Intervention de Alain Suguenot

Séance en hémicycle du 8 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Suguenot :

Monsieur le ministre, je crains que le projet de loi que nous examinons ne soit malheureusement déjà dépassé. Il ne répond pas aux attentes des agriculteurs. Au mieux, il ne sert à rien, parfois même il rend la situation plus complexe alors que nos agriculteurs doivent déjà faire face, en plus des problèmes d’installation et de distorsion de concurrence, à la suspicion permanente de certaines administrations.

Je voudrais revenir sur trois questions essentielles à mes yeux auxquelles vous apporterez, je l’espère, des réponses car votre texte ne semble pas les aborder ou les résoudre.

La première question concerne les aides aux zones intermédiaires. En France, environ deuxmillions d’hectares sont concernés, dont environ 300 000 en Côte-d’Or. Vous connaissez la demande spécifique de notre département, clairement justifiée: il nous sera difficile de produire demain avec 180 euros par hectare après avoir subi une baisse de 50 % de ces aides lors des cinq dernières années. À moins de 200 euros par hectare, c’est totalement impossible : il faut trouver des solutions pour amortir le choc de la nouvelle réforme de la PAC.

Outre les contraintes environnementales qu’elle implique, une mesure agroenvironnementale n’est pas forcément ce qui convient le mieux : une aide additionnelle serait sans doute préférable. Plusieurs curseurs peuvent être utilisés pour cette aide spécifique : une convergence nationale, une aide verte identique sur tout le territoire, une limitation des prélèvements pour les cinquante premiers hectares.

En ce qui concerne l’orientation, peut-être faudrait-il envisager une rotation allégée avec les protéagineux ou les légumineuses : cela permettrait de diminuer la fertilisation azotée sans avoir à supporter de contingences supplémentaires telles que celles qui sont proposées dans les MAE au niveau national.

Une solution doit impérativement être trouvée pour le deuxième pilier : outre un dossier fléché pour les zones intermédiaires, il faudrait une aide spécifique avec un cahier des charges spécialisé pour les zones concernées. À cela s’ajoute la nécessité de reconnaître les salariés comme actifs dans la réforme. C’est une demande récurrente, vous le savez.

Ma deuxième question concerne les AOC.

À la faveur des discussions en commission des affaires économiques, il a été ajouté un article 10 bis qui créée un article L. 643-3-1 du code rural. Le Gouvernement a déposé trois amendements sur ce nouvel article, dont deux posent problème.

En l’état actuel du droit, il existe une possibilité, en amont de l’enregistrement d’une marque, de faire de simples observations, malheureusement celles-ci ne sont pas toujours suivies par l’INPI. Les organismes de protection des AOC et IGP n’ont alors pas d’autre choix que de former devant le juge un recours en annulation de la marque. Dès lors qu’il y a un risque pour une AOP ou une IGP d’atteinte à son nom, à sa notoriété, à son image ou à sa réputation, les organismes chargés de la protection de ces signes doivent pouvoir s’opposer à l’enregistrement de la marque. S’opposer ne signifie pas nécessairement que l’on empêchera l’enregistrement de la marque, mais cela permet d’engager un débat dans le cadre d’une procédure administrative moins lourde qu’un contentieux. Par ailleurs, la procédure d’opposition n’est pas gratuite puisqu’elle donne lieu au paiement d’une redevance de 310 euros.

J’en viens à ma troisième question : l’élevage. C’est un secteur essentiel ; c’est même une des priorités de votre loi, dites-vous. En tous cas, je le souhaite, car les producteurs de viande bovine sont dans une situation économique extrêmement préoccupante. Les éleveurs subissent la concurrence déloyale de viandes d’importation produites selon des normes et à des coûts très éloignés de la réalité française. Leurs revenus ont été inférieurs de 40% à la moyenne nationale agricole lors des trois dernières années et n’ont pu assurer le minimum nécessaire pour eux et leurs familles. Les mesures de prêts de trésorerie qui leur ont été proposées jusqu’à présent pour faire face à la crise ont été des faux-semblants, qui n’ont fait que repousser les échéances et aggraver l’endettement.

Aujourd’hui, il faut impérativement adopter une autre perspective avec une mesure d’allégement des charges financières d’emprunt qui restaure effectivement la situation de ces exploitations, en prenant le temps nécessaire. Les éleveurs demandent ainsi aux pouvoirs publics de mobiliser les dispositifs nécessaires à une année blanche pour les annuités d’emprunt. Nous aimerions savoir quelle est la réponse à cette demande récurrente. De l’autre côté, la revalorisation de 20 % du prix à la production est vitale pour rééquilibrer la rentabilité du secteur, compte tenu de la réalité des coûts de production.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces enjeux et aux attentes d’une agriculture aujourd’hui très fragilisée.

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