuple libre, sans une agriculture forte. Il suffit de voir combien les États-Unis d’Amérique oeuvrent en permanence pour imposer leurs produits et leurs normes à l’ensemble de la planète, et particulièrement à l’Europe.
Une Europe livrée à un traité abominable de libre-échange qui permettra aux produits américains d’envahir sans contraintes notre continent. Une Europe incapable de résoudre le scandale des travailleurs détachés, condamnant nos légumiers à disparaître dans les trois à quatre ans qui viennent, tout simplement parce que les salaires payés à ces travailleurs détachés sont trois à quatre fois inférieurs à ceux que nos entreprises doivent, à juste titre, verser à leurs employés.
Nous observons aujourd’hui une Allemagne conquérante, forte, qui a préparé la nouvelle politique agricole commune. Votre loi délétère va livrer pieds et poings liés l’agriculture française aux Allemands. À terme, en 2020, les exploitations allemandes toucheront 100 euros d’aide supplémentaire à l’hectare : car on oublie ici que les Länder aident considérablement leurs exploitants agricoles, ce qui n’est pas le cas de nos régions. Et naturellement, Bruxelles ne tient pas compte de ces aides régionales !
Pire encore, l’agriculture hongroise touchera 110 euros d’aides supplémentaires par rapport aux exploitations françaises.
Monsieur le ministre, votre excellent collègue en charge du redressement productif essaie de défendre comme il le peut l’industrie et les capacités de haute technologie française au sein de ce Gouvernement. Mais qu’observons-nous ? Les pays continentaux de l’est de l’Europe sont subventionnés par Bruxelles mais n’achètent que du matériel militaire germanique ou américain, sans aucune contrainte. Les Polonais achètent des F-16 pendant que nous aidons leur agriculture !
Et voici que vous nous proposez une loi démagogique. À court terme, vous allez aider – brièvement – les éleveurs de montagne, vous allez essayer d’aider les jeunes exploitations, avec cette idée de l’aide aux premiers hectares qui aboutira en fait à détruire ces locomotives que sont nos grands groupes, coopérateurs ou groupes privés céréaliers.
Cela a déjà été dit : les céréaliers ne se résument pas aux grosses exploitations de la Beauce et de la Brie. Il y a aussi en Champagne-Ardenne, dans mon territoire, nombre d’exploitations mixtes où l’ont fait tout à la fois de l’élevage et des céréales. Celles-ci vont perdre 140 à 150 millions d’euros d’aides dans les années qui viennent. Et vous nous parlez de défendre les territoires ruraux, au moment même où leurs maires, pour maintenir les exploitants dans leurs communes, se battent avec des dotations qui ne cessent de baisser pour leur offrir les services auxquels ils ont droit : services de santé, services scolaires, services culturels.
Voilà ce que vous nous proposez, monsieur le ministre. Que va-t-il advenir ? Entre 10 % et 15 % des exploitants agricoles vont devoir fermer leurs portes. Nous aurons donc moins de travailleurs, moins d’exploitations, moins d’emplois, moins de structuration du territoire national.
Nous verrons une Allemagne conquérante dominer les produits sur le continent européen, et nous connaîtrons un déclin que vous continuez allègrement à préparer dans l’ensemble des domaines qui sont pourtant ceux qui vous ont été confiés par le peuple français.
Quelle est la situation aujourd’hui ? Il faut un contrôleur pour dix exploitants agricoles. Il y aura bientôt plus de fonctionnaires chargés de les contrôler que de véritables travailleurs sur le sol de la nation !
Les directives nitrates que vous imposez sont absurdes, car elles s’appliquent dès que les pentes atteignent 15 %. Les Français doivent savoir qu’un ru qui reçoit de l’eau une fois tous les quatre ans doit être protégé par des clôtures, pour interdire aux animaux d’aller y paître. Voilà le résultat : vous allez tuer l’élevage français, vous ne faites rien pour protéger nos abattoirs. Alors que l’Allemagne concentre la transformation de ces produits et des protéines animales, le Danemark et les pays voisins abandonnent tous leurs abattoirs.
Vous cédez à une vision anglo-saxonne, européiste, ultralibérale. Comme c’est l’habitude chez les socialistes français, vous êtes les alliés du grand capital. Vous allez le voir se concentrer et, parallèlement, disparaître les entreprises individuelles agricoles, que vous ne respectez pas.
Dernier sujet, monsieur le ministre, qui peut sembler anecdotique mais qui est profondément philosophique : j’avais interpellé certains de vos collègues sur le retour du loup sur le territoire national. Le loup égorge les brebis, il égorge chevreuils, sangliers, et bientôt les veaux et les chevaux. Et ce sont six loups avec lesquels il faudrait cohabiter en zone de plaine ! Souvenez-vous du XVIIe siècle, souvenez-vous des efforts que la France a dû faire au XVIIIe siècle pour éradiquer le loup des territoires où il n’a pas sa place.
Le pastoralisme et l’élevage sont incompatibles avec la présence du loup : ce sera l’objet de quelques amendements que j’aurai l’honneur de défendre, afin qu’à terme, nous ne voyions pas disparaître nos légumiers, nos céréaliers et nos éleveurs.
Vous préparez non seulement la disparition pure et simple de l’agriculture française, mais vous remettez également en cause la place de la France comme nation libre et souveraine.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens à saluer la concertation qui a eu lieu lors de la phase de rédaction de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. En effet, nous retrouvons dans le titre VI, relatif aux outre-mer, une part importante des demandes des différents acteurs, qu’ils soient professionnels, institutionnels ou politiques. Lors des débats en commission, des amendements ont également été pris en compte pour renforcer les objectifs que se donne ce projet de loi.
Hier, notre collègue Hélène Vainqueur-Christophe a rappelé en détail, au nom de la délégation aux outre-mer, les avancées constatées suite aux travaux de la délégation, mais aussi les attentes qui sont encore les siennes. Les outre-mer s’affirment dans la volonté d’être vus et traités à la juste mesure de leurs contraintes et de leurs réalités. Sûrement plus qu’ailleurs, l’adaptation des politiques agricoles aux réalités territoriales et géographiques des départements et collectivités d’outre-mer est essentielle : elle permet la mise en place de politiques harmonieuses et soucieuses de l’environnement dans lequel elles s’inscrivent.
Je veux souligner deux points du titre VI qui me paraissent fondamentaux. Tout d’abord, la commission a adopté un amendement visant à réaffirmer, dans un article additionnel avant l’article 34, les principales finalités poursuivies par ce projet de loi sur nos différents territoires : je pense à la reconnaissance des diverses formes d’agriculture, ainsi qu’à la volonté de satisfaire la demande alimentaire territoriale par des productions locales. Ensuite, je veux saluer la mise en place du comité d’orientation stratégique et de développement agricole, qui procure aux cinq départements d’outre-mer l’outil nécessaire de décision et de cohérence pour mener à bien une politique de développement agricole commune à tous les acteurs sur un même territoire.
Dans ces outre-mer, je veux plus particulièrement parler de la Guyane – cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues ! – et d’un sujet majeur, celui du foncier.
Et un grand département, mon cher collègue !
Comme vous le savez tous, sur les 83 500 kilomètres carrés du territoire guyanais, l’État possède 90 % du foncier en pleine propriété. Le secteur privé en détient moins de 10 %, et les collectivités territoriales moins de 1 %. Il s’agit d’un cas unique en France, et cette situation est un frein au développement des politiques d’aménagement des collectivités, mais aussi au développement économique, et donc à l’agriculture.
Depuis 1998, les réponses des gouvernements ont consisté à permettre la régularisation foncière des agriculteurs en activité et à favoriser l’aménagement de nouveaux périmètres fonciers au travers de l’établissement public d’aménagement de la Guyane. L’accession aux terres et l’obtention des titres fonciers dans des délais raisonnables est une gageure pour les candidats à l’installation agricole. Les services de l’État et de France Domaine ont à gérer d’importantes files d’attente de dossiers, faute de moyens pour faire face à une telle situation.
Ces réponses n’ont pas eu, et n’ont toujours pas, d’effet sur l’avenir. Or le projet de loi dont nous débattons ce jour doit justement préparer et acter l’avenir. Monsieur le ministre, l’avenir pour la Guyane et son développement juste et équilibré, c’est d’abord une accession et une rétrocession du foncier détenu par l’État. L’avenir, c’est considérer que ce qui vaut pour le développement des autres régions en France vaut aussi pour la Guyane – et ce n’est qu’équité et justice que de réclamer qu’il en soit ainsi.
J’ai demandé par amendement – un amendement dont le sort n’a malheureusement pas été favorable en commission, mais je persiste dans ma demande – que soit renforcé le corpus réglementaire et législatif, afin d’encadrer de nouvelles modalités de répartition du foncier agricole en Guyane. Une politique foncière dynamique, qui a pour ambition de soutenir un développement agricole endogène fort, a besoin de s’appuyer sur un opérateur foncier rural pleinement fonctionnel.
Je sais que vous serez le porte-parole de la Guyane, monsieur le ministre. Je souhaite fortement que le Gouvernement illustre l’esprit de cette loi en faisant de l’accession et la rétrocession du foncier le meilleur point de départ pour le pacte de développement de l’un de nos plus grands territoires d’avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, ce gouvernement nous soumet un projet de loi au titre très prometteur, mais malheureusement, le contenu de ce texte ne correspond pas à son titre. Comment osez-vous promettre de traiter de l’avenir agricole avec de pareilles dispositions ? Vous nous soumettez en effet un texte fourre-tout, qui ne correspond pas aux attentes de nos agriculteurs, dont la place est si importante dans notre pays. D’ailleurs, votre texte n’a suscité que très peu de réactions dans ma circonscription, et cette indifférence est significative. Malgré ses trente-neuf articles, ce texte ne soulève même pas l’intérêt !
Vous claironnez que vous allez redonner du souffle aux filières d’élevage. L’élevage, avec l’industrie agroalimentaire qui en découle, est un secteur très important, notamment en termes d’emplois – je le mesure dans mon département de la Mayenne. Mais ce texte n’apporte pas de réponses concrètes ni de vision claire de l’agriculture de demain, dans un monde où la demande de produits agricoles va croître.
Votre ambition est d’ailleurs mesurée, car vous visez le maintien et non le développement de la filière. Or je ne crois pas que ce texte va résoudre les deux problèmes clés des éleveurs, à savoir la flambée des charges de production et le blocage des prix.
Votre texte ne répond pas aux attentes des agriculteurs, et encore moins des jeunes agriculteurs. Ces derniers attendent des simplifications : vous leur proposez le contraire en instaurant, par exemple, la déclaration d’azote commercialisé.
Vous voulez imposer le bail environnemental là où il n’y en a nul besoin. Au lieu de simplifier les groupements, vous en proposez un nouveau, le groupement d’intérêt économique et environnemental, qui se superpose aux autres. « Proposer » est d’ailleurs un terme inexact, car votre texte conduit à l’imposer. En effet, la labellisation permettrait aux membres du GIEE de bénéficier d’une priorité ou d’une majoration d’aides publiques. Pensez-vous que nos agriculteurs sont demandeurs de ces deux nouveautés que sont les baux environnementaux et les GIEE ?
Moi qui suis élu de la Mayenne, territoire rural à fort potentiel agricole, je peux vous dire que non. Au contraire, ces deux articles vont être sources de complications pour nos agriculteurs, et ce n’est pas vraiment ce dont ils ont besoin en cette période. Les agriculteurs, comme tous les Français d’ailleurs, veulent de la simplification et une baisse des charges. Quand ce gouvernement le comprendra-t-il, monsieur le ministre ?
Vous faites des annonces, mais rien ne suit ! C’est cela qui crée le climat d’exaspération actuel, particulièrement vrai dans les zones rurales qui se sentent abandonnées, et parfois sacrifiées par des réformes électoralistes – nous l’avons vu à propos des élections départementales.
Votre gouvernement est soutenu par une majorité compliquée, et cela se traduit dans de nombreux textes. Vos amis écologistes viennent rajouter des normes, des contraintes, des interdictions, des limitations qui ne font que compliquer l’activité des Français et détruire le peu de compétitivité qui nous reste.
Nous voyons fleurir des amendements qui alourdissent les projets, qui n’en avaient guère besoin. Est-ce pour leur faire plaisir que vous répétez à l’envi, depuis quelques mois, un mot que l’on retrouve à maintes reprises dans ce projet de loi et qui doit bien sonner aux oreilles des écolos : « l’agro-écologie » ?
Très beau mot !
Mais, monsieur le ministre, les agriculteurs attendent autre chose que ce verbiage.
Ont-ils d’ailleurs besoin de vos injonctions pour savoir qu’ils doivent protéger notre environnement, qui est leur cadre de vie et leur cadre de travail ?
L’agriculture raisonnée existe déjà. Le bon sens paysan, ça existe déjà !
D’ailleurs, ce projet de loi a été l’occasion d’un rétropédalage, gymnastique dont nous finissons par avoir l’habitude mais qui décrédibilise l’action gouvernementale, qui n’en avait guère besoin. En effet, en voulant limiter la délivrance des antibiotiques, votre projet a provoqué une levée de boucliers des vétérinaires.
Ce texte est aussi l’occasion de montrer le dogmatisme de votre majorité. Vous abordez l’enseignement agricole, mais il n’est pas innocent de constater que vous ne prenez pas en compte l’enseignement agricole privé ; or celui-ci a une place et un rôle très importants dans beaucoup de nos départements, y compris dans le mien, la Mayenne.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues : ce n’est pas ce texte qui va aider nos agriculteurs à affronter l’avenir. Ils le savent, d’ailleurs : ils sont sans illusions.
Mais attention ! Cette profession, qui affronte tellement de difficultés et qui travaille sans relâche, ne pourra supporter très longtemps cette incompréhension face à ses attentes. Les agriculteurs attendent de vous des mesures qui renforcent la compétitivité des exploitations agricoles, seules mesures qui permettront à notre agriculture de conserver la place qui doit être la sienne dans notre société, et à notre pays de rester une grande puissance agricole, avec des territoires ruraux dynamiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
D’abord, monsieur le ministre, je veux vous dire que je suis extrêmement surpris par le peu d’association du Parlement à votre travail depuis que vous êtes ministre de l’agriculture. C’est, à ma connaissance, la première fois qu’il n’y a pas eu de débat au Parlement avant une nouvelle PAC. Aucun débat n’a été organisé dans cet hémicycle.
Il n’y a jamais eu de débat !
De même, le Parlement n’est pas associé ni informé par le Gouvernement sur les négociations commerciales entre l’Europe et les États-Unis. Et vous, monsieur le ministre, qui faites de l’agro-écologie le coeur de votre politique – vous nous en parlez régulièrement –,…
C’est vrai !
…vous êtes venu, en tout et pour tout, une seule petite fois devant la commission du développement durable, ce qui ne constitue pas, à proprement parler, une association du Parlement à votre travail.
Quant à votre projet de loi, une fois de plus, le Gouvernement a fait le choix de se payer de mots. Vous intitulez pompeusement votre texte « avenir de l’agriculture », et pourtant, à l’exception de la question de l’environnement, vous ignorez la totalité des sujets qui constituent les enjeux de l’agriculture,…
Notre collègue Antoine Herth l’a excellemment dénoncé hier : l’inspiration générale de votre texte est la lutte contre la conception traditionnelle de l’agriculture, trop productiviste, trop intensive à votre goût. Vous promouvez donc, par idéologie, comme si le reste du monde n’existait pas, comme si le grand défi du siècle n’était pas de nourrir 7 milliards d’hommes – 1 milliard de plus en dix ans, c’est un défi considérable pour l’agriculture ! –, une vision un peu nostalgique et passéiste de l’agriculture, où seule trouve grâce à vos yeux la très petite structure, la micro-exploitation, « bio-bobo » de préférence,…
Murmures sur les bancs du groupe SRC
Mais bien sûr !
Tant pis si cela tourne exactement le dos aux défis de l’agriculture d’aujourd’hui, où l’excellence de nos productions, de nos savoir-faire et de notre génétique pour les filières d’élevage sont pourtant des atouts pour notre pays. Tout cela ne figure pas dans votre texte !
Rien n’est prévu dans votre texte pour aider les éleveurs à relever le défi de la suppression des quotas laitiers, alors que dans le même temps, vous le savez, les producteurs allemands regroupent leurs exploitations.
Rien n’est prévu dans votre texte pour aider les agriculteurs à faire face aux distorsions de concurrence, ne serait-ce qu’avec nos voisins les plus proches comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, que ce soit sur le coût du travail, sur le droit du travail ou sur les contraintes environnementales.
Rien n’est prévu dans votre texte pour encourager davantage les systèmes assurantiels de garantie de revenus des agriculteurs face aux aléas des cours mondiaux.
Et c’est normal, puisque votre propos est de promouvoir un modèle agricole façon Amélie Poulain, en quelque sorte.
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Et quand j’entends, sur les bancs de notre assemblée, la majorité agiter l’épouvantail de la ferme de 1 000 vaches, je me dis que l’esprit des 35 heures n’est pas loin. Je suis surpris que nous n’ayons pas eu droit à un amendement proposant de limiter par la loi la taille de l’élevage à trente-cinq vaches. (Sourires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Quel dommage, alors que nous avons tant d’atouts, que nous exportons et que ces atouts sont reconnus partout à travers le monde, de tourner ainsi le dos aux vrais enjeux auxquels sont confrontés nos agriculteurs !
Je veux insister sur deux points particuliers, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir dans nos débats.
D’abord, l’extension du bail à clauses environnementales à tous les bailleurs, privés ou publics, quelle que soit la situation géographique de la parcelle concernée. Les conséquences qui découlent de ces clauses environnementales sont importantes, puisque les pratiques culturales imposées – retard de fauche, pratique de l’agriculture biologique ou interdiction de l’utilisation d’intrants – peuvent, en cas de non-respect par le preneur, entraîner la résiliation du bail.
Vous remettez ainsi en cause l’un des piliers fondamentaux du statut du fermage, qui est la liberté d’exploitation. Le preneur a et doit avoir le choix de conduire ses pratiques sans l’intervention de son bailleur.
Mais surtout, ces dispositions entraînent une véritable différence de traitement, totalement injustifiée, selon que l’exploitant est locataire ou propriétaire. Ainsi, sur un même territoire, l’un subira des contraintes environnementales tandis que l’autre n’en subira pas, et ce sans autre fondement que la seule volonté d’un bailleur. Je crois que c’est une atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, qui soulève, à mon sens, un problème de constitutionnalité.
Le second point, c’est le besoin de simplification de notre droit. Aujourd’hui, monsieur le ministre, je crois très sincèrement qu’il n’y a pas de métier plus compliqué dans notre pays que celui d’agriculteur : en plus d’être éleveur ou cultivateur, il faut être comptable, financier, juriste compétent en droit du travail, en droit de l’environnement et en droit européen, mais aussi scientifique compétent dans toutes les disciplines. C’est une situation qui est devenue parfaitement ubuesque. Et nul n’étant censé ignorer la loi, il y a toujours contre les agriculteurs un a priori de culpabilité, qui est insupportable et dont votre administration ne tient pas suffisamment compte. Le Président de la République avait promis un « choc de simplification » : où est-il, ce choc, monsieur le ministre ?
Mais il est là !
Il n’est pas dans votre texte et c’est dommage. Quitte à faire une loi, on aurait aimé y voir les effets de cette promesse. Nous y reviendrons avec les excellents amendements de Marc Le Fur sur les exploitations classées, mais cette situation n’est vraiment plus possible ! J’ai l’exemple, dans ma circonscription, d’un agriculteur qui a dû attendre un an – un an ! – l’autorisation de construire un simple stockage de paille, ce qui est totalement délirant. Chaque année, monsieur le ministre, votre collègue, le ministre de l’intérieur, nous remet un jaune budgétaire sur la performance de ses services et, parmi les critères de performance de l’administration, il y a le délai moyen d’instruction des dossiers d’ICPE. Ce délai moyen d’instruction d’un dossier d’ICPE, comme nous en rend compte M. Valls, est de 310 jours !
Cela ne tient pas compte du délai de préparation du dossier par le pétitionnaire. Un dossier d’ICPE aujourd’hui, nous disent vos services, c’est donc un an en moyenne avant d’obtenir une autorisation ! Comment nos agriculteurs peuvent-ils faire face à cette situation ? Je ne parle même pas de compétitivité, mais de simples contraintes pratiques.
Au bout du compte, monsieur le ministre, vous nous proposez un texte qui fait sans doute plaisir à quelques-uns de vos amis, de vos partenaires,…
…mais rien dans ce texte – aucune disposition ! – ne vient améliorer la compétitivité de nos exploitations, à un moment où elles en auraient particulièrement besoin. À ce titre, c’est tout sauf un texte d’avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer le rapporteur. Il ne m’en voudra pas, c’est de tradition quand je monte à cette tribune. Je reconnais le travail conséquent qui a été fourni par vous, chers collègues, de manière à la fois ronde et anguleuse. Maus un ballon de rugby n’est-il pas à la fois rond et anguleux ? Cela vous ressemble bien en définitive. Nous aurons l’occasion de voir, je suppose, ces deux qualités s’exprimer au cours des débats. Cela ne m’a pas empêché de voter avec enthousiasme la motion de renvoi en commission de Laure de La Raudière, car il me semble que beaucoup des aspects de ce texte auraient mérité un examen supplémentaire, mais il faut aussi savoir reconnaître le travail de ses collègues.
Monsieur le ministre, ce débat intervient dans un contexte extrêmement difficile pour notre agriculture. J’entends bien que vous n’êtes pas responsable de tout et que vous êtes aux affaires depuis quelques mois seulement – je connais cet argument. Néanmoins, je vous avais interrogé ici à l’occasion des questions au Gouvernement, il y a quelques semaines, sur la réforme de la PAC, désastreuse selon nous. Si vous n’avez pas le même point de vue, nous ne pouvons toutefois que constater un écart croissant des aides à l’hectare entre les agriculteurs de notre pays et ceux des pays voisins.
C’est faux !
Cela se fait bien entendu au détriment de la compétitivité de notre agriculture. C’est la raison pour laquelle nous considérons que vous avez raté cette réforme et que les agriculteurs français en pâtiront très bientôt.
Deuxièmement, il n’y a pas dans votre texte d’inflexion particulière qui permettrait à notre agriculture d’assurer sa première mission : garantir à la France son indépendance alimentaire. C’est quand même d’abord à cela que doit servir notre agriculture. Or je ne vois aucune disposition dans votre projet qui nous y conduise.
Troisièmement – et cela a été suffisamment dit par mes collègues –, nous ne voyons pas de prise en compte réelle de l’agriculture comme outil ou capacité ou activité de production de richesses, comme facteur de rentabilité, comme une activité qui permette à la fois d’assurer la subsistance de ceux qui la pratiquent, de transmettre son patrimoine dans de bonnes conditions, de s’enrichir dans la perspective du bien de tous, mais également pour soutenir l’activité des familles. L’agriculture est d’abord une activité économique. L’agriculteur n’est pas d’abord un gardien d’espaces verts ni de territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, selon cette perspective, votre texte est absolument défaillant. Il n’y a pas de simplification des différentes contraintes qui pèsent aujourd’hui sur le monde agricole, que ce soit pour l’élevage ou pour les autres formes d’activité. Partout, on assiste à la prolifération des normes. Pour vous mettre tout à fait à l’aise, monsieur le ministre, je vous accorde que nous y avons, nous aussi, assez largement contribué.
Vous seuls !
Pas seulement nous, n’exagérez pas ! Vous verrez que vous avez aussi quelques responsabilités en la matière. Votre texte n’arrange rien. Au contraire, il ajoute à des contraintes qui pèsent déjà suffisamment sur tous nos agriculteurs, quelle que soit leur secteur d’activité. Nous n’avons pas engagé cette mécanique de diminution de la production de normes et de règlements qui encadrent ces activités, alors que, clairement, tant sur le plan administratif que sur le plan technique ou environnemental, l’attente de tous les agriculteurs concernait d’abord, sans doute, ce type de simplifications.
Au bout du compte, monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi qui fait de l’agriculture une activité occupationnelle d’espaces et certainement pas une activité de production de richesses et de subsistance alimentaire. Ce texte est à côté des besoins de la profession. Il accroît les disparités entre les agricultures des pays d’Europe et des marchés internationaux et la nôtre. Sous ce rapport, votre texte est absolument néfaste.
J’en viens maintenant à un point particulier relatif à l’article 12. Nous aurons, au cours du débat, beaucoup d’occasions de parler de cet article qui concerne les mécaniques de préservation des espaces et les décisions relatives à l’attribution des « espaces agricoles, naturels et forestiers », comme il est écrit dans votre texte. S’agissant de l’articulation entre les activités agricoles et les décisions administratives prises en matière de dévolution des espaces agricoles, ou s’agissant encore du rôle des SAFER, des dispositions existent dans votre texte, mais elles ne correspondent pas, à mon avis, à ce qui serait attendu. Et lorsque je vois, à tous les alinéas de cet article, que des associations qui n’ont rien à voir avec les activités agricoles sont associées aux décisions de dévolution des espaces, quand je vois que l’on confond, dans la destination des décisions, les espaces à destination agricole avec tous les espaces à caractère naturel et les espaces forestiers,…
…je me dis que l’on est dans une confusion qui ne permet pas de garantir l’autonomie de décision au monde agricole.
Pour terminer, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur deux points particuliers liés à ce texte, sans être directement contenus dans ses dispositions. Je profite de cette tribune pour les signaler à votre attention, à partir du moment où votre attention me sera acquise pour quelques secondes, et je patienterai le temps qu’il faut avant qu’elle le soit…
Mais je vous écoutais !
Je découvre que vous êtes multitâche, monsieur le ministre, et j’en suis ravi.
Absolument !
On peut être intelligent sans être multitâche, chère collègue, ce sont deux choses différentes. Et puis, selon certaines traditions, seules les femmes le seraient, je prends donc les précautions d’usage.
Premièrement, monsieur le ministre, le sort de la Bergerie nationale, qui relève pour partie de votre compétence. Cet établissement, situé à Rambouillet, est un bon exemple de lieu dans lequel on pourrait développer à la fois des activités d’ingénierie génétique, une ferme à l’exploitation et de l’enseignement agricole. Il est en train de péricliter à grande vitesse. Les élus de ce territoire, des Yvelines en général, et même d’Île-de-France, attendent des décisions. Là encore, je vous rassure, les gouvernements précédents ne sont pas allés plus vite que vous : nous sommes donc habitués à cette lenteur.
Deuxièmement, à l’occasion du texte qui porte sur l’égalité hommes-femmes et qui sera débattu ici dans quinze jours, j’ai attiré en commission l’attention de mes collègues sur les inégalités qui demeuraient dans les régimes de retraite s’agissant des femmes d’exploitants agricoles, et qui n’ont pas été correctement intégrées dans le texte sur la réforme des retraites. Je vois M. le rapporteur qui opine du chef…
J’ai attiré l’attention de nos collègues de la commission des lois sur ce sujet, mais malheureusement cela ne peut pas entrer dans le champ d’application du texte sur l’égalité hommes-femmes, parce que cela constituerait une sorte de cavalier. Nous ne pourrons donc pas traiter ce problème, mais il est très important de vous entendre sur ce sujet pour que vous puissiez au moins nous renseigner sur la manière dont vous entendez rétablir une forme de justice et d’équité dans cette question de la retraite des femmes d’exploitants.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Plus que trois inscrits, monsieur le ministre ! Je tiens à vous l’annoncer de façon à susciter chez vous une allégresse certaine, mais aussi un peu d’empathie à mon égard et surtout une considération pour mes propos.
Sourires.
La discussion générale est bien sûr l’occasion pour chacun d’affirmer ses positions. Vous connaissez celles de mon groupe : je n’y reviens pas. La biodiversité et, au-delà, l’environnement et le développement économique durable sont le fil conducteur de votre texte. Vous voulez préserver ces valeurs, c’est sûr. Y parviendrez-vous ? Je vous le souhaite, mais n’en suis pas sûr. Pourquoi ? Quarante ans d’observation des agriculteurs, de l’évolution de l’agriculture et de l’évolution de l’espace rural français, plus particulièrement sur les territoires de type open field des marches de l’Est, m’amènent à un constat. Quelques règlements discrets, ratant leur cible, transforment plus sûrement les paysages et les pratiques que les lois intentionnelles telles que celle que nous examinons. Par exemple, les primes à l’hectare d’avant les DPU ont vu des espaces naturels fragiles transformés en quelques mois en médiocres champs de céréales – médiocres mais primés.
Un autre exemple, plus récent, puisque nous vous le devons : dans le cadre de la réforme de la PAC, fidèle à l’esprit général de votre loi et parallèlement à elle, vous avez voulu supprimer pour chaque ferme les 52 premiers hectares exploités. On voit l’idée : soutenir le petit davantage que le gros. Ce faisant, aviez-vous prévu que, dans les zones intermédiaires comme la Lorraine, vous favoriseriez surtout une autre cible – les doubles actifs –…
…t que vous mettriez dans les plus vives difficultés les belles structures de polyculture-élevage ? En effet, en Lorraine, des GAEC de 250 hectares, faisant vivre trois familles de l’élevage mais qui n’auront droit qu’à une seule surprime, ne sont pas rares. En diminuant leur revenu alors qu’elles attendaient un soutien, vous les condamnez et, avec elles, toute la filière aval de l’agroalimentaire, car un paysan qui arrête l’élevage l’arrête pour toujours et une prairie labourée l’est pour toujours.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je suis d’accord avec vous.
C’est un vétérinaire rural qui vous le dit, le dernier de cette assemblée ! Aviez-vous voulu cela ? Non, bien sûr. C’est pourtant ce qui risque d’arriver, en Lorraine tout au moins. Dans ce contexte sombre, votre texte s’intéresse à des sujets importants – pour vous en tout cas –, mais il délaisse ceux qui auraient consolidé l’agriculture qui assure l’essentiel de la production, c’est-à-dire l’agriculture à laquelle on doit une alimentation bon marché et de qualité, celle à laquelle on doit le développement d’une filière agroalimentaire puissante.
Votre texte est, en fait, déséquilibré. Il aurait fallu – et nous pourrons sans doute y parvenir en deuxième lecture – s’intéresser davantage dans cette loi à la stabilité des revenus, donc des prix, et au partage des plus-values le long de la filière ; bref, nous organiser pour que nos agriculteurs bénéficient d’une meilleure visibilité à moyen terme, car l’agriculture exige de plus en plus d’investissements et de capitaux. Elle ne peut, au gré des cours, modifier ses axes de production, La première garantie de sa prospérité et de son efficacité est la stabilité. Nos paysans sont attachés à leur terre, travailleurs, entrepreneurs, résilients, opiniâtres, progressistes, compétents, mais ils sont, comme nous tous, soumis aux règles élémentaires de l’économie. Il aurait fallu garantir davantage leur parcours que vous ne le faites dans votre loi.
Permettez-moi une ultime incidente – il ne s’agit pas de Rambouillet, mais je suis également concerné.
Tout à fait !
Vous proposez à l’article 27 la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France. C’est une bonne idée. Je forme le voeu qu’à cette occasion, la spécificité des écoles vétérinaires, dont le domaine d’investigation interfère de plus en plus avec celui de la médecine humaine, soit mise en valeur. Il serait dommage de laisser en jachère un tel potentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je suis d’accord.
Madame la présidente, monsieur le ministre, hasard des inscriptions, je prends la parole après quatre intervenants de l’opposition.
Les propos qui ont été tenus sont très radicaux et frisent parfois la caricature.
Bien entendu, mais je peux me permettre de porter une appréciation.
Je pense, monsieur le ministre, qu’il faut assumer cette volonté de mutation dont le texte est empreint. Nous verrons qu’elle portera ses fruits.
Pour commencer, vous donnez un sens au développement durable dans la politique agricole, en faisant de l’environnement un élément central des politiques de production. Vous défendez aussi l’idée du verdissement général, à l’échelle de l’Europe. Vous mettez en oeuvre le concept d’agro-écologie, qui a déjà une réalité, y compris dans notre patrimoine collectif. Enfin – c’est fondamental pour notre époque –, vous soulignez la liaison entre performance économique et performance environnementale.
Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agit pas de promouvoir une production traditionnelle, familiale, mais de mettre en oeuvre les fondements d’une politique de filières, y compris la filière agroalimentaire.
Une véritable politique de sécurité alimentaire a ainsi sa place dans le texte, au même titre que la politique de l’alimentation, les mesures en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs, qui, bien qu’insuffisantes aux yeux de certains, sont essentielles, et la question de la valorisation de la production locale, fondamentale en outre-mer. Mais vous allez beaucoup plus loin en soulignant que la transition de l’agriculture vers un système agro-écologique s’appuie sur le territoire, de manière ascendante, ce qui est, là encore, très important pour nos pays.
Trois questions centrales pour l’outre-mer sont évoquées dans ce texte : la structuration des filières, les traitements phytosanitaires – recours à la biotechnologie, aux produits de biocontrôle – et la gouvernance, avec l’introduction du PRAD et du PRDS.
À plusieurs reprises, je vous ai fait part de mon regret. La promesse d’une loi spécifique pour l’agriculture en outre-mer n’a pas été tenue – je le dis en toute honnêteté.
Un tel texte aurait concerné à la fois les départements et les régions d’outre-mer visés par l’article 73 de la Constitution et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Le présent texte ne concerne que les premiers, avec des spécificités. Pourtant, la question de l’agriculture est essentielle pour l’outre-mer.
Cela étant dit, vous avez quand même assez ouvert en ce qui concerne les 39 propositions qu’ont faites Chantal Berthelot et Hervé Gaymard au titre de la délégation aux outre-mer, comme s’agissant des orientations proposées par Hélène Vainqueur-Christophe.
Notre économie dépend de l’agriculture. Quand la production locale satisfait en moyenne 15 % de la demande de consommation, il y a un vrai problème. L’activité agricole ne se résume pas à la canne à sucre et à la banane, filières qu’il faut continuer de valoriser et de protéger. Elle fait vivre 42 300 actifs et représente entre 3 et 5 % du PIB. Les enjeux qui y sont liés ne peuvent être traités, sur le plan patrimonial, économique, environnemental ou financier, de la même manière.
La situation est difficile. La réduction des terres agricoles est de 22 % en Martinique et de 24 % en Guadeloupe, tandis que les terres en friche augmentent de 48 %. Entre 2000 et 2010, le nombre d’exploitants agricoles est passé de 8 000 à 3 400. Nous assistons donc à une chute extraordinaire en matière de production.
Les traitements phytosanitaires posent un problème très important, que quelques propositions ne peuvent suffire à résoudre. Les pesticides, comme le chlordécone, ont fait des dégâts. Il s’agit de trouver des solutions d’équivalence pour lutter contre les herbages envahissant les champs de canne à sucre, et éviter l’épandage aérien sur les bananeraies.
Enfin, nous rencontrons un problème de compétitivité relativement important.
Monsieur le ministre, ces enjeux sont essentiels. L’Europe, avec la PAC et les politiques spécifiques liées aux régions ultrapériphériques, ne tient pas compte des besoins en matière de diversification, une diversification pourtant essentielle. C’est pourquoi nous avons beaucoup plaidé, et vous soutenez cette idée, pour une diversification assise sur une politique spécifique, au travers des POSEI.
Tout à fait.
La bataille est en cours, mais il ne s’agit pas pour autant de dépouiller les autres dispositifs.
Nous travaillons aussi sur les clauses de sauvegarde, essentielles dans une économie mondialisée, ultralibérale, d’ultraconsommation. L’Europe et la France doivent accepter de protéger un minimum la production locale, afin de permettre l’éclosion, dans une nurserie agricole, de nouvelles exploitations qui pourront inonder le marché local, mais aussi exporter vers les pays voisins. Jusqu’à présent, nous n’avons pas obtenu de réponse à ce sujet.
Pour conclure, j’aimerais parler des retraites, même si je suis conscient que ce texte n’est pas le mieux adapté pour ce faire. Vous ne pouvez laisser les agriculteurs des départements et des régions d’outre-mer avec une retraite de 600 euros, soit 350 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Par ailleurs, l’absence de retraite complémentaire obligatoire n’est pas acceptable. Beaucoup de parlementaires, notamment Alfred Marie-Jeanne, sont intervenus sur ce sujet. Nous avons déposé un amendement d’appel, afin que cette question soit posée. Nous attendons que vous l’actiez en acceptant une étude sur ce sujet, de telle sorte que nous puissions introduire une disposition dans un prochain PLF ou PLFSS.
À défaut d’une loi spécifique, monsieur le ministre, je souhaite que vous travailliez avec Victorin Lurel sur la loi compétitivité. Un pays sans agriculture est un pays qui se perd. Un pays sans production est un pays dépendant. Pire, il s’aliène progressivement, s’appauvrissant au fur et à mesure de son assimilation culinaire. C’est pour cela que la diversité et la prise en compte des cultures locales importent. En s’accrochant à notre terre et en produisant de manière conséquente, nous sortirons d’une dépendance que l’on nous reproche aujourd’hui, nous créerons de la valeur ajoutée, des richesses pour notre pays et surtout de l’emploi. Je vous invite donc à considérer l’outre-mer comme une priorité dans ce domaine, sans parler de la biodiversité, qui pourrait être encore mieux valorisée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dès le départ, Antoine Herth a dit ce qui manquait dans ce texte : la dimension compétitivité.
Finalement, que pouvait-on attendre d’un texte agricole après la réforme de la PAC ? Qu’il donne aux agriculteurs les moyens d’être compétitifs. Or ce sujet central est, pour l’essentiel, oublié.
J’ajouterai que ce texte ignore complètement la dimension agroalimentaire. C’est d’autant plus surprenant que cette dimension est affichée dans la composition même du Gouvernement. Je ne vois pas, monsieur le ministre, votre collègue Guillaume Garot à vos côtés.
Il était là hier !
C’est logique : puisque vous ignorez la compétitivité, vous ignorez du même coup la logique de filière qui associe l’agriculture à l’agroalimentaire. Quel paradoxe, quand les noms de Doux, de Tilly-Sabco et de Gad nous ont heurtés dans nos régions !
Nous nous en occupons.
Vous avez eu l’occasion de vous en occuper, je ne le nie pas, monsieur le ministre, mais on n’en parle pas, ou plus, alors que cela permettrait précisément d’éviter que des problèmes de ce genre se posent demain.
La vraie question est : que veulent les agriculteurs, qu’ils soient de Scrignac, de Saint-Trimoël ou d’autres lieux ?
Les meilleurs…
Ce sont les meilleurs. J’ai la conviction que nos agriculteurs, et, permettez-moi d’y insister, nos éleveurs sont effectivement les meilleurs d’Europe. Mais la vérité est qu’on leur met un boulet à chaque pied. La concurrence est déloyale, notamment de la part de l’Allemagne, pays membre de l’Union européenne, ou du Brésil.
Que peut-on faire ? Attendre que les Allemands augmentent le salaire minimum. Ou que les Brésiliens augmentent leurs salaires ? Non, il faut agir.
La première chose à faire, tout le monde en conviendra, c’est de baisser les charges. Il s’agit très concrètement, monsieur le ministre, d’en finir avec l’ambiguïté de l’écotaxe.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est vous qui êtes au Gouvernement, sauf erreur de ma part. Or, nous sommes dans le ni-ni. Sortons de l’ambiguïté ! Je le dis devant nos collègues écologistes, au moment où Mme Duflot demande que l’écotaxe s’applique dès 2014 ! Isabelle Le Callennec le sait aussi bien que moi : cette information, dans les régions de l’ouest, a été très mal vécue. Il faut en finir avec l’écotaxe.
Il faut aussi faire en sorte que le CICE s’applique également à l’agriculture. Le CICE, c’est, en fin de compte, votre grande affaire.
Très bonne mesure !
Vous êtes passés à une économie de l’offre : il s’agit de faire payer les ménages pour atténuer les charges sur les entreprises.
Vous ne l’affichez pas en tant que telle, mais c’est votre politique et il semblerait que même le Président de la République, dans ses voeux, ait fini par l’admettre.
Des 20 milliards d’euros que représente le CICE, 2,5 vont à la grande distribution. Une petite partie ne pourrait-elle pas aller aux coopératives agricoles ?
Les coopératives agricoles sont exclues du CICE, alors même que nous avions convenu à l’unanimité, lors de la discussion du budget pour 2013, que les coopératives devaient bénéficier de ce dispositif. L’enjeu est de 120 millions, dont 40 millions – pardonnez-moi cette incise régionale – pour la Bretagne, puisque l’essentiel du secteur agroalimentaire y est de structure coopérative. Nous ne demandons pas une faveur ; nous voulons simplement bénéficier, comme tout le monde, du CICE. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous allez prendre des mesures. Nous demandons à voir.
Les CUMA, dont on pensait qu’elles avaient les faveurs de la gauche, devraient, elles, en bénéficier, puisqu’elles emploient des ouvriers agricoles, qu’elles mutualisent, en quelque sorte. Que nenni ! Voilà un paradoxe, alors que vous vous placiez, hier encore, en défenseurs des CUMA. Je vous vois regarder vos chaussures, chers collègues.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Des solutions existent. Il suffirait d’appliquer aux secteurs qui, pour des raisons européennes obscures, ne pourraient pas bénéficier du CICE, ce que nous avions, nous, préconisé : la baisse des charges. Chacun comprendra que si nous en étions restés à notre formule, le problème ne se serait pas posé : tout un chacun, quelle que soit la nature juridique de l’entreprise, aurait bénéficié de la baisse des charges.
En sus de payer moins d’impôts, que veut l’agriculteur de Saint-Trimoël ? Il veut moins de normes. Assez du prétexte écologique pour taper sur les paysans ! Voilà ce qu’il nous dit !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Cela vaut pour le dossier des zones humides. Les zones humides, vous savez ce que c’est, n’est-ce pas ? À Pontivy, on le sait, mon cher collègue Le Roch. Nos agriculteurs ne parlent que d’elles. Certaines régions sont de vastes zones humides.
Si l’on impose des contraintes agricoles dans ces zones, où irons-nous cultiver la terre ? C’est ce que nous disent, avec un bon sens évident, nos compatriotes. J’espère que vous saurez éviter les excès en ce domaine.
Permettez-moi d’insister, à la suite en particulier d’Isabelle Le Callennec et de Bruno Le Maire, sur les installations classées. Vous avez bien voulu, monsieur le ministre, évoquer le combat que j’ai mené voici quelque temps en la matière.
Que vous aviez perdu.
Nous avions progressé mais je veux bien convenir que nous n’avions pas atteint les objectifs auxquels je voulais parvenir. L’idée est simple : dès lors que les installations classées sont soumises à une réglementation européenne, la réglementation nationale n’est pas nécessaire. Vous n’avez pas choisi cette option.
Non, en effet.
Vous avez, ce faisant, compris que la situation était problématique et j’en prends acte. Vous avez esquissé des perspectives, c’est vrai, mais elles ne me conviennent pas car elles complexifient encore davantage la situation.
Les textes sont sortis le 27 décembre, tout simplement pour que les écologistes ne les remarquent pas trop.
Le 27 décembre, cela tombait bien pour moi car j’avais un peu de temps libre. J’ai examiné attentivement ce texte, ou plutôt les textes, composés d’un décret et de plusieurs arrêtés, le tout pour une soixantaine de pages. Dans le genre choc de simplification, on fait mieux !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Soixante pages, mais dont sont absents un certain nombre de domaines.
Je relève cependant une petite progression en faveur de l’élevage des porcs puisque pour éviter que tous les éleveurs de porcs ne soient soumis à la règle de l’autorisation est créé le régime de l’enregistrement. Curieusement cependant, monsieur le ministre, l’aviculture ne bénéficie pas du tout de ces mesures. Peut-être pourriez-vous nous répondre sur ce point. Si vous vouliez le faire dès maintenant, j’accepterais d’ailleurs que vous m’interrompiez, au demeurant. Rien sur l’aviculture en soixante pages alors que l’on sait qu’il est très important – j’évoquais tout à l’heure Doux et Tilly-Sapco – de permettre à nos agriculteurs et aviculteurs de se mettre aux normes et de disposer de bâtiments adaptés, donc d’installations classées.
Autre élément de complexité : nous avions instauré il y a plusieurs années une dérogation à la règle des cent mètres, qui correspond à la distance imposée entre les bâtiments d’élevage et les maisons d’habitation. Nous avions jusqu’à présent admis des dérogations, tout simplement pour que le père, qui habite à côté, ne bloque pas le développement de l’élevage du fils. C’est la vie quotidienne, ça, dans nos campagnes. Si le père et le fils sont d’accord, on doit pouvoir déroger à la règle des cent mètres. Or, vous supprimez cette possibilité.
Antoine Herth a bonne mémoire. Cette dérogation avait permis de résoudre des tas de problèmes et les accords étaient validés par acte notarié.
Citons un autre élément de complexité. Le plus amusant, c’est que vous compliquez la vie, monsieur le ministre, des éleveurs bovins. Alors que le texte relatif aux installations classées concerne essentiellement les éleveurs de porcs, vous voulez soumettre les éleveurs bovins à des obligations de déclaration de pâturage. Je cite : « Afin de limiter les risques de surpâturage, le temps de présence des animaux sur les surfaces de pâturage exprimé en équivalent de journées de présence d’unités de gros bovins par hectare – UGB.JPEha – est calculé par l’exploitant et respecte les valeurs suivantes : sur la période estivale, le nombre d’UGB.JPEha est au plus égal à 650. »
Cela signifie que lorsque nous enverrons les vaches dans un clos, il faudra cocher sur je ne sais quel cahier la présence de ces vaches pour dénombrer le pâturage ! Personne n’a jamais vu cela puisque les éleveurs bovins se sentaient peu concernés par cette disposition relative aux installations classées. Vous ajoutez un élément de complexité complètement aberrant. Espérons que ce texte nous permette au moins d’éviter une telle dérive. Je vous vois à l’écoute de vos collaborateurs puisqu’il semblerait que vous découvriez ce sujet, monsieur le ministre. Cela ne me gêne pas mais je ne comprendrais pas que vous ne corrigiez pas cette anomalie dans les prochains jours.
Qu’attendent nos agriculteurs, notamment ceux de Saint-Trimoël, de Scrignac ou de la Sarthe ?
Ils attendent, en particulier les éleveurs, un véritable plan pour les bâtiments agricoles. Nos bâtiments vieillissent, ce qui pose des problèmes environnementaux et de compétitivité. Vous promettez pour certaines régions un grand plan, le pacte breton, assorti des moyens nécessaires – que l’on ne voit pas venir, au demeurant. Je souhaiterais pour ma part que vous réfléchissiez à une idée que je développerai lors de la discussion des articles, celle de la dotation pour investissement. Ce dispositif, qui existe déjà, permet en quelque sorte d’amortir à l’avance des achats, par exemple de tracteurs. Si nous appliquions cette disposition aux bâtiments, nous offririons aux éleveurs la possibilité de progresser.
Les agriculteurs souhaitent également que nous avancions dans le domaine de l’étiquetage. Je ne nie pas que le Gouvernement ait réfléchi au sujet, en particulier M. Hamon, et M.le rapporteur le sait bien.
Le progrès en est malheureusement resté au stade de la réflexion puisque, concrètement, rien n’a changé. L’idée est pourtant simple : imposer l’obligation d’informer le consommateur de l’origine des viandes, des produits carnés, qui entrent dans la composition du produit transformé, afin que l’on sache s’ils proviennent de France, d’Allemagne, de Belgique, du Brésil ou d’ailleurs. Pourquoi est-ce si important ? Prenons l’exemple de la volaille. Nous importons 40 % de nos volailles. Mais pour ce qui est de la volaille fraîche, ce taux est de 7 %, ce qui est relativement faible. Par contre, pour ce qui est des produits transformés, nous atteignons les 70 % d’importation, ce qu’ignorent nos compatriotes. Qu’ils aient au moins la possibilité de le savoir. Je sais qu’un certain nombre de règles européennes y font obstacle. J’ai cru comprendre que votre gouvernement essayait de les négocier. Je ne vois pas pour le moment de résultat mais je souhaiterais vivement, monsieur le ministre, que nous progressions…
Mon pauvre monsieur !
…et que l’on puisse indiquer sur l’ensemble des plats cuisinés qui contiennent des produits carnés où l’animal est né, a été élevé, a été abattu, a été transformé.
Ce faisant, nous répondrions à une demande des consommateurs tout autant que des producteurs. Les consommateurs veulent savoir d’où viennent les produits et les producteurs veulent aussi faire jouer un certain réflexe patriotique chez le consommateur qui protégera notre production agricole.
Monsieur le ministre, j’aimerais que nous avancions sur ce sujet. Je ne nie pas la bonne volonté du Gouvernement. M. Hamon n’est d’ailleurs pas mal, de ce point de vue là.
Il est mieux que moi.
Je l’ai découvert. On m’avait dit qu’il était très à gauche. Finalement, il est assez ouvert à beaucoup de choses.
Sourires.
Ne vous fiez pas à vos préjugés.
Sourires
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire mais nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.
Monsieur le ministre, nous attendions une vision prospective de la situation. C’est le moment ! Les quotas laitiers vont disparaître, des possibilités gigantesques d’exportation s’ouvrent à nous, ne laissons pas aux seuls Américains ou aux seuls Océaniens le pouvoir alimentaire mondial. L’Europe a sa part à jouer !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous attendions des perspectives d’exportation, un souffle, mais vous ne nous proposez que du rafistolage et des vieilles recettes de gauche. Vous êtes anachronique, monsieur le ministre. En un mot, nous attendions un souffle, nous avons un pschitt !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui ont participé à cette discussion générale et qui ont permis, je le crois, d’enrichir les problématiques, les questions posées, les objectifs, même si tout le monde ne partage pas la même vision ni le même constat.
Beaucoup d’interventions sont venues de ce côté droit de l’hémicycle et je les ai écoutées attentivement. J’ai souvent entendu que cette loi n’avait d’avenir que le nom, qu’il était nécessaire de revenir au bon sens paysan – comme si le bon sens n’appartenait qu’à une partie de l’hémicycle, alors qu’il est largement partagé –, qu’une seule grande question se posait, celle de la compétitivité, et que dès lors que ce projet n’en traitait pas, il n’y avait pas de discussion sur les objectifs ni sur les choix stratégiques pour notre agriculture.
Un autre reproche est souvent revenu, celui de la rapidité avec laquelle nous discutons, ce qui est faux, ainsi que M. Brottes l’a très bien démontré. La dernière loi de modernisation de l’agriculture n’avait fait l’objet que d’une seule lecture, en urgence. En revanche, j’ai répondu à toutes les invitations des commissions, même sur le sujet de la politique agricole commune. Cela n’a pas été le cas précédemment. J’ai participé à tous les débats que vous avez voulu organiser pour répondre aux grandes questions que vous vous posiez.
Cela n’a pas empêché M. Le Fur de revenir avec verve sur cette question lancinante de la compétitivité. Vous ne cessez de répéter que la France, depuis dix ans, perd des places en tant que grand exportateur au niveau mondial. Dix ans ! Et nous devrions régler, à l’occasion de ce projet de loi, tout ce qui n’a pas été fait pendant dix ans !
Une autre contradiction m’a frappé : la défense par M. Le Fur – contrairement aux intervenants précédents, mais il avait raison – du crédit d’impôt compétitivité emploi. Vous avez avoué ce soir, monsieur Le Fur, que le crédit d’impôt compétitivité emploi est un outil de compétitivité !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous avez donc fait progresser votre groupe, voire l’ensemble de l’opposition.
Vous avez en tout cas posé une vraie question, celle de son extension. Le sujet des coopératives se pose. Le crédit d’impôt compétitivité emploi s’adresse en effet aux entreprises qui paient l’impôt sur les sociétés. À ce titre, les coopératives agricoles exonérées de cet impôt, et notamment les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, ne peuvent bénéficier de cette aide à la compétitivité. Nous devrons trouver une solution. Cela étant, monsieur Le Fur, les 20 milliards que le Gouvernement a mis sur la table sont un premier élément de réponse à votre question.
Rappelons de surcroît que toutes les exploitations qui embauchent des salariés bénéficient du CICE. Le coût s’élève à environ 1 milliard d’euros pour le domaine de l’agroalimentaire, ce qui représente moins que pour la grande distribution mais c’est tout de même une somme importante que nous consacrons à la compétitivité de notre filière.
Pour ce qui est de la simplification, que vous avez souvent évoquée, vous avez déclaré qu’il ne fallait pas surtransposer les règles européennes. Je vous le dis très tranquillement, nous n’avons pas pris une seule décision en ce sens. Si ce que vous dites correspond à la réalité, cela signifie que de telles décisions ont été prises avant que nous n’arrivions aux responsabilités. Vous devrez lever cette contradiction.
Quant à la question des ICPE que vous avez consacré une partie de vos congés à étudier, monsieur Le Fur, je vous rappelle qu’entre 400 et 2 000 porcs, la procédure d’enregistrement que nous allons mettre en oeuvre permet d’éviter l’enquête publique et l’étude d’impact, c’est-à-dire l’étape la plus chronophage – pour, le plus souvent, aboutir tout de même à la réalisation des projets. Les nécessaires contrôles environnementaux n’en sont nullement remis en cause, et les procédures s’en trouvent simplifiées. Il n’y a en effet aucune raison pour que le temps nécessaire à la réalisation d’un projet soit plus long en France qu’ailleurs. En outre, je rappelle devant l’Assemblée que cette procédure concernera 8 000 élevages, et à peine 200 élevages de plus de 2 000 porcs. Nous nous adressons donc bien au plus grand nombre, et à tous ceux pour qui la simplification des procédures est indispensable.
À la question de la compétitivité, nous avons donc répondu ; à celle de la simplification aussi, au moins en partie. En tout état de cause, le Gouvernement n’a procédé à aucune surtransposition des règles européennes : nous respectons parfaitement le droit européen et continuerons de le faire, car je pense comme vous que, dans le cadre d’un marché unique, il n’est nul besoin d’imposer à nos agriculteurs davantage de contraintes qu’à ceux d’autres pays.
M. Dhuicq a prétendu que j’allais céder à l’Allemagne et lui donner les moyens de faire disparaître l’agriculture française.
Je ne sais sur quoi vous fondez de tels propos mais je vous rappelle que, pour l’exercice à venir, le montant alloué, en Allemagne, dans le cadre de la PAC baisse de 7 %…
En effet : le montant versé baissera de 7 % en Allemagne, contre 2 % seulement en France.
Ainsi, l’Allemagne est aujourd’hui moins bien placée que la France pour soutenir son agriculture : ayez au moins l’honnêteté de reconnaître ce constat !
D’autre part, monsieur le député, vous estimez que mes choix concernant les premiers hectares auraient pour effet de brader l’agriculture française face à l’agriculture allemande. Comme je l’ai rappelé ici même cet après-midi, j’ai longuement rencontré le ministre de l’agriculture de l’Allemagne fédérale, membre de la CSU et élu historique de la Bavière. Quelle méthode a-t-il donc choisie ? Celle des paiements redistributifs et de la prime aux premiers hectares, comme ce que fait la France !
Sur ce sujet, la France a donné l’impulsion et fait un choix qui s’impose désormais à d’autres.
Vous avez évoqué la faible compétitivité de notre agriculture par rapport à l’Allemagne, monsieur Dhuicq, concernant notamment l’agroalimentaire et, plus précisément, les abattoirs. Je passe sur la directive relative aux travailleurs détachés et sur tout le travail accompli par M. Sapin…
Rien ? Les conditions de recours à cette directive étaient pourtant pires avant ! Nous avons durci et réglementé ce qui ne l’était pas, puisque vous ne l’aviez pas fait.
D’autre part, c’est grâce aux sociaux-démocrates allemands et à l’accord de coalition qu’ils ont signé avec Mme Merkel que l’Allemagne sera bientôt dotée d’un SMIC horaire à 8,50 euros – comme nous l’a récemment confirmé mon homologue allemand – alors que jusqu’à présent, certains salaires ne dépassaient pas 3 euros ! Voilà comment les sociaux-démocrates ont pesé pour faire évoluer cette distorsion de concurrence !
Sur certains sujets, la situation a donc beaucoup changé. Nous apportons des réponses aux questions que vous avez posées de manière répétitive ! Si contradiction il y a, elle est plutôt à chercher dans le rapport que vous entretenez avec votre passé – dont je me dis qu’il doit parfois être difficile à assumer. À preuve, quelle est la loi de la précédente majorité qui s’est imposée à l’agriculture ? C’est la loi de modernisation de l’économie. En toute franchise, c’est bien cette loi qui a permis de faire pression sur les coûts de production, tant dans l’industrie que dans l’agriculture, au point qu’il a fallu la modifier ! Vous aurez beau tourner et retourner le sujet dans tous les sens, voilà la première loi que vous avez votée en matière agricole, au nom du pouvoir d’achat !
Je ne sais si certains d’entre vous étaient là à l’époque, mais cette loi est le fait de votre majorité d’alors ! Or, tout membre de l’aile gauche du parti socialiste qu’il est, M. Hamon, salué tout à l’heure par M. Le Fur, a dû modifier cette loi pour intégrer dans la négociation commerciale la prise en compte des coûts de production, ce qui n’était pas le cas auparavant – comme je l’ai assez entendu dire en prenant mes fonctions, à propos du lait en particulier.
Il faut également corriger la loi de modernisation agricole, qui portait sur les contrats. La loi relative à la consommation a inclus les coûts de production dans la négociation entre transformateurs et grande distribution. Nous devons faire de même, et c’est pourquoi on appelle cela la clause miroir, s’agissant de la négociation commerciale – ou la renégociation des prix – entre producteurs et transformateurs. Cela semble aujourd’hui si évident que l’on en oublie d’où est née la pression qui a pesé sur les producteurs de lait, particulièrement : elle a été suscitée par la loi de modernisation de l’économie que la précédente majorité a votée !
Là encore, il y a une contradiction de votre part. C’est nous qui apportons des réponses concrètes et qui faisons évoluer le droit afin de protéger les producteurs. De même, nous répondons à la question de la contractualisation, en permettant par exemple aux agriculteurs de déposer des recours collectifs, à l’image de l’action de groupe pour les consommateurs. Nous donnons là le pouvoir aux producteurs de peser dans un rapport de force avec les transformateurs – qui, je vous le dis pour l’avoir constaté lors de la négociation sur la médiation, ne sont pas les derniers à ne pas appliquer aux producteurs la revalorisation de 25 euros par 1 000 litres de lait que nous avions pourtant obtenue avec le médiateur. Il faut donc rester vigilant, puisque nous nous heurtons aujourd’hui au problème suivant : malgré la revalorisation obtenue, le prix du lait est inférieur en France à ce qu’il est aux Pays-Bas et en Allemagne. Certains voulaient recommencer la négociation sans ladite revalorisation de 25 euros supplémentaires !
C’est pourquoi le présent texte qui, de ce point de vue, a été unanimement salué, fait de la médiation un élément majeur de la négociation commerciale permettant d’éviter une situation de conflit permanent où, au détriment des producteurs et des agriculteurs, la grande distribution et les transformateurs rejettent toujours la responsabilité sur les autres acteurs, et où les producteurs sont toujours les derniers consultés, les derniers à qui l’on permet de vivre de leur métier. La question des prix et des revenus aussi fait partie du débat ! Or, en la matière, nous faisons des progrès.
J’en viens à la question essentielle du foncier et de l’installation. De nombreuses mesures ont été prises dans ce domaine et sont souvent discutées, comme j’ai pu le constater. Il y a sur ce sujet un débat au sein même de la majorité et de nombreux amendements au présent texte seront défendus. L’accès au foncier est l’une des clefs de la capacité des jeunes à s’installer, mais aussi du maintien d’une agriculture faite par des chefs d’exploitation, des agriculteurs, des paysans, des éleveurs.
Pour remédier au problème, nous allons donc réhabiliter le rôle des SAFER et leur redonner du pouvoir en renforçant leur droit de préemption. Par rapport à ce que fut la loi de 2006, c’est une petite révolution ! Et sur d’autres sujets tels que la nue-propriété et l’usufruit, nous continuerons à progresser jusqu’à disposer d’un outil réglementaire qui sera conforme à la Constitution et au droit de propriété, mais qui permettra dans le même temps d’assurer aux jeunes agriculteurs l’accès au foncier. Voilà l’un des éléments essentiels de cette loi d’avenir !
Vous avez souvent brocardé la question de l’écologie en prétendant que les agriculteurs, qui en feraient déjà depuis longtemps, n’ont pas besoin de nouvelles mesures et qu’il suffit d’accompagner une évolution naturelle. Mais justement, la notion d’agro-écologie provient d’un constat fait sur le terrain qu’il existe des modèles d’exploitation tout aussi productifs qui consomment moins d’intrants. C’est à partir de cette toile de « pionniers », selon le terme de Marion Guillou, ancienne directrice de l’INRA, qu’a été bâti le concept d’agro-écologie.
Ainsi, lors de l’appel à projets CASDAR, 450 projets d’agro-écologie ont été recensés. Après concertation, 103 de ces 450 projets ont été retenus ce matin ; ils donneront accès aux financements du CASDAR et préfigurent ce que pourraient être les groupements d’intérêt économique et environnemental. Ces projets se répartissent dans toutes les régions, y compris les départements et régions d’outre-mer. Ils vous seront transmis pour que vous en soyez informés et que vous ayez clairement à l’esprit ce qui se dessine aujourd’hui. Je note d’ailleurs avec grand intérêt que les débats de la commission des affaires économiques ont alimenté cette démarche, tant sur la question de la personnalité morale que sur les coopératives d’utilisation du matériel agricole – les CUMA –, les groupes d’étude et de développement agricole – les GEDA –, les centres d’études techniques agricoles – les CETA – ou encore les chambres d’agriculture.
À chaque fois, il s’agit de projets collectifs dont le but est de rassembler, de partager et de combiner les objectifs économiques et les objectifs écologiques. Nous sommes là pleinement dans l’esprit des discussions que nous avons eues !
Pour rassurer ceux qui penseraient que ces 103 projets sont liés à des choix idéologiques,…
…je précise que 24 d’entre eux sont issus des chambres d’agriculture françaises, que vous avez souvent citées et qui sont partie prenante à cet objectif d’agro-écologie. Plus de 3 500 agriculteurs sont concernés, sur une surface totale de 150 000 à 200 000 hectares.
Toute la procédure s’est déroulée très simplement : voilà la force de ce dispositif à venir, qui se fonde sur les expériences de terrain.
La dynamique existe ; elle doit être inscrite dans la loi. Je l’ai dit dans mon propos liminaire : depuis cinquante ans, la dynamique collective en agriculture n’a jamais été prise en compte.
Certes, les CUMA et autres CETA existaient déjà, mais aucune proposition nouvelle n’a été portée au débat !
Je ne conteste pas cette initiative, bien au contraire. Je pose simplement la question suivante : y a-t-il eu, ces quarante dernières années, une proposition nouvelle de dynamique collective en agriculture ? Non !
Oui, ces dynamiques collectives existent, j’en suis parfaitement conscient, mais nous avons là un élément nouveau – c’est ce qui fait la force de notre débat – pour faire de la dimension écologique un élément de compétitivité.
En effet, vouloir préserver le niveau de production tout en en diminuant les coûts en s’appuyant sur les mécanismes naturels renforce notre compétitivité. Voilà ce qu’il faut avoir à l’esprit ! La double performance économique et écologique ne se limite pas à de simples discours : c’est une réalité ! Une réalité que je n’invente pas, mais qui est bel et bien constatée, tant dans les grandes cultures, dans l’élevage, dans l’arboriculture que dans la lutte intégrée ou encore le biocontrôle. À chaque fois, les objectifs sont à la fois écologiques et économiques !
Cette piste participe d’un axe stratégique pour l’agriculture française. Je suis persuadé qu’elle recèle des potentialités de production, de création de valeur ajoutée, de nouvelles dynamiques. La question de la méthanisation a été soulevée, par exemple, et notamment le problème des durées trop longues. Faisons ensemble le constat que nous avons accumulé un retard considérable en la matière ! Il ne s’agit pourtant que d’utiliser un gaz lié à la fermentation de matière organique ; malgré cela, face à un problème simple, rien n’a été fait depuis longtemps – je ne donnerai pas de date, pour ne pas me répéter. C’est la réalité ! Le plan énergie méthanisation autonomie azote, l’EMAA, contribue à combler ce retard.
S’agissant de l’azote total, la loi le précise, chaque région fera son choix. Nous n’allons pas l’imposer de manière générale. Certains ici savent de quoi nous parlons : en Bretagne, par exemple, la question de l’azote étant, depuis vingt ou vingt-cinq ans, seulement liée à l’élevage, c’est sur l’azote organique qu’on a mis toute la pression. Le fait de dire : « Je passe à l’azote total et j’essaie de substituer, lorsque j’ai de l’excédent d’azote organique, cet azote organique à l’azote minéral », c’est un grand progrès. C’est une manière efficace de faire progresser et l’agriculture et sa capacité à éviter de polluer.
Cela ne s’imposera pas partout. Mais là où cela se fera, ce sera une manière de faire évoluer l’agriculture. Ce sont des outils qui nous sont donnés pour éviter de polluer – je pense notamment à l’eau. Il faut continuer à faire des progrès en la matière.
J’ai entendu les demandes concernant l’outre-mer sur ce que sont les usages orphelins, c’est-à-dire les petits marchés sur lesquels on n’a pas de possibilités. Il faut que nous avancions sur ce sujet. Car l’agro-écologie, c’est aussi la capacité que nous allons donner aux territoires d’outre-mer, dans des zones pédoclimatiques spécifiques, de valoriser leur potentiel.
Je n’oublie pas non plus la dimension alimentaire et les projets territoriaux, car vous semblez penser qu’il y a une opposition entre l’exportation et les marchés locaux. Personne n’a jamais regretté que nous exportions du champagne ou du roquefort. Personne, ici, ne considère qu’exporter, c’est mal ! Au contraire, cela fait partie des choix stratégiques. La fourme d’Ambert si on peut et si on veut ! Et le comté, magnifique aventure et magnifique organisation, à la fois économique, écologique ! Et le bien-être animal ! C’est un potentiel.
De la même façon, nous avons un potentiel à reconquérir sur nos marchés locaux. Il n’y a aucune raison de les opposer aux exportations. L’idée est la suivante : « Plus on développe la production, plus on offre de débouchés aux agriculteurs, plus on sera capable de développer notre agriculture et d’assurer sa grande diversité. »
Nous devons avoir un objectif commun. Qu’il s’agisse de l’export, de l’européen, du national, du régional ou du local, rien ne nous empêche de conquérir toutes les parts nécessaires au développement de l’agriculture et à la valorisation du travail des agriculteurs. Nous n’avons pas à avoir ce débat entre nous. Là aussi, nous devons faire des progrès. Et nous allons en faire, en particulier sur tous les marchés locaux et les circuits courts. Dans le domaine alimentaire, nous devons fixer l’objectif, pour les cantines publiques et la restauration collective, d’avoir accès à 40 % de produits de qualité et à 20 % de produits biologiques. Il n’y a aucune raison de se priver de cette capacité et il faut que nous allions dans ce sens.
Tout cela est dans le projet de loi. Cela étant, il y a des choses qui sont liées à la politique agricole commune et sur lesquelles il faudra que nous discutions. Je pense en particulier au grand plan de modernisation : 3 % du premier pilier sont transférés sur le deuxième pour investir dans la modernisation des bâtiments, en particulier les bâtiments d’élevage. Je le dis à mes amis écologistes, moderniser un bâtiment d’élevage, lui assurer une meilleure autonomie énergétique, assurer la mise aux normes pour le bien-être animal, c’est un enjeu de bien-être pour les animaux et pour l’agriculture. C’est aussi un enjeu économique et écologique, car les bâtiments neufs sont bien plus performants que les bâtiments anciens.
Je rappelle que 3 % du premier pilier, ce sont 200 millions d’euros, qui devront être investis dès l’année prochaine pour assurer le soutien et la modernisation dont nous avons besoin, en particulier dans l’élevage. Toutes les discussions que nous avons aujourd’hui visent en même temps à améliorer la compétitivité et à soutenir l’investissement dans l’agriculture. C’est ce qui permettra à l’agriculture de rester un grand secteur économique, un secteur qui participe au grand débat sur la transition énergétique et écologique, un secteur qui participe au rayonnement de la France.
L’agriculture et l’alimentation, c’est l’image de la France. Il y a une dimension culturelle dans ce débat, qu’il va falloir, s’agissant de l’alimentation, porter dans les écoles, et ailleurs. Nous avons intérêt à valoriser notre histoire culturelle et alimentaire. Là encore, ce sont des propositions.
Pour ce qui est de l’enseignement agricole, le texte intègre des éléments majeurs. Vous n’avez pas montré d’opposition sur cette question. S’agissant des maisons familiales et rurales, j’étais à Longnes, à côté de Bernay, et je sais le rôle qu’elles jouent.
Concernant l’enseignement public agricole, je suis allé dans un lycée agricole…
Je n’oublie pas l’enseignement privé. Tout cela doit participer à l’objectif que nous nous sommes fixé et qui est dans la loi : renforcer cet enseignement qui permet la mobilité sociale, l’obtention des diplômes et l’intégration sur le marché du travail. C’est un véritable enjeu et, sur ce point aussi, nous sommes d’accord.
La recherche, et notamment cet Institut agronomique, vétérinaire et forestier, constitue également un élément important de notre stratégie de rayonnement à l’international.
L’accord passé avec la FAO, le CIRAD et l’INRA sur le fameux colloque qui aura lieu au mois de novembre 2014 sur la grande question de l’agro-écologie participe aussi au rayonnement de notre pays, de sa capacité à porter un message, à offrir des solutions chez nous, en Europe, mais aussi et surtout en Afrique et dans les pays en voie de développement.
Voilà ce que je voulais vous dire. Je considère que la discussion générale a été d’un bon niveau, même si, parfois, nous aurions pu éviter les caricatures. Je vous rappelle l’enjeu pour les agriculteurs, pour les éleveurs et pour les paysans : la réforme de la politique agricole commune opérera un transfert d’1 milliard d’euros, avec des revalorisations pour l’agriculture de montagne, la fusion de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels avec la PHAE. Autant d’outils – de bons outils – qui vont permettre de garantir la diversité de nos agricultures. C’est cela aussi, servir la France et servir nos agriculteurs !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Je vais suspendre la séance cinq minutes avant de commencer l’examen des articles.
Discussion générale
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures cinquante.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Jean-Louis Costes.
L’article 1er énonce les principes et les objectifs de votre projet de loi, monsieur le ministre, mais c’est son esprit lui-même qui est mauvais. Vous abordez l’agriculture du point de vue de la réglementation et la considérez comme une activité économique qu’il faut encadrer et réglementer et non comme une activité économique à part entière qui fait de la France le premier pays européen du secteur. Il faudrait au contraire que les principes et objectifs de votre texte, comme cela a été maintes fois dit par les orateurs précédents, libèrent l’activité économique qu’est l’agriculture de toutes les contraintes que vous ne cessez de lui imposer. Elles brident la compétitivité de notre agriculture, à rebours de ce qui a lieu dans les autres pays d’Europe où l’agriculture se modernise et se prépare à affronter la concurrence de demain.
En outre, les principes et les objectifs énoncés laissent de côté beaucoup de choses. On nous parle beaucoup de circuits courts et d’AMAP, mais on oublie les filières et d’autres choses qui sont essentielles au monde rural et à l’activité agricole, les abattoirs par exemple. Vous avez parlé de dynamique et de compétitivité de notre agriculture, monsieur le ministre, mais l’esprit du texte est malheureusement contraire à ce que vous venez de dire et ne promeut nullement la compétitivité de l’agriculture française.
Je ferai deux remarques générales sur l’article 1er, qui énonce les principaux enjeux de la politique agricole mise en oeuvre par le Gouvernement. Tout d’abord, la dimension économique de l’agriculture y tient une place trop restreinte. Sur les quarante-six alinéas de l’article 1er, seuls six abordent l’économie agricole et sylvicole, qui sont en outre systématiquement couplées, voire subordonnées à des considérations exogènes comme le développement durable ou le haut niveau de performance sociale. Tout se passe comme si l’objectif économique n’avait pas de légitimité propre. De façon générale, l’article 1er n’insiste pas assez sur le producteur, dont la protection constitue un devoir impérieux.
En outre, certains éléments de l’article relèvent de la novlangue. Je ne sais pas ce que sont les « produits biosourcés » ni les « solutions de biocontrôle ». Cela pose un problème d’intelligibilité.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt repose sur une grande ambition : relever le défi de la compétitivité pour conserver une place de premier plan à l’échelle européenne et internationale et contribuer au développement productif de la France. Les objectifs et orientations du projet de loi, clairement définis, suscitent notre complète adhésion. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir tenu vos engagements en nous présentant un texte riche en propositions et soucieux de refonder la politique agricole et surtout de combiner les performances économiques et écologiques.
Notre monde change, nos mentalités évoluent, notre façon de produire et de consommer se transforme. Ces mutations touchent toutes les franges de la population, toutes les catégories socioprofessionnelles. Le projet de loi soulève la question de la modernité agricole, qui consiste en une compétitivité améliorée et une solidarité renforcée. Définir des orientations à long terme et réaffirmer la nécessité des outils de gestion, de régulation et d’organisation, voilà le gage de la durabilité de notre agriculture et de la reconnaissance de nos productions sur les marchés mondiaux, européens et nationaux.
Néanmoins, la recherche de compétitivité et l’évidente modernisation ne peuvent se dispenser de pratiques agricoles innovantes et d’un environnement législatif adapté. Le projet de loi, conjugué aux nouvelles dispositions de la PAC, rééquilibre l’agriculture en faveur de l’élevage, de sorte que l’ensemble des petits éleveurs et des petits exploitants seront mieux soutenus. Il assurera le développement économique de nos diverses agricultures et du secteur forestier en le conjuguant à une dimension écologique de leurs activités. Enfin, il permettra d’enrichir les programmes de l’enseignement agricole afin qu’il réponde aux enjeux de l’agro-écologie. Je me félicite des avancées considérables proposées par l’article 1er, en particulier en matière d’installation des agriculteurs, de transmission des exploitations et d’encouragement à la formation des agriculteurs.
L’article 1er définit les principes généraux de la loi. Il est pétri de bonnes intentions et rappelle des évidences auxquelles personne ne peut s’opposer tant elles sont consensuelles.
Mais les beaux discours, fussent-ils enflammés, ne suffiront pas à vous dispenser des travaux pratiques ni de répondre aux attentes des agriculteurs largement évoquées par nos collègues de l’UMP, monsieur le ministre. Je rappelle en outre que l’article 1er traite d’agriculture, de sylviculture mais pas de pêche. Obtiendrai-je une réponse à ce sujet ? Il est vraiment regrettable que la pêche ne figure nulle part dans une loi agricole, comme l’ont fait remarquer les pêcheurs bretons lors de l’annonce du pacte pour la Bretagne.
Timeo danaos et dona ferentes, monsieur le ministre ! Il est normal qu’un ministre allemand défende les intérêts de l’Allemagne par des mesures préparées depuis plus de dix ans pour être les premiers sur le continent européen, comme dans d’autres domaines !
L’article 1er est extrêmement bavard et pétri de mots imprécis. La langue française est pourtant très précise et fut celle de la diplomatie au temps où nous avions des dirigeants aptes à défendre la nation et la France.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous n’êtes pas en cause, monsieur le ministre, le coup est parti il y a plus de cent ans. Nous évitions alors d’associer deux mots n’ayant pas vocation à l’être. Je me demande ce qu’est une agriculture « agro-écologique ». On connaît l’agriculture et l’agronomie d’une part, on sait d’autre part que l’écologie était jadis l’étude des biotopes et des rapports pyramidaux entre les espèces végétales et animales. À propos de pyramide, monsieur le ministre, puisque l’alinéa 31 est si bien rédigé, j’attends que vous preniez en compte les appels de détresse des éleveurs confrontés à un animal redoutablement intelligent, social et rapide à s’adapter, super-prédateur occupant le sommet de la pyramide alimentaire et avec lequel la cohabitation est impossible : le loup.
L’article 1er aborde les principes généraux de la politique agricole. En fait, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je me permets de le répéter, n’a d’avenir que le nom. En dépit de l’affirmation, dès l’article 1er, de l’objectif du renforcement de la compétitivité des filières, l’ensemble du texte brille par l’absence de vision économique de l’agriculture. Aucune disposition ne permet au secteur agricole, essentiel pour notre pays, de se moderniser, d’innover, de développer son activité et de décrocher des parts de marché à l’étranger.
Au contraire, de nombreuses dispositions vont complexifier durablement le quotidien de la profession : transmission de données, augmentation du nombre de déclarations, réforme du fonctionnement des inter-professions risquant de conduire à des blocages en matière de prise de décision, modification des critères relatifs au contrôle des structures et à l’assujettissement au régime des non-salariés agricoles, etc.
Par ailleurs, le projet de loi a pour ambition de « repeindre en vert notre agriculture » et de développer le concept d’« agro-écologie » en imposant de nouvelles dispositions et en présupposant que les agriculteurs n’intègrent pas déjà le développement durable dans leur activité. Venez dans ma circonscription, monsieur le ministre, vous verrez qu’ils ne vous ont pas attendu ! Vous y verrez une très belle zone d’élevage laitier où les agriculteurs ont développé des pratiques responsables depuis bien longtemps.
À cet égard, votre texte constitue un retour en arrière. Vous défendez une vision passéiste. J’en veux pour preuve la création d’un nouveau type de groupement, le GIEE, susceptible de bénéficier de majorations d’aides. De même, la généralisation du bail environnemental et la réforme du contrôle des structures feront peser des contraintes supplémentaires sur nos agriculteurs. Je regrette vivement que le projet de loi ne soit pas à la hauteur des enjeux de notre agriculture.
Depuis dix-huit mois, le Gouvernement et la majorité socialiste mettent à mal le secteur agricole : suppression de la TVA compétitivité que nous avions mise en place et qui aurait pu bénéficier à 94 % des entreprises du secteur agricole, baisse significative dans les lois de finances des crédits budgétaires comme les aides à l’installation, à la modernisation des exploitations et au redressement des exploitations en difficulté. Les agriculteurs de ma circonscription avec lesquels je discute sont vent debout contre ce que vous êtes en train de faire, monsieur le ministre. Enfin, la réforme du dispositif d’exonération des cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles provoque une hausse des charges.
Le projet de loi passe donc à côté des véritables préoccupations des agriculteurs et obéit davantage à une idéologie qu’au souci de répondre aux défis auxquels ils sont confrontés. Il laisse en suspens la question cruciale de l’avenir et du rôle de l’agriculture française dans un monde ouvert et compétitif. Même en matière d’enseignement et de recherche, le texte est très en retrait. Observez ce qui a cours dans d’autres pays européens, monsieur le ministre, et vous constaterez que votre projet, sur ce point comme sur les autres, n’est pas à la hauteur des enjeux.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Pour ma part, je veux vous féliciter, monsieur le ministre, pour la qualité et la cohérence des réponses que vous avez fournies à la représentation nationale, alors même que vous répondiez à des propos décousus et disparates : le plus souvent, l’opposition regarde l’agriculture par le petit bout de la lorgnette – précisément ce qu’il ne faut pas faire car, si elle comprend de multiples étapes de la production à la vente, l’agriculture forme un tout.
Aujourd’hui, nous devons conforter l’agriculture en relançant la production et la compétitivité, c’est-à-dire tout ce qui a été abadonné au libéralisme au cours de ces dernières années.
Nous devons chercher à mettre en place une meilleure structuration des filières, une meilleure distribution de la valeur ajoutée, une meilleure gestion des intrants. L’aspect écologique ne doit pas être négligé, et les agriculteurs n’ont pas attendu, pour en tenir compte, qu’on leur dise de le faire – heureusement, car s’ils avaient attendu, ils se trouveraient aujourd’hui dans une situation déplorable. Mais les efforts qu’ils ont accomplis en ce sens doivent être confortés afin de leur permettre d’évoluer vers une production plus moderne, de qualité, soucieuse de lier les enjeux de production avec les enjeux environnementaux.
Enfin, il faut redonner espoir à la jeunesse. Aujourd’hui, la moyenne d’âge des exploitants agricoles est de 50 ans. Alors que le nombre d’installations a diminué, année après année, depuis dix ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
…on constate qu’il commence à remonter un peu aujourd’hui. Ce n’est évidemment pas un hasard : si les jeunes osent à nouveau s’installer, c’est parce que la confiance revient
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Oui, il faut redonner confiance à l’agriculture, et cette loi va permettre de le faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous nous efforçons tous d’être aussi respectueux que possible de la parole des uns et des autres, c’est pourquoi je ne reviendrai pas sur les idées de fond qui ont pu être exprimées. Je veux simplement dire que j’ai parfois été blessé par certains propos tenus lors de la discussion générale, visant à établir une discrimination entre deux catégories d’agriculteurs, les vrais professionnels et les autres, afin de critiquer « l’assistanat » dont bénéficieraient certains.
Nous devons réaffirmer que les agriculteurs, dans leur diversité, sont des hommes de dignité, de courage, de labeur…
…que nous devons tous respecter de la même manière. Le fait d’engager une politique de différenciation pour soutenir l’emploi en agriculture ne saurait être assimilé à de l’assistanat : c’est simplement une question de dignité et de justice.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les discriminations que j’évoque se dissimulaient sous l’apparence de déclarations enflammées et de beaux discours où il était question de lambris dorés – à se demander, parfois, si nous parlons du même monde. Pour ma part, comme l’a fait M. le ministre, je pourrais vous parler de travaux pratiques, des coopératives d’utilisation de matériel agricole – les CUMA –, et en particulier de l’une d’entre elles, que je connais très bien, ou encore de la hersetterie d’une ferme bio, qui va servir, dans vingt fermes du plateau lorrain, à modifier les pratiques de désherbage autour d’un captage.
Je pourrais vous parler de Philippe Mangin, président de Coop de France. Dans le rapport d’orientation du groupe coopératif EMC2, en Meuse, il indique que près de 50 % de ses adhérents déclarent souhaiter, pour eux-mêmes, la mise en oeuvre de pratiques plus environnementales – je souligne que nous ne sommes pas en Dordogne, mais dans de grandes exploitations de la vallée de la Meuse.
Je pourrais vous parler de la Fédération nationale du négoce agricole – la FNA. Il y a quelques semaines, j’ai accompagné le ministre Stéphane Le Foll, qui présidait le comité d’orientation du plan Ecophyto. Savez-vous que les responsables de la FNA – je vous assure que ce ne sont pas des poètes – nous ont demandé à bénéficier d’un petit délai pour pouvoir participer à un appel à projets visant à l’expérimentation grandeur nature du biocontrôle ?
Je pourrais multiplier à volonté les exemples de travaux pratiques. Tout cela pour vous dire, mes chers collègues, que la révolution culturelle est en marche…
…et que je suis heureux de voir une loi venir accompagner ce mouvement. Le monde agricole, dans son intelligence pratique et sa sagesse, a compris que la compétitivité – un mot dont vous vous gargarisez – ne pouvait pas s’asseoir sur le coût de la réhabilitation de l’eau potable. Il a compris qu’il ne saurait y avoir de compétitivité faisant l’impasse sur la dépendance au pétrole et aux protéines importées. Il a compris que 25 % d’exploitations disparues au cours des dernières années, on ne pouvait appeler cela de la compétitivité.
Nous devons absolument redresser la barre pour favoriser une vraie compétitivité, et les amendements que je défendrai au nom de mon groupe à l’article 1er viseront à ce que le GIEE – qui connaîtra, je l’espère, le même succès que les CUMA et d’autres initiatives visionnaires dans le monde agricole – intègre une nécessaire dimension sociale, portant aussi bien sur l’emploi que sur la qualité de vie. Ce sera l’apport de notre groupe à cette loi qui prépare l’avenir de nos agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Pour compléter les propos de mon collègue Dominique Potier, je voulais pour ma part vous dire que le modèle d’agriculture proposé existe déjà, et fait vivre des paysans. Il permet de produire et d’exporter, tout en protégeant la planète. Mes chers collègues de l’opposition, quand vous parlez des paysans, n’oubliez pas qu’ils ne sont pas seulement ailleurs : ils sont aussi dans l’hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai, moi aussi, beaucoup apprécié l’intervention de Dominique Potier, et j’ai été blessée en pensant à nombre de mes voisins exploitants agricoles, des personnes avec lesquelles je travaille au quotidien, lorsque certains de nos collègues de droite se sont mis à évoquer des « activités occupationnelles ». Les personnes visées par ces propos sont des agriculteurs qui ne demandent qu’à travailler, à être reconnus dans leur travail – ce qui n’a pas toujours été le cas –, qui en vivent sans rien demander à personne et qui, exerçant pour la plupart au sein de petites exploitations, ne perçoivent aucune aide. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Franchement, cette expression d’« activités occupationnelles » n’est pas à votre honneur, et je pense que les agriculteurs ne la comprendront pas plus que moi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par souligner le changement de ton qui s’est produit entre les travaux en commission et le début des travaux en séance publique. Hier soir, nous avons découvert un Antoine Herth survolté, pas seulement pugnace, mais agressif, bref, très éloigné du collègue que nous pensions connaître.
Sourires.
Mes chers collègues de droite, vous réclamez aujourd’hui au Premier ministre, dans une tribune parue dans un grand quotidien, des « décisions courageuses attendues par le monde agricole ». Hier soir et aujourd’hui, cinq heures durant, je vous ai entendus égrener les difficultés auxquelles fait face l’agriculture française : l’accès au foncier, les contraintes administratives, les relations avec la distribution, la réforme inachevée de la contractualisation, les charges pour les employeurs agricoles, la traçabilité et l’étiquetage – et j’en passe.
Plus le débat avançait, plus je me demandais ce que vous étiez en train de faire, si ce n’est le procès de la politique que vous aviez vous-mêmes menée durant dix ans !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.
Vous vous êtes d’ailleurs livrés à cet exercice avec une précision et une exactitude remarquables, mes chers collègues ! Il faut vous rendre hommage pour votre objectivité, car vous n’avez pas hésité à souligner les travers de votre politique – des travers que vous n’avez pas su corriger en dix ans ! Je ne veux pas être cruel, mais il faut rappeler les faits : au cours de ces dix dernières années, 26 % des exploitations agricoles de notre pays ont disparu. Comme vous l’avez vous-mêmes dit et répété, la France a régressé de la première à la troisième place en termes d’exportations agricoles et agroalimentaires en Europe. Enfin, 10 % des agriculteurs ont demandé à bénéficier du RSA – et je préfère ne pas parler de choses encore plus graves.
En vérité, mes chers collègues de l’UMP, n’avez-vous pas l’impression qu’une partie des problèmes qui se posent actuellement résulte de la politique que vous avez menée ? N’est-ce pas, par hasard, la loi Bussereau qui, en 2006, a totalement désorganisé le marché du foncier en le libéralisant,
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
ce qui a eu pour effet de fermer la porte à l’installation des jeunes agriculteurs ?
N’est-ce pas, par hasard, la loi de Bruno Le Maire – qui était parmi nous il y a encore un instant – qui, en 2010, a mis en oeuvre une contractualisation qui ne donne pas satisfaction, car on voit bien qu’elle est inachevée ? En fin de compte, mes chers collègues de l’UMP, votre véritable loi agricole ne serait-elle pas votre loi de modernisation de l’économie qui, en 2008, a remis toutes les clés de l’agriculture entre les mains de la grande distribution ? En tout cas, je peux vous dire que les agriculteurs, les producteurs et les transformateurs le pensent.
Avec la baisse des charges prévue dans le cadre du CICE, c’est 1 milliard d’euros qui va être donné au secteur agricole et agroalimentaire. D’autres avancées sont prévues ou en cours, en termes de foncier, de mesures relatives à l’installation, de protection de la santé de nos concitoyens et des agriculteurs, de protection de l’environnement, de mesures de simplification ; par ailleurs, le Gouvernement a déjà entrepris des efforts en matière de traçabilité – puisque nous avons voté des dispositions à ce sujet dans le cadre de la loi relative à la consommation. En mettant en oeuvre l’ensemble de ces mesures, nous allons nous efforcer de réparer les dégâts, et de redonner espoir aux agriculteurs.
Je veux finir par un point qui n’a rien à voir avec la loi, mais qui a été soulevé par Jean-Frédéric Poisson, celui de la retraite des agriculteurs, en particulier des femmes. Lors de la campagne de la dernière élection présidentielle, les retraités agricoles de France se sont adressés aux candidats et leur ont demandé de s’engager par écrit sur un plan quinquennal. Ils ont de la chance, car le seul candidat à l’avoir fait est celui qui a été élu. Il avait promis six choses : premièrement, d’étendre la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints – qui sont à 72 % des femmes ; deuxièmement, d’aller jusqu’à 75 % du SMIC sur la durée de la législature ; troisièmement, de supprimer certaines conditions restreignant l’accès à la majoration de retraite ; quatrièmement, d’accorder la réversion de la retraite complémentaire obligatoire ; cinquièmement, de faciliter les droits combinés ; sixièmement, de revenir sur la disposition interdisant aux personnes se trouvant en longue maladie ou en invalidité de bénéficier des droits proportionnels.
Aujourd’hui, toutes ces promesses sont tenues. Les cinq premières l’ont été quand la majorité de gauche a voté, en décembre dernier, la loi sur la protection des retraites ; la dernière l’a également été en décembre 2013, lors du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale.
Mes chers collègues de l’UMP, ayez l’honnêteté de comparer ce qui a été fait sous les gouvernements Jospin et Ayrault, et ce qui a été fait – ou ne l’a pas été – durant les dix ans qui se sont écoulés dans l’intervalle ! Nous devrions tous, sur vos bancs, mais aussi sur les nôtres, faire preuve de davantage de modestie et d’humilité au sujet de notre action politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron