Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 8 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

C’est pourquoi je leur consacrerai mon temps de discussion générale.

Dire que les femmes occupent une place déterminante dans l’agriculture est une évidence, sous toutes les latitudes et de tout temps. Quiconque a grandi à la campagne connaît nombre d’exemples de ces femmes admirables de courage et d’abnégation, en charge des tâches domestiques et agricoles telles que l’éducation des enfants, souvent nombreux il y a encore une ou deux générations, l’entretien de la maison et du potager, les soins au bétail et parfois l’engagement associatif, professionnel ou non, ainsi que le soin apporté aux anciens.

Ce modèle de vie n’est pas si éloigné de nous, comme l’a montré la remarquable étude Femmes de Fermes réalisée par la sociologue Marie-Anne Dalem et mise en scène par le théâtre Alizé, portant sur un échantillon de population d’agricultrices du Haut-Doubs, la plupart habitées par une grande passion pour leur travail et livrant d’émouvants témoignages.

Comme hier, et peut-être davantage encore aujourd’hui, les femmes contribuent de façon significative à l’activité agricole, qu’elles soient chefs d’exploitation ou co-exploitantes, salariées, ou conjointes collaboratrices. Un quart des chefs d’exploitation en France sont des femmes, 40 % de la population salariée est féminine, 30 % des nouveaux installés sont des femmes. Les jeunes exploitantes sont beaucoup plus souvent diplômées du supérieur que leurs homologues masculins ; elles n’hésitent plus à conduire un tracteur ou une moissonneuse-batteuse ; elles progressent en nombre dans les effectifs de l’enseignement agricole. Certaines d’entre elles ont pris d’éminentes fonctions et se sont imposées comme des dirigeantes de premier plan, comme Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA ou hier Jeannette Gros, présidente nationale de la MSA, qui a créé les premières maisons d’accueil rural pour personnes âgées, les MARPA.

L’étude sur la place des femmes dans le monde agricole conduite par le centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture confirme cette place indiscutable : « Plus autonomes, mieux formées, plus visibles, les femmes ont consolidé leur place dans le monde agricole, où plus aucune carrière ne leur est inaccessible. Certains sociologues estiment même qu’elles vont dans les années à venir accélérer la modernisation du secteur et son ouverture sur le reste de la société. » Malgré ces évolutions encourageantes et prometteuses, et alors que votre Gouvernement est si attaché à promouvoir l’égalité et la parité, vous ne devriez pas être indifférent, monsieur le ministre, à la nécessité de faire progresser ces valeurs, bien que votre loi n’en dise rien.

En effet, il y a encore à faire pour les agricultrices car des problèmes persistent.

Majoritairement, les femmes s’installent plus tardivement quand elles succèdent à un mari qui part à la retraite : 29 % seulement des installés de moins de quarante ans sont des femmes, 71 % pour les hommes. C’est donc un choix de seconde main, si je puis dire. La surface agricole utile des exploitations tenues par des femmes est en moyenne de trente-huit hectares, contre cinquante-deux pour les hommes. Les revenus sont plus bas, l’accès au foncier, au crédit, à la formation continue est plus difficile, les carrières sont souvent incomplètes, les pensions plus faibles, les temps partiels plus nombreux, les femmes sont encore trop peu présentes dans les organisations agricoles où les postes, certes plus nombreux qu’autrefois, sont insuffisamment pourvus. Les femmes héritent moins que les hommes de l’exploitation familiale. Elles sont également moins bien assurées : une enquête de la MSA, à la fin de l’année 2011, a montré qu’un grand nombre de conjoints, souvent essentiellement des femmes, ne bénéficiaient d’aucun des trois statuts leur ouvrant l’accès à un certain nombre de droits. Et que dire de quelques préjugés persistants ? Toutes les chefs d’exploitation vous rapporteront la question que leur posent invariablement les intervenants extérieurs de l’exploitation : « Il est où, le patron ? »

Tout cela explique sans doute pourquoi, ici ou là, des initiatives, colloques, groupes de parole ont permis d’exprimer les difficultés pour les agricultrices de faire reconnaître leur rôle et leurs qualifications professionnelles. J’en citerai deux exemples : l’opération conduite dans le Gers à l’initiative de la MSA sur le thème « Femmes en milieu rural : du stéréotype à la réalité, quels écarts ? » et une autre, appelée FARAH – « Femmes en agriculture responsables et autonomes en complémentarité avec les hommes » –, originale car transfrontalière avec des actions menées dans le cadre d’un réseau d’échanges transfrontaliers, dans le Haut-Doubs dont je suis l’élue.

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